Nouvelles des maisons de retraite
Aussi, quand le compatissant médecin fait sa tournée hebdomadaire ce mardi, bien qu'il soit impuissant à aider cette pauvre chose douloureuse dans son lit de torture, il pénètre dans la chambre pour poser sa main bienveillante sur le bras de la dame, lui passer un peu de la chaleur humaine qu'il distribue sans compter. La dame hurle de plus belle dès qu'elle sent le contact.
- Avez-vous mal ? demande-t-il ? - Qu'est-ce que tu crois, blanc bec ? - Où avez-vous mal, Madame ? - Elle m'a jetée par terre, tu vois pas ma tronche ?
Cherchant l'infirmière, il lui demande depuis quand sa patiente se plaint ainsi. Elle ne sait pas : cette femme se plaint tout le temps, n'est-ce pas ? Tout de même, ces marques sont récentes ! Alertée, l'infirmière retourne voir la patiente et la trouve effectivement changée.
Toute l'équipe est convoquée pour information. Personne ne sait comment une personne impotente a pu sauter les barrières pour se fracturer le col du fémur, et surtout, remonter ensuite dans son lit ! Le coup sur la tempe fait dire par une aide-soignante que quelqu'un l'a frappée, et toutes les pensées se tournent vers un pauvre innocent qui habite la chambre voisine, un attardé mental comme en accueillent souvent les maisons de retraite. Interrogé avec délicatesse par le médecin qui comprendrait bien un passage à l'acte dû à l'exaspération que tous ressentent ici, le pauvre bougre se balance d'une jambe sur l'autre et nie.
Ce n'est donc personne ...
La consigne du médecin, en accord avec toute l'équipe, c'est de fermer à clé la chambre de Madame R.en dehors des heures de soin, gardant à l'esprit qu'un "voisin" exaspéré pourrait de nouveau frapper.
A mon avis, c'est une malheureuse aide-soignante qui a lâché par mégarde la pauvre mamie en lui changeant son lit, et que terrorisée par ce qu'elle avait fait et par la peur de se faire renvoyer, elle n'a jamais pu en parler.