| AC MATIÈRE, À FLEUR DE MUR
30/03/2008
Une vieille dentelle, un tampon de teinturier, la texture d'une fourrure, la rugosité d'une écorce, le motif d'un papier peint, le grain d'une peau… Autant de sujets dont elles s'emparent et qu'elles interprètent dans le relief de la matière. Caroline Perrin et Anastasia Piatakhina renouvèlent le genre de la peinture décorative. Elles l'inscrivent dans le goût présent, lui donnent de la modernité et rompent avec l'imitation. Voyage dans la matière !
Bientôt cinq ans que le duo s'est formé et quatre ans que AC Matière a pris forme. "Deux peintres travaillaient déjà avec nous. Nous avions un showroom qui de chez moi a déménagé sur le canal…" Une participation à Maison&Objet les fait entrer dans le vif du sujet. "Nos clients sont en grande majorité des professionnels ou des personnes averties en matière de décoration", poursuit Caroline. Trader revenue de Londres, Caroline voulait passer à autre chose. Venue de Russie en passant par l'Italie, Anastasia finissait une formation à la Fémis (l'école nationale supérieur des métiers de l'image et du son – section décor cinéma). Elles se rencontrent à Paris et sur l'envie de mener ensemble un projet décoratif novateur et personnel. Leur ambition mène la peinture décorative sur une voie d'avenir. Elles l'inscrivent dans le goût présent avec des thèmes et des matières contemporaines. La sortent de la sainte trilogie, faux marbre, peinture à l'éponge, stucco et leurs évangiles.
VARIATION SUR LA MATIÈRE
Un renouveau qui les distingue. "Nous voulions oser d'autres choses. Créer des matières, des effets, sortir de l'imitation. La recherche est permanente. Nous avons des matières et des effets dont nous maitrisons la réalisation et que nous savons adapter aux conditions du lieu, mais aussi aux budgets. Rien n'est jamais figé, poursuit Anastasia. Selon les couleurs, les finitions, une même empreinte pourra évoquer une écorce, une roche, une étoffe… Les techniques, les savoir-faire et souvent les produits sont les mêmes que ceux employés en peinture décorative traditionnelle. "Ces techniques sont très intéressantes, mais nous voulions les employer à de nouvelles expériences, travailler le relief d'une emprunte, d'une inclusion dans la matière, avoir un sujet plus contemporain. Séduire des personnes qui n'auraient jamais pensé à la peinture décorative, renouer avec ceux qui d'écœurement s'en sont détournés. C'est le cas de beaucoup d'architectes avec lesquels nous travaillons. Aujourd'hui, ils s'emparent des échantillons, imaginent des applications… alors qu'ils n'auraient jamais posé le moindre stucco, ni même une peinture à la chaux", expliquent-elles de concert.
THÈMES POUR LE TEMPS PRÉSENT
"Les professionnels et quelques personnes averties savent appréhender ce que nous faisons. Les particuliers peuvent être attirés par une matière et voudront l'appliquer à un mur. Même avec un grand échantillon, il est difficile d'imaginer la force de l'effet pour un œil non exercé. Les particuliers n'ont que très rarement la capacité de projection des professionnels. Mais il arrive aussi que des gens aient un coup de cœur pour une installation du showroom et souhaitent la reproduire à l'identique. Dans ce cas, nous sommes sur quelque chose de maitrisé. Même couleur, même effet, même motif… il y a peu de risque de regret" développe Anastasia.
PANNEAUX DÉCO ET MATIÈRE MURALE
Bien qu'elles travaillent au mur comme au plafond, il ne s'agit pas d'appliquer la matière partout. Si belle soit-elle, sa présence ne doit pas envahir l'espace. "Une matière servie par une harmonie de tons neutres peut habiller un mur entier et donner de la structure à l'espace. Mais un relief très travaillé, renforcé par des couleurs vives et contrastées, capterait toute l'attention s'il était appliqué à l'échelle du mur, et ce n'est pas le but" précise Anastasia. La matière peut aussi s'exprimer par l'intermédiaire de panneaux décoratifs, s'étendre aux portes d'un dressing, à une tête de lit, un paravent, un élément de mobilier, des cloisons coulissantes… "Nous sommes aussi sollicitées pour intégrer esthétiquement ce genre d'éléments ou une surface particulière, comme par exemple le pan de mur d'une cheminée. La matière fournit une alternative au tableau ou au miroir" souligne Caroline. Il en va de même pour les portes de dressing ou de placards, souvent stéréotypées.
Mais les panneaux décoratifs permettent aussi de se lâcher (à partir de 150 € pour un panneau de 30 x 30 cm). "L'idée du coup de cœur assumé et de sa mobilité cadre avec l'époque et la manière dont nous vivons les choses aujourd'hui. La possibilité de passer le panneau d'une pièce à une autre, de ne pas le laisser derrière soi en cas de déménagement. Je n'ai pas forcément envie d'être dans la durée, dans l'immuable, dans une neutralité passe partout… Au contraire, j'aime l'idée de vivre pleinement une envie tapageuse, affirmée, de la déplacer, d'en changer, de la redécouvrir, d'alterner… On ne construit plus le décor d'une vie. Aujourd'hui, la déco vit avec nous et nos envies de changement" explique Caroline.
ÉCLOSION D'ATMOSPHÈRE
Malgré leur savoir faire, Anastasia et Caroline continuent de se laisser émerveiller par la réaction d'un relief, d'une matière, d'un jeu de couleur à son environnement. "C'est une recherche permanente. Le mélange d'un goût esthétique et d'une technique. Mais c'est aussi le fruit d'un travail collectif" expliquent de concert Caroline et Anastasia. Prendre le temps d'explorer la technique. Un exercice où la recherche est renforcée par l'équipe "lorsque vous cherchez une matière, vous avez en tête une idée à atteindre. Vous écartez toutes les étapes qui certes ne touchent pas au but mais qui sont parfois très intéressantes pour elles mêmes. Le regard des autres permet de ne pas passer à coté d'une matière qui à un véritable sens esthétique. Mais c'est aussi une complémentarité et une force", concluent-elles.
Pour en savoir plus... AC Matière - www.acmatiere.fr