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Fathi Nkhlifa, président du CMA interpelle François Hollande : "le MNLA est un allié précieux et incontournable"

08/10/2012 - 14:28

PARIS (SIWEL) — Dans une lettre envoyée au président français, M. François Hollande, le président du Congrès mondial amazigh, CMA, exprime tout le soutien de cette ONG amazighe au MNLA, et souhaite que ce mouvement azawadien sera associé aux solutions prévues à la crise malienne. Le président du CMA est revenu aussi sur la situation des Touaregs de l'Azawad.
La lettre est publiée dans son intégralité.


François Hollande, président socialiste français, le nouveau seigneur de la guerre. PH/DR
François Hollande, président socialiste français, le nouveau seigneur de la guerre. PH/DR
Monsieur François Hollande
Président de la République française
Palais de l’Elysée
55, rue du Faubourg St-Honoré
75008 Paris


Monsieur Le Président,

Comme vous le savez, la décolonisation de l´Afrique à la fin des années 1950-début des années 1960, s´est traduite par la création de nouveaux Etats dont les frontières ont été tracées de manière tout à fait arbitraire et sans tenir aucunement compte des peuples et de leurs territoires traditionnels. Les Touaregs, peuple autochtone du Sahara et du Sahel, ont ainsi assisté impuissants au découpage de leur pays, traversé désormais par les frontières artificielles de 6 Etats : Algérie, Mali, Niger, Libye, Burkina-Faso et Mauritanie.

Depuis, les Touaregs n’ont eu de cesse de réclamer aux nouveaux Etats et à la communauté internationale, un statut d’autonomie pour leurs territoires traditionnels, la reconnaissance de leur spécificité socioculturelle (l’identité Tamacheq), l’accès équitable à leurs ressources naturelles et la liberté de circulation dans toute l’aire touarègue, dans le cadre d´Etats de droit.

Les Touaregs revendiquent également une participation effective à la gestion des nouveaux Etats et une représentation équitable au sein des institutions. Ils réclament aussi le droit d’être considérés comme des citoyens à part entière, sans être stigmatisés ni discriminés notamment à cause de la couleur de leur peau et de leur culture.

Pendant des décennies, les Touaregs ont exprimé leurs revendications de manière pacifique. Malgré cela, la réponse des gouvernements a toujours été la même : répression violente et manipulations de toutes sortes, y compris ethniques, dans le but de détruire leur capacité de contestation et d´organisation. Au Niger comme au Mali, cela s´est traduit dans les années 1990, par des massacres de milliers de civils et la destruction de leurs habitations, leurs cultures et leur cheptel.

Devant autant d’oppression et d’injustices dans l´indifférence de la communauté internationale, les Touaregs n’ont trouvé que les révoltes comme ultime recours, particulièrement au Mali et au Niger et ce, depuis les années 1960. Leur but était de crier leur détresse et d´alerter l´opinion sur la gravité de leur situation qui menace leur survie.

Et lorsque les Etats ont finalement été contraints d´ouvrir le dialogue avec les représentants du peuple Touareg et de signer des accords de «paix et pour le développement» avec eux dans les années 1990 et 2000, c´est pour ne jamais respecter ces accords, sauf dans leur volet sécuritaire qui signifiait le désarmement des combattants Touaregs.

Entre temps, les conditions de vie des populations se dégradent à grande vitesse à cause certes des aléas climatiques (sécheresse) mais aussi et surtout à cause de l’accaparement de leurs ressources naturelles et de leurs espaces vitaux par d’autres acteurs : populations venues du sud, concessions d’exploration et d’exploitation des ressources minières accordées par les gouvernements aux firmes multinationales, etc. Les Touaregs subissent donc depuis des décennies diverses formes de spoliation et d’affamement, en violation flagrante des principaux textes du droit international relatif aux droits humains.

A cela s'est ajouté un phénomène nouveau : l'occupation d´une partie des territoires Touaregs du nord-Niger et du nord-Mali, par des groupes armés, islamistes, pilleurs, contrebandiers, preneurs d´otages, narcotrafiquants, terroristes, etc, qui sévissent depuis une dizaine d´années dans cette zone en toute liberté, au vu et au su, voire même avec la complicité des Etats de la région, ce qui a fortement contraint l´activité pastorale et provoqué la mort du tourisme, une des sources importantes de revenus pour les populations autochtones.

Las de toutes les promesses non tenues et de l´indifférence générale, les Touaregs du Mali organisés au sein du Mouvement National de Libération de l'Azawad (MNLA) ont décidé en janvier 2012, de prendre leur destin en main, avec cette fois, la revendication de l´indépendance de l´Azawad, territoire historique des Touaregs situé au nord du fleuve Niger. Le MNLA a fondé la légitimité de son action sur le droit à l´autodétermination, conformément à la Charte des Nations Unies. Sur le plan militaire, le MNLA a atteint son objectif en moins de trois mois, presque sans livrer bataille tant l'armée malienne a abandonné le terrain sans résistance.

L'Etat indépendant de l'Azawad est proclamé le 6 avril 2012 mais aucun autre Etat ne l'a reconnu ni n’a cherché à établir un dialogue avec ses représentants. Au contraire, les manœuvres obscures de certains Etats (Mali, Algérie, Arabie Saoudite, Qatar) qui avaient débuté quelques mois auparavant dans le but de torpiller le projet du MNLA, ont été accentuées sous la forme de puissants soutiens logistiques et financiers accordés aux groupes islamistes terroristes (Alqaeda, Mujao, Boko-Haram, Ansar-Dine). Pendant ce temps, l'Union Africaine, l'Union Européenne et l’ONU regardaient ailleurs, comme s’ils préféraient voir l’Azawad (nord-Mali) aux mains des groupes islamistes terroristes preneurs d´otages plutôt que sous le contrôle du MNLA dont l´objectif pourtant légal aux yeux du droit international, était de créer un Etat démocratique et laïque.

Militairement suréquipés et fortement dotés financièrement, les islamistes ont vite fait de pointer leurs armes contre le MNLA qui a fini par céder du terrain en abandonnant notamment les principales villes de l´Azawad désormais contrôlées par les salafistes qui tentent d´y imposer l'ordre intégriste. Cependant, à Gao comme à Tombouctou et Kidal, les jeunes et les femmes en particulier tentent d’opposer une farouche résistance à l´application de la Chari´a et ont courageusement exprimé leur refus d´abandonner leurs traditions millénaires faites d'ouverture, de tolérance et de liberté.

Monsieur Le Président, en affirmant le 26 septembre dernier devant l’assemblée générale de l’ONU que «ce qui se produit au nord Mali est une menace pour l'Afrique de l'ouest, le Maghreb, et c'est également un risque pour l'ensemble de la communauté internationale», vous avez entendu ce que le CMA et d’autres organisations de la société civile dénoncent depuis des mois, à savoir le grave danger que représentent les groupes islamistes et leurs méthodes obscurantistes et criminelles.

Vous avez ensuite exhorté le Conseil de sécurité de l’ONU à autoriser un déploiement de troupes de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) dans le but de reprendre le nord-Mali aux islamistes, avec un appui politique et logistique de la France et de probablement de l’OTAN.

En tant qu’ONG de défense des droits du peuple Amazigh, le Congrès Mondial Amazigh (CMA) tient à vous alerter sur les points suivants :

Le CMA est naturellement et par principe, opposé à l’usage de la force militaire car une guerre laisse immanquablement derrière elle son lot de destructions et de deuils. Il ne faut donc y recourir que lorsqu’il n’y a aucune autre issue.

Les groupes islamo-terroristes n’auraient jamais pu conquérir le territoire de l’Azawad sans l’appui logistique et financier de certains Etats dont l’Algérie, l’Arabie-Saoudite et le Qatar. En conséquence, il suffit de dénoncer fermement cette néfaste ingérence étrangère et d’y mettre fin pour porter un très sérieux premier coup aux groupes salafistes armés. La France, l’UE et l’ONU doivent faire comprendre par tous les moyens à ces Etats qu’il est impératif et urgent de cesser leur soutien aux groupes islamistes qui occupent l’Azawad.

Ensuite et si l’on veut atteindre rapidement et efficacement l’objectif d’éliminer les groupes terroristes et autres trafiquants qui contrôlent actuellement l’Azawad, c’est le MNLA et non les troupes de la Cedeao qu’il faut aider car le MNLA dispose de combattants aguerris, motivés, qui connaissent mieux que quiconque le terrain de l’Azawad et qui bénéficient d’un certain capital de sympathie auprès des populations locales. Envoyer des troupes étrangères à la région qui ne connaissent pas les conditions particulières de vie dans le désert, c’est prendre beaucoup plus de risques concernant la perte de vies humaines, l’allongement de la durée de l’intervention et par conséquent l’enlisement de l’opération et au final, le rejet de l’intervention par les populations.

Mais si, pour des raisons diverses, c’est l’option Cedeao qui devait quand même l’emporter, le MNLA se dit prêt à combattre aux côtés des soldats de la force africaine mais à condition d’être étroitement associé à tous les niveaux de la stratégie militaire, depuis sa conception jusqu’à sa réalisation opérationnelle sur le terrain.

Monsieur Le Président, le MNLA est un allié précieux et incontournable qu’il est absolument nécessaire de mettre au cœur du dispositif politique et militaire afin de garantir le succès de l’intervention dans l’Azawad.

Il est également indispensable de réfléchir dès à présent à l’avenir du Mali, à son développement et à la nécessaire cohabitation pacifique et fructueuse de ses peuples et communautés. La France et les instances internationales doivent chercher et proposer, par le dialogue avec les parties prenantes, une solution qui va dans le sens du respect de la volonté de l’Azawad de s’auto-gouverner et de la consolidation d’un Etat Malien démocratique, plurinational et laïque.

Dans tous les cas, il est impératif de mettre fin aux causes fondamentales des révoltes des Touaregs, qui se répètent depuis un demi-siècle. Ce peuple vulnérable et menacé, mérite toute l’attention et la solidarité de la France et de la communauté internationale. Sans cela, l’histoire se répètera, restaurant le chaos et faisant le désespoir de tous les habitants de la zone sahélienne.

En espérant que notre présente lettre retienne toute votre attention, nous vous prions d’agréer, Monsieur Le Président, l’expression de notre haute considération.

P/le CMA

Le Président
Fathi Nkhlifa

Copie : Ban Ki-Moon, Secrétaire Général de l’ONU, Martin Schulz, Président du Parlement Européen, José Manuel Barroso, Président de la Commission Européenne.


SIWEL 081428 OCT 12