Etat statistique des nTLDs au samedi 1er avril (données publiées)
Les nTLDs sont repartis à la hausse en mars, rebondissant sur les 30 millions de noms sans toutefois franchir le « pic » de décembre dernier. L’année 2023 reste pour l’instant déficitaire, mais le segment est en croissance sur 12 mois.
Le solde net positif de 275 000 noms est essentiellement dû aux nTLDs du Top 5 (+ 200 000 sur + 275 000), en dépit des pertes assez maîtrisées du .XYZ. Cette variation pourrait donc être l’effet de fortes créations dont on sait qu’elles se traduisent souvent en fortes suppressions l’année suivante. A court terme, le segment se reconcentre avec un part de marché du Top 5 frôlant les 40%.
Le marché des noms de domaine vu par Verisign (4e trimestre 2022)
La Verisign Industry Brief (1) publiée en mars couvre le 4e trimestre 2022.
Le principal constat pour l’année 2022 est l’atonie du segment COM & NET, qui parvient tout juste à rester à l’équilibre après avoir joué le rôle de moteur du marché en 2021. Les Autres Legacys sont stables, ce qui est un exploit dans leur contexte plutôt morose. Les nTLDs sont en progression de 11% après une baisse de 5%. Les ccTLDs enfin sont ceux qui sortent le mieux leur épingle du jeu, avec une croissance de 4.5%.
Au global, 2022 affiche une perfrmance de 2.5% nettement supérieure à celle de 2021 qui était une année « d’aterrissage » après « l’euphorie » de 2020.
La question pour 2023 reste donc ce que deviendra le .COM : s’il se redresse, la performance globale du marché pourrait être plutôt bonne, de l’ordre de 3 – 5%. S’il poursuit son déclin, il pèsera sur la tendance générale et celle-ci sera plutôt proche de l’équilibre, en positif ou en négatif.
nTLDs : ça bout
Longtemps enseveli sous la volonté du CEO de l’ICANN de ne rien faire, le dossier « nouveaux TLDs », ou plutôt futurs TLDs, commence à reprendre vie. Sous l’impulsion de sa nouvelle CEO-par-interim, l’organisation californienne a pris le taureau par les cornes et progresse dans la définition des points d’achoppement déjà réglés, pouvant être facilement réglés et méritant encore réflexion – ces derniers restant au nombre de 38 (2). Et même si les délais de résolution se comptent encore en années, le Board semble s’être réellement emparé du sujet (3) et l’impression donnée est qu’enfin l’ICANN « fait quelque chose » (4).
La pression reste forte, notamment de la part des acteurs économiques qui, tels GoDaddy, se sont positionnés sur le marché des back-end registries (registres techniques pour compte de tiers) et entendent bien obtenir un retour sur investissement le plus tôt possible. Cet acteur est ainsi très présent dans les discussions du « Brand Registry Group », mais il est difficile de savoir, de l’extérieur, si ce « Group » reflète la légitime exaspération de grands groupes frustrés de ne pouvoir obtenir rapidement leur .Marque ou bien la hâte de prestataires pressés de pouvoir facturer les précédents qui ne seraient pas aussi pressés que le prétendent les candidats back-ends.
Ce léger détail excepté, les experts de GoDaddy et alii savent de quoi ils parlent et l’ICANN ferait bien de s’inspirer de certaines de leurs recommandations, notemment lorsqu’ils promeuvent un mécanisme « peu coûteux » (100 000$ tout de même) et rapide pour les TLDs de marque « fermés » ne présentant par construction aucun risque pour les tiers et reposant sur des configurations techniques analogues. Mais c’est sans doute une erreur tactique de leur part, dans le contexte ICANN, que de confondre simplicité des process et réduction des coûts. L’ICANN ne voudra probablement pas de simplification des process si cela doit aller de pair avec une réduction du grisbi qu’elle espère bien retirer de cette opération menée plus ou moins contre son gré. Elle pourrait en revanche prêter une oreille attentive à un discours qui insisterait sur la limitation de sa responsabilité juridique dans un schéma de process « light », accompagné d’une augmentation de sa marge, à tarif inchangé.
Au-delà des tarifs, de la lourdeur des process, etc., d’autres points restent en négociation, comme celui des « closed generics », c’est-à-dire des TLDs correspondant à des termes génériques mais dont l’utilisation est réservée à leurs délégataires. Les membres du GAC (Government Advisory Comiteee) semblent en voie de revenir à leur opposition de principe à ce genre de cas (7), une opposition d’ailleurs partagée par maints registrars craignant de subir un manque à gagner, les TLDs ainsi « privatisés » ne pouvant donner lieu à des enregistrements par le public.
Google ouvre 8 nTLDs
Lorsqu’on parle de « closed generics », on peut mentionner ces huit nTLDs que Google a finalement décidé, après 10 ans de rétention sur étagère, d’ouvir au public (8) : .FOO, .ZIP, .MOV, .NEXUS, .DAD, .PHD, .PROF et .ESQ. La sunrise period débutera le 2 avril et durera un mois, après quoi il y aura une semaine de « early access Period ». L’ouverture générale est prévue pour le 10 mai. Les nTLDs seront complètement ouverts : il s’agit donc bien d’une transformation de « .Marques » en génériques, mais cette évolution fondamentale dans les conditions du contrat souscrit en 2013 ou 2014 par Google auprès de l’ICANN ne semble préoccuper personne.
Le marché des noms de domaine vu par InternetX et Sedo
La société InternetX/Sedo a publié son « Global Domain Report 2023 » en mars, rapport accessible gratuitement pourvu que vous fournissiez vos coordonnées personnelles. Ne voulant pas désobliger les auteurs de ce beau travail en les privant de « leads » bien mérités, je n’évoquerai ici que les données ouvertes communiquées dans un article (9) et laisserai ceux d’entre vous qui le souhaitent télécharger le document complet (10).
Un premier souci est que les données ICANN n’étant disponibles qu’avec trois mois de décalage, ce rapport n’a pu être réalisé que sur la base de données arrêtées avant fin 2022, ou différentes de celles que l’on mesure habituellement.
C’est d’ailleurs l’originalité et l’intérêt de ce travail que d’examiner les données en « vision hébergeur » (ce qu’est InternetX) plutôt qu’en vision « registre » comme le font les autres rapports de ce genre.
Il peut y avoir quelques écarts entre les chiffres d’InternetX et les chiffres déninitifs lorsqu’ils seront connus : ainsi, le .COM est estimé à 160,9 millions tandis que Verisign elle-même, dans son Industry Brief évoquant le 4e trimestre 2022, parle de 160,5 millions. La prise en compte des TLDs de Freenom est plus contestable : classer les .TK, .ML et autres ccTLDs diffusés gratuitement avec les « vrais » ccTLDs n’apporte pas grand-chose, sinon des biais faussant complètement les analyses. Ainsi du constat concernant l’Afrique, qui n’a rien de très étonnant lorsqu’on sait que les 4 ccTLDs cités sont gérés par Freenom et donc diffusés plus ou moins gratuitement (il ne s’agit pas du .QC, qui serait le Québec [ISO 3166-2], mais du .GQ) :
According to the Global Domain Report 2023, several African ccTLDs are experiencing exponential growth. The TLDs .ga for Gambia (+32%), .ml for Mali (+34.9%), .cf for the Central African Republic (21.9%) and .qc for Equatorial Guinea (24.2%) achieved double-digit increases.
Un lecteur non averti peut donc penser que les ccTLDs africains explosent : mais on serait sans doute bien en peine de trouver une majorité d’Africains parmi les titulaires de ces extensions très spéciales.
En revanche, un chiffre très intéressant est celui des noms de domaine ventilés non plus par zone géographique de leurs titulaires, mais de leurs serveurs d’hébergement : si 75% environ des .COM sont détenus par des titulaires américains ou prétendus tels, seuls 55% d’entre eux sont hébergés aux USA, et 11,5% en Chine, soit environ 18,5 millions, un chiffre à rapprocher de celui du CNNIC qui dans son 50e rapport sur l’Internet chinois dénombrait seulement 10 millions de .COM (11). L’écart de 8,5 millions de .COM concerne apparemment les titulaires chinois étant passés par des prête-noms nord-américains (par exemple des systèmes de « Proxi ») mais ayant hébergé leurs noms chez leur prestataire chinois préféré…
Bref, ce rapport est très instructif, tout en méritant un regard critique. Il fait parfois un peu penser aux opinions boursières des banquiers, capables de vous faire voir les marchés en rose même en 1929, 1987, 2011 etc. C’est sans doute pour cette raison qu’il évoque avec enthousiasme la « progression » du .COM alors que 2022 a sans doute été l’une des pires de l’histoire de ce gTLD. Il est bien évident que les noms de domaine ont encore de très beaux jours devant eux. Mais ce chemin ne sera pas tapissé de roses pour tous les acteurs…
WHOIS : NIS 2, le retour
La question de NIS-2 – une directive européenne censément faite pour répondre aux problèmes causés par le RGPD en termes de gestion des données WHOIS – est fort complexe. Le CENTR nous propose (12) une petite mise à jour (vue du point de vue des registres européens de ccTLDs, précisons-le). Sa conclusion laisse entendre que la directive NIS-2 a apporté plus de questions supplémentaires que de réponses, ce qui est la marque d’authenticité de toute bonne directive européenne :
We are yet to see what NIS 2 impact will be on the ongoing GDPR-compliance work at ICANN, and most importantly, if the developments on the multistakeholder model can be taken into account by the EU Member States that are in the process of implementing the NIS 2 legal requirements into their national legislation.
Notons que le RGDP est entré en vigueur en mai 2018, soit il y a bientôt 5 ans, et que les discussions se poursuivent entre fonctionnaires européens et ICANN, pour autant qu’il y ait vraiment matière à discussion entre des points de vue peinant à être conciliés. Ainsi, lire que les registrars seront responsables du traitement des requêtes WHOIS leur parvenant, qu’ils devront qualifier en fonction de leurs lois nationales, laisse planer la vision de bureaux d’enregistrement se rendant benoîtement à la poste chaque matin pour y récupérer les deux ou trois dizaines de requêtes WHOIS arrivées durant la nuit, et postant les réponses à celles de la veille. Le fait que la Commission européenne n’ait apparemment pas encore accédé à l’ère informatique peut expliquer bien des choses ; mais on conçoit l’effarement des registrars, dont le modèle économique repose sur une automatisation extrême, devant ces demandes incompatibles avec leurs modes de fonctionnement. Là encore, commentaire désabusé du CENTR :
The responses to the access requests via the RDRS would need to be assessed by each registrar individually, based on local data protection and other relevant legislation. Registrars would also need to verify the authenticity of these requests according to their internal processes. It is not clear what the benefits of such a system are beyond offering a one-stop shop mechanism for access seekers.
Il est difficile de savoir concrètement comment la vie des ayants droits ou autres acteurs voulant lutter contre des « abus » sera facilitée par ce fatras de règlements, directives, etc. dont les rédacteurs ne se sont pas beacuoup préoccupés ni de leur applicabilité, ni de leur efficience. On peine toujours à trouver la moindre logique dans tout cela – ce qui n’empêche pas l’ICANN d’annoncer (13) des progrès sur son système de divulgation des données WHOIS, lequel devrait voir le jour d’ici un an, et permettre à quelques intermédiaires de faire encore un peu plus d’argent sur le dos des ayants-droits.
Décidément en veine d’inspiration, le CENTR nous communique aussi ses vues quant aux efforts de la Commission pour protéger les nouvelles ou futures indications géographiques (ou appellations d’origine contrôlées) européennes (14). Retenons quelques extraits parmi les plus savoureux en laissant aux plus sérieux (ou plus concernés) d’entre nous le soin de tout lire en détail :
« Despite its noble objectives to protect European cultural heritage, the EU GI reform completely disregards the importance of maintaining access to the essential digital infrastructure, the importance of domain names for establishing one’s digital identity online, and includes far-reaching obligations to share a vast amount of data with an agency that has no business in law enforcement. Some discussions are also heading towards including more registries in the scope, threatening the global multistakeholder internet governance as a result.
Most importantly, however, the far-reaching domain-related provisions in the EU GI reform do not have any meaningful justification and are based on outdated assumptions and a lack of evidence of any widespread issues with GI protection in the EU domain space. » […]
When IPR enforcement enters the domain of essential infrastructure, such as the Domain Name System (DNS), other interests and needs need to be taken into consideration in a careful balancing act. Domain names are not IPRs, and the exclusive rights of IPR holders do not automatically take precedence over all other interests when it comes to the ownership of domain names. […]
In a nutshell, it seems that the EU GI reform firstly completely disregards at least the last 30 years of development of the Domain Name System, along with numerous policies and procedures available for the purposes of effective IPR enforcement within the EU domain space. Most importantly, it does so without any justification beyond general statements and an apparent lack of evidence. […]
However, the fact that the EU GI reform suggests including the DNS in its scope and has based this solely on challenges with the UDRP fundamentally misses the mark. Changes imposed on national ccTLDs will not have any impact on the UDRP and will not solve issues with enforcing GI rights in cases such as rioja.com, gorgonzola.blue and champagne.co. Ironically, simply including gTLDs under the scope of the EU GI reform will also not have any effective impact on the UDRP, but will only create a conflict between legislation and ICANN contracts, as without any effective changes to the UDRP, EU gTLDs will find themselves in a legal conundrum and would most likely be forced to withdraw from the UDRP altogether.
This will effectively strip EU GI holders (and also trademark owners) from out-of-court dispute settlement opportunities, increasing litigation costs and leaving GI enforcement in a more dire state at global level than it is now. »
Tout est dit ou presque…
(1) Verisign Domain Name Industry Brief: 350.4 million domain name registrations in the fourth quarter of 2022
https://blog.verisign.com/domain-names/verisign-q4-2022-the-domain-name-industry-brief/
(2) This is why ICANN is worried about new gTLDs right now
https://domainincite.com/28619-this-is-why-icann-is-worried-about-new-gtlds-right-now
(3) ICANN Board Moves to Begin Preparations for the Next Round of New gTLDs
https://www.icann.org/en/announcements/details/icann-board-moves-to-begin-preparations-for-the-next-round-of-new-gtlds-16-03-2023-en
Les 38 points sont listés à partir de la page 26 du document ci-dessous, section B :
https://www.icann.org/en/system/files/files/scorecard-subpro-pdp-board-action-16mar23-en.pdf
(4) The end of “do-nothing” ICANN?
https://domainincite.com/28665-the-end-of-do-nothing-icann
(5) Recommendations to Expedite the Next Round of Top-Level Domains (Brand Registry Group)
https://circleid.com/posts/20230308-recommendations-to-expedite-the-next-round-of-top-level-domains
(6) Brands want new gTLD fast track
https://domainincite.com/28630-brands-want-new-gtld-fast-track
(7) Governments backtracking on closed generics ban
https://domainincite.com/28659-governments-backtracking-on-closed-generics-ban
(8) Google to drop EIGHT new gTLDs
https://domainincite.com/28673-google-to-drop-eight-new-gtlds
(9) A Snapshot of the Domain Industry in 2023
https://circleid.com/posts/20230309-a-snapshot-of-the-domain-industry-in-2023
(10) InternetX/Sedo Global Domain Report 2023
https://www.internetx.com/en/global-domain-report/
(11) 50th Survey Report, p. 10
https://www.cnnic.com.cn/IDR/ReportDownloads/202212/P020221209344717199824.pdf
(12) The impact of NIS 2 on ICANN76 discussions - the elephant in the room?
https://centr.org/news/blog/icann76-whois.html
(13) Whois disclosure system coming this year?
https://domainincite.com/28625-whois-disclosure-system-coming-this-year
(14) EU geographical indications reform: implications on the digital infrastructure and global internet governance
https://www.centr.org/news/blog/gi-reform-implications.html
Les nTLDs sont repartis à la hausse en mars, rebondissant sur les 30 millions de noms sans toutefois franchir le « pic » de décembre dernier. L’année 2023 reste pour l’instant déficitaire, mais le segment est en croissance sur 12 mois.
Le solde net positif de 275 000 noms est essentiellement dû aux nTLDs du Top 5 (+ 200 000 sur + 275 000), en dépit des pertes assez maîtrisées du .XYZ. Cette variation pourrait donc être l’effet de fortes créations dont on sait qu’elles se traduisent souvent en fortes suppressions l’année suivante. A court terme, le segment se reconcentre avec un part de marché du Top 5 frôlant les 40%.
Le marché des noms de domaine vu par Verisign (4e trimestre 2022)
La Verisign Industry Brief (1) publiée en mars couvre le 4e trimestre 2022.
Le principal constat pour l’année 2022 est l’atonie du segment COM & NET, qui parvient tout juste à rester à l’équilibre après avoir joué le rôle de moteur du marché en 2021. Les Autres Legacys sont stables, ce qui est un exploit dans leur contexte plutôt morose. Les nTLDs sont en progression de 11% après une baisse de 5%. Les ccTLDs enfin sont ceux qui sortent le mieux leur épingle du jeu, avec une croissance de 4.5%.
Au global, 2022 affiche une perfrmance de 2.5% nettement supérieure à celle de 2021 qui était une année « d’aterrissage » après « l’euphorie » de 2020.
La question pour 2023 reste donc ce que deviendra le .COM : s’il se redresse, la performance globale du marché pourrait être plutôt bonne, de l’ordre de 3 – 5%. S’il poursuit son déclin, il pèsera sur la tendance générale et celle-ci sera plutôt proche de l’équilibre, en positif ou en négatif.
nTLDs : ça bout
Longtemps enseveli sous la volonté du CEO de l’ICANN de ne rien faire, le dossier « nouveaux TLDs », ou plutôt futurs TLDs, commence à reprendre vie. Sous l’impulsion de sa nouvelle CEO-par-interim, l’organisation californienne a pris le taureau par les cornes et progresse dans la définition des points d’achoppement déjà réglés, pouvant être facilement réglés et méritant encore réflexion – ces derniers restant au nombre de 38 (2). Et même si les délais de résolution se comptent encore en années, le Board semble s’être réellement emparé du sujet (3) et l’impression donnée est qu’enfin l’ICANN « fait quelque chose » (4).
La pression reste forte, notamment de la part des acteurs économiques qui, tels GoDaddy, se sont positionnés sur le marché des back-end registries (registres techniques pour compte de tiers) et entendent bien obtenir un retour sur investissement le plus tôt possible. Cet acteur est ainsi très présent dans les discussions du « Brand Registry Group », mais il est difficile de savoir, de l’extérieur, si ce « Group » reflète la légitime exaspération de grands groupes frustrés de ne pouvoir obtenir rapidement leur .Marque ou bien la hâte de prestataires pressés de pouvoir facturer les précédents qui ne seraient pas aussi pressés que le prétendent les candidats back-ends.
Ce léger détail excepté, les experts de GoDaddy et alii savent de quoi ils parlent et l’ICANN ferait bien de s’inspirer de certaines de leurs recommandations, notemment lorsqu’ils promeuvent un mécanisme « peu coûteux » (100 000$ tout de même) et rapide pour les TLDs de marque « fermés » ne présentant par construction aucun risque pour les tiers et reposant sur des configurations techniques analogues. Mais c’est sans doute une erreur tactique de leur part, dans le contexte ICANN, que de confondre simplicité des process et réduction des coûts. L’ICANN ne voudra probablement pas de simplification des process si cela doit aller de pair avec une réduction du grisbi qu’elle espère bien retirer de cette opération menée plus ou moins contre son gré. Elle pourrait en revanche prêter une oreille attentive à un discours qui insisterait sur la limitation de sa responsabilité juridique dans un schéma de process « light », accompagné d’une augmentation de sa marge, à tarif inchangé.
Au-delà des tarifs, de la lourdeur des process, etc., d’autres points restent en négociation, comme celui des « closed generics », c’est-à-dire des TLDs correspondant à des termes génériques mais dont l’utilisation est réservée à leurs délégataires. Les membres du GAC (Government Advisory Comiteee) semblent en voie de revenir à leur opposition de principe à ce genre de cas (7), une opposition d’ailleurs partagée par maints registrars craignant de subir un manque à gagner, les TLDs ainsi « privatisés » ne pouvant donner lieu à des enregistrements par le public.
Google ouvre 8 nTLDs
Lorsqu’on parle de « closed generics », on peut mentionner ces huit nTLDs que Google a finalement décidé, après 10 ans de rétention sur étagère, d’ouvir au public (8) : .FOO, .ZIP, .MOV, .NEXUS, .DAD, .PHD, .PROF et .ESQ. La sunrise period débutera le 2 avril et durera un mois, après quoi il y aura une semaine de « early access Period ». L’ouverture générale est prévue pour le 10 mai. Les nTLDs seront complètement ouverts : il s’agit donc bien d’une transformation de « .Marques » en génériques, mais cette évolution fondamentale dans les conditions du contrat souscrit en 2013 ou 2014 par Google auprès de l’ICANN ne semble préoccuper personne.
Le marché des noms de domaine vu par InternetX et Sedo
La société InternetX/Sedo a publié son « Global Domain Report 2023 » en mars, rapport accessible gratuitement pourvu que vous fournissiez vos coordonnées personnelles. Ne voulant pas désobliger les auteurs de ce beau travail en les privant de « leads » bien mérités, je n’évoquerai ici que les données ouvertes communiquées dans un article (9) et laisserai ceux d’entre vous qui le souhaitent télécharger le document complet (10).
Un premier souci est que les données ICANN n’étant disponibles qu’avec trois mois de décalage, ce rapport n’a pu être réalisé que sur la base de données arrêtées avant fin 2022, ou différentes de celles que l’on mesure habituellement.
C’est d’ailleurs l’originalité et l’intérêt de ce travail que d’examiner les données en « vision hébergeur » (ce qu’est InternetX) plutôt qu’en vision « registre » comme le font les autres rapports de ce genre.
Il peut y avoir quelques écarts entre les chiffres d’InternetX et les chiffres déninitifs lorsqu’ils seront connus : ainsi, le .COM est estimé à 160,9 millions tandis que Verisign elle-même, dans son Industry Brief évoquant le 4e trimestre 2022, parle de 160,5 millions. La prise en compte des TLDs de Freenom est plus contestable : classer les .TK, .ML et autres ccTLDs diffusés gratuitement avec les « vrais » ccTLDs n’apporte pas grand-chose, sinon des biais faussant complètement les analyses. Ainsi du constat concernant l’Afrique, qui n’a rien de très étonnant lorsqu’on sait que les 4 ccTLDs cités sont gérés par Freenom et donc diffusés plus ou moins gratuitement (il ne s’agit pas du .QC, qui serait le Québec [ISO 3166-2], mais du .GQ) :
According to the Global Domain Report 2023, several African ccTLDs are experiencing exponential growth. The TLDs .ga for Gambia (+32%), .ml for Mali (+34.9%), .cf for the Central African Republic (21.9%) and .qc for Equatorial Guinea (24.2%) achieved double-digit increases.
Un lecteur non averti peut donc penser que les ccTLDs africains explosent : mais on serait sans doute bien en peine de trouver une majorité d’Africains parmi les titulaires de ces extensions très spéciales.
En revanche, un chiffre très intéressant est celui des noms de domaine ventilés non plus par zone géographique de leurs titulaires, mais de leurs serveurs d’hébergement : si 75% environ des .COM sont détenus par des titulaires américains ou prétendus tels, seuls 55% d’entre eux sont hébergés aux USA, et 11,5% en Chine, soit environ 18,5 millions, un chiffre à rapprocher de celui du CNNIC qui dans son 50e rapport sur l’Internet chinois dénombrait seulement 10 millions de .COM (11). L’écart de 8,5 millions de .COM concerne apparemment les titulaires chinois étant passés par des prête-noms nord-américains (par exemple des systèmes de « Proxi ») mais ayant hébergé leurs noms chez leur prestataire chinois préféré…
Bref, ce rapport est très instructif, tout en méritant un regard critique. Il fait parfois un peu penser aux opinions boursières des banquiers, capables de vous faire voir les marchés en rose même en 1929, 1987, 2011 etc. C’est sans doute pour cette raison qu’il évoque avec enthousiasme la « progression » du .COM alors que 2022 a sans doute été l’une des pires de l’histoire de ce gTLD. Il est bien évident que les noms de domaine ont encore de très beaux jours devant eux. Mais ce chemin ne sera pas tapissé de roses pour tous les acteurs…
WHOIS : NIS 2, le retour
La question de NIS-2 – une directive européenne censément faite pour répondre aux problèmes causés par le RGPD en termes de gestion des données WHOIS – est fort complexe. Le CENTR nous propose (12) une petite mise à jour (vue du point de vue des registres européens de ccTLDs, précisons-le). Sa conclusion laisse entendre que la directive NIS-2 a apporté plus de questions supplémentaires que de réponses, ce qui est la marque d’authenticité de toute bonne directive européenne :
We are yet to see what NIS 2 impact will be on the ongoing GDPR-compliance work at ICANN, and most importantly, if the developments on the multistakeholder model can be taken into account by the EU Member States that are in the process of implementing the NIS 2 legal requirements into their national legislation.
Notons que le RGDP est entré en vigueur en mai 2018, soit il y a bientôt 5 ans, et que les discussions se poursuivent entre fonctionnaires européens et ICANN, pour autant qu’il y ait vraiment matière à discussion entre des points de vue peinant à être conciliés. Ainsi, lire que les registrars seront responsables du traitement des requêtes WHOIS leur parvenant, qu’ils devront qualifier en fonction de leurs lois nationales, laisse planer la vision de bureaux d’enregistrement se rendant benoîtement à la poste chaque matin pour y récupérer les deux ou trois dizaines de requêtes WHOIS arrivées durant la nuit, et postant les réponses à celles de la veille. Le fait que la Commission européenne n’ait apparemment pas encore accédé à l’ère informatique peut expliquer bien des choses ; mais on conçoit l’effarement des registrars, dont le modèle économique repose sur une automatisation extrême, devant ces demandes incompatibles avec leurs modes de fonctionnement. Là encore, commentaire désabusé du CENTR :
The responses to the access requests via the RDRS would need to be assessed by each registrar individually, based on local data protection and other relevant legislation. Registrars would also need to verify the authenticity of these requests according to their internal processes. It is not clear what the benefits of such a system are beyond offering a one-stop shop mechanism for access seekers.
Il est difficile de savoir concrètement comment la vie des ayants droits ou autres acteurs voulant lutter contre des « abus » sera facilitée par ce fatras de règlements, directives, etc. dont les rédacteurs ne se sont pas beacuoup préoccupés ni de leur applicabilité, ni de leur efficience. On peine toujours à trouver la moindre logique dans tout cela – ce qui n’empêche pas l’ICANN d’annoncer (13) des progrès sur son système de divulgation des données WHOIS, lequel devrait voir le jour d’ici un an, et permettre à quelques intermédiaires de faire encore un peu plus d’argent sur le dos des ayants-droits.
Décidément en veine d’inspiration, le CENTR nous communique aussi ses vues quant aux efforts de la Commission pour protéger les nouvelles ou futures indications géographiques (ou appellations d’origine contrôlées) européennes (14). Retenons quelques extraits parmi les plus savoureux en laissant aux plus sérieux (ou plus concernés) d’entre nous le soin de tout lire en détail :
« Despite its noble objectives to protect European cultural heritage, the EU GI reform completely disregards the importance of maintaining access to the essential digital infrastructure, the importance of domain names for establishing one’s digital identity online, and includes far-reaching obligations to share a vast amount of data with an agency that has no business in law enforcement. Some discussions are also heading towards including more registries in the scope, threatening the global multistakeholder internet governance as a result.
Most importantly, however, the far-reaching domain-related provisions in the EU GI reform do not have any meaningful justification and are based on outdated assumptions and a lack of evidence of any widespread issues with GI protection in the EU domain space. » […]
When IPR enforcement enters the domain of essential infrastructure, such as the Domain Name System (DNS), other interests and needs need to be taken into consideration in a careful balancing act. Domain names are not IPRs, and the exclusive rights of IPR holders do not automatically take precedence over all other interests when it comes to the ownership of domain names. […]
In a nutshell, it seems that the EU GI reform firstly completely disregards at least the last 30 years of development of the Domain Name System, along with numerous policies and procedures available for the purposes of effective IPR enforcement within the EU domain space. Most importantly, it does so without any justification beyond general statements and an apparent lack of evidence. […]
However, the fact that the EU GI reform suggests including the DNS in its scope and has based this solely on challenges with the UDRP fundamentally misses the mark. Changes imposed on national ccTLDs will not have any impact on the UDRP and will not solve issues with enforcing GI rights in cases such as rioja.com, gorgonzola.blue and champagne.co. Ironically, simply including gTLDs under the scope of the EU GI reform will also not have any effective impact on the UDRP, but will only create a conflict between legislation and ICANN contracts, as without any effective changes to the UDRP, EU gTLDs will find themselves in a legal conundrum and would most likely be forced to withdraw from the UDRP altogether.
This will effectively strip EU GI holders (and also trademark owners) from out-of-court dispute settlement opportunities, increasing litigation costs and leaving GI enforcement in a more dire state at global level than it is now. »
Tout est dit ou presque…
(1) Verisign Domain Name Industry Brief: 350.4 million domain name registrations in the fourth quarter of 2022
https://blog.verisign.com/domain-names/verisign-q4-2022-the-domain-name-industry-brief/
(2) This is why ICANN is worried about new gTLDs right now
https://domainincite.com/28619-this-is-why-icann-is-worried-about-new-gtlds-right-now
(3) ICANN Board Moves to Begin Preparations for the Next Round of New gTLDs
https://www.icann.org/en/announcements/details/icann-board-moves-to-begin-preparations-for-the-next-round-of-new-gtlds-16-03-2023-en
Les 38 points sont listés à partir de la page 26 du document ci-dessous, section B :
https://www.icann.org/en/system/files/files/scorecard-subpro-pdp-board-action-16mar23-en.pdf
(4) The end of “do-nothing” ICANN?
https://domainincite.com/28665-the-end-of-do-nothing-icann
(5) Recommendations to Expedite the Next Round of Top-Level Domains (Brand Registry Group)
https://circleid.com/posts/20230308-recommendations-to-expedite-the-next-round-of-top-level-domains
(6) Brands want new gTLD fast track
https://domainincite.com/28630-brands-want-new-gtld-fast-track
(7) Governments backtracking on closed generics ban
https://domainincite.com/28659-governments-backtracking-on-closed-generics-ban
(8) Google to drop EIGHT new gTLDs
https://domainincite.com/28673-google-to-drop-eight-new-gtlds
(9) A Snapshot of the Domain Industry in 2023
https://circleid.com/posts/20230309-a-snapshot-of-the-domain-industry-in-2023
(10) InternetX/Sedo Global Domain Report 2023
https://www.internetx.com/en/global-domain-report/
(11) 50th Survey Report, p. 10
https://www.cnnic.com.cn/IDR/ReportDownloads/202212/P020221209344717199824.pdf
(12) The impact of NIS 2 on ICANN76 discussions - the elephant in the room?
https://centr.org/news/blog/icann76-whois.html
(13) Whois disclosure system coming this year?
https://domainincite.com/28625-whois-disclosure-system-coming-this-year
(14) EU geographical indications reform: implications on the digital infrastructure and global internet governance
https://www.centr.org/news/blog/gi-reform-implications.html