CLAUDIO COLUCCI, TALENT EN MOUVEMENT

18/05/2009

Des lignes claires, fluides, aux rondeurs parfois charnelles, un nuancier de couleurs puissantes… autant d’éléments emblématiques des créations de Claudio Colucci. D’un service de couverts dessiné pour Christofle à une maison en Savoie, le designer multiplie les supports d’expression. Un homme aux talents pluriels qui n’hésite pas à explorer les univers qui lui sont confiés afin de surprendre leur identité. Attention, design polymorphe et polychrome…

CLAUDIO COLUCCI, TALENT EN MOUVEMENT
D’un projet à l’autre, le même désir créatif domine. Designer et architecte d’intérieur, Claudio Colucci aime la création à dimensions variables, le renouveau de l’expression et la découverte qui les accompagne. Cosmopolite de naissance et de formation, cet enfant d’une mère autrichienne et d’un père italien, fera son éducation stylistique sur les bancs des Arts Déco de Genève, de l’ENSCI de Paris puis achèvera sa formation à l’école Polytechnique de Kingston avant de s’installer en 1998 à Tokyo puis d’ouvrir une seconde agence à Paris quelques années plus tard. Très récemment, son premier projet d’architecte le mène en Savoie, avec une maison pour laquelle il endosse également le rôle d’architecte d’intérieur. A ce baptême d’architecture, Claudio Colucci ajoute la création d’une prochaine collection de mobiliers pour Neology.

| Co-fondateur des Radi Designer qu’il quitte en 2000, c’est avec l’éditeur Idee que la carrière de Claudio Colucci prend un tournant décisif. | De gauche à droite ● Radiateur Puzzle dans sa version Corian, dessiné pour Runtal en 2008 ● Squeeze Chivas en Corian et laque noire, présentée à la galerie Mitterrand+Cramer, à Genève. Gravée d’un motif Chivas or, cette émanation de la Squeeze diffuse la lumière par le haut mais aussi à travers son motif, et abrite une enceinte avec amplificateur intégré. ● Réduction du siège à bascule Dada, les Mini Dada sont édités par Ligne Roset.

CLAUDIO COLUCCI, TALENT EN MOUVEMENT
Autre projet, autre panorama, le designer intervient également auprès du Novotel-Sofitel de Marseille pour lesquels il redistribue et décore les espaces de réception du Novotel ainsi que les abords de la piscine du Sofitel. Une revue de style et de détails qui s’exprime dans les volumes, l’architecture intérieure, mais aussi le mobilier avec des prescriptions, des fauteuils dessinés pour Neology et le Mini Dada créé pour Ligne Roset, complétés de pièces dessinées exclusivement pour Novotel. « L’hôtel dispose d’un espace plus spécialement destiné aux enfants et nous y avons réuni un cheptel de Mini Dada, mais cette mini chaise à bascule a fini par gagner la plupart des espaces » souligne Claudio Colucci. Dès le mois de septembre, c’est avec une collection dessinée pour Christofle que nous retrouverons le designer, « la ligne se nourrit de cette identité Paris-Tokyo, avec notamment des plats à sushi, des baquettes, et s’inspire du bambou. Nous allons également éditer une ménagère, un service de quarante couverts en argent. » Une seconde collection élégante et très contemporaine, mais plus populaire, est également en préparation, « j’aime aller vers des produits contemporains, destinés à un public plus large, peut être plus jeune aussi », poursuit Claudio Colucci qui se plait à naviguer dans la variété des univers créatifs. Retrouvailles avec Mövenpick, le glacier suisse fait cette année encore appel au designer pour harmoniser le dessin de ses produits à celui de sa nouvelle identité graphique… avant quelques projets d’envergure.
|1. Variation sur le thème classique… Pour l’hôtel Lumen, Claudio Colucci donne du mouvement au médaillon dont il orne les banquettes ou les têtes de lit.

CLAUDIO COLUCCI, TALENT EN MOUVEMENT
| 2. Avec ses lampes Squeeze, Claudio Colucci offre au Corian des courbes et une translucidité inattendues. ● 3 et 4. Une silhouette en plein et délié, dont il explore la sonorité avec la Squeeze Chivas (détail) et l’enceinte magistrale développée pour Kenwood, dont la taille ajourée fait écho aux opalescences lumineuses de sa coupe.

Avant de s’exprimer en volume, c’est en deux dimensions et dans le graphisme que se sont exercés les sens de Claudio Colucci, diplômé en design graphique et design industriel. Une éducation de l’œil et du trait qui n’est pas sans lien avec les lignes claires, caractéristiques de son travail, et son approche graphique du volume. Un sens de l’essentiel proche du logotype. Le trait délimite la forme dans son expression la plus pure : le fauteuil à bascule Dada découpe une silhouette atteinte de volume, tandis que les mobiliers de la collection Génération, procédant de la même dynamique, semblent prendre forme par le pliage. Un goût pour l’épure qui c’est affirmé avec son attache au Japon, « le Japon ne connait ni fioritures, ni mouvements baroques, juste la sobriété de l’essentiel. Mais de ma nature méditerranéenne, j’ai conservé le goût de la générosité et de la couleur, deux éléments forts qui participent également de mon travail ». Paris, Tokyo… Des antipodes que Claudio Colucci aime à rapprocher. Des allés et retours devenus style de vie qui se prolongent jusque dans ses créations, par lesquelles il cultive son goût des opposés qu’il décrit « comme un morphing rapprochant deux éléments pour en former un troisième ».
Si Claudio Colucci signe la plupart de ses créations, dont certaines produites à compte d’auteur en série limitée ou pièce unique, le designer sait également s’effacer derrière la marque à qui il prête son esprit créatif.

COULEUR ET CORIAN POUR INITIALES
Malgré une incursion récente dans la palette colorée du gris, la nature instinctive de Claudio Colucci reste la couleur, avec des unions audacieuses, peu conventionnelles et le magenta pour thème fétiche. « Chaque gris a une couleur et se travaille comme tel. Chaque projet apporte un enseignement et c’est avec l’hôtel Lumen que j’ai vraiment expérimenté cette palette, seulement troublée par la couleur ou exprimée par la matière. Comme une extrapolation, je voulais créer des coïncidences, comme le gris des chambres qui semble s’échapper sur les toits de Paris » précise-t-il.

CLAUDIO COLUCCI, TALENT EN MOUVEMENT

| 5. Edition limitée, la collection des sièges Mutants (Clear Galerie – Japon) adopte les couleurs primaires de l’imprimerie (cyan, magenta, jaune) auxquelles s’ajoute évidemment le noir, et réunit des chaises ou des bancs composés de chaises rendues siamoises par la mutation, et dont seul le dossier évoque le passé génétique. ● 6. Les Caraïbes à nos pieds ou comment mettre nos pas dans l’exotisme des tapis Atoll (édition limité, Terres Nuages, Paris). ● 7. Du pliage nait le design, mais surtout une table dont le ruban se prolonge en assise, surprenant à la vue comme au confort. ● 8. Les Mini Dada, édités par Ligne Roset, pour les petits mais aussi accueillants pour les grands.

Avec la couleur, le Corian est emblématique des créations de Claudio Colucci. Qu’il s’agisse de sa lampe Squeeze, récompensée d’un label Via en 2000, de l’assiette Vib dessinée pour Alain Passard, chef étoilé du restaurant l’Arpège, le Délicabar du Bon Marché ou dernièrement des enceintes magistrales dessinés pour Kenwood, il fait mentir la rectitude présumée du Corian en lui donnant des ondulations charnelles, des transparences insoupçonnées d’opaline et va jusqu’à révéler ses propriétés acoustiques. « La recherche est un autre aspect de mon travail, l’expérimentation des matériaux, des techniques et de leur industrialisation ; des rencontres comme celle de la laque japonaise et du Corian avec l’assiette Vib. Nous avions essayé d’autres laques, sans succès. L’épiderme de la matière accepte ou rejette. C’est aussi l’occasion d’une expression très libre. Les pièces créées dans le cadre de ces recherches restent pièces uniques ou sont éditées en série limitée. Elles sont aussi plus proches de moi, cette création est plus intime. Mais l’apprentissage de la matière permet aussi de développer des projets étonnants, comme le Délicabar qui n’aurait pas été possible si nous n’avions pas fait l’expérience de la translucidité du Corian avec la lampe Squizz » développe Claudio Colucci.

VOYAGES CRÉATIFS
Au cœur du premier arrondissement parisien, l’hôtel Lumen offrira à Claudio Colucci une plongée dans les profondeurs du baroque. Une aventure ornementale aux antipodes de sa nature, mais dans laquelle il embarque avec l’idée d’incarner le style sur un registre atypique. Du baroque, il fait sa matière et préserve le cachet parisien dans le décalage. Une banquette, devenue emblématique de l’hôtel, voit son dossier démultiplié en une effervescence de médaillons, un thème également repris en tête de lit. A l’inverse, d’autres banquettes épousent la géométrie, mais habillent leur apparente rigueur d’un velours sérigraphié d’un motif baroque argent. « Concevoir totalement un lieu, jusqu’à son mobilier est très important pour moi. Au-delà du plaisir que j’y prends, c’est un travail très fort en termes d’identité que de définir un lieu à travers des meubles et des objets uniques ».

CLAUDIO COLUCCI, TALENT EN MOUVEMENT
| 9. Déclinaison bi-colore du radiateur Puzzle de Runtal, dont la chaleur se diffuse au nombre de ses modules. ● 10. Onde de Corian nappée d'une laque japonaise dans la pureté d'un contraste blanc et rouge-orangé, l’assiette Vib peut recueillir les amuses bouche sur son coté pile, et s'offrir en présentation sur son coté laque. ● 11. Une carafe en verre qui en son cœur recèle un verre… Carafe Un Verre, Edition Sentou. ● 12. Claudio Colucci déclare, déclame et décline le cœur dans une invitation à nous lover dans un sofa, sofa Joly Cœur, Edition Idee, Japan.

Le projet de la maison est également le fruit d’une rencontre. « Le client a bien aimé mon processus créatif, ma façon de travailler et cette double culture France-Japon, son épouse étant Japonaise. Il m’a fait réagir à son projet et ma proposition l’a surpris autant que séduit. Il a aimé le scénario proposé qui lui parlait de la vie dans la maison plus que d’une solution architecturale. Il ne s’agissait pas seulement de réhabiliter un relais de chasse, d’autant moins que le quotidien sur quatre niveaux est vite éprouvant. Pour un lieu de vie, il fallait trouver une autre orientation ». Le relais de chasse, réhabilité, est prolongé par la création d’une extension très contemporaine. Un bloc vitré ouvert sur la nature, avec la montagne pour vis-à-vis. « Un discours s’établi entre le naturel et le lieu de vie. Il y a une interactivité entre ces deux espaces » poursuit Claudio Colucci qui pour un premier exercice signe un projet audacieux.

CLAUDIO COLUCCI, TALENT EN MOUVEMENT
| 13. Théâtre d’un mouvement ondulatoire, jeu de perspectives aux contours organiques, à la fluidité comme suspendue, Claudio Colucci habille d’onirisme la découverte progressive du concept store Icona Vera (Paris).

L’horizon du toit végétalisé dénote dans un environnement bâti de chalets avec des toits à deux pans. Avec près de cinq mètres sous plafond, les volumes sont importants. Entièrement vitrée sur l’extérieur, la construction contemporaine offre un bain de clarté rendu possible par la qualité des vitrages d’aujourd’hui. Même le bois déroge aux conventions. Ni blond, ni brun, il prend la teinte saline du bois flotté et tire sur le gris. « En l’occurrence, cette teinte fonctionne très bien dans le paysage de Savoie. Le bois se fond à la pierre, à l’ardoise, trouve un écho avec les toits en zinc des alentours. Le gris est également très présent à l’intérieur, seulement rompu par des accents prune, rose, magenta ». Les charmes opposés de la vieille tour et de son extension très contemporaine s’équilibrent. Le pont entre ces deux espaces temps étant assuré par un volume également vitré qui abrite un jardin japonais… au cœur des Alpes.

Au-delà du dessin, Claudio Colucci sait s’entourer et notamment de ses collaborateurs. Une quinzaine de personnes, des architectes DPLG, des architectes d’intérieur, des designers produits, répartis entre les studios de Paris et de Tokyo. « Si je travaillais seul, je ne pourrais me consacrer qu’à un ou deux projets par an. Les équipes voyagent, nous partageons les projets, physiquement et via Internet qui fournit un espace de partage dématérialisé très efficace. Les échanges enrichissent la créativité et nous cultivons cet esprit multiculturel. L’assiette Vib est emblématique de cette fusion des mondes ; la modernité immaculée du Corian et l’ancestrale laque au rouge, deux savoir-faire, deux signatures, deux histoires unies, formant les deux faces d’une assiette utilisable sur son envers comme sur son endroit » décrit Claudio Colucci.
A l’instar d’une maison de couture, il pose le geste puis le travail prend une dimension collégiale, selon les inclinaisons et les inspirations de chacun. Pour Christofle, la proposition a touché juste, puis le projet s’affine, les ambitions s’ajustent. « Je voulais appliquer une laque japonaise sur les pièces en argent, mais l’idée s’est avérée trop complexe à mettre en œuvre et nous sommes revenus à une laque classique en résine dont ils ont la maitrise. Nous avons donc réparti la réalisation selon la nature des pièces. Les équipes du japon travaillent la laque japonaise des plats à sushi, tandis que les pièces d’argent sont prises en charge par les équipes françaises » poursuit-il.

CLAUDIO COLUCCI, TALENT EN MOUVEMENT
| Une collaboration qui débute sur un concours. L’été dernier, Claudio Colucci signait pour le glacier Mövempick un coffret de dégustation agrémenté des outils du plaisir. ● 14. Coupe de porcelaine prête à accueillir le pot de glace accompagnée de sa cuillère et de son livre sur l’expérience de la dégustation. ● 15. Et afin d’envelopper la dégustation, le designer avait imaginé l’Ice Lounge, espace de détente polysensoriel comme prélevé à la matière avec une cuillère à glace.

Des services créés pour Christofle incarnation du savoir-faire français, aux détours plus industriels d’un radiateur Acova destiné à un public plus large, en passant par les haut-parleurs monumentaux en Corian dessinés pour Kenwood, les sièges Dada pour Ligne Roset ou une prochaine collection pour Neology… L’actualité de Claudio Colucci est à son image, multiple. « Chaque projet nous apporte un enseignement, une nouvelle expérience, un nouveau chalenge, nous fait approcher une culture différente qu’elle soit professionnelle, stylistique, humaine… Chaque projet nous oblige à réfléchir différemment, à rester attentifs. Dessiner un service en argent est aussi passionnant que d’imaginer un lieu de vie. Les hôtels sont à eux seuls des projets multidimensionnels. Ils incluent tellement de choses, du mobilier à l’éclairage, de la distribution du restaurant à l’agencement des chambres, en passant par les abords de la piscine… Mon travail de signature est aussi très satisfaisant, d’autant que beaucoup de galeries invitent désormais le design entre leurs murs. Les pièces de designers trouvent un écho auprès d’un public plus large et les pièces produites en série limitée comme les objets uniques ont une légitimité à gagner ces espaces » conclut Claudio Colucci.

Plus d’information sur le site www.colucci-design.com

SUR LES PAS DE CLAUDIO COLUCCI
Hôtel Lumen | Paris | www.hotel-lumenparis.com
L’Arpège | Paris | www.alain-passard.com
Concept store Icona Vera | Paris | www.iconavera.com
Showroom Terres Nuages | Paris | www.terresnuages.com
Bar à glace My Berry | Paris | myberry.fr
Novotel-Sofitel | Marseilles |
Café Moph | Tokyo |
Boutiques Frédéric Scailteur (chocolatier, pâtissier) | Tokyo |
Agnès b. Voyage | Tokyo | www.agnesb.com