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Contribution de Rachid Oufkir : " Le ministre de l’intérieur marocain avoue le désengagement de l’Etat marocain dans le Rif !"

11/07/2014 - 13:59

RIFLAND (SIWEL) — Suite à l’incendie qui a frappé le complexe commercial, Suk n Abdellah n Tlimant à Nador/RIF, un bâtiment de 5 étages et 875 boutiques, et généré des conséquences désastreuses sur le plan social, le ministre marocain de l’intérieur Mohamed HASSAD, un technocrate pur jus, a déclaré solennellement le mardi 1er juillet 2014 au Parlement marocain que « l’Etat marocain ne peut pas dédommager les commerçants sinistrés du complexe commercial, car la responsabilité de l’Etat n’est pas engagée » « l’Etat - dit-il- peut néanmoins participer à la reconstruction du complexe commercial ».


Cette déclaration, pour le moins, étonnante, et d’une étrangeté politique en soi, porte une atteinte sérieuse aux valeurs de solidarité et d’entraide et révélatrice de la façon pour le politique et l’Etat marocain de se soustraire à leurs responsabilités respectives en matière de sécurité des biens et des personnes relevant d’un territoire sous leur juridiction.

Il convient, donc, d’apporter quelques précisions sur la redevabilité de l’Etat dans la société en général et dans le cas précis de cet incendie à Nador et ses conséquences.

Pour moi, l’Etat marocain est doublement responsable moralement et politiquement.

Moralement d’abord, vu que l’Etat est censé être le seul à incarner et mettre en oeuvre l’intérêt général et le seul garant de la sécurité des biens et des personnes. En outre, il est la seule garantie contre toutes les contingences par le biais de son devoir de pourvoir aux besoins des « citoyens » et leur assurer un cadre de vie sain et sûr. La déclaration du ministre ne peut que contrevenir à ces principes.

Politiquement ensuite, l’Etat marocain, exerce une tutelle sur les organismes chargés de faire respecter les règlementations en matière de sécurité ; Ce faisant, il a un droit de regard sur tous ces organismes, d’autant plus qu’il détient le monopole de la puissance publique.

Il va sans dire, que dans les conditions actuelles, c’est l’Etat qui légifère et encore lui qui est obligé de faire respecter la réglementation de sécurité sur tout le territoire (Cf. pièce jointe ci-dessous).

L’Etat, siège du pouvoir et de la puissance publique, détient à ce titre, la capacité d’écrire les règles du jeu et l’obligation de les appliquer.

L’Etat, entre autres missions, aurait dû contrôler la réglementation particulière, concernant notamment la sécurité incendie à la base, pendant la conception et durant l’exploitation de tout édifice recevant du public qu’il soit public ou privé. Il doit procéder périodiquement en cours d’exploitation aux vérifications nécessaires, comme les contrats d’assurance incendie, la bonne marche des équipements de sécurité etc... Cela n’a pas été le cas à Nador, puisque ces commerçants n’ont pas assuré leurs biens contre les risques tel que l’incendie, alors que les services de l’Etat détiennent le droit d’obliger tout commerçant à s’acquitter de ce devoir légal. En définitive, l’Etat reste comptable en amont pour avoir sous-estimé la prévention du risque d’incendie et n’avoir pris aucune précaution dans ce sens malgré que ses services aient été avertis antérieurement du dysfonctionnement qui règne à l’intérieur de ce bâtiment.

De plus, sa responsabilité lui dicte de sanctionner le préfet, les gendarmes et la protection civile à Nador, qui n’ont pas rempli leurs missions, puisqu’ils ne seraient intervenus que 5 heures après le déclenchement de l’incendie, de surcroît, ils ne se seraient nullement affairés pour mériter leurs statuts et leurs salaires. Vus que ces trois corps dépendent directement de l’Etat, par conséquent la responsabilité de ce dernier au titre d’un fonctionnement défectueux est formellement caractérisée. Retour ligne automatique
Par ailleurs, certains des comportements et propos tenus par un agent public laissent transparaître une transgression de leur situation légale et réglementaire ou la déontologie que les fonctionnaires doivent observer strictement. Un de ces agents a qualifié les commerçants rifains sinistrés de awbach (déchet de la société) et les a accusés de blanchiment de capitaux sans apporter la moindre preuve, cela constitue en soi un acte raciste, grave et voyou, qui doit être puni par la loi si l’Etat de droit est véritablement respecté dans ce pays. Retour ligne automatique
A rappeler que c‘est la énième occasion où de telles bavures, sous formes d’injures, d’abus de pouvoir et d’agissements racistes et voyous, soient commises par certains agents relevant de certains corps de fonctionnaires de l’Etat marocain, non-rifains pour l’essentiel, notamment la police et la gendarmerie, qui agissent, dans l’impunité totale, ce qui est extrêmement grave, car la tendance est à la banalisation de ces violences racistes.

Des militants et associations de défense des droits humains, localement ancrés, reçoivent régulièrement des témoignages dans ce sens portant des accusations à l’encontre des policiers pour violence et insultes racistes d’une extrême gravité.

En outre, on peut noter une contradiction dans les propos du ministre. Si « l’Etat peut néanmoins participer à la reconstruction du complexe commercial » comme le dit M. HASSAD, c‘est que ce dernier admet une certaine responsabilité de l’Etat. Je vois mal comment il articule ses deux propositions : nier la responsabilité de l’Etat d’un côté et vouloir aider à reconstruire l’édifice de l’autre. Retour ligne automatique
Une position molle, sans rigueur de l’état marocain qui entretient le flou, élude d’aborder la problématique dans sa globalité et sa profondeur, et suggère en creux que c’est lui-même, c’est-à-dire l’Etat, qui a participé à l’installation d’un tel climat d’anarchie et à l’état de la corruption en cours dans le RIF, qu’il encourage pour mieux y régner, et naturellement cela est considéré comme un facteur dissuasif pour la stabilité, la sécurité des personnes et des biens.

D’autre part, il est intéressant d’essayer de comprendre les conditions d’octroi d’une participation de l’Etat marocain à l’effort de reconstruction d’un tel édifice. M. Hassad, en habile communicant, reste évasif sur le fondement juridique d’une telle démarche.

La manœuvre est la suivante, le centre commercial est régi sous le régime de la copropriété et s’avère que le Crédit immobilier et Hôtelier (CIH) y est copropriétaire à hauteur de 35% et si l’Etat a accepté de participer à un plan de reconstruction de ce bâtiment, c‘est parce que le CIH est une filiale de la Caisse de Dépôt et de Gestion (CDG), qui est une entreprise dont le principal actionnaire est le holding royal, et elle est dirigé par Mounir MAJIDI qui n’est autre que le directeur du secrétariat particulier du cabinet royal. Retour ligne automatique
Concrètement, le ministre de l’intérieur n’aurait pas déclaré que l’Etat allait participer à l’effort de reconstruction si le CIH n’aurait pas été actionnaire dans cet édifice lourdement ravagé par un incendie. C‘est un traitement de faveur et sélectif de l’Etat qui vise davantage à combler l’entourage du roi qu’a dédommager le restant des simples copropriétaires. Cela constitue une violation grossière de l’esprit et de la lettre de l’Etat de droit ce qui est inadmissible et scandaleux.

Si l’Etat ne se sent nullement responsable dans tout préjudice qui puisse survenir dans le RIF, comme le dit si bien le ministre, alors il n‘a qu’a remettre l’exercice de la souveraineté du Rif à une autorité locale autonome et proche du peuple pour remplir cette mission. C’est une approche rationnelle et c’est du simple bon sens. Et si la solution doit être trouvée hors du cadre étatique marocain, autant le faire dans le cadre d’une entité étatique propre au RIF qui aura sa propre organisation judiciaire, législative et exécutive. Retour ligne automatique
Par ailleurs, cette réflexion chemine lentement mais sûrement dans le milieu militant et elle est portée désormais par de nombreux activistes qui tentent de lui donner une expression institutionnelle et une configuration concrète sur le plan social et économique. Retour ligne automatique
Le RIF, dans la politique de l’Etat marocain, ça rapporte beaucoup mais demeure non qualifié, au yeux du pouvoir central, pour recevoir les fonds afin de dynamiser son économie locale, y créer de la richesse et l’emploi, y développer les investissements nécessaires et y valoriser suffisamment ses potentialités propres. Les pouvoirs publics préfèrent plutôt réinjecter ces fonds ailleurs.

Le Rif, par cette déclaration, a désormais un aveu patent de désengagement politique, économique et social de l’Etat. Elle révèle surtout la faillite de ce dernier sur le plan de la sécurité et de la gouvernance. Le ministre dit avoir mobiliser 15 camions et un hélicoptère. Il serait bien avisé, ce ministre, de constater que leur intervention fut tardive et n’a été assurée qu’après 5 bonnes heures du départ du feu et qu’elle a été infructueuse et défaillante puisque l’Etat marocain a dû faire appel à la protection civile espagnole de la ville de Melilla, préside espagnole dans le RIF, pour venir à bout de la majeure partie de cet incendie. Cette performante intervention a été félicitée par un grand nombre de NADORAIS. Désespérés, ces derniers ont le sentiment d’être des laissés-pour-compte et orientent, pour le coup, leur révolte contre les services de l’Etat marocain totalement absents et impuissants. Autant les prestations des services de l’Etat marocain, utilisant des ressources de lutte contre le feu trop basiques pour affronter un incendie de grande ampleur, a soulevé des protestations des rifains, autant ces derniers ont admiré la mobilisation des agents de la protection civile espagnole, opérationnelle, bien structurée et performante, et salué leur volonté de s’acquitter de leur devoir malgré d’interminables embouteillages sur la route entre Melilla et Nador.

Si l’Etat n’à que faire des 2000 personnes, petits commerçants mis sur le carreau, touchés de plein fouet, car ils vivaient directement et/ou indirectement du commerce dans ce complexe, certains d’entre eux ont perdu toutes leurs fortunes dans cet incendie, alors le corps social et politique rifain n’a qu’à tirer les conséquences politiques de cette déclaration.

Le ministre déclare ensuite « Nous sommes à la recherche des causes de l’incendie et la détermination des responsabilités ». Tout être habitué à la pratique discursive au Maroc sait pertinemment que ces responsabilités ne seront jamais déterminés, et l’Etat sera mis hors de cause bien évidemment. Il ne faut s’attendre à quoique ce soit de positif pour ces sinistrés. L’Etat n’a jamais reconnu sa responsabilité dans ce qui arrive dans le RIF et le dossier sera classé sans suite, comme à l’accoutumée.

A rappeler que plusieurs zones d’ombres persistent dans cet évènement et penchent naturellement en défaveur des services de l’Etat marocain :

L’origine de l’incendie –Accidentel ou criminel

La lenteur de la protection civile pour éteindre le feu

La stratégie de la politique de la terre brulée

La contrebande est si florissante à Nador. Ce secteur réalise un chiffre d’affaires conséquents et offre une gamme de produits compétitifs sur le marché local ce qui porte préjudice à l’industrie locale et aux grandes enseignes de distribution comme Marjane. L’idée que l’incendie est d’origine criminelle et planifié à l’avance est tout a fait soutenable, cela suppose que l’incendie a été délibérément permis dans le but de justifier la lutte du pouvoir marocain contre le phénomène de la contrebande qui inonde le Maroc en général, le RIF et notamment Nador dont les produits sont commercialisés en grande partie dans le complexe commercial Suk n Abdellah n Tlimant ravagé par l’incendie. Pris dans ce sens, c’est un élément de lutte politique pour l’influence et le pouvoir,

Le non déplacement des hautes autorités de l’Etat marocain sur le lieu de l’incendie par solidarité avec les sinistrés etc.)

Rachid OUFKIR




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