MICHELE GAY, L’EMPIRE DES SENS

11/03/2010

L’homme est un animal doué de sens. Si les plaisirs olfactifs nous mènent par le bout du nez, Michèle Gay s’occupe pour sa part de séduire nos papilles, et mieux encore, elle les surprend à des accords que nos esprits par trop formatés n’oseraient imaginer. Parfumeur culinaire… Non il ne s’agit pas vaporiser quelques fragrances goûtues pour faire oublier la banalité d’un repas englouti sur le pouce… C’est à l’éveil des sens que nous convie cette alchimiste du goût.

MICHELE GAY, L’EMPIRE DES SENS
A la convergence du goût et de l’odorat, elle stimule nos sens mais aussi nos instincts gourmands comme notre esprit. L’olfaction nous met sur le chemin du goût. Le parfum familier de l’encens se charge de nous éveiller au sujet. Le jeu de Michèle Gay évolue entre le sucré et le sacré, car à l’étape suivante l’encens se donne à déguster. Le trouble nait alors de la contradiction de nos sens et de nos habitudes. D’aimer le parfum de l’encens, l’idée d’y gouter apparaît alors incongrue… mais terriblement tentante. « Pourquoi moins l’encens que le laurier, le romarin, des racines ou encore des fleurs. Dès que les codes établis sont franchis se dessine alors la possibilité de la gourmandise, de l’abandon à l’étonnement. Aimer ou ne pas aimer est affaire de goût, c’est subjectif, personnel et tout à fait respectable ». 

MICHELE GAY, L’EMPIRE DES SENS
L’approche de la parfumerie culinaire s’appuie sur la physiologie du goût, « lorsqu’une saveur est appréciée, elle l’est à 20 % par les papilles gustatives, ce contact détermine, le salé, le sucré, l’amer, l’acide… Les 80 % restant passent par la rétro-olfaction, ce que nous sentons par la bouche. Ce territoire en prise directe avec notre cerveau reste à sublimer ; là nous touchons au subjectif, à l’émotion, à l’imaginaire et à la rémanence ». Par son approche novatrice, Michèle Gay nous propose indirectement de réapprendre à savourer, à détecter les différentes tonalités du goût, pour se laisser gagner par l’aventure.

Le parfum de l'encens interagit avec le goût de la texture et selon les arômes qu'il accompagne, il se révèle en nuance changeante, prend des élans de gourmandise ou laisse la fragrance s'exprimer. L'alchimie a lieu avec tous nos sens pour complices éveillés.

Elle nous parle de curiosité, de surprises, de découverte… de plaisirs. Plus qu’une révolution, c’est une rééducation salvatrice. « On peut se limiter aux saveurs naturelles des aliments ou avoir envie de les rehausser, de les sublimer, de les caractériser et c’est dans ce cadre qu’intervient la parfumerie culinaire. Avec les notes culturellement installées, comme avec des notes inexplorées. L’époque s’y prête. La cuisine est désormais un terrain d’expériences, aiguillonnées par la curiosité et un goût toujours plus partagé pour l’inconnu, l’inattendu ».

Le goût de l'odeur
MICHELE GAY, L’EMPIRE DES SENS
Mais le goût ne suffit pas. S’il est l’âme, son corps est la texture. La démonstration matérialise l’influence de deux granularités. Une même proposition, un même parfum, et une dégustation qui procède à l’identique du nez. « Le concentré de parfum obtenu à partir d’huiles essentielles est posé sur une texture, en l’occurrence un concentré de biscuit, mais cela pourrait être du sucre, du sel, une huile, une poudre d’amande… comme un parfum est posé sur un alcool ou une résine pour une bougie. Le parfum interagit avec le goût de la texture. Sur la même matière faite de Spéculos, de Shortbread et de meringue, il est révélé différemment selon la granulométrie fine ou plus grossière ».

Michèle Gay nous invite à une nouvelle aventure du parfum, une dégustation surprenante qui porte le goût vers d'autres sensibilités.

L’une développe une gourmandise de gâteau tandis que la seconde laisse parler la fragrance. Le plaisir a le goût de l’odeur ! Il a du relief aussi. Aux accents de cannelle succède une subtile nuance de fleur, la rose de Damas et comme le parfum, le gout révèle ses notes de tête, de cœur et de fond, pour ne laisser en souvenir de son passage que la délicatesse de l’encens qui reste en bouche. La seconde expérience offre plus d’espace au parfum, mais livre à son tour des notes surprenantes, la rose de Damas, le bois de santal, bois de Gaillac… Et c’est à une nouvelle sophistication peut être, mais assurément à de nouvelles nuances que Michèle Gay invite nos sens. La table se pare d’une certaine sophistication au jeu de la subtilité, et si le principe n’est pas totalement nouveau, en d’autre temps les terrines s’offraient au relief d’une confiture d’oignon, le parfum apporte avec délice ce plaisir retrouvé, interprété à d’autres notes et enveloppé d’un nouvel élan sensoriel. « Le parfum culinaire, souligne une émotion, renforce un caractère, mais ne peux rien seul. Il ne se suffit pas. Et de retrouver l’appétit, la table redevient l’espace du plaisir des sens ».

J’ai composé des familles olfactives parce que je ne voulais pas déplacer celles issues de la parfumerie, cela n’aurait pas eu de sens, ni celles de la cuisine qui m’auraient limitée aux notes sucrées, salées, acides… De cette démarche sont nées des familles établies sur l’émotion : épicurien, rebelle, intemporel, naturel, émotionnel et sensuel. Une personnalité dévoilée par le parfum… un principe qui se vérifie à l’occasion des formations de cohésion d’équipe qu’elle peut mener en entreprise. « L’encens est une résine, le vétiver est une racine, le patchouli est une feuille. Et de redécouvrir les vertus gustatives de certaines plantes oubliées au patrimoine de nos jardins, je ne serais pas étonnée de découvrir que dans un passé lointain, je pense notamment à l’antiquité, toutes ces plantes dont nous n’avons conservé que le souvenir odorant, étaient cuisinées ». Et pour celles et ceux qui aspireraient à étonner leur sens, Michèle Gay a pour projet d’ouvrir une école du goût à Paris, pour nous libérer des idées reçues et remettre au gout du jour la philosophie d’Epicure.

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Michèle Gay - www.michelegay.com