II faut choisir : ça dure ou ça brûle ; le drame, c'est que ça ne puisse pas à la fois durer et brûler. Albert Camus

PHIL-ANALYSE

Dimanche 7 Septembre 2008

Cette année, la rentrée s'annonce quelque peu morose… Crise financière, climat grisaillant, pouvoir d'achat titubant, pas d'eldorado en perspective. Point étonnant alors que l'âge adulte ne fasse plus rêver. Grandir, oui, mais pourquoi ?


Pourquoi l'âge adulte ne fait plus rêver ?
Les magazines surfent sur la vague de la crise de l'âge adulte, sur notamment la peur de vieillir. Dans un des derniers "Elle", un philosophe expliquait ce manque d'engouement pour l'âge adulte par le fait que notre société s'est urbanisée et a donc délaissé au passage le bon sens paysan, où vieillir et transmettre avaient un sens. L'esprit de performance n'aiderait pas non plus à accepter l'idée de vieillir. Bref, il existe sûrement de très bonnes raisons sociologiques de ne pas vouloir grandir !

Mais, le plus grave est que si l'on rejette l'âge adulte, c'est parce que nous considérons qu'aucun type de bonheur n'est associé à cet âge. Pourtant, les philosophes ne cessent de nous répéter que la sagesse permet d'être plus heureux. Question alors : l'âge adulte serait-il devenu un âge sans aucune sagesse ? Un âge encore plus idiot que l'adolescence ? Un âge caricaturé par "métro, boulot dodo", robotisé et sans âme.

La cause de la crise de l'âge adulte peut aussi s'expliquer par le fait que nos sociétés sont globalement pessimistes. L'immédiateté de notre existence n'est pas suffisante pour combler notre incessante interrogation de savoir où nous allons. Le livre de Corinne Maier "No kid" est révélateur de l'état d'esprit de notre société, on plonge carrément dans la philosophie de Schopenhauer…

En France, grandir signifie "se placer". Ce constat vient de la sociologue, Cécile Van de Velde, auteure de "Devenir adulte. Sociologie comparée de la jeunesse en Europe". En Angleterre, l'âge adulte consiste "à s'assumer", ce qui est déjà plus valorisant car c'est la voie de l'indépendance. Quant au Danemark, il s'agit de "se trouver", ce qui est bien plus palpitant !

L'âge adulte paraît plus solitaire que la jeunesse tribale. Cette coupure de lien reste peu attractive. Et plus on vieillit, plus on se rapproche de la mort, cette coupure de lien fatale… Bref, un panorama a priori très sinistre… Pourtant, vieillir c'est aussi gagner en sagesse, en sérénité, en accomplissement… Alors pourquoi refuser cette authenticité ? Sommes nous trop conditionnés par le jeunisme et l'esprit de compétition ?

Dans tous les cas, le succès de "La consolante" d'Anna Gavalda semble indiquer que nous sommes bel et bien entrés dans une période de repli. Vers les bonheurs simples. Le goût des gens simples… Peut-être arriverons-nous petit à petit à redorer l'âge adulte, en percevant d'autres types de bonheur...


Rédigé par Marjorie Rafécas le Dimanche 7 Septembre 2008 à 18:32 | Commentaires (2)

Commentaires

1.Posté par Lasmer Mohamed le 11/09/2008 12:21
C'est l'idée même de choix qui me choque. On ne choisit pas d'être adulte, sauf problème psychologique majeur, on finit par y entrer.
Cet âge à ses propres codes et ses tranches.
Ce sont les étapes de la vie, de laisser croire que l'on peut les refuser, cela même est étrange.
Que ces étapes de la vie s’allongent au rythme de la longévité, c’est normal…
Mais personne ne peut faire l’économie des ces passages obligés. Sauf à le regretter plus tard.
Chaque âge a ses propres frayeurs et ses bonheurs aussi.
A bientôt
Mo

2.Posté par marjorie le 11/09/2008 22:40
Il est vrai que l'on n'a pas vraiment le choix... Mais il y a ceux qui le subissent et ceux qui l'acceptent pleinement.... Et ceux qui se rebellent. Puis, sans compter, le décalage entre l'âge physique et mental... Pas si simple en fait...

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Marjorie Rafécas
Marjorie Rafécas
Passionnée de philosophie et des sciences humaines, je publie régulièrement des articles sur mon blog Philing Good, l'anti-burnout des idées (http://www.wmaker.net/philobalade), ainsi que sur La Cause Littéraire (https://www.lacauselitteraire.fr). Je suis également l'auteur de La revanche du cerveau droit co-écrit avec Ferial Furon (Editions du Dauphin, 2022), ainsi que d'un ouvrage très décalé Descartes n'était pas Vierge (2011), qui décrit les philosophes par leur signe astrologique.




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