Quelques antiquaires ou brocanteurs se portent sur les rives des temps modernes et l'intérêt ne se dément pas. Les objets nous parlent de la vie d'autrefois, comme un héritage oublié. Pourtant le style industriel semble ponctuer la maison depuis quelques temps déjà, comme une rémanence du style loft. Lorsque Paola Navone exprime le luxe abordable d'une bourgeoisie bohème, lors du salon Futur Intérieur, elle agit avec des éléments stylistiques issus de la structure industrielle mais ne se borne pas à la récupération. "Sa cuisine contemporaine était très inspirée du surdimensionnement des volumes industriels. Le salon était aussi représentatif, avec ses meubles de métier en métal, surmontés d'une collection de lettres d'enseignes décoratives. Les créatifs puisent à la source industrielle pour aller vers autre chose. Mieux que de fournir des éléments à exploiter, c'est un véritable réservoir de créativité", souligne François Bernard.

|1. Gros coussins (à partir de 30 €) et jetés de lit (à partir de 220 €), fabriqués par Claudia Fassier à partir de sac de jute et de tissus anciens, La Maison Fassier © DR. |2. Cocotte minute érigée en lampe par Fred Mauve, © DecoEco. | 3. Argenterie détournée en lustre par José Esteves © DR. |4. Suspension industrielle dans la composition de Paola Navone © DecoEco. |5. Classeur en métal Strafor, 1200 €, Les Nouveaux Brocanteurs © DR. |6. Accumulation d'art populaire orchestré et interprété par Alain Fassier, La Maison Fassier © DR © DR. |7. Calandre de Traction Avant, collection privée.

Récupérations et détournements industriels trouvent leur place dans une nouvelle idée du cabinet de curiosités. Nos intérieurs lissent se frottent à la rugosité et au vécu des mobiliers industriels, dont ils détournent l'usage. Nous voici à découvrir des trésors extraordinaires sur quelque vide-grenier, manomètres, poulies, lampes, chaises, meubles d'imprimerie, casiers métalliques, établis, vestiaires, chariots d'usine, balance à grain, bidons... Ici un appartement semé d'enclumes comme autant de sculptures, plus loin un meuble de tri postal, abri de quelques curiosités, tandis qu'un massicot fait office de table de cuisine.
Une ère industrielle qui n'est pas dénuée de poésie et d'étranges télescopages créatifs. José Esteves manie la fourchette et épingle nos couverts comme autant de pampilles gourmandes à ses lustres. Dans La Maison Fassier Claudia déroute toile de jute et tissus anciens en plaid et en coussins, tandis que Alain compose un bestiaire de poulies, scies, et autres figures industrielles au point qu'il est difficile de dire qui de lui ou de la curiosité nourrit l'autre. Fred Mauve fait naître d'étranges mécaniques hybrides douées de lumière... Alors que Louis-Marie Planquette peuple notre imaginaire de "Cenepul" tout droit échappés d'une mythologie de l'objet. Incarnations du style Tolix, Jielde, Strafor... sont recherchés comme autant de légendes vivantes.

| 8. Ceci N'Est Pas Un Luminaire, étranges cyclopes doués de lumière dressés sur leur pied unique... Entre humour et poésie les Cenepuls de Louis-Marie Planquette forment des objets fantastiques dans un télescopage aussi improbable que créatif. © DR

Le territoire industriel comme l'un des derniers secteurs de style intéressant à exploiter dans le mélange et le caractère qu'il apporte à l'intérieur. "Il y a beaucoup de marchandises, des choses inhabituelles, non convenues, dans le dimensionnement, dans la fonction et les matériaux... Des meubles qui se distinguent du mobilier traditionnel de l'habitat par leur style et leur réalisation. La curiosité naît de la nouveauté. Nous découvrons un nouveau langage de mobilier et le transfert a lieu" poursuit François Bernard qui il a quelques années, interprétait le thème à l'occasion de Maison&Objet.
Dans le fond d'un espace noir se détachait une projection de diapositives, apparitions de gravures du XVIIe siècle, mélangées à des tâches d'encre échappées d'un test de Rorschach qui prenait des allures de vertèbres prélevées à un géant, ainsi détournées de leur interprétation psychologique, et auxquelles se superposaient des planches d'anatomie. Une dizaine d'étagères en zinc, étranges élévations autoportantes, se détachaient à l'intérieur de l'espace, éclairées par des ampoules au tungstène. Sensibles à l'approche du curieux, elles découvraient les éléments classiques du cabinet de curiosité répertoriés dans cette atmosphère hors du temps et de l'espace.
| 9. Boîte à retouches de photographe ou de peintre, Napoléon III, collection privée. © DR

Mais déjà quelques explorateurs de l'étrange portent nos étonnements vers les horizons oubliés de systèmes informatiques, resurgis des années 60. Supercalculateur à lampes, designs inventifs, microcosmos de circuits imprimés et correspondance de cartes perforées... L'univers de l'informatique visible et tangible attise le goût de la collection et de la curiosité. Figure emblématique, ancêtre de nos portables, l'Osborne invite son encombrant design de quinze kilos sur les étagères de quelques collectionneurs érudits et passionnés, comme avant eux quelques Remington romanesques. Déjà la passion se partage à travers des expositions, des cabinets de curiosité qui comme leurs prédécesseurs jettent peut être les fondements d'un prochain musée.

| 10. Lampe extraite d'un calculateur, prémice de l'œuvre binaire… Carte perforée, morceau d'histoire d'une informatique comme un orgue de barbarie… Circuit imprimé, représentation classique du thème en tique… Extrait de la collection privée AntéMémoire qui s'expose jusqu'au 8 octobre 2007 au Toit de la Grande Arche.

La Maison Fassier - www.lamaisonfassier.com
Fred Mauve - fred.mauve.neuf.fr
Les Nouveaux Brocanteurs - www.lesnouveauxbrocanteurs.com
Louis-Marie Planquette - www.lmplanquette.com
Jielde - www.jielde.com
Tolix - www.tolix.fr
AntéMémoire - www.antememoire.org
Toit de la Grande Arche - www.grandearche.com