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Qui sommes-nous?

Loïc Damilaville


Editeur de DNS News depuis 1998, Loïc Damilaville travaille depuis 1997 sur les problématiques liées aux noms de domaine.

Il a fondé en 2005 le Club Noms de domaine, destiné à réunir les personnes en charge des noms de domaine au sein des grandes enteprises.

Il est auteur du Livre blanc sur la gestion des noms de domaine parrainé par l'ACSEL, l'AFNIC, l'APCE, l'APRAM, la CCIP, le CEFAC, le CIGREF, le Club de l'économie numérique, l'INPI, l'ISOC France, le MEDEF, le Ministère de l'économie, des finances et de l'emploi, et l'Union des Fabricants.

Loïc Damilaville est adjoint au directeur général de l'AFNIC.

Il mène aussi des missions de conseil auprès des grands comptes pour les assister dans l'élaboration, la mise en place et le suivi de leurs stratégies de nommage et de présence sur internet.

Contact:
loic[at]dns-news.fr
ou 01 49 73 79 06

L’Internet, un espace politique. Rencontre avec Stéphane Bortzmeyer.



L’Internet, un espace politique. Rencontre avec Stéphane Bortzmeyer.

Stéphane Bortzmeyer vient de publier aux éditions C&F un livre au titre alléchant: « Cyberstructure - L'Internet, un espace politique ». Je l'ai interviewé en profitant du fait qu'il est physiquement situé à quelques encablures de mon propre bureau, lorsque nous officions « in our Afnic capacity », comme disent nos amis anglo-saxons.

[DNS News] Stéphane, merci d'avoir accepté de répondre à ces quelques questions concernant ton premier livre. Peux-tu te présenter brièvement à ceux des lecteurs de DNS News qui ne te connaissent pas ?
[Stéphane] Je suis ingénieur à l'Afnic, où je m'occupe entre autres de DNS, de veille technologique et de normalisation.

[DNS News] Tu associes directement dans le titre de ton livre la structure de l'internet et son caractère « d'espace politique ». Quel message veux-tu transmettre? Pourquoi ce livre t'a-t-il paru nécessaire à ce moment de l'histoire de l'Internet?
[Stéphane] Au début, l'Internet était perçu comme un « truc en plus », utile, agréable mais pas indispensable. Les questions politiques liées à l'Internet semblaient donc un détail. Aujourd'hui, c'est au contraire l'infrastructure sur laquelle se déroule une grande partie, voire une majorité des activités humaines, des plus futiles aux plus sérieuses. Lorsqu'une infrastructure a autant de place et autant d'importance, on ne peut plus dire que sa politique est un détail. C'est désormais l'affaire de tous et toutes, car tout le monde est affecté par les décisions qui sont prises au sujet de l'Internet, de M. Michu au ministre.

[DNS News] Tu t'efforces dans ton livre d'expliciter le plus simplement possible des aspects techniques apparaissant comme autant de contraintes, mais aussi d'opportunités, au déroulement de la « vie politique » habituelle. Faut-il dissocier, sinon opposer, l'exercice de la politique sur internet à celle du monde réel? En d'autres termes, en quoi l'Internet modifie-t-il dans l'espace « virtuel » les relations entre acteurs politiques (Etats, citoyens) ? L'évolution que nous pouvons constater depuis quelques années - une « reprise en mains » de cet espace politique par des Etats allant parfois très loin dans leur souci de « sécurité » - est-elle une fatalité ou l'expression d'une éternelle dialectique entre « gouvernants » et « gouvernés »?
[Stéphane] Il y a deux positions extrêmes, celle dite « exceptionnaliste » qui dit que l'Internet est tellement différent d'autres espaces que la politique classique ne s'y applique plus. La loi française sur les « fake news » est un exemple d'exceptionnalisme, en imposant des règles plus liberticides sur l'Internet que sur d'autres médias.
Et il y a une autre position extrême qui dit que l'Internet est un espace comme un autre, qui devrait être soumis à exactement les mêmes règles et les mêmes processus. Je suis plutôt du deuxième avis MAIS avec une importante remarque : l'Internet est un système technique, et la politique doit comprendre un minimum de choses sur ce système, pour être raisonnable et efficace. Et l'Internet a aussi quelques autres particularités, comme son caractère très international.
La reprise en main par les États, souvent appuyée sur des mensonges (« Internet est une zone de non-droit ») ou sur des déclarations aux relents colonialistes (« il faut un Internet civilisé ») ou hygiénistes (« un Internet sain »), est une réalité. Toutes les nouvelles technologies de communication ont connu cette période. Rappelons-nous que le premier annuaire des librairies en France avait été établi par la police. Et que le livre était vu comme « une zone de non-droit », « non civilisée », qu'il fallait absolument « réguler ». L'Internet vit donc le même combat entre liberté et répression que d'autres systèmes avant lui, et en même temps que lui.

[DNS News] Tu expliques que les concepteurs et gestionnaires de l'Internet sont, à la fois collectivement et individuellement, dépositaires d'un certain pouvoir pour lequel ils n'ont pas de comptes à rendre autrement qu'à leurs pairs ou à leur propre conscience. N'est-ce pas un biais parfois utile quand les Etats sont des dictatures, mais aussi susceptible de fausser le jeu démocratique - en nous plaçant bien sûr dans l'hypothèse assez théorique d'une "démocratie pure et parfaite", pour faire référence à la « concurrence pure et parfaite » des économistes?
[Stéphane] Je crois être plus nuancé que cela. Je parle par exemple du pouvoir bien réel des auteurs de logiciel qui, par les choix faits, ont en effet un certain pouvoir. Mais ils n'ont pas de comptes à rendre qu'à eux-mêmes. L'Internet est peuplé d'utilisateurs actifs qui se renseignent, discutent, analysent, partagent et exercent ainsi un certain contre-pouvoir. Sur l'Internet, le « Grand Débat », c'est tous les jours.
Quant au rôle de ces pouvoirs non-étatiques par rapport à la démocratie, il me semble que justement la démocratie s'enrichit de la participation de beaucoup d'associations, de clubs, de groupes divers, et qu'il n'y a que les populistes qui demandent qu'il n'y ait rien entre le dirigeant et « le peuple ».

[DNS News] Cela serait d’ailleurs illusoire… Quel serait le message que tu voudrais adresser aux lecteurs de DNS News - hormis de se plonger dans le livre ;-) ?
[Stéphane] De ne pas oublier que les enjeux traditionnels de la politique, par exemple les Droits Humains, sont toujours là et qu'il ne faut pas les oublier dans les débats touffus que nous connaissons. Par exemple, les noms de domaine internationalisés (IDN) ne sont pas juste un problème technique ou un problème de sécurité. Ils posent avant tout une question politique avec le choix « un sinophone ou un hindiphone a-t-il exactement les mêmes droits qu'un anglophone ? »

[DNS News] Et comment peut-on se le procurer?
[Stéphane] De préférence pas en passant par un GAFA. Privilégiez votre libraire (qui peut commander des livres) ou des vendeurs en ligne qui ne disposent pas d'une position dominante
https://cyberstructure.fr/ou-acheter.html

[DNS News] Merci Stéphane, c’est fondamental de pouvoir prendre du temps pour réfléchir aux sujets que tu évoques. Ton effort pour vulgariser des notions ardues pour les non spécialistes (mais si, mais si ;-)) fait partie de ces initiatives servant la démocratie en permettant à un plus grand nombre de personnes de comprendre les enjeux des débats et d’y prendre part.



Vendredi 1 Février 2019
Loic Damilaville
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