LA RUSSIE  des candidats aux Présidentielles
 


Les opinions exprimées par les différents candidats aux présidentielles à propos de la Russie révèlent clairement leurs divergences et leurs antagonismes.
Il est également possible de relever, à travers les déclarations ou les programmes des candidats, certaines « lignes de force » ancrées dans une tradition politique, ou au contraire de curieuses évolutions par rapport à cette dernière.
En tout état de cause, les débats laissent apparaître entre les candidats des clivages assez nets, et des rapprochements surprenants.
S’agissant de la problématique des rapports avec la Russie, résumons donc, au risque d’une simplification outrancière, la pensée respective des principaux compétiteurs.
 
 
Commençons par évacuer le positionnement de Nathalie ARTHAUD et de Philippe POUTOU, que leurs convictions trotskystes placent dans une attitude résolument hostile à la Russie d’aujourd’hui, considérée comme capitaliste, réactionnaire, néo-impérialiste, et fort éloignée de la démocratie prolétarienne qu’ils désireraient voir s’instaurer en Russie.
 
Faisons un sort particulier à Benoît HAMON, qui clame en permanence à travers meetings et médias son aversion pour une Russie où régnerait un Poutine ennemi de l’Europe, parfait autocrate et coupable de diaboliques visées expansionnistes.
Laissons-le s’exprimer, tant ses propos sont clairs et sans équivoque. « […]Nous avons là un impérialisme agressif de la part de la Russie qu'il faut traiter avec fermeté et certainement pas avec complaisance ». Il faut noter que Benoît Hamon s’élève ici contre la politique menée par Hollande à l’égard de la Russie, la jugeant trop timorée, ce qui ne laisse pas de surprendre, Hollande s’étant distingué durant tout son mandat par une russophobie ordinaire et simpliste autant que constante et acharnée.
Hamon  reprend les éléments de langage d’un PS qui semble en  être resté aux riches heures de la guerre froide ; il agite le spectre d’une vassalisation de la France par rapport à la Russie, juge inacceptable un dialogue avec elle,  et présente volontiers Poutine comme un  épouvantail.
« Annexion de la Crimée, remise en cause de la souveraineté de l’Ukraine, et qu’est-ce qu’il y a derrière ? Une multitude de petites républiques qui vont être directement menacées […] »
Il n’y a rien de surprenant à voir Hamon s’exprimer ainsi à l’égard de La Russie. En bon petit apparatchik sectaire et dogmatique d’un parti dans le sérail duquel il a été idéologiquement nourri depuis plus de vingt-cinq ans, il récite simplement le catéchisme atlantiste de son parti, hérité de la SFIO de la guerre froide et perpétué avec le P.S.
 
Passons à  Jean Luc MELENCHON, qui vient précisément de s’opposer nettement à Benoît Hamon sur la Russie lors d’un débat consacré aux Présidentielles :
« En Europe, la première chose à faire, c'est une conférence de sécurité de l'Atlantique à l'Oural, parce que toutes les tensions viennent du fait que, quand l'empire soviétique s'est écroulé, personne n'a négocié les frontières avec qui que ce soit […] C'est le moment de négocier les frontières, pas la guerre, la négociation », a déclaré Mélenchon.
Ce à quoi, dans la logique de son hostilité à la Russie, Hamon a cru bon de répliquer :  « C'est extrêmement dangereux […] Je considère aujourd'hui qu'il y a des accords qui sont mis en œuvre, qui doivent respecter la légalité internationale [...] mais qu'il n'est pas acceptable de la part de Poutine qu'il annexe un territoire d'un autre État souverain, qu'il considère aujourd'hui légitime d'entretenir une guerre chez un pays voisin ».
Régulièrement attaqué dans les médias à propos de sa complaisance « coupable » envers les régimes castriste et vénézuélien, et volontiers taxé d’inclinations « répréhensibles » à l’égard du régime russe, Mélenchon s’efforce, à propos de ce dernier, de prendre officiellement quelques distances, et de se montrer assez prudent dans la formulation de ses opinions.
Si on peut le ranger aisément dans le camp de ceux qui réclament un équilibre dans la politique française à propos des rapports entre l’Est et l’Ouest, il n’en reste pas moins que ses rappels des dénis de démocratie du régime russe  et de sa politique « réactionnaire » en matière sociétale ne peuvent accréditer l’idée d’une sympathie démesurée à l’égard du pouvoir russe.
Seuls des « extrémistes » de la pensée unique tels que les « Décodeurs » du Monde et les éditorialistes de « Libé » peuvent pousser l’outrance jusqu’à en faire un ami de la Russie, en écrivant par exemple, arguant de ses positions sur  la Syrie :  « Mélenchon prouve son amour pour Vladimir Poutine », ou encore : « Jean-Luc Mélenchon soutient Vladimir Poutine et la Russie ».
 
Il est possible de situer François ASSELINEAU dans une ligne voisine de celle de Mélenchon, et peut-être même de lui accorder, par rapport à la Russie, un positionnement totalement contraire à la « bien-pensance » des cercles de la Gauche atlantiste et des européistes forcenés de la Droite et du Centre.
Se défendant d’être souverainiste et réclamant le droit pour la France d’être indépendante par rapport aux États-Unis et à  l’OTAN, Asselineau dénonce les traités européens, veut résolument sortir de l’Europe et prône l’abandon de l’euro.
Il réclame une politique d’amitié tant avec la Russie qu’avec la Chine, les BRICS, le monde arabo-musulman, une coopération égalitaire avec l’Afrique subsaharienne et une politique planétaire pacifiste.
 
 
Accusé lui aussi d’être souverainiste, comme s’il s’agissait d’un crime impardonnable, Nicolas DUPONT AIGNAN est clair et net dans ses déclarations publiques. Pour lui, il faut quitter l’OTAN et retrouver une politique étrangère indépendante. Il a plaidé pour une levée urgente des sanctions contre la Russie instituées par l’Europe et réclamées par François Hollande ; il prend parti pour la Russie plutôt que pour l’Ukraine issue de la « révolution » de Maïdan, et il dénonce opportunément une guerre froide latente susceptible de déboucher sur les pires dangers, si ce n’est sur un cataclysme nucléaire.
Mais laissons-le résumer sa pensée : « Il y a une russophobie ahurissante en France. Je ne suis pas un soutien de Poutine, je demande juste que la France ait une politique indépendante des États-Unis ».


Le cas de François  FILLON laisse perplexe. Son « tropisme » russe est avéré. Il est certainement le dirigeant politique français le mieux averti des choses de ce pays, mais il ne peut, dans le contexte de la campagne, faire état des bonnes relations qu’il entretient avec les sphères dirigeantes russes et singulièrement avec Poutine.
Un ami très proche de lui, Igor Mitrofanoff, descendant de Russe blanc émigré de la révolution de 1917, au demeurant plume brillante, ainsi que d’autres relations russophiles et russophones, comme Jean De Boishue, ont dû largement contribuer à l’excellente connaissance qu’il a de la Russie traditionnelle et actuelle.
Ses déboires du moment et son désir d’élargir en vue d’un second tour éventuel le champ de ses suffrages, le contraignent à ne pas trop se prévaloir d’une amitié qui serait vite jugée coupable, voire même à porter sur Poutine des jugements plus que mitigés.
Il serait en effet cloué au pilori s’il s’aventurait à manifester quelque affinité que ce soit envers un Président russe voué aux gémonies par tout ce que la France compte de  russophobes distingués portant le faux nez de l’exigence démocratique.
 
 
Marine LE PEN n’a guère, pour sa part, des « pudeurs de gazelle » comme dirait son meilleur ennemi Mélenchon, lorsqu’il s’agit en pleine campagne présidentielle, de rendre visite à la Russie et à Poutine.
Son voyage en forme de défi, destiné en l’occurrence à accroître sa stature internationale, a fait pousser des cris d'effraie à tous les chantres du « droit-de-l'hommisme » qui peuplent les organes médiatiques dominants.
Au-delà de la conjoncture électorale, les raisons de l'indulgence manifestée par Marine Le Pen à l'égard de Poutine sont, semble-t-il, alimentées à la fois par un héritage idéologique, celui de l'anti-américanisme traditionnel de l'extrême droite française, par les conceptions sociétales de Poutine, par sa défense des valeurs de la Chrétienté (fût-elle orthodoxe), et surtout par sa lutte contre l’Islamisme djihadiste (notamment en Syrie).
Ces sympathies de Marine Le Pen ne paraissent pas « contrariées » par le bouleversement intervenu à la suite de la « révolution » fomentée par l’OTAN et ses « services » en Ukraine, qui a vu, avec l'appui de l'Europe Merkelienne, s'installer à Kiev un régime dans lequel des groupes ouvertement nazis ont plus que leurs entrées.
Ce positionnement de Marine Le Pen constitue, en la matière une sorte de « distanciation » par rapport aux thèses « anciennes », voire traditionnelles du FN.
Il est vrai que, par un renversement de valeurs assez paradoxal, les fascistes et les antisémites qui tiennent le haut du pavé à Kiev ne semblent pas gêner outre mesure les E.U et leurs valets atlantistes européens.
 
 
Passons à Jacques CHEMINADE, qui s’obstine depuis des lustres à émerger de la zone d’ombre où le relèguent ces mêmes médias dominants, ainsi que leurs « experts » et commentateurs attitrés, lesquels ajoutent la bassesse à la condescendance méprisante en le présentant  volontiers comme un farfelu perdu dans un univers d’utopies futuristes délirantes ou comme un candidat perpétuel affligé de pourcentages ridicules.
La lecture de son programme et l’écoute de ses interventions laissent apparaître une toute autre image de l’intéressé. Mais comme il s’agit simplement ici de découvrir son opinion au regard de la problématique russe, voyons en quels sens elle s’exprime.
Cheminade, en dehors des options qui peuvent le faire cataloguer comme un gaulliste de gauche, donc comme un homme politique largement enclin à faire sortir la France de l’OTAN, s’avère être, pour qui se donne la peine de lire ses écrits ou d’écouter ses interventions, un fin connaisseur de l’âme profonde et de la culture russes.
Il inscrit d’ailleurs le destin de la Russie dans une perspective basée sur des données historiques difficilement contestables, voyant en elle un lien naturel entre l’Europe et l’Asie dans le cadre du concept géopolitique de l’Eurasie.
 
 
Il en va tout autrement d’Emmanuel MACRON, qui en européiste déclaré, confirmé, assumé, ne voit la Russie qu’à travers les lieux communs dont nous abreuvent quotidiennement la presse, les radios et les télévisions qui chantent sa louange.
Dans la logique de ses soutiens politiques et de ses financeurs, dans la logique des banques, dans la logique de son pygmalion Hollande, dans la logique de sa propre idéologie, Macron dénonce  « la fascination délétère de Fillon, Le Pen et Mélenchon pour la Russie de Poutine »  (http://lelab.europe1.fr/).
Son nouvel ami et conseiller Bayrou va jusqu’à déclarer pour sa part, si l’on en croit un titre du Figaro : « Fillon et Le Pen font allégeance à Poutine ».
Chez Macron et ses amis, l’épouvantail Poutine tient donc lieu de repoussoir utile pour les électeurs qui seraient tentés d’accorder leurs suffrages à Fillon, Mélenchon ou Le Pen. C’est dire si dans ce camp, on s’embarrasse peu de scrupules pour présenter la Russie sous un jour défavorable, voire détestable.
Les lieutenants de l’intéressé s’évertuent même à dénoncer des attaques informatiques ou autres provenant directement ou indirectement de Russie qui viseraient à déstabiliser Macron comme le fut Clinton lors des Présidentielles américaines.
 
Laissons donc Macron et ses lieutenants à leurs délires et terminons avec le sympathique  Jean LASSALLE, qui à propos de la Russie ne semble pas s’être exprimé de manière catégorique.
Par contre les médias « bien pensants » ( toujours eux) se sont déchaînés contre lui à la suite d’un voyage en Syrie où il a rendu visite à Bachar El Assad en compagnie notamment  de Thierry MARIANI , ami incontestable de la Russie.
Nous laisserons donc le lecteur aller plus avant dans l’exploration de la russophobie ou la russophilie de ce candidat, en estimant pour notre part que son bon sens paysan, enraciné dans les valeurs de son terroir, ne saurait l’amener à porter des jugements partisans frappés de mauvaise foi.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 


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