"Détruire la Kabylie par l’infamie". Reflexion de Ferhat Mehenni " Autour du kidnapping et de la décapitation d’Hervé Gourdel "

26/09/2014 11:07

PARIS (SIWEL) — Le maintien du terrorisme en Kabylie, alors que celui-ci est quasiment inexistant ailleurs, permet de faire passer, auprès des médias internationaux et des chancelleries la thèse suivante :«Le pouvoir algérien se bat contre le terrorisme islamiste. Il fait de son mieux et il mériterait donc le soutien de l’Occident. Mais comme le terrorisme ne subsiste qu’en Kabylie qui se bat contre ce même pouvoir, ce sont les Kabyles qui seraient, sinon les complices des terroristes islamistes, du moins leurs alliés objectifs, leur rempart contre les assauts des militaires !» Par conséquent, la Kabylie est à mettre au ban de l’humanité et le pouvoir algérien est à encourager dans sa lutte contre les Kabyles qui l’empêchent d’éradiquer les terroristes ».


L’astuce est diabolique, mais elle fait mouche !

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Autour du kidnapping et de la décapitation d’Hervé Gourdel

ou comment détruire la Kabylie par l'infamie

Le kidnapping d’Hervé Gourdel, suivi de son assassinat par un groupe islamiste armé ayant fait allégeance à l’Etat Islamique au Moyen Orient, soulève à juste titre une grande indignation à travers le monde. Les Kabyles en sont à la fois horrifiés et révoltés. Ils sont profondément choqués d’apprendre le sort tragique réservé à ce malheureux citoyen français, mais ils sont particulièrement en colère que cet ignoble crime soit commis sur leur territoire. Ils s’en sentent salis, comme s’ils en étaient coupables ! Les médias internationaux, particulièrement les médias français, les accablent en présentant la Kabylie comme le fief d’AQMI et de l’islamisme.

C’est pour rendre justice au peuple kabyle que je me sens en devoir de défendre son honneur, en apportant ici mon éclairage personnel sur ce que sont la Kabylie, le terrorisme islamiste et le pouvoir algérien.

Bien sûr, il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Dans un monde où l’information est d’abord émotionnelle, face à des images manipulées et présentées, pour certaines, sous un angle plutôt qu’un autre, elle peut créer la confusion chez bon nombre de gens.

Aussi, je tenterai humblement de rétablir un certain nombre de vérités, quitte à ce que, compte-tenu de ce qui précède, mon écrit paraisse dérisoire et donquichottesque. Accuser la Kabylie d’être le fief de l’islamisme ou d’avoir de la sympathie pour cette idéologie fasciste et ses adeptes est si gros et si grave que cela appelle une mise au point en direction de l’opinion internationale.

1-) La Kabylie est laïque et anti-islamiste

Pour avoir investi dans sa quête de liberté et de reconnaissance de son identité, durant les trente années de dictature arabo-islamiste du FLN, la Kabylie, fer de lance du berbérisme, n’a jamais été gagnée par le raz de marée islamiste algérien. Toutes les élections pluralistes qui se sont déroulées depuis 1990 sont là pour le prouver. Les islamistes y essuient toujours des échecs.

La Kabylie est laïque depuis des siècles. Sa laïcité n’est ni le fait d’une décision violente à la turque, ni d’une loi à la française. Non ! Elle est simplement culturelle et répondait au besoin de liberté de chaque individu et de chaque village, mais aussi à la nécessaire solidarité entre tous ses enfants.

Bien que la majorité des Kabyles soit de confession musulmane, elle demeure non pratiquante et cultive la tolérance et le respect de toutes les croyances. C’est le seul peuple qui, en Algérie et à travers le monde dit musulman, pour défendre sa liberté de conscience, ait organisé des déjeuners publics pendant les journées du ramadan (étés 2013 et 2014).

2-) Le Terrorisme islamiste n’est pas kabyle.

Du fait que l’islamisme soit basé sur l’arabo-islamisme, il ne pouvait que rencontrer l’opposition des Kabyles. Les terroristes islamistes, bien qu’il y ait parmi eux de rares recrues locales, sont pour l’essentiel des étrangers à la Kabylie. Ils viennent d’ailleurs.

Le terrorisme islamiste n’a été transféré en Kabylie qu’à partir de 1997, lorsque le pouvoir algérien avait conclu un accord de paix avec l’Armée Islamique du Salut (AIS). Pendant cinq ans de terrorisme ayant ravagé Alger et ses environs (192-1997) la Kabylie faisait figure de pays voisin, paisible et sûr. C’était la Suisse locale.

Malgré quelques rares incursions dont notamment furent victimes, Mohand Aouchta, Rabah Stambouli et Nabila Djahnine, le terrorisme islamiste sévissait plutôt ailleurs mais surtout contre des Kabyles qu’il considère comme les seuls à lui être hostiles. Il assassinait à travers toute l’Algérie, mais on enterrait souvent en Kabylie (Tahar Djaout, Rachid Tigziri, Mahfoud Boucebci, Smail Yefsah, Katia Bengana, Hamid Mahiout, ….). Par ailleurs, les Kabyles furent les premiers à s’organiser et à prendre les armes contre le terrorisme islamiste, dès 1995.

3-) Le terrorisme islamiste est en fait l’alibi pour l’occupation militaire de la Kabylie.

Le pouvoir algérien qui, dès son installation en 1963, s’était heurté à l’opposition armée de la Kabylie, n’a eu de cesse d’échafauder des plans pour humilier celle-ci et la dépersonnaliser, casser chez elle toute idée de séparatisme par la répression et l’arabisation. Etrangement, c’est en Kabylie qui était relativement épargnée par le terrorisme islamiste, que l’armée va le plus se déployer, pour ne plus la quitter.

L’accord signé entre le pouvoir et l’AIS en 1997 avait besoin d’un bouc-émissaire : leur ennemi commun, la Kabylie qui refusait de s’arabiser et d’accepter un Etat arabo-islamique.

Mais l’idée de la fin du terrorisme posait aussi problème au régime algérien. En l’absence d’actes terroristes, comment justifier la présence de l’armée en Kabylie ? Il y a eu donc conspiration contre elle. Les terroristes sont autorisés à se venger contre les Kabyles comme ils le veulent, et l’armée est chargée de leur y garantir la liberté d’action et l’impunité. Ce sont les barrages militaires qui servent à ce jour de protecteurs de la libre circulation de ces nervis. Ce sont ces derniers qui viennent de revendiquer la décapitation d’un homme qui ne leur avait rien fait.

4-) Bouteflika n’a qu’un objectif : Détruire la Kabylie par l’insécurité

Bouteflika est arrivé au pouvoir avec la ferme intention de détruire la Kabylie. Dès sa première campagne électorale (1999), il déclara à Tizi-ouzou : « je suis venu dégonfler votre ballon de baudruche ! ». A sa deuxième campagne (2004), il cria à Vgayet (Bougie) où il fut accueilli avec des jets de pierres : « Kabyles ! De loin je vous voyais des géants, mais de près vous n’êtes que des nains ! ». A son troisième mandat, il humilia la Kabylie à travers le fils d’un valeureux écrivain kabyle. Le malheureux manœuvré, était chargé d’honorer Bouteflika dans les rues de Tizi-ouzou en allant lui mettre sur les épaule, un burnous local, symbole de l’honneur chez les Kabyles. Bouteflika qui se délecta du spectacle faisait semblant de l’ignorer totalement.

Bouteflika décréta une « concorde nationale » et prit le parti des jeunes terroristes en disant que « si j’avais leur âge, je serais l’un des leurs ! ». Au bout de deux ans de son premier mandat, il organisa la tuerie du « printemps noir » en Kabylie dans laquelle on dénombra près de 150 morts et des milliers de blessés dont 1200 handicapés à vie. C’était l’occasion d’y renforcer l’occupation militaire. Il commença à envoyer des renforts en surnombre. Ils sont depuis 2004, plus de 100 000 hommes stationnés sur place.

Il créa à la présidence, une unité spéciale chargée d’organiser les kidnappings et de semer la terreur en Kabylie. C’est elle qui est à l’origine de l’essentiel des enlèvements de commerçants et autres industriels pour les faire fuir de chez eux.

En septembre 2005, il organisa une parodie de « référendum » pour s’autoamnistier et absoudre de tous leurs crimes politiques, les terroristes islamistes qu’il envoya aussitôt en tant qu’imams en Kabylie. Nombreux sont ceux d’entre eux qui en ont été chassés par les comités de village pour avoir incité à la haine et au meurtre.

5-0) Bouteflika : Détruire la Kabylie par la désinformation.

A ce dernier mandat dans lequel il n’a pas fait la moindre apparition publique, très diminué physiquement, sa volonté demeure de détruire l’image de la Kabylie.

Faute d’avoir réussi à la domestiquer comme il l’escomptait à son arrivée au pouvoir, il y a dix ans, il se promet d’en pervertir l’image.

Le maintien du terrorisme en Kabylie, alors que celui-ci est quasiment inexistant ailleurs, permet de faire passer, auprès des médias internationaux et des chancelleries la thèse suivante :
« Le pouvoir algérien se bat contre le terrorisme islamiste. Il fait de son mieux et il mériterait donc le soutien de l’Occident. Mais comme le terrorisme ne subsiste qu’en Kabylie qui se bat contre ce même pouvoir, ce sont les Kabyles qui seraient, sinon les complices des terroristes islamistes, du moins leurs alliés objectifs, leur rempart contre les assauts des militaires ! » Par conséquent, la Kabylie est à mettre au ban de l’humanité et le pouvoir algérien est à encourager dans sa lutte contre les Kabyles qui l’empêchent d’éradiquer les terroristes ». L’astuce est diabolique, mais elle fait mouche !

Ainsi, de la Kabylie qui était considérée à juste titre comme le bastion de la démocratie et de la laïcité, grâce à l’insécurité que le pouvoir y entretient artificiellement, on en donne de nos jours l’image du « bastion du terrorisme islamiste » et du « fief de l’AQMI ».

On oublie de dire, ou en fait semblant d’ignorer que :

1) Les militaires algériens ne sont nullement entravés dans leur action par les populations kabyles. Ils s’y déploient en toute liberté.

2) Les Kabyles, s’ils ne sont pas d’accords avec le régime fasciste algérien, sont encore plus opposés aux islamistes.

3) La Kabylie n’a pas d’Etat et ne gère aucun des services de sécurité qui sont tous entre les mains d’Alger.

4) Les militaires et les terroristes islamistes sont tous armés, seuls les Kabyles ne le sont pas. Ils ont été désarmés dès le début de l’apparition du phénomène terroriste en 1992-93.

5-1) Bouteflika : détruire la Kabylie par l’infamie.

Avant de quitter le pouvoir, Bouteflika s’est juré de donner le coup de grâce à la réputation de la Kabylie et des Kabyles en en montrant l’image la plus hideuse possible. Depuis la mise sur pied de l’Anavad, le Gouvernement Provisoire Kabyle en exil (01/06/2010), Bouteflika jure de se venger par n’importe quel moyen. Il a donc sorti sa nouvelle tactique. Commettre des atrocités en Kabylie contre des étrangers et en accuser les Kabyles. De cette manière, il pense pouvoir, entre autres, en paralyser l’action diplomatique.

C’est ainsi qu’au mois d’août dernier, un footballeur d’origine camerounaise, Albert Ebossé, sous licence auprès la Jeunesse Sportive de Kabylie, fut assassiné dans les vestiaires du club à Tizi-ouzou. Les services s’étaient chargés de susciter des troubles à la fin d’un match et d’entrainer des jets de pierres des spectateurs sur les responsables de leur club. Ensuite, ce fut facile de présenter le joueur africain comme une victime de ces jets de pierres et non d’un assassinat organisé pour ternir l’image des Kabyles. Toutes les versions inventées par les scénaristes du pouvoir ne sont parvenues jusqu’ici à avoir la moindre concordance avec les faits qui restent têtus.

Aujourd’hui, c’est un Français qu’on fait enlever au cœur-même de la Kabylie, dans des conditions pour le moins suspectes, et qui vient d’être décapité.

Hervé Gourdel n’a-t-il pas été carrément livré par les services algériens à ses ravisseurs ? Nous sommes fondés à nous poser cette question. Une information judiciaire vient d’être ouverte à Paris alors qu’à Alger, il n’en est encore rien. J’espère que les accompagnateurs de l’otage décapité seront entendus par les juges français.

Dans une version des faits, livrée par le site internet du quotidien « Liberté » (mercredi 24 septembre 2014, 9h 50) par Salim Koudil, intitulée : « Enlèvement d’Hervé Gourdel, ce qui s’est réellement passé » on relève cet étrange détail : « les cinq accompagnateurs du Français ont été séquestrés dans la forêt avoisinant Aït Ouabane, durant toute la nuit de dimanche à lundi, avec Hervé Gourdel, avant d’être libérés dans la matinée. “Ils sont arrivés à Tikjda vers 16h30, hier (lundi, ndlr) après une marche à pied de plusieurs heures et se sont directement dirigés vers la caserne militaire.”

Pour quelqu’un qui connait la Kabylie, on ne peut marcher plus d’une heure sans tomber sur un village. Comment se fait-il que ces accompagnateurs libérés le matin n’aient pu atteindre qu’à 16h la caserne de Tikjda ? Etonnant !

Par ailleurs, toute la presse algérienne fait état d’un déploiement de pas moins de 1500 militaires pour un ratissage sur les lieux de l’enlèvement. Cela n’a permis jusqu’ici ni de sauver la malheureuse victime ni de retrouver sa dépouille, encore moins ses ravisseurs.

Comment se fait-il qu’avec tous les moyens modernes dont disposent ces militaires pour la surveillance d’un territoire connu pour être désert comme les hauteurs du Djurdjura, on soit devant un tel échec et aujourd’hui, un tel drame ? On en vient à déduire de deux choses l’une : ou cette armée est incompétente, ce qui est une insulte pour ses plus hauts gradés, ou on la promène au sens littéral du terme, c’est en faire le corps de tous les coups tordus dont le dernier a eu pour conséquence la décapitation d’un homme.

Ce que l’Occident devrait retenir de ce grave précédent est que le régime algérien, qu’il soit incompétent ou comploteur, n’est digne d’aucune confiance. Le soutenir revient à couver son rejeton, le terrorisme islamiste qui, demain va s’infiltrer dans chacune des villes européennes et américaines pour y faire ce qu’il fait aujourd’hui en Kabylie.

La Kabylie meurtrie, souillée par tant d’humiliations, a besoin de son propre Etat pour assurer sa sécurité et celle de son environnement. Seule une Kabylie indépendante est en mesure de garantir sur son territoire, voir au-delà, la sécurité des personnes et des biens dont le voisinage occidental a tant besoin.

Paris le 25/09/2014
Ferhat Mehenni




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