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Lésion musculaire des ischios jambiers : Rééducation douloureuse ou non ? résultats.



Source: Jack T. Hickey, PhD, AEP; Ryan G. Timmins, PhD; Nirav Maniar, PhD; Ebonie Rio, PhD, PT; Peter F. Hickey, PhD; Christian A. Pitcher, PhD, AEP; Morgan D. Williams, PhD & David A. Opar, P. (2019). Pain-free versus pain-threshold rehabilitation following acute hamstring strain injury: A randomised controlled trial. Journal of Orthopaedic & Sports Physical Therapy, 0(0), 1–35. https://doi.org/10.2519/jospt.2019.8895 .



Depuis 1999, j'enseigne la lésion myo-aponévrotique, avec son évolution permanente de son background scientifique, avec en fond la règle de non douleur. Depuis 2014 je suis les publications de Mr Hickey et 2017 sur leur contrôle randomisé sur le seuil de la douleur dans la rééducation des ischios. Leur second essai permet de remettre en question cette notion de gène/douleur durant la réhabilitation et ce sujet est très interessant pour adapter nos pratiques, c'est pourquoi nous avons décidé de vous le synthétiser en article (par Xavier Laurent) ci-dessous et en infographie.
 Arnaud BRUCHARD.

 

OBJECTIFS :

•    Comparer le nombre de jours nécessaires au Return To Play (RTP) suite à une lésion myo-aponévrotique des ischio-jambiers (HSI) entre un protocole de réhabilitation standard utilisant un seuil de recrutement infra-douloureux ou un protocole dépassant le seuil de la douleur. 
•    Comparer la force isométrique de flexion de genou, la longueur fasciculaire du chef long du biceps fémoral (BFlh), la peur du mouvement et la récidive durant six mois de suivi entre un protocole de réhabilitation standard utilisant un seuil de recrutement infra-douloureux ou un protocole dépassant le seuil de la douleur . 

METHODES :

Bilan initial : 

•    Interrogatoire : informations démographiques, histoire de la maladie, historique de blessures

Bilan clinique : 
  • Force isométrique de flexion en position 0/0 et 90/90 (Hanche/Genou)
  • Amplitude mouvement (Passive Straight Leg Raise (PSLR) et Active Knee extension (AKE))
  • Douleur
  • Echographie musculaire pour constater l’architecture du BFlh
  • Peur du mouvement (Tampa Scale for Kinesiophobia (TSK))
Protocole de réhabilitation :

•    2 fois par semaine.
•    Pas de stratégies antalgiques durant les sessions de réhabilitation (glace, médications, traitements topiques).
•    Le groupe Sans Douleur réalise les exercices de réhabilitation sans douleur durant les exercices : 0/10 sur l’EN.
•    Le groupe Avec Douleur réalise les exercices de réhabilitation avec une douleur permise inférieure ou égale à 4 sur l’EN durant les exercices. 
•    Le protocole d’exercices de renforcement des ischio-jambiers suit la progression présentée en Figure 1. 
•    La reprise de course débute lorsque les participants sont capables de marcher avec une démarche normale avec une limite de douleur respective à leur groupe. La reprise de course suit le protocole présenté en Table 2. Le passage à l’étape supérieure est permise lorsque le participant réalise 3 répétitions dans la limite de douleur permise par son groupe. Un maximum de 9 répétitions est permis lors de chaque session de réhabilitation.
•    Les participants sont encouragés à revenir graduellement à leur entrainement sportif durant la période de réhabilitation. Ils sont cependant conseillés à courir à des intensités inférieures à celles atteintes lors des sessions de réhabilitation .
•    Les critères de RTP sont présentés en Table 3. Lorsqu’ils sont remplis, les participants sont conseillés à réaliser 2 entrainements avant de reprendre des intensités de compétition. Néanmoins, la décision finale de RTP est laissée au participant et à son staff. Les participants sont ensuite encouragés à réaliser au moins un exercice d’extension de hanche et un exercice excentrique de flexion de genou par semaine. 
Lésion musculaire des ischios jambiers : Rééducation douloureuse ou non ? résultats.

Suivi : 

•    Les participants sont contactés au moins une fois par mois durant les six mois de suivi post-RTP afin de contrôler la récidive. Deux mois post-RTP, les participants ont réalisé une évaluation de l’architecture musculaire du BFlh, de la force isométrique de flexion de genou et du TSK. 

Groupes : 

•    N = 43
•    Groupe Sans Douleur : n=22
•    Groupe Avec Douleur : n=21

Mesures réalisées : 

•    Nombre de jours entre le jour de lésion et le jour où les critères de RTP sont réunis. 
•    Longueur fasciculaire du BFlh
•    Force isométrique de flexion 
•    Peur du mouvement
•    Nombre de récidive 

RESULTATS :

Nombre de jours nécessaires au RTP : 

Une moyenne de 15 jours pour le groupe Sans Douleur et une moyenne de 17 jours pour le groupe Avec douleur ont été nécessaires pour réunir les critères de RTP. 
A l’analyse statistique, on ne relève pas de différence significative entre les deux groupes. 

Longueur fasciculaire du BFlh : 

Entre le bilan initial et l’autorisation de RTP, la longueur fasciculaire du BFlh a augmenté de 1,70cm pour le groupe Sand Douleur et de 1,95cm pour le groupe Avec Douleur sans différence significative entre les deux groupes. 
Entre le bilan initial et 2 mois post-RTP, la longueur fasciculaire était respectivement 0,56cm et 1,47cm plus importante pour le groupe Sans Douleur et Avec douleur. La différence de longueur fasciculaire entre le bilan initial et 2 mois post-RTP est significativement plus importante pour le groupe Avec Douleur que pour le groupe Sans douleur d’en moyenne 0,91cm (95% CI=0,34 à 1,48). 

Force isométrique de flexion de genou :

La force isométrique en position 90/90 (Hanche/Genou) a augmenté respectivement d’en moyenne 35% et de 49% pour les groupes Sans Douleur et Avec Douleur. Cette amélioration est significativement plus importante de 15% (95% CI= 1 à 28) pour le groupe Avec Douleur. 
Deux mois post RTP, l’amélioration de la force isométrique en position 90/90 est en moyenne restée significativement 15% plus importante pour le groupe Avec Douleur comparativement au groupe Sans Douleur (95% CI = 1 à 29). 

Peur du mouvement : 

Suivant les résultats du TSK, la peur du mouvement a été réduite de -7 points pour le groupe Sans Douleur et de -8 points pour le groupe Avec Douleur entre le jour du bilan initial et celui d’autorisation du RTP. La réduction du score du TSK entre le bilan initial et deux mois post RTP était respectivement de -1 point et de -4 points pour les groupes Sans Douleur et Avec Douleur. On ne distingue pas de différence significative entre ces groupes. 


Récidive : 

2 participants du groupe Sans Douleur ont subi une récidive à 50 et 67 jours post RTP. 2 participants du groupe Avec Douleur ont également subi une récidive à 8 et 17 jours post RTP. L’analyse statistique ne distingue pas de différence significative entre les deux groupes. 


DISCUSSION :

La principale conclusion de cet article est que l’adoption d’un protocole de réhabilitation atteignant des intensités de recrutement douloureuses suite à une HSI n’a pas permis d’accélérer le temps nécessaire au retour au sport comparativement à un protocole se limitant à des intensité de recrutement non douloureuses. Néanmoins, lorsque le protocole de réhabilitation standardisé est poussé à un seuil douloureux, on observe une récupération plus importante de la force isométrique de flexion de genou en position 90/90 et une amélioration plus durable de la longueur fasciculaire du BFlh. 

Dans cette étude, on ne relève qu’une session de réhabilitation interrompue due à une exacerbation douloureuse lors d’un sprint, sans que celle-ci ne soit une récidive de lésion. 
Ces résultats suggèrent qu’il n’est pas nécessaire d’éviter complètement la douleur durant la réhabilitation d’une lésion myo-aponévrotique d’ischio-jambier. 

Bien que les deux groupes aient eu une large amélioration de la force isométrique de flexion de genou, la récupération de l’inégalité de force entre les membres inférieurs a été plus importante pour le groupe Avec Douleur. 
Les participants exposés à des intensités de recrutement douloureuses semblent plus en clin à recruter une intensité maximale de contraction. Néanmoins, nous avons observé des différences de force isométrique de flexion de genou au moment de l’autorisation du RTP et deux mois après celui-ci. Il semble donc qu’autoriser un seuil douloureux de recrutement lors de la réhabilitation permette une récupération plus importante de la force isométrique. 


CONCLUSION :

La progression d’un protocole de réhabilitation standardisé jusqu’à un seuil douloureux n’accélère pas le temps nécessaire au retour au jeu par rapport au respect des limites indolores suite à une lésion myo-aponévrotique des ischio-jambiers. Néanmoins, une réhabilitation à un seuil douloureux ne cause pas d’événements indésirables et induit une meilleure récupération de la force isométrique de flexion de genou ainsi qu’un maintien plus durable de l’augmentation de la longueur fasciculaire du BFlh.
 
Ainsi, la pratique clinique conventionnelle d’évitement de la douleur durant la réhabilitation de la lésion myo-aponévrotique des ischio-jambiers n’apparaît pas nécessaire