Le PS frileux sur les écarts de revenus?
Jean-Philippe Huelin
Pour 2012, le PS veut limiter les écarts de revenus entre les plus bas et les plus hauts salaires, mais uniquement dans les entreprises à participation publique. Un peu timide ?
L’objectif est simple : combattre les écarts excessifs de rémunération. Il y a dix ans, les patrons du CAC 40 touchaient environ 100 Smic par an. Aujourd’hui, c’est quatre fois plus. Une note de la fondation Terra Nova, think tank proche du PS, pointait ce problème en 2008 et avançait un certain nombre de propositions, qui se retrouvent donc dans le projet socialiste.
OBAMA
Dans ce plan pour la présidentielle, il est aussi question qu’une assemblée générale des actionnaires fixe elle-même ce ratio dans le privé, que les salariés participent aux comités de rémunération, et enfin que les revenus variables (stock options, jetons de présence, récompenses en actions…) n’excèdent pas le traitement fixe.
Le projet propose enfin une transparence extrême dans les entreprises et des mesures fiscales affectant les très hauts revenus.
Le PS veut que « l’État actionnaire et employeur donne l’exemple ». Pour le député socialiste Michel Sapin, secrétaire national du parti à l’économie, la mesure pourrait s’appliquer « là où l’État a la capacité de peser, soit par sa présence au capital, soit par son soutien ».
Les entreprises concernées seraient EDF, Areva, France Télécom, Renault… et toutes celles qui touchent des subventions ou passent un contrat avec l’État. « Légalement, selon M. Sapin, on ne peut limiter les revenus que dans ces cas précis ».
L’idée n’est pas neuve. Depuis la crise, il y a eu un encadrement des salaires aux États-Unis. « Quand l’État est intervenu pour sauver les entreprises, précise Olivier Ferrand, président de Terra Nova, Barack Obama a posé comme condition de limiter les revenus des dirigeants ».
La Suède avait mené une expérience de ce type dans les années 1960, jusqu’à prendre 100 % dans la dernière tranche de l’impôt sur le revenu… En France, on retrouve ces pratiques dans le champ de l’économie sociale et solidaire. « Dans les grandes mutuelles comme la Maif », ajoute Olivier Ferrand. « Et les écarts sont raisonnables dans l’administration. »
L’idée avait disparu depuis le milieu des années 1990, mais il y a quelques mois, le groupe socialiste à l’Assemblée nationale avait déjà déposé une proposition de loi dans ce sens. « Ce projet en est la reprise », commente le dirigeant socialiste. « Ce n’est pas parce que Jean-Luc Mélenchon l’a proposée qu’on l’a reprise, tempère-t-il. Au moment du soutien aux banques, on avait déjà exigé une contrepartie sur les hauts revenus. » Raté.
FISCALITÉ
La mesure ne devrait donc pas toucher les plus gros salaires du CAC 40. À Terra Nova, on considère simplement que « c’est un signe qui est donné ». La mesure est en effet de l’ordre du symbolique, et toute la gauche ne se satisfait pas de cette ligne.
Roland Muzeau, chef de file des députés communistes, considère l’idée « intéressante », mais ajoute qu’« il y a la question des bonus, des stock-options, des retraites chapeaux qui sont essentielles pour les salariés qui considèrent que l’injustice, ça suffit ».
Cécile Duflot, en déplacement à Dijon, trouvait la position « étonnante ». Elle voudrait étendre ce dispositif par la fiscalité, parce que cela « concerne tout le monde ».
Les députés communistes et du Parti de gauche avaient aussi déposé une proposition de loi pour une « fiscalité écologiste », avançant l’idée d’un salaire maximum légal. Le PS demeure donc loin de ces positions.
Par Thibault Leroy, 13 avril 2011