« La France sans les musulmans ne serait pas la France » ??? (Réponse à un article du Monde)

16/05/2016 21:49

CONTRIBUTION (SIWEL) — Suite à un article paru sur le journal Le Monde, signé par un certain Abdelkader Abderrahmane, un de nos fidèles lecteurs a souhaité apporter quelques réponses aux tentatives de récupération de grands personnages de l'Histoire moderne et ancienne qui ont marqué la France et le Monde.

A croire que tout ce qui n'est pas occidental est forcément arabe.

Ci-dessous l'intégralité de la réponse de Salem At SEYD.


Je m’étonne de voir le Journal Le Monde publier un article qui relève davantage de la propagande que de la discipline journalistique. Je ne doute pas des bons sentiments de ce bon Monsieur Abdelkader Abderrahmane. Mais laissez-moi être plus que circonspect quant à ses capacités d’analyste et consultant géopolitique. En effet, il « commet » un article avec des références de piètre valeur scientifique, et par conséquent géopolitique. Et particulièrement quand on souhaite se pencher sur des sujets aussi vastes que l’Histoire de France ou encore celle de l’Islam.

« De quoi parle-t-on au juste ? »

Dans son article publié sur Le Monde, l’auteur nous parle de monde « arabo-musulman ». Comment peut-on encore utiliser une telle dénomination dans le monde d’aujourd’hui ? Le monde arabe est en décomposition, son idéologie pan-arabiste réduite à l’état de ruines. C’est d’ailleurs pour cela que l’arabisme se rabat bien volontiers sur la mouvance islamique mondiale. De quoi parle-t-on au juste ? En géopolitique, nous savons justement que le poids démographique des arabes est insignifiant quand on le rapporte au 1,5 milliard d’êtres humains « potentiellement » musulmans. Potentiellement car l’Islam est une religion, et l’Homme selon un principe coranique bien établi a le choix de croire ou de ne pas croire. Par ailleurs, nous savons que la doctrine d’Etat Wahhabo-salafiste saoudienne et qatari est assise sur ¼ des ressources mondiales d’hydrocarbures. Sans compter la puissance de frappe phénoménale de l’industrie éditoriale saoudienne, qui absorbe une part du PIB saoudien que plus d’un pays aimerait avoir pour nourrir son peuple. Il faut aussi rappeler que l’Islam n’est pas une identité mais une religion et qu’en matière de croyance, il n’y a point de place pour l’hérédité, surtout en Islam. Je rappelle à toutes fins utiles au journal Le Monde que les Omeyyades de Syrie et les Abbassides d’Irak ne sont pas des arabes mais des levantins …

« Arabo-musulman ? »

Quand on cite des hommes de science « arabo-musulmans », il faut s’assurer de la présence d’au moins un auteur arabe dans la liste. Sans quoi l’expression est vide de sens. Or aucun des personnages cités n’est arabe. Pourquoi donc une telle confusion ? Un habitus profondément ancré et entretenu par les orientalistes de l’Institut du Monde Arabe ? Ce vaisseau amiral de l’arabisme sis en bord de Seine en plein cœur de Paris ?

Averroès est un berbéro-andalou qui a vécu à la fin de l’Empire berbère almoravide et assisté à l’avènement de l’Empire berbère Almohade. Un homme de science s’il en est, et qui fait abstraction du fait religieux pour réfléchir et penser. M. Abdelkader Abderrahmane sait-il qu’Ibn Tumart, auquel il renvoie le lecteur, donnerait même des complexes à un salafiste de banlieue dans sa compréhension rigoriste de la tradition dite sunnite ? L’autoproclamé imam impeccable et son élève Abd El Moumen étaient des adeptes immodérés du Jihad. La morale rigoriste à amené l’iconoclaste Ibn Toumert à condamner toute distraction, dont la musique. Savez-vous que les juifs n’ont pas eu à attendre que la reconquista espagnole ne boute en Afrique du Nord juifs et musulmans ? Et pour cause la doctrine de l’almohade Ibn Toumert n’a laissé d’autre choix aux juifs que de se convertir ou de mourir. Et vous citez un prosélyte du moyen âge qui donnerait des complexes aux « imams Youtube autopraclamés et impeccables ». Ceux là même qui sèment leur poison antisémite éculé en vue d’alimenter les rangs de DAECH ? Et tout ça avec la photo d’un français d’origine kabyle devenu quasi-mythique de son vivant.

Poursuivons :

Avicenne, Rhazès et El Ghazali (Algazel) étaient persans (Iran). Pourquoi citer El Ghazali, un mystique dogmatique qui a rejeté la science philosophique ? A ne pas confondre Algazel avec Mohamed El Ghazali de l’Ecole Al Azhar du Caire, l’opposant égyptien numéro un à la laïcité en Egypte au XXème siècle. Algazel est à l’origine même du rejet de la philosophie en tant que discipline qui critique la pensée. Nous lui devons même d’avoir tué la critique philosophique (El falasifa). Traitant de l’incohérence et discréditant les philosophes. C’est à lui que nous devons le mot français « falsification » qui vient en droite ligne de son ouvrage « Tahafut Al-falasifa ». Il aura fallu toute l’intelligence affutée du berbéro-andalou Averroès pour remettre sur pied la critique philosophique et lui redonner ses lettres de prestige avec son Fasl El Maqal – le fameux traité décisif ! Un traité philosophique qui reléguerait les prises de position de Michel Onfray et Alain Finkielkraut au rang de doux islamophiles d’extrême gauche.

Pourquoi vous précisez que Al Khawarismi est Perse alors que vous ne précisez pas l’origine pour les autres ? Dois-je présenter, ici, Leonardo Fibonacci qui a étudié les mathématiques pendant de longues années en Kabylie à Bougie ? Pourquoi occulter cet apport bien plus décisif en matière algorythmique q’un italien a acquis auprès des kabyles ? La suite, sans jeu de mot aucun on la connait, Fibonacci transmettra ses connaissances acquises au Vatican. Et le Vatican en fera bénéficier le reste du monde. Car c’est à cela qu’on doit les chiffres modernes internationaux en usage actuellement.

Pas plus que vous ne citez l’origine de l’illustre Ibn Khaldoun, le père fondateur de la sociologie et historien émérite de Tamazgha (Afrique du Nord), qui lègue à la postérité « l’Histoire universelle des berbères ». Ainsi que le fait qu’il était berbère, mais pour emprunter sa propre expression un « berbère Most3araboun » : un berbère arabisé. Comme d’ailleurs l’écrasante majorité des natifs arabophones et arabisés de l’Afrique du Nord.

Pourquoi attribuer à Ibn Tumart, qui aurai introduit, je cite : « la distinction entre la philosophie et le religieux, semant les graines des Lumières et de la rébellion contre l’Eglise » dans le monde occidental. Pour Averroès c’est évident. Mais pourquoi lui adjoindre Ibn Tumart à qui il doit la doctrine à cause de laquelle il a du fuir pour ne pas mourir ? Pourquoi convoquer quelqu’un qui serait qualifié aujourd’hui d’antisémite et d’islamiste ultra-rigoriste ? A l’image du grand-père de Tarik Ramadan, Hassan El Bana, le fondateur des frères musulmans, cette nébuleuse de la mouvance islamiste mondiale. Et pourquoi ne convoquez-vous pas Saint Augustin qui le précède de 7 siècles ? Ce nord africain, ce berbère, peut être même ce kabyle, père de l’Eglise catholique. Cet illustre personnage qui théorisa si bien la distinction entre le Pouvoir politique et l’Autorité religieuse. Potestas Vs Autorictas. J’oubliais, il écrivait en latin et les arabes à cette époque n’étaient pas admis au rang des grandes civilisations comme les berbères d’Afrique du Nord (Tamazgha). A moins que ce berbère natif de l’actuel Souk Ahras, près de Bône la française, ou de Hippone la romaine, ne fut trop catholique ?

« De l’origine des sciences ? »

Non M. BRIFFAUT vous vous trompez quand vous dites, « la science [occidentale et par extension française] doit bien plus à la culture « arabe » que des découvertes ; elle lui doit sa propre existence ».
La Science doit son existence aux sumériens, à l’Egypte pharaonique, à la Grèce, aux indiens, aux perses, aux berbères, aux romains, aux berbéro-andalous, aux juifs, aux européens, aux américains, aux chinois, aux Japonais, etc…. Enfin bref à l’humanité sans distinction de croyances et d’origines.
La Science française doit beaucoup à ses propres citoyens de France et de Navarre comme Blaise Pascal, René Descartes, Marie Curie, Louis Pasteur, Antoine Lavoisier, ou encore à des mathématiciens de génie comme Cédric Villani. M. Abdelkader Abderrahmane se trompe quand il cite quelqu’un qui se trompe lui-même. Et si d’aventure il avait un scientifique « arabo-musulman » à proposer pour compléter la liste des contributeurs à la science française, qu’il ne se gêne pas !

« Je pense donc je suis » ce n’est pas « Je crois donc je suis »

Quant à l’islamologue français professeur émérite à la Sorbonne Mohamed ARKOUN, avons-nous besoin de préciser qu’il était aussi kabyle ? Avons-nous besoin de préciser ses rapports familiaux avec Mouloud MAMMERI, illustre écrivain en langue française et brillant ethnologue et linguiste ? Doit-on évoquer ce que l’Islam de France et l’Islam mondial doivent à Mohamed ARKOUN ? Doit-on évoquer les menaces de mort à son encontre de la part d’un imam autoproclamé algérien et ce avec l’assentiment des autorités, simplement pour avoir évoqué en Islam la simple notion de « Mythe ». M. ARKOUN attribue la violence, l’islamophobie, l’occidentalophobie aussi au « choc des ignorances » et non point au « choc des civilisations ». Et dans votre article M. Abderahmane, vous êtes un généreux contributeur au « choc des ignorances » et par là même à l’islamophobie. Rendez service à l’Islam : taisez-vous !

Avez-vous besoin de convoquer le brillantissime footballeur français d’origine kabyle Zinedine ZIDANE qui contraste tant avec la médiocrité de l’article que vous avez osé commettre ? Vous avez l’outrecuidance de présumer des croyances d’un citoyen français qui plus est d’origine kabyle. En vertu de la Loi française, nous n’avons pas à présumer des croyances de Zinedine ZIDANE. Et en vertu de la Loi kabyle, Zinedine ZIDANE est libre de choisir la croyance de son choix. On ne saurait résumer un être humain au fait qu’il soit musulman, chrétien, juif ou athée. Comme le rappelle Mohamed ARKOUN, la foi est du domaine privé tout autant en France qu’en Kabylie.

« La France sans la République et laïcité ne serait pas la France » !!!

Aujourd’hui, la seule chose qu’il est utile de rappeler en France ce sont les lois de la République. Et défendre la Laïcité si chèrement acquise avant toute autre chose. Il se trouve que la Kabylie pratique la République et la laïcité depuis des temps immémoriaux… Un grand nombre de kabyles sont français depuis maintenant 5 voire 7 générations. Il est aujourd’hui difficile de distinguer un français d’origine kabyle d’un autre français malgré un attachement fort à ses racines. Et cela on le doit à un attachement viscéral à la laïcité qui respecte les croyances de toutes et de tous.

Que le Journal Le Monde s’en rappelle quand il voudra illustrer ses articles avec une photo de français d’origine kabyle comme Zinedine ZIDANE, Dany BOON, Kad MERAD, Isabelle ADJANI, Daniel PREVOST, Jacques VILLERET etc… Que le journal Le Monde s’en rappelle quand il voudra illustrer un article avec une photo de Saint Augustin, De Taos et Jean AMROUCHE, Mohamed ARKOUN, Marcel MOULOUDJI ou du chanteur Idir, le pionnier de la World Music.

Salem AT SEYD

SIWEL 162149 MAI 16



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