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Douleurs antérieures du genou, l’oubliée : la plica médiale

Par Erwan Tanguy

Photos MMG 2001



Douleurs antérieures du genou,  l’oubliée : la plica médiale
            Le diagnostic différentiel, des multiples causes de douleurs antérieures du genou, n’est pas toujours évident.
            Toutefois, si l’on s’accorde plus ou moins facilement sur la mise en évidence des tendinopathies, des cornes antérieures méniscales, des syndromes fémoro-patellaires, etc… une cause souvent mésestimée est celle de l’atteinte de la plica médiale.
Retour sur une structure à investiguer.
 
 
            Anatomie : au genou, la synoviale forme des replis identifiés au nombre de 3 ou 4 selon les auteurs. Ces replis sont naturels et sont des subsistances de l’évolution, lors de l’embryogénèse, des différents compartiments du genou. Ils s’atrophient, généralement, pour ne former à l’âge adulte que des résidus plus ou moins importants. Toutefois, chez l’adulte, ces replis peuvent conserver un volume plus important et éventuellement poser problème.
On trouve la plica supérieure qui compartimente le cul-de-sac quadricipital, la plica inférieure qui est liée au paquet graisseux de Hoffa et la plica médiale qui est l’épaississement palpable, parfois, en dedans de la rotule et qui s’interpose entre la rotule et le fémur. Cette plica médiale, ou interne ou fémoro-patellaire se retrouve sur 50 à 70 % de la population (seulement 20% selon certains auteurs !). Elle est la plupart du temps asymptomatique mais parfois son volume ou l’évolution de son état (fibrosée, inflammatoire…) peuvent en faire un élément agressif entre le fémur et la rotule et devenir symptomatique.
 
 
 


Douleurs antérieures du genou,  l’oubliée : la plica médiale
Tableau clinique : il est admis de ne pas considérer une plica, même épaisse et largement palpable, comme un problème si le tableau reste asymptomatique. En revanche, lorsque des douleurs surviennent dans la région, il est malheureusement de coutume d’incriminer l’articulation fémoro-patellaire, un syndrome d’engagement, des douleurs projetées de tendinopathies rotuliennes voire de la patte d’oie ou encore des douleurs projetées d’Osgood shlatter.
 

 


Douleurs antérieures du genou,  l’oubliée : la plica médiale
Physiopathologie : la plica médiale étant un élément de la synoviale, toute atteinte de celle-ci entrainera donc un remaniement tissulaire de la plica aussi.
L’anamnèse rapporte deux processus d’apparition, relativement classiques.
L’aigu dû, très souvent, à un choc à la face interne du genou (coup, genou heurtant le tableau de bord en voiture…) et donc pouvant engendrer une synovite (transitoire ou chronique) ou un hématome synovial.  On pourra  retrouver aussi un hématome intra-articulaire et/ou une synovite suite à une lésion méniscale non objectivée primairement.
 Le chronique dû, généralement à des activités demandant des flexions/extensions répétées comme bien évidemment la course à pied ou  le vélo. Le mouvement itératif entrainant une contrainte d’une plica épaissie ou de qualité moindre, plica mise sous contrainte par une cinématique inadéquate.
Les deux mécanismes créant le conflit sont soit le frottement de la plica sur partie fémorale (auquel cas on pourrait comparer cette irritation en médial, au syndrome de l’essuie glace –STIT- en latéral),
 


Douleurs antérieures du genou,  l’oubliée : la plica médiale
soit le conflit/écrasement de la plica entre la rotule et le fémur (auquel cas on pourrait comparer cela à un impigement classique d’une structure conjonctive entre deux structures osseuses). L’amplitude articulaire la plus contraignante se situant entre 30 et 45° de flexion.

En chronique, on retrouvera aussi des causes telles que la présence de corps étranger (ce qui nécessiterait un shaving), une tendance à la sub-luxation patellaire, des suites post arthroscopie, etc…
Par ailleurs, bien qu il soit évident que toutes les pathologies (ostéochondrite disséquante, chondromalacie, érosion catliganineuse…) engendrant une contrainte sur la plica vont être des facteurs aggravants, il est reconnu qu’il n’est pas indispensable d’avoir un contact fémoro patellaire avec la plica pour créer la pathologie.
 


Douleurs antérieures du genou,  l’oubliée : la plica médiale
L’atteinte touche particulièrement l’adulte jeune mais l’enfant peut être touché lui aussi.
50% des sujets présentent des antécédents de traumatisme à type de choc ou d’entorse ayant entrainé une hémarthose.
La plupart des patients ont, ou avaient, une activité physique soutenue et impliquant la répétition marquée de flexions/extensions telles qu en course à  pied, vélo, natation (brasse))…
Les activités qui incrémentent la mise en charge fémoro-patellaire, amplifient le phénomène (escaliers, travail à forme de squatts, agenouillement…).
 
Diagnostic : répétons que la plupart du temps les plicas sont asymptomatiques. Par conséquent, une douleur sur la face interne du genou, au dessus de l interligne articulaire, relativement proche de la rotule, doit entrainer l’éventualité d’une plica médiale pathologique.
Le sujet décrit aussi fréquemment une forme de raideur en antérieur ou antéro-médial, une sensation d’instabilité, un ressaut.
On retrouve dans 1 cas sur 2, un début d’amyotrophie quadricipitale.
 
A la palpation, on cherchera donc la plica médiale dans la zone incriminée. Elle n’est pas souvent palpable même dans les cas symptomatiques (15% des cas).
Le ressaut éventuel est reproductible entre 30° et 60° dans 50% des cas en voyageant de la flexion à l extension.
 
Les tests de références sont le Hugston’s Plica Test, le Mediopatellar Plica Test et le Plica « Stutter » Test. Les deux derniers étant considérés comme moins précis sur les plans de  la sensibilité,  de la spécificité, de la valeur prédictive positive et négative, et de la précision diagnostique, on privilégiera l’utilisation du Hugston’s Plica test.
 
Le hugston’s plica test : sujet en décubitus dorsal, à partir d’une flexion de genou de 90°, MK en homolatéral, déplacer -avec le talon de la main craniale- la rotule vers la translation médiale, placer pulpe des doigts examinateurs sur la zone ciblée de la plica, la main caudale met le tibia en rotation interne sous fémur, aller vers l’extension complète et revenir vers la flexion. Le test est positif s’il redéclenche les douleurs ressenties précédemment par le sujet en situation réelle. Le test provoque dans 50% des cas, un ressaut voire un claquement.
 
La spécificité du test étant limitée, il convient de ne pas perdre de vue les autres pathologies éventuelles. A noter notamment, que souvent, une lésion méniscale peut offrir un tableau similaire (toutefois, le point exquis du ménisque interne se situe plutôt sur le LCL au niveau de l’interligne, et donc on peut repéciser ici que souvent ce n’est pas un signe d atteinte du LCL qui lui voit son point exquis plutôt sur son attache fémorale).
 
L’IRM permettra de confirmer le diagnostic. Nakanishi et al. Donnent 93% de sensibilité et 81% de spécificité. Particulièrement si un épanchement intra articulaire est associé.
 
Traitement :

Le traitement conservateur (puisque la chirurgie par résection est envisageable) impose une période de repos, une médication à base d’AINS, la réduction de l’épanchement articulaire et autres symptômes associés  par le protocole POLICE.
 
Puis travail en défibrose de la plica par friction profonde, crochetage et scrapping.
 
Thérapie manuelle
- du genou mais aussi des articulations sus et sous-jacentes (défaut de RE à la hanche, de RI au genou, sous-talienne…)

Taping
Montage en relâchement des muscles surprogrammés ( TFL,fibulaires...)
Montage en facilitation des muscles faibles ( moyen fessier)
Montage antalgique sur plica
 
Ensuite, travail d' assouplissement ( muscles de la patte d’oie, triceps sural mais aussi TFL en latéral) et de renforcement de la région (quadriceps, abducteurs et rotateurs externes de hanche).
 
Enfin, travail d’alignement des segments et des articulations que ce soit sur des séquences descendantes (défaut de placement de la hanche…) ou ascendantes (effondrement de la sous-talienne vers l’éversion en charge imposant une contrainte en valgus au genou).
 
Conclusion : 

Il est bien évident que lors de douleurs fémoro-patellaires et projections de ces dernières, une plica médiale pathologique ne sera pas le diagnostic le plus fréquent. Et notamment devant un tableau qui pourrait laisser penser à une plica médiale, retenir que le ménisque interne peut être souvent la cause des symptômes. Toutefois, nous ne saurions laisser de côté l’oubliée des pathologies du genou, qui une fois diagnostiquée répond positivement à un traitement conservateur s’il est bien conduit, un peu à l’instar du traitement du STIT (syndrome du tractus ilio-tibial) en latéral. Malgré tout, ces pathologies présentent des taux de récidives et de persistance a minima des douleurs, non négligeables. Notons enfin que la chirurgie, si elle présente des avantages, devra être conduite de manière très précise afin de ne pas agresser le rétinaculum patellaire médial et d’engendrer une sub luxation externe de rotule.