| SOUMIYA JALAL MIKOU, CONTEUSE DE TEXTILE
28/05/2008
Soumiya Jalal Mikou tisse des fils d'émotion et de matières. Comme un trait d'union entre l'architecture et la création, comme un mouvement naturel, cette architecte de formation et de métier prend le temps de suivre sa fibre artistique. Elle devient artisan créateur en tissage et compose des panneaux de matériaux mêlés comme un conteur fait naître les histoires.
La quarantaine comme le point de départ d'une redéfinition, Soumiya Jalal Mikou poursuit son histoire sous une autre forme. "Nous avons tous dans notre histoire une chose comme laissée en suspend et à laquelle on finit par revenir". Une prime orientation artistique, sa formation aux arts plastiques au lycée de Casablanca, la mènera sur les bancs de l'École Spéciale d'Architecture de Paris, mais c'est sur sa terre natale qu'elle revient exercer son métier d'architecte urbaniste. A 40 ans, le besoin viscéral de renouer le fil de son passé artistique se fait pressant, et celle qui ne c'était jamais définie comme telle, finit par accepter son état d'artiste.
|"Sur mon métier à tisser, j'ai cherché à ce que les éléments additionnels au tissage puissent apparaître comme posés à fleur de tissu"… Soumiya Jalal Mikou
|"Sur mon métier à tisser, j'ai cherché à ce que les éléments additionnels au tissage puissent apparaître comme posés à fleur de tissu"… Soumiya Jalal Mikou
|Ci-dessus. Tissage de crin de cheval.
TRANSCENDANCE DE LA MATIÈRE
| D'un point de vu technique, Soumiya Jalal Mikou qui a poussé à l'extrême les capacités du métier à tisser artisanal, compte compléter son exploration à la fois technique et plastique du cuivre associé à d'autres éléments naturels en évoluant d'une manière semi-artisanal et pourquoi pas, poursuivre en milieu industriel.
Une préparation et une expérimentation qui se prolongent jusqu'au métier à tisser pour mettre en musique chaque matériau. Pour Soumiya Jalal Mikou le métier à tisser se révèle un outil formidable, mais la recherche n'est pas étrangère au résultat. Certains fils détournés ont besoin d'une chimie lâche pour que la fibre s'exprime, "il faut savoir ne pas écraser. La matière se dose relâchée, aérée ou densifiée. Il faut savoir mélanger les ors, les cuivres, jouer de la variété pour obtenir un résultat". Dans cet ordre des choses, la préparation du métier à tisser est cruciale. "C'est un outil d'une richesse infinie, entouré de techniques et de savoir-faire tout aussi précieux, dont il faut savoir tirer partie autrement ; comme un instrument de musique et une partition se prêtent à de nouvelles interprétations" poursuit-elle.
FIL CONDUCTEUR
| Tissage de chanvre et de raphia naturel, "la matière atteint le plus haut degré de son expression lorsqu'elle sort du cadre strict de son utilité et de l'usage conventionnel qui en est fait".
Pièces uniques, les panneaux de Soumiya Jalal Mikou se donnent à voir à travers des expositions et des installations artistiques, mais elle habille et structure également l'espace de demeures privées à Barcelone, Bruxelles, Paris, Londres, Athènes ou encore New York, et participe à la décoration d'hôtels. Ses dernières réalisations, la transporte sur les rives de la transparence, jouant de l'opposition des matières pour tour à tour, laisser passer le regard ou renvoyer l'éclat de la lumière. A nouveau l'architecte préside à la création, le tissu se fait parois rigides, s'élève en bannières évanescentes, s'effaçant presque à la lumière du jour pour se révéler, sublimées par l'éclairage, le soir venu.
| Ci-dessus. Tissage de jonc et de raphia synthétique.