KINESPORT KINESPORT


   



Genou : Cicatrisation du LCA spontanée : mythe ou réalité ?



Les pathologies du genou sont diverses et représentent avec la cheville et les lésions musculaires, les principales indications de consultations en kinésithérapie du sport. A la plus haute place des atteintes graves du genou en traumatologie sportive, la rupture du croisé antérieur est une pathologie dont la prise en charge aujourd’hui est bien connue et de plus en plus codifiée, que ce soit pour une ligamentoplastie ou une réhabilitation préopératoire.

Dans le cas de la ligamentoplastie, de nombreux protocoles ont ainsi fleuris dans les cliniques chirurgicales spécialisées et dans les recommandations de l’HAS mais guident seulement la thérapeutique. Donnant les grands principes des phases cliniques et les délais à respecter pour optimiser la cicatrisation des sites de greffe et du transplant lors d’une ligamentoplastie, ils ne peuvent cependant verrouiller une thérapeutique qui pour bien des patients reste personnelle dans la progression clinique et donc forcément propre à un individu spécifique. Sans perdre de vue bien entendu les délais de cicatrisation et en restant impliqué dans une coopération permanente avec le chirurgien ou le médecin ayant en charge notre patient, la rééducation d’une ligamentoplastie se veut désormais clinique et non purement théorique.
Aujourd’hui, les ligamentoplastie ne sont plus les seules rééducations de « croisé antérieur » que l’on trouve au cabinet. La préparation à la ligamentoplastie après rupture de ce dernier s’impose de plus en plus dans notre quotidien thérapeutique. S’étalant majoritairement sur une période de 2 mois, elle permet au patient, outre le fait de l’éduquer à une prise en charge future, d’envisager l’opération sous les meilleurs hospices avec un genou indolore, sec, mobile et une musculature renforcée. Située loin de l’orage sympathique et du stress traumatique engendrés par la blessure tant au niveau du corps que de l’esprit, la ligamentoplastie en sera d’autant plus meilleure si cette phase est respectée et bien réalisée par le patient.

Parfois, les ligamentoplasties ou les réhabilitations préopératoires ne sont pas les seules prises en charge de rupture de croisé antérieur. Il se peut parfois qu’une cicatrisation spontanée du ligament soit tentée par le corps médical. Cette rééducation particulière et exigeante a été présentée en janvier dernier par l’Institut parisien Nollet qui comprend un ensemble de praticiens (radiologues, médecins et chirurgiens) spécialisés dans les pathologies ostéo-articulaires et musculaires. Lors d’une journée intitulée « prise en charge des entorses et instabilités articulaires chez le sportif », la cicatrisation spontanée du LCA a été abordée.
Cette dernière est envisagée si les moignons ligamentaires du LCA sont alignés sur un IRM en diffusion. A ce moment-là, un protocole de 6 semaines sans rééducation est mis en place. Des études IRM (Li et al. J. Orthop. Research 2005) puis EOS (Nollet) ayant respectivement démontrées que la cicatrisation du LCA était optimale entre 20-50° de flexion et que le port de l’attelle décalait les amplitudes de 10° par rapport aux angulations articulaires anatomiques, un port strict d’une attelle articulée bloquée entre 30-60° a été décidé. Ce port de l’attelle permanent (jour et nuit) est associé à un appui sur l’avant-pied afin de maintenir le genou fléchi, de limiter le tiroir antérieur par la contraction des ischio-jambiers et la pression du bord inférieur du toit de l’échancrure sur le LCA.

A 6 semaines, si la cicatrisation a échoué, l’attelle est supprimée et la rééducation classique (préopératoire ou non) est débutée. Si au contraire la cicatrisation est en cours (LCA continu et d’épaisseur quasi-normal en IRM en diffusion), l’amplitude de l’attelle est augmentée toutes les deux semaines sur 4 semaines (20-70° puis 10-80°). Enfin l’attelle sera libre et portée seulement le jour les deux dernières semaines de ce protocole de 12 semaines. Si la cicatrisation est en cours mais que le LCA bien que continu, reste grêle, la même suite protocolaire est effectuée à la différence que chaque phase dure 3 semaines au lieu de 2. La rééducation commence au bout de ces 12 semaines et est étalée sur 8 semaines avant la reprise sportive.

Les praticiens de l’institut Nollet qui ont mis en place ce protocole ont clairement souligné les résultats positifs de ce protocole malgré des effets indésirables concomitants évidents comme l’amyotrophie et surtout l’enraidissement systématique qui accompagne cette immobilisation stricte avec un retour « talon-fesse » à 1-1,5 an. Un faible pourcentage d’algodystrophie (2,7%) avait un impact sur la récupération fonctionnelle mais non sur la cicatrisation.
Dans le cas d’une association lésionnelle d’un LCM de grade 2 ou 3, le protocole est identique mais avec une décharge du genou et une prise d’anticoagulant pendant les 6 premières semaines. L’enraidissement sera plus marqué mais la récupération néanmoins constante à moyen terme.

Dans le cas d’une lésion méniscale associée (languette déplacée), le protocole est identique pendant 5 semaines avec appui sur l’avant-pied et une arthroscopie est réalisée la 6ème semaine sans traction sur le genou pour ne pas compromettre la cicatrisation du LCA. Puis la prise en charge ultérieure est identique mais plus étalée dans le temps.

En conclusion, les praticiens de l’Institut Nollet confirment que la cicatrisation spontanée du LCA est possible si les 2 moignons ligamentaires sont alignés mais que le succès de cette prise en charge dépend fortement de l’observance du protocole. Une immobilisation incomplète amenant à 55,6% de bons résultats, une attelle de Zimmer à 60%, une attelle articulée à 30-60° + une kinésithérapie précoce à 67% et le respect entier du protocole Nollet à 85%. De même, ils font remarquer que la prise en charge de cette cicatrisation spontanée a une durée semblable à celle d’une ligamentoplastie (5 mois) et que rien n’empêche dans le cas d’un échec du traitement conservateur de recourir ensuite à la chirurgie.


Texte écrit par Arnaud Douville de franssu
Sources : vidéos des interventions des praticiens de l’Institut Nollet (« journée institut nollet YouTube ». Javoy P, Delin C, Vandensteeen JY.