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Droit des sociétés et fiscalité : panorama simplifié de fiscalité des sociétés. Aide mémoire de Droit des sociétés, par Jessica LEDAN et Hervé CAUSSE



Droit des sociétés et fiscalité : panorama simplifié de fiscalité des sociétés. Aide mémoire de Droit des sociétés, par Jessica LEDAN et Hervé CAUSSE
Ce panorama accompagnera les créateurs d'entreprises pour déterminer la forme de société qu'ils souhaitent. Au profit des étudiants, il complètera également un cours de droit des sociétés dans lequel il est difficile d'évoquer les aspects fiscaux : les étudiants ne suivent guère sentant que l'on n'est plus au coeur du sujet.

Dans la tradition d'un exposé de droit des sociétés, la question fiscale est parfois négligée. Il est vrai que la première des questions est strictement juridique, elle impose de voir la responsabilité des associés, la structure utile au vu du nombre des associés. La question fiscale vient ensuite.

Elle vient cependant vite. Dans la logique de la création d'une entreprise ou structure de gestion de patrimoine (notamment familial), la première question qui vienne est celle de l'imposition des apports, certes après avoir évoqué la différence essentielle entre sociétés soumises à l'IS et les autres, celles dont les profits sont imposés (comme l'on dit) au barème de l'IRPP et (comme l'on dit encore) "dans le patrimoine de l'associé".

Nous prendrons donc l'exposé dans ce sens de la création d'une société pour voir ensuite son imposition en tant que personne morale. Ce panorama fiscal a eu un certain succès. On le comprend. Pour le juriste, ces aspects sont pourtant indispensables. Pour la seconde année sur ce site, ce panorama offre ce tour d'horizon fiscal qui, pour le coup, suppose des connaissances de droit des sociétés. Les intitulés parfaitement classiques dispensent d'une annonce de plan...


Section 1 : Les droits d'enregistrement sur les actes de sociétés

§ 1 : Droits exigibles lors de la formation des sociétés



La formation de la société exige la constitution d'un capital social, donc des apports. Sur le plan fiscal, on distingue essentiellement :

- Les apports purs et simples qui confèrent à l'apporteur, en échange de son apport (exécution du contrat de société !), des droits sociaux (parts sociales ou actions), et seulement cela, titres exposés à tous les risques de l'entreprise et notamment à la perte dudit apport. Par principe, ces apports ne donnent lieu au paiement d'aucun droit d'enregistrement. Par exception, les apports d'immeubles, de droits au bail, de fonds de commerce supportent le droit de mutation de 5 % pour la fraction de la valeur excédant 23 000 € quand ils sont effectués par une personne physique au profit d'une personne morale soumise à l'IS (impôt sur les sociétés). Ils sont toutefois exonérés lorsqu’ils sont réalisés lors de la constitution de la société et que l’apporteur s’engage à conserver pendant trois ans au moins les titres remis en contrepartie de l’apport. En cas de non-respect de l’engagement de conservation des titres, le droit de mutation est immédiatement exigible sans possibilité de fractionnement.

- Les apports à titre onéreux qui sont "rémunérés", eux, par un équivalent ferme et actuel définitivement acquis à l'apporteur et, par conséquent, soustrait aux risques sociaux (ex : espèces, obligations). Ces apports sont considérés comme une vente consentie par l'apporteur à la société. Ce sont donc les droits applicables aux ventes qui sont exigibles. Lorsqu’ils portent sur des immeubles ou droits immobiliers, les apports à titre onéreux sont soumis à une taxation spécifique de 5 %.

- Les apports mixtes, c'est-à-dire en partie à titre pur et simple et en partie à titre onéreux, sont soumis au régime des apports purs et simples pour la partie rémunérée par des actions ou parts de la société bénéficiaire des apports et au régime des apports à titre onéreux pour la partie rémunérée par une contrepartie soustraite aux risques sociaux.


Remarques :

- on passe ici sous silence les opérations visant à accroître les fonds propres sans donner lieu à l'émission d'actions (opérations des sociétés par actions), ainsi que le statut des titres qui ne sont pas des actions mais qui supportent un risque supérieur aux obligations, simples titres obligataires (soit les titres qui ne sont pas du capital mais qui ne sont pas seulement de la dette ordinaire ; exemple : les TSDI, titres subordonnés à durée indéterminée ou les titres participatifs).

- lorsqu'un acte juridique (instrumentum) contient plusieurs dispositions indépendantes donnant chacune ouverture à un droit fixe, seul le droit fixe le plus élevé est perçu. De même, lorsqu'un acte donne ouverture à la fois à un droit fixe et à un droit proportionnel, seul ce dernier est perçu.

- La distinction entre les apports n'a aucun intérêt lorsque l'apport est soumis à la TVA (ex : première cession d'un immeuble achevé depuis moins de cinq ans).


§ 2 : Droits exigibles durant l'existence des sociétés

1°/ Augmentation du capital social


L'augmentation de capital, cruciale à la prospérité des entreprises, se fait ordinairement par une émission de nouveaux droits sociaux (nouveaus titres), lesquels sont souscrits soit par les associés, soit par de nouveaux venus qui deviennent alors associés. Néanmoins, cette voie n'est pas unique et il convient de la distinguer de l'incorporation de réserves :

- Augmentation de capital par apports nouveaux : les apports nouveaux entraînent l'exigibilité d'un droit fixe de 375 € si le capital de la société est inférieur à 225 000 euros et de 500 € dans le cas contraire. Il faut cependant réserver les cas exceptionnels où le droit de mutation de 5 % s'applique (apports d'immeubles ou de fonds de commerce par une personne physique à une société relevant de l'IS).

- Augmentation de capital par incorporation de réserves : les augmentations de capital par incorporation de réserves sont enregistrées au droit fixe de 375 € ou de 500 € selon que le capital social est inférieur ou non à 225 000 €.


2°/ Réduction du capital social

Cette opération est opérée pour des raisons diverses mais, souvent, à cause des pertes successives de la société. En théorie, la réduction du capital pourrait amener à la restitution des apports à due concurrence de la réduction. En pratique, le réduction est faite dans 99 % des cas pour des raisons de pertes : la montant du capital est réduit sans que les associés n'encaissent rien. Cela revient, pour eux, à constater formellement et définitivement leurs pertes. Deux cas doivent néanmoins être distingués :

- Lorsque la réduction du capital est motivée par des pertes subies par la société, l'opération est enregistrée moyennant le paiement du droit fixe des actes innomés, soit 125 €.

- Lorsque la réduction du capital est opérée par répartition d'une fraction des biens sociaux aux associés ou à certains d'entre eux (qu'il s'agisse d'un remboursement en numéraire ou de l'attribution en nature de biens sociaux), l'opération est assimilée à un partage partiel du patrimoine de la société. Les droits exigibles sont donc ceux prévus pour les partages de sociétés, étant précisé que pour les remboursements en numéraire, l'assiette des droits est le montant de la réduction du capital.


§ 3 : Droits exigibles sur les cessions de droits sociaux

La cession d'actions ou de parts sociales est extrêmement courante. Elle permet d'ajuster le pouvoir parmi les associés ou de transférer le contrôle de la société.

Longtemps, les cessions d’actions étaient soumises au taux de 1,10 % plafonné à 4 000 € par mutation alors que les cessions de parts sociales étaient elles soumises à un droit de 5 %. Cela soulignait la négociabilité des actions, laissant les parts sociales à leur simple "cessibilité".

Depuis la loi de modernisation de l’économie (LME), les cessions d’actions ou de parts de sociétés réalisées à compter du 6 août 2008 sont soumises à un taux unique de 3 %, ce qui est une évolution symbolique qui renforce la notion de "droits sociaux", tout en laissant une différence de principe majeure entre "parts sociales" et "actions".

Une distinction fiscale reste toutefois à faire entre ces deux catégories de titres sociaux :

- Pour les actions, le montant des droits reste plafonné, mais le plafond est porté de 4 000 € à 5 000 €. Pour les sociétés par actions cotées, le droit n’est, comme auparavant, exigible que si la cession est constatée par un acte.

- Pour les parts sociales, le montant des droits est diminué d’un abattement égal pour chaque part sociale, comme auparavant, au rapport entre 23 000 € et le nombre total de parts de la société. Mais, lorsque la cession de parts sociales a lieu dans les trois ans d'un apport en nature, elle est considérée comme ayant pour objet les biens (immeubles ou fonds de commerce) représentés par les titres cédés. Le droit de vente est alors perçu selon la nature des biens en cause.

- Les cessions de participations dans les sociétés à prépondérance immobilière non cotée restent soumises à un droit de 5 % sans plafonnement, ni abattement. Est considérée comme étant à prépondérance immobilière, la personne morale non cotée en Bourse dont l'actif est, ou a été au cours de l'année précédent les cessions en cause, principalement constitué d'immeubles ou de droits immobiliers situés en France, ou de participations dans des personnes morales non cotées en Bourse elles-mêmes à prépondérance immobilière.


§ 4 : Droits exigibles en fin de société

Lorsqu'elles n'emportent aucune transmission de biens meubles ou immeubles entre les associés ou autres personnes, les dissolutions de sociétés sont enregistrées moyennant le paiement d'un droit fixe de 375 € ou 500 € selon que la capital social est inférieur ou non à 225 000 €.

Lorsque la dissolution est suivie d'un partage, il faut distinguer selon que la société est passible ou non de l'impôt sur les sociétés.
- Dans les sociétés passibles de l'IS, le régime des partages de sociétés diffère selon le régime fiscal appliqué lors de l'apport aux biens composant l'actif social.
- Dans les sociétés non passibles de l'IS, il faut distinguer selon que les biens partagés constituent des « acquêts sociaux » ou des corps certains apportés à titre pur et simple.



Section 2 : L'imposition des bénéfices

Le régime fiscal emprunte la distinction du pur droit des sociétés, pour distinguer entre les diverses personnes morales, sans s'y tenir systématiquement.

§ 1 : Les sociétés de personnes

On entend par sociétés de personnes en droit fiscal celles dans lesquelles la responsabilité des associés est illimitée. Tel est le cas :
- des sociétés civiles ;
- des sociétés en nom collectif ;
- des GIE et des GEIE ;
- des sociétés de fait ;
- des sociétés de participation ;
- des EURL lorsque l'associé unique est une personne physique ;
- des sociétés en commandite simple pour les seuls commandités.

La détermination du résultat imposable s'effectue au niveau de la société et en fonction de son activité : les bénéfices sont taxés comme des revenus commerciaux, fonciers, agricoles ou non commerciaux selon que l'objet de la société est commercial, foncier, agricole, ou libéral.

Mais, ces sociétés, visées à l'article 8 du Code général des impôts, échappent à l'impôt sur les sociétés. Ce sont les associés qui paient directement l'impôt à raison de leur participation dans les bénéfices et ce que les bénéfices soient distribués ou mis en réserve. Si les résultats de la société sont déficitaires, chaque associé peut imputer sur son revenu global la quote-part du déficit correspondant à ses droits dans la société.


§ 2 : Les sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés (IS)

1°/ Champ d'application


L'article 206-I du Code général des impôts dispose que sont soumises de plein droit à l'impôt sur les sociétés quel que soit leur objet :
- les sociétés anonymes ;
- les sociétés par actions simplifiée ;
- les sociétés en commandite par actions ;
- les sociétés à responsabilité limitée ;
- les sociétés coopératives.

Peuvent également être soumises à l'impôt sur les sociétés sur option, certaines sociétés de personnes. Exemples : les sociétés civiles, les sociétés en nom collectif, les EURL créées par une personne physique.


2°/ Territorialité

L'impôt sur les sociétés s'applique uniquement sur les bénéfices réalisés par des sociétés exploitées en France. Ainsi, et sauf conventions internationales comportant des dispositions contraires, les bénéfices réalisés par des sociétés françaises dans des succursales ou des établissements exploités à l'étranger ne sont pas soumis à l'impôt sur les sociétés en France. Corrélativement, les charges ne sont pas déductibles en France. De la même manière, les entreprises exploitées en France par des sociétés étrangères sont soumises à l'impôt sur les sociétés en France.


3°/ La détermination du résultat imposable

Il s'agit d'une opération, comptable et mathématique, préalable à l'imposition. La détermination du bénéfice soumis à l'impôt sur les sociétés est, en principe, réalisée en fonction des règles prévues en matière de bénéfices industriels et commerciaux. Il convient donc de faire la somme algébrique des opérations suivantes réalisées au cours du même exercice social :

- les produits tirés de l'exploitation courante ;
- les produits divers ;
- les charges d'exploitation ;
- les amortissements et les provisions ;
- les charges financières ;
- les produits et charges exceptionnels : les plus et moins-values.

Le résultat d'exploitation est égal à la différence entre les produits de l'exercice augmentés du montant du stock en fin d'exercice et le montant des achats, frais généraux, amortissements, provisions et le montant des stocks en début d'exercice.


4°/ Calcul de l'impôt exigible

C'est à la société de calculer elle-même l'impôt dont elle est redevable et d'en payer spontanément le montant au Trésor public. Des régimes d'exonération ou d'abattement sur les bénéfices, de caractère temporaire, sont toutefois prévus en faveur des sociétés nouvelles et des sociétés implantées dans les zones franches urbaines ou en Corse. Une exonération temporaire d'IS est également prévu en faveur des reprises d'établissement industriels en difficulté et des entreprises qui créent certaines activités au sein des bassins d'emploi à redynamiser.

L'impôt se calcule sur le résultat fiscal de l'exercice au taux de 33, 1/3 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 1993. Les petites et moyennes entreprises bénéficient de plein droit d'un taux réduit de 15 % pour les exercices ouverts à compter de 2002 sur une fraction de leur bénéfice plafonné à 38.120 €. Quant aux plus-values nettes à long terme , elles sont exonérées sous réserve de la taxation au taux normal de l’IS d’une quote-part de frais et charges de 5 %.

Les personnes morales immatriculées au Registre du Commerce et des Sociétés au 1er janvier de chaque année et soumises à l'impôt sur les sociétés doivent acquitter chaque année une imposition forfaitaire annuelle (IFA) quel que soit le montant de leur résultat fiscal (bénéficiaire ou déficitaire). Le montant de l'imposition varie en fonction du chiffre d'affaires, hors taxe, réalisé par la société au cours du dernier exercice clos. Les entreprises dont le chiffre d'affaires annuel est inférieur à 400.000 € sont exonérées. L'IFA doit être versé à la recette des impôts au plus tard à la date du 15 mars. La société est dispensée de la verser si l'acompte exigible le 15 mars est d'un montant supérieur. L'IFA avait au départ la nature d'un acompte à valoir sur le montant de l'IS. Depuis 2006, elle constitue une charge déductible des résultats imposables. Aucune imputation ne peut être effectuée sur l’IS. En cas de déficit, l'IFA se traduit par une véritable charge financière.

Le paiement de l'impôt sur les sociétés est réalisé sous la forme du versement spontané de 4 acomptes trimestriels calculés à partir du dernier bénéfice connu soumis à l'impôt au taux normal. Le solde est déterminé lors de la détermination du montant du résultat imposable. Il doit être versé au plus tard le 15 du 4ème mois qui suit la clôture de l'exercice. Si les acomptes versés dépassent le montant de l'impôt exigible, l'excédent est remboursé d'office par le receveur des impôts dans les 30 jours du dépôt du relevé du solde.

Les sociétés soumises à l'IS qui constatent un déficit au cours d'un exercice ouvert à compter du 1er janvier 2004 peuvent le reporter sur les résultats des exercices suivants de manière illimitée. Sur option, le déficit peut s'imputer sur les bénéfices des exercices antérieurs (« carry back »).


5°/ La nouveauté de la Loi de Modernisation de l’Economie du 4 août 2008

Pour les exercices ouverts à compter du 5 août 2008, certaines sociétés de capitaux non cotées créées depuis moins de 5 ans peuvent exercer une option temporaire pour le régime des sociétés de personnes.

L’intérêt de l’option est double :
- elle permet l’imputation des déficits subis pendant les premières années d’exploitation sur les résultats des associés personnes morales et sur le revenu global des associés personnes physiques, pour les déficits professionnels.
- elle ne comporte aucune conséquence juridique et la responsabilité des associés reste limitée à leurs apports.

Cette option nécessite l’accord de tous les associés, ce qui est singulier en droit des sociétés, mais ce qui se comprend puisque chaque associé sera, si l'option est prise, une imposition du résultat "dans le patrimoine" de chaque associé .

L'option, valable pour une période de 5 exercices, est réservée :
- aux SA non cotées, SAS et SARL ;
- créées depuis moins de cinq ans ;
- qui exercent à titre principal une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale à l’exclusion de la gestion de leur propre patrimoine mobilier ou immobilier ;
- dont le capital et les droits de vote sont détenus à hauteur de 50 % au moins par une ou des personnes physiques ; 34 % au moins devant être détenus par des dirigeants de la société ;
- qui emploient moins de 50 salariés et ont réalisé un chiffre d’affaires annuel ou un total de bilan inférieur à 10 millions d’euros au cours de l’exercice.

Voilà un panorama, un aide-mémoire. Nous espérons qu'il rendra service.




J. LEDAN, Docteur en droit, H. CAUSSE, Professeur
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