"Des frères Mohamed aux frères Kouachi "par Lyazid Abid, vice-président de l’Anavad

02/02/2015 11:04

DIASPORA (SIWEL) — " Installés à Nîmes, dans le sud de la France, depuis 1998, les deux frères Hocine et Abdelkader Mohamed, sont renvoyés devant les assises du Gard pour violation des droits de l’homme pendant la guerre civile algérienne des années 1990. Pour les sept victimes et les familles des victimes, c’est une victoire contre l’impunité. Pour Alger, c’est l’armée algérienne qui est visée. Cela explique d’ailleurs le silence honteux de la presse algérienne, surtout francophone, sur cette affaire inédite et l’immobilisme complice de la justice algérienne, aux ordres, malgré les conventions d’entre- aide judiciaire signées par les deux pays." Extrait de la déclaration du Vice-président du Gouvernement provisoire kabyle, Lyazid Abid, dont voici l'intégralité ci-après.


Le Groupe de Légitime Défense de Relizane, en uniforme de l’armée algérienne (PH/ El Watan.dz)

L’affaire judiciaire des frères Hocine et Abdelkader Mohamed, deux miliciens algériens originaires de Relizane, sud-ouest d’Alger est aussi explosive que les attentats des frères Kouachi.

Installés à Nîmes, dans le sud de la France, depuis 1998, les deux frères sont renvoyés devant les assises du Gard pour violation des droits de l’homme pendant la guerre civile algérienne des années 1990. Pour les sept victimes et les familles des victimes, c’est une victoire contre l’impunité. Pour Alger, c’est l’armée algérienne qui est visée. Cela explique d’ailleurs le silence honteux de la presse algérienne, surtout francophone, sur cette affaire inédite et l’immobilisme complice de la justice algérienne, aux ordres, malgré les conventions d’entre- aide judiciaire signées par les deux pays.

En France, malgré ses imperfections, la justice peut être considérée comme suffisamment indépendante et impartiale. Elle refuse de se plier aux dénonciations du pouvoir algérien qui voit dans cette procédure une ingérence d’une justice étrangère dans ses affaires intérieures. Elle fonde les poursuites contre les frères Mohamed sur le principe de la compétence universelle des juridictions françaises que lui confère la Convention internationale contre la torture adoptée en 1984 et intégrée dans le code pénal en 1994, qui stipule que les autorités françaises ont pour obligation de poursuivre, arrêter ou juger toute personne se trouvant sur leur territoire susceptible d’avoir commis des actes de torture, quel que soit l’endroit où ils ont été commis et la nationalité des victimes.

Les multiples blocages et pressions exercés par le pouvoir algérien sur la France n’ont pas eu d’effet. Et l’ordonnance de la juge d’instruction de Nîmes du 26 décembre 2014, de renvoyer des frères Mohamed devant les assises, est perçue par l’oligarchie militaire algérienne comme une trahison de la France. Il y a trahison parce qu’il y a eu un deal secret entre les deux pays. Ce deal consistait pour la France à ne plus parler de la guerre civile des années 1990, de ses 200 000 morts et des responsabilités. La charte pour la paix et la réconciliation de Bouteflika adoptée en 2005 en était le bouclier. L’Algérie, quant à elle, a rassuré les autorités françaises qu’il n’y aurait plus d’attentat terroriste sur le territoire français.

Ce procès devant les assises du Gard est perçu par les généraux algériens comme une menace de la part de la justice française, qui pourrait leur interdire de profiter de leur argent détourné et placé en France. Une situation éminemment dangereuse et inacceptable pour eux. Il fallait absolument une réaction rapide, énergique et précise. Il n’est pas exclu qu’ils aient laissé faire, voire commandité les attentats contre Charlie Hebdo.

Ce comportement voyou des généraux algériens n’est pas nouveau. Ces derniers ont déjà réagi de la sorte pour contraindre la France à les soutenir dans les années quatre-vingt-dix, après l’annulation des législatives de décembre 1991. Il suffit de se rappeler les dividendes qu’ils ont en tirés de la prise d’otages du vol Air France 8969 à Alger en décembre 1994, de l’attentat du RER B à Saint Michel en 1995, de l’assassinat des sept moines trappistes du monastère de Tibehirine en 1996 et les infranchissables entraves des autorités algériennes au juge anti-terroriste français Marc Trévidic, en octobre dernier, pour l’empêcher d’établir les responsabilités et d’identifier les tueurs.

Sur le terrain, en Algérie, la gestion de la déferlante islamiste après les attentats contre Charlie Hebdo est édifiante. Elle démontre comment les militaires algériens exploitent le péril islamiste pour se maintenir au pouvoir. D’un côté, ils ont interdit aux islamistes domestiqués de manifester pacifiquement leur opposition aux caricatures de Charlie Hebdo, d’un autre côté, ils ont actionné les manifestations violentes des islamistes radicaux, seuls, susceptibles d’effrayer l’Occident et de lui faire prendre conscience du danger imminent d’attentat, à ses frontières, si jamais il ne collabore pas avec le pouvoir en place à Alger. On a bien vu à la télévision algérienne un certain Hamadache, imam-marionnette d’une des mosquées de Belcourt, faire l’apologie du crime et prononcer des fatwas dictées par le ministère de la défense.

Pour faire croire au monde que les peuples d’Algérie ont une position homogène sur ce sujet, ces mêmes manipulateurs ont actionné, sur un autre niveau, leur réseau ``d’intellectuels`` dont un certain avocat "kabyle" pour dénoncer avec des termes voilés la liberté d’expression, cœur de la démocratie en Europe.

Bien que l’indépendance de l’Algérie ait fait des Kabyles, des Mozabites et des Touaregs des sous-citoyens, cet avocat kabyle, jadis laïc, n’a pas trouvé mieux que de suggérer aux pays musulmans (donc à l’Arabie Saoudite, l’Iran, le Qatar, le Pakistan, le Soudan, etc) de profiter de cette opportunité pour « faire avancer la démocratie » en saisissant les instances internationales afin de remettre en question la liberté de critiquer les religions, fondement principal du siècle des lumières, dans des lois criminalisant l’atteinte aux religions et aux prophètes.

Ces mêmes intellectuels n’ont pas soufflé mot quand la Kabylie, le 3 août 2013, était désignée à la vindicte populaire parce qu’elle avait répondu présente à l’appel du Mouvement pour l’Autodétermination de la Kabylie pour exprimer, à la face du monde, sa liberté de culte, son caractère laïc et son attachement à la liberté d’expression, ni écrire la moindre phrase sur le massacre à huis clos perpétré par la police et la gendarmerie algérienne contre les Mozabites.

A l’image des Kurdes à Kobanê qui viennent de sortir victorieux là où les grandes puissances de ce monde ont peiné à faire reculer les forces obscurantistes de l’Etat islamique, la Kabylie comme l’Azawad, le Mzab et Nefoussa en Libye, sont des territoires de liberté et de paix. Les femmes et hommes, qui y habitent, repoussent les intégristes musulmans depuis des siècles. Ce sont ces peuples admirables que la communauté internationale ferait mieux d’écouter, de reconnaître et d’aider.

L’Anavad, le Gouvernement provisoire kabyle, a souvent signalé la dangereuse compromission des autorités politiques françaises avec les monarchies arabes et les dictateurs africains. Maintenant que le temps lui a donné raison, il attend de la France et des occidentaux une réelle reconnaissance des peuples amazighs dans l’exercice de leur souveraineté sur leur territoire dans l’intérêt de l’humanité et de la paix dans le monde.

Lyazid Abid, vice-président de l’Anavad

SIWEL 021104 FEV 15



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