Le dernier déporté homosexuel témoigne, Rudolf GRAZA survivant des Triangles Roses.



Le dernier déporté homosexuel témoigne, Rudolf GRAZA survivant des Triangles Roses.

A 97 ans, Rudolf Graza est probablement le dernier survivant des «Triangles roses», ces hommes déportés par l'Allemagne nazie parce qu'ils étaient homosexuels.

Déporté pour ce qu'il était. Rudolf Brazda, qui a passé presque trois ans à Buchenwald pour le seul fait d'avoir eu des relations homosexuelles, publie aujourd'hui le récit de son histoire. Dans «Itinéraire d'un triangle rose», le survivant raconte ses 32 mois de souffrances en camp de concentration.
Né en 1913 en Allemagne dans une famille tchèque germanophone, Rudolf se découvre homosexuel à l'adolescence. En 1937, il est condamné à six mois de prison pour «débauche entre hommes», avant d'être expulsé vers la Tchécoslovaquie. Là, après l'annexion des Sudètes par Hitler, il est à nouveau jugé et condamné cette fois à 14 mois de prison. A l'issue de cette peine, le jeune homme est interné au camp de concentration de Buchenwald, dans le centre de l'Allemagne. Contraint de porter en permanence un triangle rose, l'étoile jaune des homosexuels, il y connaît l'enfer.

«Un type d'argumentation toujours utilisé»


Comme Rudolf, on estime que 10.000 à 15.000 personnes ont été déportées sous Hitler en raison de leur orientation sexuelle. «Les nazis considéraient l'homosexualité comme une épidémie dangereuse pour la perpétuation de la race», explique Jean-Luc Schwab, qui a recueilli le témoignage de Rudolf Brazda pour ce livre. «Ce qui est effrayant, c'est que c'est exactement ce type d'argumentation qui est encore utilisé de nos jours par certains homophobes, y compris des élus.»
Pendant des décennies, le drame des «Triangles roses» est resté méconnu, voire passé sous silence. Ce n'est qu'à partir des années 1980 qu'une pièce de théâtre, puis des livres et des films, commencent à l'évoquer. Le témoignage de l'Alsacien Pierre Seel (1923-2005), qui fut interné en 1941 au «camp de redressement» de Schirmeck en Alsace, contribue à faire sortir ce dossier de l'oubli. Mais lorsque, en mai 2008, l'Allemagne inaugure solennellement un monument en mémoire des «Triangles roses» à Berlin, les organisateurs expliquent que ce drame ne compte plus aucun témoin vivant. C'est alors seulement que Rudolf, qui vit dans l'anonymat depuis 1945, décide de se manifester.
«Aujourd'hui, je vais très bien et je me fiche de ce que les autres pensent de moi», affirme Rudolf. Depuis la mort d'Edi, son grand amour pendant plus de 50 ans, le vieil homme vit seul dans sa petite maison de la banlieue de Mulhouse. Ce livre, dit-il, c'est «pour que les jeunes générations puissent lire ce que nous avons subi».
Avec AFP

Lundi 7 Juin 2010
philippe guistinati