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MAKACLA LE DOSSIER DE LA SEMAINE: Le jour où les Békés se sont mis en colère.


Rédigé le Dimanche 5 Juin 2016 à 12:39 |
En cliquant sur l'un de ces boutons vous allez connaitre mes centres d'intérets En savoir plus sur cet auteur

C'est avec un réel plaisir que MAKACLA vous annonce la sortie en librairie de l’ouvrage de Guy FLANDRINA: "Bananiers de la République en colère".
Le dossier de presse qui nous a été transmis est d’une telle richesse que nous avons décidé d’en faire LE DOSSIER DE LA SEMAINE.


La fièvre s’était exprimée sur le tarmac de l’aéroport et s’était purgée à Paris.

Voici ceux qui aujourd'hui controle la filière, nous sommes loin du tarmac Photo d'illustration fxgpariscaraibes.jpg
Voici ceux qui aujourd'hui controle la filière, nous sommes loin du tarmac Photo d'illustration fxgpariscaraibes.jpg
A partir du lundi 6 Juin MAKACLA vous diffusera des extraits de cette enquête extraordinaire qui ne sort que maintenant en 2016 et qui remonte à l’un des plus grands conflits entre la France et les Patrons de l’économie martiniquaise.

Cette enquête arrive à un moment important même si les enjeux de la CTM peuvent favoriser le regard vers d’autres préoccupations.

En Martinique on observe actuellement que tous les ingrédients pour une nouvelle colère sont réunis. Sur le front social on observe une judiciarisation et une constance dans les jugements de la justice : interdiction pour les syndicats de bloquer l’outil de travail.
Seconde constance une plus grande capacité des patrons à se défendre. Le tissu économique de la Martinique s’est beaucoup nettoyé, et les entreprises qui ont passé la crise de 2009, et, qui on réussit à exister depuis, se retrouvent en position de force, la concurrence s’étant éliminée toute seule. Les patrons sont donc plus forts et plus résistants face à la demande des ouvriers

Ne parle t’on pas de crispation.

C’est donc un ouvrage qui arrive à point nommé, d’autant que tous les décideurs économiques majeurs savent que l’embellie sur l’emploi est véritablement dopée par la mise en formation de milliers de chômeurs.

Bienvenue donc à ce nouvel ouvrage qui a tout pour satisfaire un public curieux d’informations sociales économiques, dans le contexte culturel de la Martinique d’hier décrypté avec le regard aujourd’hui.
Nous accompagnerons ces diffusions par des extraits de l’enquête. MAKACLA analysera ces textes et se permettra de mettre en perspective les positions.

Le titre de l’article vous donne déjà une idée sur le souvenir que MAKACLA se fait de ce conflit.


1er extrait de l’enquête. PRÉAMBULE par Éric de Lucy de Fossarieu Président de l’Union des groupements de producteurs.

Sortie en librairie de l’ouvrage de Guy FLANDRINA: "Bananiers de la République en colère"
Sortie en librairie de l’ouvrage de Guy FLANDRINA: "Bananiers de la République en colère"
« La prise du tarmac », c’est-à-dire l’occupation pendant plusieurs jours des aéroports internationaux de Martinique et de Guadeloupe, a été un événement considérable. Certainement l’un des moments les plus marquants dans l’histoire agricole de nos îles.
Je fais partie de ceux qui considèrent que ce type d’action doit être longuement réfléchi et ne peut être déclenché que dans une situation ultime. En effet, nos régions d’outremer ont été trop souvent, au fil des dernières décennies, l’objet de situations de blocage extrêmement négatives pour leurs économies.

Mais dans cette opération inédite, et d’une envergure jamais atteinte, nous étions en situation ultime. Les producteurs de banane de Guadeloupe et de Martinique lançaient, avec tout ce qui leur restait de force, un dernier appel au secours avant la mort. L’ultime appel d’une profession forte de plus de 10 000 hommes et femmes qui refusaient de mourir. J’ai une conviction profonde. S’ils n’avaient pas trouvé le courage, dans un élan de solidarité exceptionnelle, de mener ce combat, nous ne serions plus aujourd’hui planteurs de banane.

Certains pensent que c’est la prise des tarmacs qui a déclenché le soutien de l’Europe à la filière banane. Il n’en est rien. La question était alors de la seule responsabilité du gouvernement français. C’est, en revanche, ce combat qui a permis à notre filière de survivre jusqu’à la mise en place en juillet 1993 de l’OCMB, l’Organisation communautaire du marché de la banane.

Et lorsque l’on voit la situation actuelle de la banane, le nombre d’emplois qu’elle a pu maintenir tout au long des vingt-cinq années qui nous séparent de cet événement, les centaines de millions d’euros de salaires versés, le nombre de ceux qui vivent directement ou indirectement de la filière, on peut penser que nos producteurs et les dirigeants de la filière de l’époque ont eu plus que raison de se mobiliser de la sorte.

Au demeurant, la population, dans son immense majorité, ne s’y est pas trompée. Elle leur a apporté aide et soutien tout au long de ces cinq folles journées. Nombreux ont été les élus de nos deux îles à se solidariser avec leurs producteurs. Personne n’oublie l’appel d’Aimé Césaire, pas plus que celui de l’archevêque de la Martinique.

J’ai beaucoup de respect pour les leaders de cette action dont Guy Flandrina raconte fort bien l’engagement et la volonté. Il fallait du courage et beaucoup de conviction.



« La prise du tarmac », c’est-à-dire l’occupation pendant plusieurs jours des aéroports internationaux de Martinique et de Guadeloupe,
« La prise du tarmac », c’est-à-dire l’occupation pendant plusieurs jours des aéroports internationaux de Martinique et de Guadeloupe,
J’ai une estime particulière pour Frantz Anexime et Laurent de Meillac en Martinique et Francis Lignières en Guadeloupe dont le rôle sur le terrain aura été essentiel. Et pour Yves Hayot, alors président de la SICABAM, qui à Paris, face au gouvernement, menait le difficile combat de traduire dans les faits les justes revendications de nos producteurs.

Guy Flandrina a pensé à bon escient nécessaire d’écrire cette belle histoire de lutte paysanne antillaise qui a sa place dans les annales de la vie de nos îles. Il a écrit ce livre en toute indépendance d’esprit et son analyse des situations du moment comme de celle dans laquelle se trouve aujourd’hui notre filière est bien entendu la sienne. Le travail de documentation qu’il a réalisé est remarquable. Aussi, c’est avec un grand plaisir que j’ai accepté d’écrire ce préambule.

Éric de Lucy de Fossarieu Président de l’Union des groupements de producteurs.

Nouvel extrait du livre de Guy FLANDRINA

En Martinique, la production de bananes est, en 1991, de 187 564 tonnes. Avec la Guadeloupe, le tonnage français représente un total de 300 000 tonnes environ quand la consommation européenne est de 3,35 millions de tonnes ! Ces chiffres, à eux seuls, expriment que le bras de fer auquel se livrent tant les producteurs que les gouvernements et les multinationales n’est pas une affaire de manchots… Les géants américains, outre leurs bras longs, n’ont d’ailleurs pas fait mystère de leur appétit gargantuesque. Néanmoins, les producteurs antillais disposent encore d’un puissant lobbying, à la fois à Paris et à Bruxelles, en dépit de la taille lilliputienne de leurs exploitations. De plus, ils savent que dans un contexte social particulièrement explosif, ils peuvent tirer profit de la situation – en arguant du taux de chômage déjà élevé 27,2 % ! – pour avoir aussi bien l’oreille de l’Élysée que celle de Matignon.

Les Guadeloupéens et les Martiniquais n’ignorent pas non plus que pour agir auprès de Bruxelles, le gouvernement français doit pouvoir justifier de troubles manifestes sur son territoire dus aux désordres engendrés sur le marché de la banane par le Cameroun et la Côte d’Ivoire. Dans la nuit du dimanche 22 novembre au lundi 23 novembre 1992, c’est la prise des tarmacs, en Guadeloupe et en Martinique ! Les bananiers, des agriculteurs et transporteurs pénètrent dans les infrastructures aéroportuaires du Lamentin et de l’aéroport du Raizet (Abymes).

Commence alors une occupation des tarmacs qui durera quatre jours ! Les rebelles obtiendront l’écoute du pouvoir central grâce à cette mobilisation sans précédent de toutes les classes et catégories sociales, de tous les corps de métier ainsi que de l’écrasante majorité des courants politiques et syndicaux existants dans ces îles ; et plus particulièrement en Martinique.

Même si les dates auxquelles remonte le plus mauvais score de la banane sur les marchés ne font pas l’unanimité, une chose est certaine : 1992 est à inscrire d’une pierre blanche au nombre des années noires ! La cause de la banane semble transcender toutes les barrières sociales, économiques ou ethniques. Mais cette démonstration de force, d’apparence symbiotique, met aussi en lumière, paradoxalement, le racisme interethnique qui sévit sous nos latitudes (surtout entre Békés et Nègres) : ensemble n’est pas mélange ! C’est Aimé Césaire qui, observant son peuple, décrit avec force cette antinomique solitude plurielle :
« Cette foule […] ne se mêle pas : habile à découvrir le point de désencastration, de fuite, d’esquive. Cette foule qui ne sait pas faire foule […] . » Un évitement plus perpétuel qu’occasionnel qui n’invite ni même n’incite au faire avec, à faire ensemble.



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