| UMAE UN DESIGN A CHARGE DE VALEURS

Umae apparaît en 2004 avec la première collection, mais l'aventure prend ses racines bien en amont au Cameroun et à Madagascar. Nourrie à l'épreuve du terrain, l'expérience se fonde sur Ethnik.org, une association appartenant à la Plate Forme du Commerce Equitable. Alors expatrié au Cameroun, Christian Dagher travaille avec d'autres à la formation des artisans sur des questions de comptabilité, d’actions commerciales, de promotion… Mais rapidement le manque de débouchés se fait jour. L'idée de créer des produits métis, expression des savoir-faire locaux comme du goût et des usages occidentaux, prend forme. "Il fallait sortir du cadre traditionnel. A chaque étape, nous avons essayé de créer l'échange. Les artisans ont pu rencontrer des designers pour la création des produits, des ébénistes pour leur fabrication… puis aborder les questions d'exportation, le suivi de qualité, jusqu'à l'expédition. Notre rôle était de les transporter dans le concret". L'action sur le Cameroun est reproduite à Madagascar.
| Ci-dessus. Chemin de table tissé en sisal et coton, incrusté de bâtons de cannelle (170x50 cm), designers : Hélène Prablanc et Olivia Clouet, artisan : Coopérative Ravaka, pays : Madagascar. Coussins Indigo, existe en 60x60 cm et 40x40 cm, motifs carré, rayures ou fleurs, designer et artisan : Heartwear, pays : Bénin. Vases en céramique Toi & Moi, deux tailles et deux couleurs disponibles, designer : Joël Biet, artisan : Mitra Bali Foundation, pays : Bali, Indonésie.

L'association se libère de ses activités commerciales, avec la création de Umae. La marque de décoration fonde son identité dans la rencontre entre des designers et des artisans et sur des produits composés de matières naturelles et faits à la main. "Nous avons conservé une démarche métissée pour sortir des clichés. Il fallait que des créateurs, des designers, qui évoluent dans le monde occidental, connaissant les besoins, les attentes, les tendances et dotés d'une solide formation, partent à la rencontre des artisans, de leur savoir-faire traditionnels, des matériaux qu'ils maîtrisent, mais dont la vision de nos habitudes, de nos intérieurs, reste réduite. Nous avons confronté la richesse de ces artisans, avec une vision occidentale ou contemporaine de la décoration. Umae est le fruit de cette rencontre".

Pour Christian Dagher, il n'est pas question d'élaborer un florilège de pièces sélectionnées ici et là, mais "de prendre ces objets, ces matériaux, ces savoir-faire et de les confronter à ce que nous avions envie d'explorer". Les matériaux tissent le fil conducteur de la collection et garantissent la continuité, pour que les nouveaux produits ne dénotent pas avec les collections précédentes.

Les céramiques, les textiles blancs et leurs broderies légères délimitent un espace épuré, les bois massifs et les tonalités naturelles dessinent un univers à l'élégance brute, tandis que les bois colorés sont plus impulsifs… La gamme se lit à matériaux ouverts, répartis en huit familles : la céramique, le bois naturel, le bois coloré, la marqueterie de cannelle, le textile brodé de Madagascar, l'indigo, les fibres naturelles et la corne. Les familles s'unissent, s'accordent indifféremment de leur provenance. Si la corne s'harmonique moins avec les bois colorés ou la céramique, elle trouve une unité subtile avec les fibres ou les bois naturels… "La logique va dans le sens des matériaux, ils déterminent l'artisan, ils expriment les ambiances, les équilibres".
| 1. Tabouret Babanki en bois d'ayous évidé, sculpté et teinté rouge, designer : Joël Biet, artisan : KKEDWA - Bamenda, pays : Cameroun.

Forme traditionnelle travaillée et allégée pour plus de modernité, création d'un designer enrichie au savoir-faire de l'artisan… Ancrage culturel de la forme, de la matière, du savoir-faire, lignes de fuites contemporaines qui se frottent à d'autres techniques, à d'autres matériaux, à d'autres envies… Les points de départ sont nombreux et le résultat fondé sur le métissage fait naître une esthétique nouvelle. Ni véritablement du sud, ni totalement du nord, une identité à part entière dont la lecture dépend du contexte et de la sensibilité de chacun.

Pour première immersion, Umae dispose d'une base documentaire composée de contes, de livres de cuisine, d'art, de photos, de vidéos, à laquelle les designers s'imprègnent de la culture du pays. Une mine d'inspiration complétée d'un référentiel, des matériaux, des techniques et des styles, pour mieux appréhender l'univers de chaque artisan. "C'est une approche. Un premier niveau de rencontre entre le designer et l'artisan qui ne remplace pas la vraie rencontre qui a lieu sur le terrain. Nous travaillons toujours avec le designer sur la base d'un pays, d'un matériau, d'une ambiance, d'une envie. Nous savons qu'il y a des limites dans une finesse difficile à atteindre, dans l'exactitude d'un arrondi ou dans une hauteur qui fragiliserait l'ouvrage. L'idée de départ s'affine progressivement à la rencontre des artisans et des possibles. Le dessin donne les indications majeures, mais il est remanié sur place, pour intégrer les réalités du fait main. Les designers doivent avoir cette qualité d'écoute, être réceptifs aux paramètres qui les entourent".
| 2. Bougeoirs Lilin Bagus en acajou teinté, disponibles en plusieurs tailles et coloris, artisan : Fondation Mitrabali, pays : Bali, Indonésie.

Le designer est l'un des composants de cette alchimie. Il apporte son regard, fait le pont entre l'artisan et les goûts du nord. Aujourd'hui ce travail conjoint est indispensable, il donne au produit son identité particulière, son niveau d'exigence et son positionnement dans le paysage décoratif. "Nos concurrents ne sont pas les entreprises du commerce équitable, mais les acteurs de la décoration. Cette concurrence est rude et nous devons jouer à séduction égale. Notre atout réside en ce que les objets sont porteurs de valeurs et d'histoires à travers la rencontre, le métissage et le modèle équitable, mais ils parlent aussi de créativité". Les débouchés ont été rapides. Près d'une centaine de boutiques distribuent les produits Umaé – dont seulement 30% sont des boutiques équitables - auxquelles se sont ajoutées des opérations spéciales menées avec les grands magasins. Umae déborde le cadre du commerce équitable pour séduire un large public. La collection couvre une large gamme prix de quelques euros pour un porte-clefs à plus de 300 € pour les tabourets Babanki. "Il faut être varié, ne pas s'enfermer dans l'élitisme". La régularité est un autre atout que Umae veut mettre de son coté.
| 3. Cuiller à riz Mihinana en corne de zébu et palissandre, designer : Danièle Papet, artisan : Atelier de Haja, pays : Madagascar. | 4. Saladier Kayu Manis en manguier et cannelle incrustée (diamètres, 20, 25 et 30 cm), designer local, artisan : Fondation Mitra Bali, pays : Bali, Indonésie. | 5. Saladiers Mango Manis en bois de manguier et mosaïque de cannelle extérieure (diamètres, 16, 19 et 23 cm), designer : Simon d'Hénin, artisan : Fondation Mitrabali, pays : Bali, Indonésie.

Le commerce équitable diffère du travail des associations. L'équité consiste à établir une nouvelle forme de commerce qui intervient dans le respect des artisans. "Une partie de notre rôle consiste à leur mettre le pied à l'étrier, à forcer le destin, à créer l'occasion, mais il n'est pas question de forcer les artisans à participer à une aventure dont ils n'ont pas envie. Je crois qu'il faut rompre avec cette image caritative du commerce équitable. Il y a une forme d'impolitesse pour ne pas dire de condescendance à enfermer les artisans dans un rôle d'assistés. Ils sont capables de relever des défis, de se mettre en danger en osant d'autres choses. Ils sont capables d'entendre les critiques constructives. Ce n'est pas en nous apitoyant sur leur sort que nous les aideront, au contraire. Il faut parfois provoquer la réaction. Notre rôle n'est pas de leur donner du poisson mais de leur permettre de vivre de leur pêche".

Les collections Umae se dessinent en lignes graphiques réchauffées de couleurs vives et de textures naturelles. La lecture ethnique apparaît lorsque l'on sait l'origine et les valeurs portées par l’objet. Il se charge alors de l'aventure humaine dont il incarne l'aboutissement. Il dit son origine, la main qui l’a dessiné, celle qui l'a façonné, dévoile ses valeurs équitables. "Nous avons envie de parler des rencontres qui sont à l'origine des produits, envie de surprendre les gens qui connaissaient le commerce équitable, d'étonner et de rassurer ceux qui en avaient une image déformée, et parfois simplement de voir les gens se faire plaisir ».
| 6. Coussins de sol brodés et coussins brodés Amboradara, plusieurs coloris de broderie, designer : Joël Biet, artisan : Caramiel, pays : Madagascar.

Umae - www.umae.fr
Ethnik.org - http://ethnik.org
Plate Forme du Commerce Equitable - www.commercequitable.org