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Qui sommes-nous?

Loïc Damilaville


Editeur de DNS News depuis 1998, Loïc Damilaville travaille depuis 1997 sur les problématiques liées aux noms de domaine.

Il a fondé en 2005 le Club Noms de domaine, destiné à réunir les personnes en charge des noms de domaine au sein des grandes enteprises.

Il est auteur du Livre blanc sur la gestion des noms de domaine parrainé par l'ACSEL, l'AFNIC, l'APCE, l'APRAM, la CCIP, le CEFAC, le CIGREF, le Club de l'économie numérique, l'INPI, l'ISOC France, le MEDEF, le Ministère de l'économie, des finances et de l'emploi, et l'Union des Fabricants.

Loïc Damilaville est adjoint au directeur général de l'AFNIC.

Il mène aussi des missions de conseil auprès des grands comptes pour les assister dans l'élaboration, la mise en place et le suivi de leurs stratégies de nommage et de présence sur internet.

Contact:
loic[at]dns-news.fr
ou 01 49 73 79 06

Edito février 2023 : un début d’année morose mais une amélioration probable



Etat statistique des nTLDs au samedi 4 mars (données publiées)

Les nTLDs ont poursuivi leur baisse en février, frôlant à présent les 30 millions de noms. Le « pic » de décembre 2022 se confirme donc, de même que l’analyse que nous faisions le mois dernier de la cause possible de cette nouvelle tendance. Il s’agirait de l’amorce d’une purge de longue durée après la période de croissance ininterrompue qui a duré de l’été 2021 à l’été 2022, les noms de domaine arrivant en plus grand nombre à échéance et les créations ayant temporairement de plus en plus de difficultés à compenser les suppressions.
321 000 noms est d’ailleurs dû à seulement 3% (10/321) aux leaders du Top 5, les pertes du .XYZ restant le facteur déterminant pour ce panel. La variation négative des nTLDs est donc un phénomène touchant un grand nombre d’entre eux plus que la conséquence d’un « dégazage » brutal au sein de l’un des leaders, même si es – 160 000 noms du .XYZ n’arrangent évidemment rien.

Le marché des noms de domaine en ralentissement

Plusieurs échos se sont fait jour ce mois-ci, attestant de la morosité du marché en ce début 2023. Les bilans publiés par les registres (voir cette rubrique de DNS News) prouvent que le ralentissement est une réalité vécue par presque tous. Le .COM est lui aussi atteint par ce « post-Covid Blues », selon l’expression de David Goldstein, Verisign n’ayant même pas atteint la fourchette basse des objectifs annoncés (1).
D’autres segments d’activité du marché sont touchés, comme le Second Marché (2) qui, après avoir explosé en 2020 et 2021, « est revenu sur terre » en 2022. Ainsi des chiffres de GoDaddy : +69% en 2020/2021 et seulement +6% en 2021/2022 en comptant l’activité apportée par Dan.com. Une étude focalisée sur les noms déposés dans les gTLDs en format IDN (c’est-à-dire en langages naturels) montre aussi (3) que ces TLDs sont à la peine. Et l’étude ignore les IDN – ccTLDs, qui suivent des pentes identiques.
Face à ce ralentissement, qui n’est pas encore une récession mais pourrait le devenir compte tenu de la situation internationale, certains grands acteurs ont déjà pris des dispositions. Tandis que Verisign peut paisiblement augmenter ses tarifs de 7%, GoDaddy se sépare de 8% de ses collaborateurs comme cela lui est déjà arrivé à plusieurs reprises (4).
Une autre approche, plus positive, pourrait cependant être esquissée : avoir réussi à maintenir en 2022 des stocks constitués pendant les fortes hausses de 2020/2021 tenait de la gageure. Cela signifie que les inévitables vagues de suppressions consécutives aux dépôts plus élevés que la normale de 2020/2021 ont pu être absorbées par la plupart des acteurs. Certains sont très légèrement en perte de stock, mais la plupart s’en tirent avec des taux de croissance situés entre 0% et 5%. Les créations ont pu être moins vigoureuses que dans les deux années précédentes, mais elles ont malgré tout été probablement supérieures, dans la plupart des cas, aux niveaux de 2018/2019. Comme l’indiquait l’auteur de l’article sur le Second Marché, il s’agit d’un « retour sur terre » bien plus que d’une véritable crise.
Les choses pourraient cependant s’envenimer. D’abord parce que la pression des suppressions n’a pas encore été totalement absorbée : il ne faut pas s’attendre à un redécollage miracle au 1er semestre 2023. Ensuite parce que des facteurs étrangers au marché peuvent impacter ce dernier : la guerre en Ukraine et la crise énergétique elle-même source d’inflation et d’augmentation des coûts, donc des tarifs. Les tensions croissantes entre la Chine et les Etats-unis, qui auront certainement tôt ou tard des conséquences négatives sur les comportements de la clientèle chinoise des extensions génériques traditionnelles et nouvelles.
Si le marché reste donc assez dynamique pour l’instant, les taux de croissance des stocks résultant de phénomènes complexes, il est possible que 2023 soit une année frappée du sceau de l’incertitude. L’hypothèse d’un retour aux taux de croissance de 2021 étant exclue, la situation de la plupart des acteurs devrait être assez stable sur l’année, avec un 1er semestre assez difficile et un 2e semestre plus agréable, si les diverses crises internationales n’ont pas empiré entretemps.

nTLDs : un futur round vraiment en perspective ?

C’est dans cet environnement incertain que l’ICANN semble s’être décidée à bouger sur le dossier des futurs nTLDs. Le départ précipité de Göran Marby a peut-être été salutaire en réveillant des énergies tenues assoupies depuis trop longtemps. En tout état de cause, certaines sources (5) évoquent quelques velléités du Board de se pencher sur la question en mars, en s’orientant comme il se doit vers « l’option 2 », c’est-à-dire la plus rapide, la moins coûteuse mais aussi sans doute celle qui sera le plus sources d’ennuis pour ceux dont les besoins n’auront volontairement pas été pris en compte.
Bien sûr, la mise en œuvre de ce Second Round prendra suffisamment d’années pour que la morosité actuelle ne soit plus qu’un souvenir quand les premières extensions arriveront sur le marché. Entretemps le .COM aura atteint 15$ au prix registrar, et même les nTLDs seront presque compétitifs…

Unstoppable ne s’arrête jamais

Le nom de cette entreprise reflète à lui tout seul sa stratégie : aller toujours de l’avant, ne jamais s’arrêter… Ces derniers temps Unstoppable a investi Twitter (6) en permettant aux utilisateurs de ce service d’enregistrer gratuitement des identifiants blockchain en .NFT. Evidemment cette offre est moins reluisante qu’elle n’en a l’air : ces .NFT ne sont pas de vrais noms de domaine, ce qui pourra poser problème si les visiteurs des comptes Twitter en question ne se sont pas eux-mêmes dotés d’un plug-in leur permettant de « résoudre » l’identifiant blockchain comme si c’était un nom de domaine. Il faudra aussi que l’utilisateur optant pour cette offre soit pourvu d’un porte-monnaie capable de gérer des cryptomonnaies : bien sûr, c’est gratuit… mais peut-être pas pour l’éternité… Selon la source, Unstoppable vend ses identifiants à 29$, mais pour l’instant sans frais de renouvellement. Elle indique avoir 3,1 millions d’identifiants en stock.
Mais ce chiffre de 3,1 millions ne signifie pas grand-chose si ces identifiants ne sont pas réellement utilisés. Il faut faire tache d’huile et atteindre une taille critique les rendant incontournables. C’est un pari très honorable, même si la méthode – créer volontairement une confusion en vendant des identifiants blockchain comme s’ils étaient de vrais noms de domaine – l’est moins.
La société mène aussi une politique habile en matière de brevets, déclarant récemment (2) qu’elle n’attaquerait pas en justice les membres de la Web3 Domain Alliance qui utiliseraient les standards défnis par la W3AA, si ceux-ci devaient porter atteinte aux brevets de Unstoppable. En revanche cette clause sauterait pour les membres de la W3AA qui dans l’avenir voudraient attaquer Unstoppable si elle utilisait leurs brevets à ses propres fins.
En somme, Unstoppable envisage la W3AA comme un moyen de déployer ses brevets en tant que standards, tout en bénéficiant gratuitement des innovations faites par les autres membres de la W3AA, sauf à leur interdire l’utilisation des brevets devenus standards s’ils se refusent à cette combinaison.
La chose incroyable est que ce bluff autour des identifiants blockchain semble fonctionner à plein. Beaucoup d’acteurs fascinés par les sirènes des cryptomonnaies, blockchains etc., sans bien comprendre de quoi il s’agit, « veulent en être ». D’autres se préoccupent de protéger leurs marques et se disent sans doute « qu’en être » ne pourrait pas faire de mal. D’autres enfin, les registrars (8), sont appâtés par d’éventuels nouveaux marchés – à quand les .NFT en vente chez GoDaddy ? – tout en étant poussés dans cette voie par les inquiétudes ou les demandes de leurs clients.
L’une des revendications de la W3AA est de faire admettre que ses membres bénéficient ipso facto d’un droit de marque sur un crypto-« TLD » dès qu’ils commenceront à proposer à la vente des identifiants dedans. Ainsi, tous les crypto-« TLD » qu’Unstoppable s’est arrogés jusqu’à ce jour et potentiellement bien d’autres deviendraient opposables aux projets de nTLDs déposés dans le cadre du futur « round » de l’ICANN, d’ici quelques années. Mais aussi, puisque Unstoppable est engagée dans un conflit à ce sujet autour du .WALLET, un crypto-« TLD » créé dans une blockchain ne pourrait plus être utilisé dans une autre. Tout se passe comme si Unstoppable oeuvrait à privatiser à son seul profit ce « Web3 » encore ectoplasmique, en s’arrogeant des « droits de marques » (sans trop se préoccuper des marques du monde réel) et en lui imposant ses propres standards tout en empêchant les futures innovations de lui échapper. Un mécanisme redoutable qui force l’admiration.

(1) Verisign earnings: domain growth even less than expected
https://domainnamewire.com/2023/02/10/verisign-earnings-domain-growth-even-less-than-expected/
(2) Quantifying the domain aftermarket slowdown
https://domainnamewire.com/2023/02/20/quantifying-the-domain-aftermarket-slowdown/
(3) IDNs — small and shrinking
https://domainincite.com/28604-idns-small-and-shrinking
(4) GoDaddy Laying Off 8% of Its Workforce Amid Uncertain Macroeconomic Environment
https://circleid.com/posts/20230209-godaddy-laying-off-8-of-its-workforce-amid-uncertain-macroeconomic-environment
(5) ICANN to approve next new gTLD round next month (kinda)
https://domainincite.com/28587-icann-to-approve-next-new-gtld-round-next-month-kinda
(6) Unstoppable offering free .nft names to Twitter users
https://domainincite.com/28567-unstoppable-offering-free-nft-names-to-twitter-users
(7) Unstoppable Domains makes “non-assertion” commitment to Web3 Domain Alliance
https://domainnamewire.com/2023/02/27/unstoppable-domains-makes-non-assertion-commitment-to-web3-domain-alliance/
(8) First two proper registrars join Web3 Domain Alliance
https://domainincite.com/28608-first-two-proper-registrars-join-web3-domain-alliance

Samedi 4 Mars 2023
Loic Damilaville
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