lEuroMag magazine


La littérature française du 18ème siècle

Littérature Française : la littérature française du 18ème siècle et ces écrivains

La littérature française du 18ème siècle : Tandis que les écrivains du 17ème siècle avaient été avant tout des psychologues et des moralistes, préoccupés seulement de l’amélioration des individus, ceux du 18ème siècle sont plutôt des sociologues, ayant en vue la rénovation de la société. Hommes d’action, ils délaissent la poésie pour la prose, dont l’utilité pratique leur paraît plus immédiate ; et dans leur style, ils préféreront à l’ample période oratoire la phrase courte, alerte, tout aiguisée d’esprit ...

La littérature française du 18ème siècle
Tout en continuant la littérature du 17ème siècle, avec laquelle elle forme notre littérature classique, la littérature du 18ème siècle s’en distingue néanmoins par ses tendances générales. Au 18ème siècle, on ne trouve plus de grands écrivains parmi les hommes d’église et les défenseurs de la religion ; et si l’on rencontre encore quelques chrétiens respectueux, comme Montesquieu et Buffon, dont les idées religieuses ne pénètrent d’ailleurs pas beaucoup des œuvres, déjà l’on compte des écrivains, qui, comme Voltaire et Jean Jacques Rousseau, furent de simples déistes ; et surtout il y a tout un groupe de philosophes franchement hostiles la religion, les encyclopédistes : Diderot, Helvétius, d’Holbach… La libre pensée ne craint plus de s’étaler en plein jour.

Plusieurs causes expliquent ce détachement progressif des esprits à l’égard de l’Eglise : d’abord les longues discussions théologiques qui eurent lieu au 17ème siècle entre les divers partis religieux, jésuites, jansénistes quiétistes…, avaient entamé peu à peu l’autorité ecclésiastique ; puis les persécutions contre les protestants et les jansénistes avaient fini par révolter les consciences : et enfin la dévotion hypocrite qui envahit la cour dans les dernières années du règne de Louis XVI devait fatalement provoquer une réaction.

La littérature du 18ème siècle a reflété ce revirement d’idée : les critiques se feront plus nombreuses et plus hardies ; on proposera des reformes politiques et sociales ; et parfois même on sentira passer dans quelques paroles prophétiques comme le vent de la révolution prochaine.

Au 18ème siècle, un échange constant s’établit entre la France et l’étranger. La curiosité se détournera du pays du nord : l’Angleterre sera mieux connue, en particulier grâce à Montesquieu ; qui en vantera les institutions, et à Voltaire, qui a révélé les grands écrivains. La curiosité s’étendra aux pays lointains : l’exotisme fera son apparition dans la littérature.

La littérature française du 18ème siècle, une période définie par deux dates repères
La littérature française du XVIIIe siècle s’inscrit dans une période le plus souvent définie par deux dates repères : 1715, date de la mort de Louis XIV, et d’autre part, 1799, date du coup d’État de Bonaparte qui instaure le Consulat et met d’une certaine façon fin à la période révolutionnaire. Ce siècle de transformations économiques, sociales, intellectuelles et politiques est riche d’une multiplicité d’œuvres qui peuvent se rattacher, en simplifiant, à deux orientations majeures : le mouvement des Lumières et ses remises en cause des bases de la société et, par ailleurs, la naissance d’une sensibilité que l’on qualifiera postérieurement de préromantique.

Contexte historique de la littérature française au 18ème siècle
Louis XV, Louis XVI, Le XVIIIe siècle voit se fragiliser, progressivement la monarchie absolue avec la Régence de Philippe d’Orléans, puis avec le très long règne de Louis XV et ses guerres perdues (guerre de Sept Ans sur le continent européen et outre-mer, en Amérique et en Inde particulièrement, achevée par le traité de Paris de 1763 qui consacre la puissance de l’Angleterre et le poids de la Prusse). La monarchie mourra finalement de l’impuissance de Louis XVI : la Révolution de 1789 et ses soubresauts violents transformeront fondamentalement l’Histoire de la France qui deviendra une République le 21 septembre 1792. La naissance en 1776 de la République des États-Unis d’Amérique, soutenue par la France contre l’Angleterre, symbolise aussi l’entrée dans un monde nouveau à la veille du XIXe siècle où apparaît le personnage de Bonaparte.

Par ailleurs, au cours du XVIIIe siècle, la société française change avec l’essor démographique et l’activité d’une bourgeoisie d’affaires et d’entreprises liée au progrès technologique (machine à vapeur – métallurgie) et au commerce avec « les Indes », fondé sur la traite négrière. En même temps se développent les villes avec leurs salons, leurs cafés et leurs académies qui affaiblissent le poids de l’aristocratie dans le domaine culturel comme dans le domaine social où s’affirme peu à peu le tiers état qui sera le vainqueur des luttes révolutionnaires à partir de 1789.

Les mentalités évoluent elles aussi avec le développement de l’éducation et des sciences (Newton, Watt, Volta, Leibniz, Buffon, Lavoisier, Monge…) et la diffusion des œuvres de l’esprit, par le colportage et par le théâtre. La foi dans le Progrès que symbolisera l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert correspond à une déchristianisation progressive de la société que révèlent les conflits entre le haut et le bas clergé, ou les tensions avec les Jésuites (expulsés du royaume en 1764) ou l’évolution du statut des protestants, admis à l’état-civil en 1787. Mais l’Église catholique reste un pouvoir dominant qui lutte contre les Lumières en faisant interdire leurs œuvres et en obtenant, par exemple, la condamnation à mort du huguenot Jean Calas en 1762 ou, pour blasphème, celle du chevalier de La Barre en 1766, barbaries qui susciteront l’indignation de Voltaire.

Suggestion de lecture pour la littérature française du 18ème siècle
Lire la suite : la littérature française du 18ème siècle

Contexte historique de la littérature française au 18ème siècle (suite)
Serment du Jeu de paume, 20 juin 1789. À la même période, les conquêtes coloniales intéressent toutes les puissances européennes (voir Guerre de Sept Ans) et introduisent l’exotisme et le thème du bon sauvage qui nourriront les arts et la littérature, de Robinson Crusoé à Paul et Virginie par exemple. Les échanges se multiplient et les influences étrangères sont importantes autant pour la marche des idées que pour l’évolution des genres littéraires : c’est vrai en particulier pour l’influence anglaise avec ses avancées démocratiques (monarchie constitutionnelle) et la création romanesque ou poétique que découvrent beaucoup d’écrivains qui séjournent en Angleterre tout au long du siècle. L’influence allemande est aussi importante : elle nourrit le changement préromantique des sensibilités avec un apport marqué dans le domaine du fantastique et du sentiment national qui s’accentuera au siècle suivant. 

En ce qui concerne l’art, le XVIIIe siècle présente longtemps un art tourné vers la décoration avec le style Régence et le style Louis XV et ceux qu’on a appelés les « peintres du bonheur » comme Boucher, Fragonard, Watteau ou Chardin, ou les portraitistes Quentin de La Tour, Nattier ou Van Loo, avant de valoriser, dans la deuxième partie du siècle, un art sensible et moral avec Greuze, Hubert Robert ou Claude Joseph Vernet. La musique française est illustrée par François Couperin et Jean-Philippe Rameau, mais d’autres compositeurs européens dominent le siècle, de Vivaldi à Mozart en passant par Haendel, Bach, Haydn…

La variété littéraire du 18ème siècle
Continuateurs des libertins du XVIIe siècle et d’esprits critiques comme Bayle et Fontenelle, ceux que l’on appellera les Lumières dénoncent au nom de la Raison et de valeurs morales les oppressions qui perdurent à leur époque. Ils contestent la monarchie absolue en revendiquant un contrat social comme fondement de l’autorité politique et une organisation plus démocratique des pouvoirs dans une monarchie constitutionnelle avec une séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire et militaire (Montesquieu, Diderot, Rousseau entre autres).

Voltaire combat particulièrement les abus du pouvoir (censure, lettre de cachet, collusion avec l’Église) et rêve d’un despote éclairé, conseillé par des philosophes. Par ailleurs, les « philosophes » eux-mêmes, bien que n'étant pas tous issus du « Tiers état », défendent une société fondée sur les talents et sur le mérite qui s’oppose à une société de classes (ou de castes) héréditaires, introduisant ainsi les valeurs de liberté et d’égalité qu’affirmera la République à la fin du siècle.

Ils défendent aussi la liberté de conscience et mettent en cause le rôle des institutions religieuses dans la société. La tolérance est une valeur fondamentale pour ceux qui « nous ont appris à vivre libres » comme le dit la Convention en honorant les cendres de Voltaire au Panthéon.

Suggestion de lecture pour la littérature française du 18ème siècle
Lire la suite : la littérature française du 18ème siècle (suite)

La littérature d'idées du 18ème siècle : les Lumières
Bien sûr, le mouvement des philosophes n’est pas uniforme, mais tous fixent pour objectif à l’humanité et plus encore à l’individu, le bonheur, « idée neuve en Europe », hésitant entre le rêve d’un bon sauvage disparu (Rousseau) et une vie de mondain à la recherche du raffinement (Voltaire). L’optimisme n’est cependant pas triomphant et les auteurs restent lucides : le combat est constant et ils y jouent le rôle fondamental d’agitateurs d’idées.

Les œuvres importantes sont nombreuses et relèvent de différents genres comme le conte philosophique avec Voltaire Candide (1759), Zadig (1747) ou la satire distanciée avec les Lettres persanes (1721) de Montesquieu et les essais comme De l'esprit des lois (1748) du même, les Lettres anglaises (1734) ou le Traité sur la tolérance (1763) de Voltaire, le Contrat social (1762) ou Émile ou De l'éducation (1762) de Rousseau, le Supplément au voyage de Bougainville de Diderot ou l’Histoire des deux Indes de l’abbé Guillaume-Thomas Raynal.

Participent aussi à cette littérature d’idées certains aspects des comédies de Marivaux ou de Beaumarchais et bien sûr le grand œuvre de l’Encyclopédie, animé par Diderot et D'Alembert, et ses 35 volumes (textes et illustrations), publiés de 1750 à 1772, ainsi qu’une grande diversité de textes de longueur et d’importance variables : essais, discours, dialogues, entretiens…

Le théâtre du 18ème siècle
L’influence des grands dramaturges du « siècle de Louis XIV » persiste sur la scène de la Comédie-Française mais des renouvellements apparaissent avec les tragédies de Voltaire (1694-1778) qui introduit des sujets modernes en gardant la structure classique et l’alexandrin (Zaïre, 1732, Mahomet, 1741) et qui obtient de grands succès. Néanmoins la censure est toujours active comme en témoignent, sous Louis XVI encore, les difficultés de Beaumarchais pour son Mariage de Figaro.

La libération des mœurs de la Régence apporte un autre renouvellement du théâtre avec le retour, dès 1716, des Comédiens-Italiens chassés par Louis XIV et le début d’une très grande vogue du spectacle théâtral : on se presse pour admirer des acteurs réputés (Lélio, Flaminia, Silvia…) et rire des lazzi et du dynamisme des personnages issus de la commedia dell'arte comme Arlequin, Colombine ou Pantalon. C’est dans cette lignée que trouve place Marivaux (1688 -1763) avec ses comédies qui associent la finesse de l’analyse du sentiment amoureux et la subtilité verbale du marivaudage aux problèmes de société en exploitant le thème emblématique du couple maître-valet. Les Fausses Confidences (1737), le Jeu de l'amour et du hasard (1730), ou l'Île des esclaves (1725) constituent quelques-unes de ses œuvres majeures.

Suggestion de lecture pour la littérature française du 18ème siècle
Lire la suite : la littérature française du 18ème siècle (suite)

Le théâtre du 18ème siècle (suite)
Regnard et Lesage (1668-1747) ont eux aussi marqué la comédie de mœurs avec le Légataire universel (Regnard, 1708) et Turcaret (Lesage, 1709), mais l’autre grand auteur de comédies du siècle est Beaumarchais (1732-1799) qui se montre habile dans l’art du dialogue et de l’intrigue mais aussi dans la satire sociale et politique à travers le personnage de Figaro, valet débrouillard qui conteste le pouvoir de son maître et qu’on retrouve dans deux œuvres majeures : le Barbier de Séville (1775) et le Mariage de Figaro (1784). 

Le théâtre du XVIIIe siècle est marqué aussi par des genres nouveaux, aujourd’hui considérés comme mineurs mais que reprendra et transformera le XIXe siècle, comme la comédie larmoyante et le drame bourgeois qui mettent en avant des situations pathétiques dans un contexte réaliste et dramatique qui touchent des familles bourgeoises. Quelques titres explicites : le Fils naturel (Diderot, 1757), le Père de famille (Diderot, 1758), le Philosophe sans le savoir (Sedaine, 1765), la Brouette du vinaigrier (Louis-Sébastien Mercier, 1775) ou encore la Mère coupable (Beaumarchais, 1792). 

Mentionnons enfin le développement de genres qui associent texte et musique comme le vaudeville ou l’opéra comique ainsi que des textes de réflexion sur le théâtre avec Diderot et son Paradoxe sur le comédien, les écrits de Voltaire pour défendre la condition des gens de théâtre toujours au ban de l’Église et les condamnations du théâtre pour immoralité par Rousseau.

Le roman du XVIIIe siècle
Le roman du XVIIIe siècle est marqué par le renouvellement des formes et des contenus qui préfigurent le roman moderne considéré comme une œuvre de fiction en prose, racontant les aventures et l’évolution d’un ou de plusieurs personnages. Le genre, en pleine croissance avec un lectorat élargi, est marqué par le développement de la sensibilité, par le souci d'une apparente d'authenticité (avec le procédé du manuscrit trouvé, l’emploi de la première personne, de l’échange épistolaire ou des dialogues) et par l’esprit des Lumières en prenant en compte les valeurs nouvelles d’une société qui évolue. 

L’influence la littérature anglaise est également sensible à travers la traduction des œuvres de Richardson, Swift ou Daniel Defoe. Néanmoins le roman restera, au cours du XVIIIe siècle siècle, un genre en quête de légitimation et de définition, comme le montrent les nombreuses réflexions sur le roman au XVIIIe siècle.

Le roman de ce siècle très riche explore toutes les possibilités romanesques : question du narrateur, éclatement du récit, engagement, analyse psychologique minutieuse, peinture réaliste du monde, imagination et confidence, apprentissage, souci de la forme… et les textes sont difficilement réductibles à des catégories indiscutables ; on peut cependant risquer un regroupement par sous-genre.

- Les romans philosophiques : on peut discuter le genre des œuvres narratives de Voltaire comme Zadig (1747) ou Candide (1759) mais l’appellation la plus fréquente aujourd’hui est « contes philosophiques ». La discussion est plus pertinente pour l'Ingénu, plus tardif (1768), qui s’éloigne du merveilleux et introduit une large part de réalisme social et psychologique. 

- Les romans réalistes : l’association du réalisme social et du parcours amoureux s’installe au cours du siècle. Citons les romans-mémoires la Vie de Marianne (1741) le Paysan parvenu (1735) de Marivaux, Manon Lescaut (1731) de l’abbé Prévost (1697-1763), le Paysan perverti (1775) et son deuxième volet la Paysanne pervertie (1784), roman épistolaire de Restif de la Bretonne (1734-1806). On peut aussi déterminer un sous-genre né de l’influence espagnole : le roman picaresque avec sa truculence satirique, sa variété des milieux sociaux et l’apprentissage de la vie et qu’illustre l’Histoire de Gil Blas de Santillane (1715-1735) de Lesage (1668-1747). 

- Le roman d’imagination est, pour sa part, représenté par des romans d’anticipation comme l’An 2440 de Mercier (1771) ou des romans fantastiques comme le Diable amoureux de Jacques Cazotte (1772).

- Les romans libertins associent grivoiserie, érotisme, manipulation et jeu social avec Crébillon fils (le Sopha, 1745), Diderot (les Bijoux indiscrets, 1748 ; la Religieuse, 1760-1796) ; Laclos (les Liaisons dangereuses, 1782) et finalement Sade (Justine ou les Malheurs de la vertu, 1797). 

- Les romans du sentiment s’imposent dans la deuxième moitié du siècle avec la Nouvelle Héloïse (1761), le roman par lettres de Jean-Jacques Rousseau (sur le modèle anglais du Pamela de Richardson) qui sera le plus gros tirage du siècle en séduisant par sa peinture préromantique du sentiment amoureux et de la nature, ou Paul et Virginie (1787) de Bernardin de Saint-Pierre (1737-1814). 

- Les romans « éclatés » comme Jacques le fataliste et son maître (1773-1778) ou le Neveu de Rameau (1762-1777) de Diderot sont des œuvres assez inclassables mais porteuses de modernité.

La poésie du XVIIIe siècle
Si la forme versifiée est utilisée avec habileté par Voltaire dans son Poème sur le désastre de Lisbonne ou dans le Mondain, la poésie, au sens commun du terme, ne se libère pas des influences du classicisme et l’histoire littéraire ne retient que quelques noms comme ceux de Jacques Delille (1738-1813) (les Jardins, 1782) ou Évariste Parny (1753-1814) (Élégies, 1784) qui préparent modestement le romantisme en cultivant une certaine sensibilité à la nature et au temps qui passe. Mais c’est essentiellement André Chénier (1762-1794) qui réussit une poésie expressive comme dans le poème célèbre de la Jeune Tarentine ou celui de la Jeune Captive (son œuvre ne sera publiée qu’en 1819, bien après sa mort tragique lors de la Terreur). On mentionnera aussi Fabre d'Églantine pour ses chansons (Il pleut bergère) et sa participation « poétique » au calendrier révolutionnaire.

Suggestion de lecture pour la littérature française du 18ème siècle
A Lire : la littérature française du 18ème siècle