BELGIQUE: 60 ans d' intégration italienne



BELGIQUE: 60 ans d' intégration italienne
BELGIQUE: 60 ans d' intégration italienne

Bonjour,

Je vous prie de bien vouloir trouver en annexe le texte du discours qui sera prononcé ce soir par Myriam PIRON à l'occasion du vernissage de l'Exposition consacrée au 60ème anniversaire de l'immigration Italienne via les accords charbonniers belgo-italiens.

Le vernissage a lieu à 19 h au Tchératî, rue Aux Communes, 37 à 4602 Cheratte-Haut, l'exposition est accessible au public samedi 23 et dimanche 24 septembre 2006 de 11 h à 18 h.

Vous êtes cordialement invité(e) au vernissage.

Jacques CHEVALIER

Animateur ACPR - locale Visé-Cheratte









60 ans d’immigration Italienne…



Cheratte, c’est un peu le nombril du Monde.



Aussi bien en surface, par la diversité des mélanges de cultures que l’on y trouve, la beauté de sa géographie entre collines et voies maritimes, et la richesse historique de son passé houiller et industrieux, que dans son ventre, avec ses galeries de mine actuellement noyées et peut-être d’autres trésors qu’il renferme encore (ne prenons que les gigantesques travaux de démergements toujours en cours).

Cheratte, j’en suis tombée amoureuse en visitant pour la première fois les ruines du charbonnage du « Hasard » une froide après-midi d’hiver, et j’ai de suite adhéré à la philosophie culturelle de mon compagnon, Jacques Chevalier, bien connu pour son implication au sein de ce quartier, via notamment l’Association Culturelle Paul Renotte dont notre Camarade Marcel Levaux est le président.



PAC et ACPR de Cheratte s’associent pour un hommage à la communauté d’origine Italienne les 23 et 24 septembre 2006



Le 23 juin 1946, les premiers accords entre la Belgique et l’Italie sont négociés par le biais d’une Convention préparant le transfert de cinquante mille travailleurs Italiens en 2 années, vers les charbonnages belges. En 1952, seulement, 48000 hommes auront répondu aux critères de l’accord charbonnier, et auront fait la connaissance de nos mines.



Comment en sommes-nous arrivé là ?



Après la seconde guerre mondiale et la fermeture des frontières avec les pays de l’Est l’immigration Italienne devient dominante :

De 1946 à 1956



L’Italie s’attache à résoudre les problèmes dus à l’effondrement de son économie ainsi qu’au désarroi et la révolte de sa jeunesse face au chômage.



Les patrons charbonniers de Belgique quant à eux doivent faire face au départ des prisonniers allemands travaillant dans les mines jusqu’à leur libération en 1947, et donc à une pénurie de main d’œuvre pour les besoins énergétiques du pays.



l’ Italie quant à elle à grand besoin de combustible également pour se reconstruire.



La « FEDECHAR » est chargée de l’organisation pratique de l’embauche (1 homme contre 1200kgs de charbon/semaine pendant+/- 1 an).



A partir de Milan s’organise une véritable campagne publicitaire dans tout le pays (affiches, documentaires expliquant la bonne vie à la mine pour ceux qui auront le privilège d’être choisis : qualités requises : Jeunes hommes célibataires de moins de 35 ans en excellente santé : corps sain et vigoureux, courage, force et sang froid ).



Des médecins belges sélectionnent avec prudence les candidats au départ étant donné la dureté du travail.



Moins d’hommes que l’on espérait se présentent, ils vont alors diminuer leurs prétentions et élargir les critères de choix, c’est ainsi que des hommes plus vieux, avec charge de famille vont quitter leurs régions pauvres du sud de l’Italie pour s’installer ici.



Le voyage entre Milan et Bruxelles dure près de deux jours ; de longs convois arrachent à leur famille des milliers d'hommes, le cœur battant d'espoir vers une vie meilleure. Beaucoup d'entre eux ne reverront jamais leur terre natale.



A Bruxelles, la dispersion vers les différents charbonnages est organisée. Des interprètes et délégués des mines règlent les formalités et le précieux chargement d’Humains est dirigé vers les « cantines » qui les attendent, ce sont des anciens bâtiments de charbonnages fermés depuis 1930 ou ayant servi de « baraquements » aux prisonniers Russes et Allemands, les conditions de vie y sont indignes et bien loin des promesses faites par la FEDECHAR.



Les années passent et la santé des mineurs s'affaiblit. Outre les maladies, il y a les différents accidents.



Entre 1946 et 1955, plus de 500 ouvriers italiens périssent dans les différents charbonnages de Belgique. Et puis, vient le 8 août 1956, l 'effroyable tragédie du Bois-du-Cazier, à Marcinelle ; 262 morts, dont 136 Italiens (il faut noter qu’il y a eu peu d’accidents catastrophiques à Cheratte parce qu’il y a peu de « grisou » étant donné la qualité exceptionnelle du minerais (moins gazeux et donc de meilleure combustion), les accidents seront dus à l’eau et le plus souvent en surface..



Les conséquences de ce drame sont rapides : renforcement de la sécurité dans les mines et blocage de l'immigration italienne vers la Belgique.



A la fin des années cinquante, beaucoup d'Italiens épuisés par le travail rentrent au pays avec une santé médiocre et sans pension.



Ils n’ont pas assez d'années de service dans les mines de Belgique



La « silicose » ne fait pas partie des maladies professionnelles indemnisables.



Pour aider ses rapatriés, le gouvernement Italien, poussé par les partis politiques de gauche, approuve une loi en 1962, celle-ci prend en charge l'indemnisation de la maladie de la silicose, en attendant que le gouvernement Belge le fasse.



La reconnaissance de cette indemnisation entrera en vigueur dés le premier janvier 1964.



La silicose est reconnue comme maladie professionnelle : c’est rendre justice aux victimes de ce mal qui détruit tant d êtres humains depuis des dizaines d'années.



On s'est bien gardé de dire en Italie, au moment du recrutement des travailleurs, les différentes maladies que la mine peut occasionner, ainsi que les conditions de travail qu’ils allaient rencontrer.



Ceux qui resteront en Belgique et qui seront, mis à la pension prématurément suite à cette maladie devront subir des moqueries, rapidement généralisées à tous les Italiens sur la « moutouelle» voulant ainsi signifier qu’ils ne sont venus que pour émarger le plus vite possible à notre Sécurité Sociale!



Et tout cela en ne respectant pas les principes d’hygiène en vigueur chez nous. Je me souviens, petite fille, avoir entendu dire qu’ils étaient malades parce qu’ils mangeaient des tomates et de l’huile d’olive !!! et qu’ils ne vivaient pas comme nous !!!



La vie s’organise



Dans les années 1950, la recherche de logements plus décents et appropriés, principalement quand la « famille » arrive et s’agrandit,, relève presque de « mission impossible » et on voit fleurir sur bon nombre d’habitations privées des pancartes « ni animaux ni étrangers ».



Il y a bien les « Cités ouvrières » dont nous en avons un des plus beaux fleurons ici, avec une des premières cité d’habitations sociales construite en Wallonie (avec Tilleur) au début des années 1920, et destinée au départ à abriter une majorité de familles d’origine Polonaise, représentant la première forme d’immigration massive vers nos charbonnages, mais vu l’ampleur de l’immigration et des regroupements familiaux,, nous manquions de logements décents.



L’intégration n’est vraiment pas facile au début, malgré nombre de mariages mixtes entre ces jeunes hommes fougueux et nos jeunes filles locales, et ce, dès 1950.



La Belgique compte d’ailleurs, dès 1964 sur l’apport de nouvelles familles immigrées en plus de celles déjà installées (d’abord marocaines, ensuite Turques) pour redresser la courbe de natalité du pays.



Quelques politiciens « éclairés » (Marcel Levaux à Cheratte et André Cools à Flémalle) obtiennent, dès 1968, la création du Conseil Consultatif des immigrés, faute d’obtenir déjà un droit de vote pour les personnes résidant régulièrement en Belgique.



En 1972, le droit de vote est accordé aux étrangers pour les élections sociales (représentants syndicaux).



En 1974, la Belgique décide de stopper l’immigration étrangère tout en accompagnant cela d’une campagne de régularisation d’un faible pourcentage de celles-ci.



Dans les années quatre-vingt, les autorités Belges prennent conscience de l’installation définitive des immigrés en Belgique, et mettent enfin en place une politique d’ « intégration ». par le biais entre autre de la « Loi GOL » de 1984 octroyant la nationalité Belge aux immigrés de la 2eme génération en cas de mariage mixte et automatiquement à ceux de la 3eme génération.



Celle-ci se confirme dans le temps puisque de plus en plus de jeunes générations sont essentiellement Belges.



Le 7 février 1992, le traité de Maastricht indique que les Européens peuvent voter aux élections locales et européennes.



Le 27 janvier 1999, droit de vote aux élections communales pour les européens, étendu le 19 mars 2004 aux non-européens inscrits depuis 5 ans en Belgique.



Le 8 octobre 2006, ce sera la première participation de ceux-ci aux « Communales »



Le combat continue pour les « Législatives » les « Régionales » et le droit d’éligibilité. (RoRo : et les provinciales … !)



La première immigration Italienne dont on parle peu



De 1920 à 1940



La première guerre mondiale cause beaucoup de dégâts en Europe, notamment en Belgique et en Italie.



La Belgique se remet bien vite à la tâche, la plupart des usines et des charbonnages retrouvent leur rythme et leur productivité.



L'Italie, au contraire, se remet confusément de sa guerre. Le régime politique subit des assauts imprévus : la pauvreté s'étend, Mussolini se prépare.



En 1922, soutenu par 30 députés fascistes, il obtient la maîtrise des principaux ministères. Deux ans plus tard, fort d'une majorité de +/- 80%( 405 élus sur 535), il écarte l'opposition et instaure la dictature.



Dés lors, par milliers, des Italiens vont fuir leur patrie. Certains aboutissent en Belgique car l'industrie lourde a besoin de nouveaux travailleurs, ils seront rapidement assimilés.



Ils arrivent petit à petit à partir de 1922.



En 1925, le nombre d'Italiens travaillant dans les charbonnages peut s'évaluer à quatre ou cinq mille, soit plus de 3% du total du personnel.



Et cette proportion ne fera que s'accroître, d'autant plus que la communauté italienne de Belgique se développe sans cesse : ils sont 20 000 en 1930 ; ils seront près de 35 000 en 1940.



A l'arrivée de Mussolini au pouvoir, en Belgique comme ailleurs, l'ambassade et les consulats deviennent les symboles du fascisme italien, et tentent de rallier les émigrés à ce régime.



Il faut savoir que la plupart des immigrés italiens de l'époque sont antifascistes, et Mussolini va tout faire pour endoctriner ces fuyards.



A Charleroi, des écoles et des bibliothèques Italiennes sont organisées sous contrôle fasciste, et, les livres y sont triés.

(Pour information, l’Université du Travail créé par le Mouvement Ouvrier Chrétien va trouver son essor dans les années 1960 afin de favoriser, l’intégration de ce qu’on appelle alors, les immigrés de la deuxième génération de par l’organisation de cours de haut niveau : graduats et universitaires).



Des informateurs produisent pour l'ambassade Italienne un rapport hebdomadaire, pour chaque antifasciste vu en Belgique.



Sur base de ces dossiers, la police italienne demande et obtient , l'arrestation des " agitateurs " par la police belge. Ainsi la population italienne de Belgique, loin d'être à l'abri chez nous, fait en plus l'objet de diverses pressions de la part de son consulat.



A ce moment, en Belgique, pour obtenir un passeport, un document officiel, il faut s'inscrire à une organisation fasciste, du moins faire allégeance au Duce ou répondre à de longs questionnaires pour détecter les activités antifascistes. Autrement, les documents pourtant indispensables (extraits de naissance) se font indéfiniment attendre.



Cela serait un comble que l’histoire se répète puisque bon nombre d’ « anciens » Italiens déplorent être toujours en possession d’une carte de séjour renouvelable tous les 5 ans, malgré plus de cinquante ans de résidence ininterrompue en Belgique.



Ils doivent même toujours avoir un passeport pour se rendre en Italie, à notre époque de libre circulation dans la Communauté Européenne et d’un retour de l’extrême droite en Italie, voire en Europe.



Conclusion



Actuellement on entend souvent dire que « l'intégration des Italiens est réussie ».



Je n’aime pas beaucoup ce terme …Intégration ?? Notre planète nous appartient, à tous, il y a toujours eu et il y aura toujours des brassages de populations, des départs, des retours, des installations, là où la vie s’organise.



Pourquoi penser qu'un peuple peut être meilleur qu'un autre ?



Peu importe la couleur de sa peau, peu importe le dieu qu'il prie, un Etre Humain reste une personne qui a le droit d'avoir des droits.



On entend souvent dire que la Belgique est envahie d'étrangers mais est ce vraiment le cas?



Si l'on se réfère à des chiffres officiels (source : INS,) on constate qu’en 2000, en Belgique, il y avait +/- 90% de Belges, +/- 6% d'étrangers d’origine européenne et +/- 4% d'étrangers hors Union européenne



Certains aussi s'interrogent sur les causes qui poussent les gens à partir de chez eux ?



Souvent derrière une immigration se cache un accord entre deux Etats, sans tenir toujours compte des désirs de leurs ressortissants



Départs forcés ou choix de vie, installations obligées ou espérées, et quoi qu’il en soit, quelles que soient les raisons pour lesquelles nous « émigrons » la terre nous appartient.



Les frontières, les régimes politiques, les dictatures, les oppressions sont le résultat de la guerre du Pouvoir, de la Loi du plus fort…



Nous, les « petits », les faiseurs de peuples, les forçats de la faim, apprenons à nous respecter, arrêtons de jouer dans la cour de nos oppresseurs, restons unis…Forçons les barrières, créons la solidarité…Et ne parlons plus d’intégration



Parlons d’abord d’accueil, d’échange, de vie commune, de partage de valeurs…parlons-nous, écoutons-nous, il y a tant à gagner…



Au niveau de la Communauté de Belgique d’origine Italienne, il faut savoir qu’en nombre, elle est plus importante que la communauté germanophone, est-ce que l’on parle d’intégration quand on parle des gens d’Eupen ??



Lorsque l'on parle d'immigration italienne et d’ « intégration réussie », on prend souvent comme exemple Elio di Rupo, Paola ou Adamo, mais il ne faut pas croire que les 300 000 italiens en Belgique ont tous atteint la réussite et la reconnaissance de ces personnes connues (Re-connues), un peu comme si les idées racistes étaient « excusées » parce que certains « représentants de nationalités » étaient reconnus ? Resteront-ils toujours, et après plusieurs générations étrangers en Belgique et idem dans leurs contrées d’origine ??



Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que les Italiens comme d'autres nationalités ne sont pas venus " voler " le travail aux Belges. Ils ont au contraire contribué à faire de la Belgique le pays qu'il est maintenant. Je pense donc que les partis d'extrême droite se voilent la face et devraient revoir leur Histoire car sans les « étrangers », l'économie belge actuelle ne serait pas ce qu'elle est.

Je termine en rappelant qu’à l’heure actuelle, dans notre beau pays, terre d’asile, il y a des Hommes, des Femmes et des Enfants, qui, sans papiers, se trouvent dans des situation de grand désarroi, ils souffrent de ne pas être reconnus, de n’avoir aucune existence légale, et d’être ainsi des proies faciles pour les marchands d’esclaves et d’illégalités en tout genre.



Des êtres humains qui ne savent pas ce que demain sera fait et qui sont sacrifiés au nom du libéralisme international et du profit maximum à n’importe quel prix…



Pour en revenir aux personnes d’origine Italienne, puisque c’est elles qui sont à l’honneur aujourd’hui, je tiens à ajouter que depuis l’ouverture des frontières (espace Shengen), bon nombre d’entre elles arrivent toujours en Belgique en espérant trouver une situation économique meilleure, et se trouvent rapidement dans la situation de « sans-papiers » ne pouvant prouver dans les 5 mois de leur arrivée d’un travail déclaré leur offrant la « carte de séjour ».



Et non, les « sans-papiers »ne sont pas toujours des étrangers de lointaines contrées, notre voisin ou nous-mêmes pouvons vite sombrer, ne l’oublions jamais…

Et enfin, je voudrais vous rappeler que ce 22 septembre, nous célébrons le triste huitième anniversaire de la mort de Sémira Adamu, candidate réfugiée Nigériane, qui n’a pas survécu aux sévices de ses bourreaux lors de l’expulsion par avion pour laquelle elle était condamnée.



Je demande un moment de silence en son honneur et pour toutes les personnes qui vivent actuellement dans la même souffrance







Pour l’ACPR,



Myriam Piron



Bibliographie

Livre

François CAVANNA, les ritals, Beffond, 1978

Articles

Hilde MEESTERS, Crime raciste à Schaerbeek, dans " Solidaire", n°19, 2002, pp 16-17.

François ROBERT, C'est la haine qui a frappé, dans " Le Soir", n°109, 2002, p.4

Sites

C. GOLIN, Et Si on racontait.... une histoire de l'immigration en Belgique, Février 2002, (05/03/02). http://www.iournalessentiel.be/agenda/lectr_emigr.html

(sans auteur), Les étrangers, les Belges et la Belgique, (07/05/02).

httD://www.cidj.be/dossiers/racisme/population.htmi

S. ABDESLAM, Histoire de l'immigration marocaine en Belgique, (0705/02)

http://users.pandoro .be/ibn_batouta/Belgica/historique.html

Livres

- " Siamo tutti neri ! ", Des hommes contre du charbon, Etudes et témoignages sur l'immigration italienne en Wallonie

Institut d'histoire ouvrière, économique et sociale, Seraing ,1998

- Per un sacco di carbone, Associations Chrétiennes des Travailleurs Internationaux, 1996

Articles

Anne Morelli, dossier "Immigration & citoyenneté " dans la Revue L'Observatoire n°6/1995

Mardi 26 Septembre 2006
philippe guistinati

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