Les Pays-Bas limitent la rémunération des dirigeants
Le gouvernement néerlandais est le premier pays à adopter une réglementation contre les rémunérations excessives des dirigeants. Le pays a mis en œuvre depuis le 1er janvier 2009 une politique fiscale taxant les bonus, parachutes dorés et autres augmentations de salaires, allant jusqu’à 30%. Pionniers en la matière, les Pays-Bas espèrent être les précurseurs d’une nouvelle ère.
Inefficacité du Code de bonne conduite
Si le gouvernement hausse ainsi le ton, c'est en grande partie pour apaiser la colère exprimée par les néerlandais, suite à plusieurs scandales financiers. Déjà en 2004, le gouvernement est incité à créer un code de bonne conduite des dirigeants, suite à l'énorme scandale financier du géant de la distribution Ahol, condamné pour avoir truqué ses résultats. Ce code, dit « code Tabaksblat », du nom de l'ancien directeur d'Unilever choisi pour en rédiger les 100 propositions, se voulait un outil de gouvernance des affaires. Aucune obligation de s'y plier, cependant, les dirigeants ayant pour seule obligation d’expliquer leur refus - C’est d’ailleurs sur ce même principe que repose le code d’éthique du MEDEF en France-. Son application fut donc sans réelle surprise un échec, en particulier sur la rémunération des dirigeants, et notamment la règle stipulant que les primes de départs ne devaient pas excéder un an de salaire…Cette disposition n’a jamais été appliquée.
Enfin, le démantèlement en 2007 de ABN Amro, la plus grande banque du pays, qui entraina la perte de 7 500 emplois pendant que son PDG Rijkman Groenink partait avec un pactole de 30 millions d'euros, fut l'affaire de trop ! La fierté nationale et l'esprit égalitaire fortement prégnant dans la culture néerlandaise ne l’ont pas supporté.
Aujourd’hui, les mentalités semblent changer. Récemment, le PDG de la banque ING , Jan Hommen, -qui enregistre toujours de sérieuses pertes malgré l'injection de 10 milliards d'euros par le gouvernement-, se plie à l'injonction du Ministre des Finances Wouter Bos et renonce, ainsi que ses principaux actionnaires, à percevoir tout bonus pour 2008 et 2009. Cet ancien dirigeant de Philips renonce aussi à percevoir un quelconque salaire jusqu'à 2010, quand la nouvelle politique de rémunération du groupe sera fixée. Floris Deckers, président du conseil d’administration de la banque néerlandaise Van Lanschot Bankie vient quant à lui de présenter ses excuses, à la demande du Ministre des Finances, pour sa responsabilité dans la crise financière.
De manière générale, les principaux grands dirigeants s'expriment très peu sur le sujet. Le plus grand syndicat patronal néerlandais (le VNO-NCW) qui, à propos de cette nouvelle loi fiscale, se contente d'agiter l'habituel chiffon rouge des délocalisations a déclaré : « Nous n'avons pas de réaction particulière sur le sujet, sinon qu'il y a toujours le risque que nous perdions des compétences internationales à cause de mesures nationales ».
Enfin, le groupe franco-allemand EADS, dont le siège est installé juridiquement à Amsterdam "pour des raisons de gouvernance et de neutralité terrritoriale", va-t-il quitter cette domiciliation ? « Non", répond le groupe. "EADS ne déménagera pas. L’entreprise restera à Amsterdam malgré cette loi du 1er janvier ». De fait, les Pays-Bas espèrent bien ne pas rester le seul pays à prendre des mesures contraignantes à l'égard des grands patrons et observent attentivement la politique du président américain Obama, concernant les salaires supérieurs à 500 000 dollars.
Sandrine Dumont à Rotterdam (Pays-Bas)
Mis en ligne le : 19/03/2009 © 2009 Novethic Tous droits réservés