Le plafonnement des salaires séduit certains dirigeants d’entreprises
Jean-Philippe Huelin
Petits patrons contre cadors du CAC
Cette proposition qui fait écho à celle des syndicats et du PS reviendrait à instaurer un salaire maximum de 355 000 euros par an (13e mois inclus) en se basant sur le smic. «A plus de 25 000 euros par mois, on vit très bien. Le salaire moyen des patrons de PME en France c’est 4 400 euros bruts. Autant dire que l’on ne se sent pas concernés par la polémique sur les supersalaires», assène Meunier qui dirige aussi Vigimark, société spécialisée dans la sécurité aéroportuaire.
Il y a un monde entre ces petits patrons et les gros mandataires sociaux qui émargent à plus de 2 millions d’euros par an, hors attribution d’actions. Les TPE et PME c’est 60% du PIB, 80% de la création d’emploi et 63% de l’emploi salariés en France, rappelle le CJD. «Le CAC 40 ce sont surtout des délocalisations et des milliers d’emploi détruits chaque année en France», tacle Michel Meunier. Alors «si des actionnaires financiers veulent s’offrir une superstar et la payer comme un joueur de foot, qu’ils le fassent..mais sur leurs deniers. Pas sur les fonds des grandes entreprises», renchérit Lejeune. Un discours qui ne déplairait pas à Mélenchon. «C’est vrai que notre position est très ambiguë au Medef, dit Stephan Brousse, président du Medef en Paca. Pour les dirigeants d’entreprises publiques, un plafonnement ne me choque pas. Pour les autres, l’Etat doit être là pour désamorcer les comportements abusifs et donc encourager les entreprises à adopter des codes de bonne conduite. Mais s’il commence à exiger des conseils d’administration qu’ils n’augmentent pas les salaires des patrons, cela va complètement enrayer la machine économique ! Ça peut tuer la prise de risques !»
Une menace qui ne fait ni chaud ni froid à Gontran Lejeune : «On nous dit : si on ne paie pas les grands patrons comme leurs homologues étrangers, ils vont partir. Mais, après tout, qu’ils partent ! Nous ne manquons pas de talents pour les remplacer.» Précisément, existe-t-il un marché international du patron pour les cadors du CAC ? «Oui, pas énorme mais ça commence à venir, explique Alain Roca, du cabinet de chasseurs de tête Transearch International. Le patron de SFR, par exemple, est un allemand. Et l’on a vu récemment un des directeurs d’Alstom passer chez le sud-africain De Beers. C’est sans doute le résultat des premiers Erasmus, moteur extraordinaire à l’internationalisation. Cela dit, arrivé à un certain niveau de responsabilités, l’argent n’est pas le moteur.» Chiche !
JEAN-CHRISTOPHE FÉRAUD, ALEXANDRA SCHWARTZBROD, Libération, 23 juin 2011