"La Turquie aura-t-elle prochainement un prix Nobel des génocides?", une contribution de Boualem Afir

23/12/2015 16:47

CONTRIBUTION (SIWEL) — Les kurdes sont régulièrement agressés par les forces turques mais l'opinion internationale demeure muette et aveugle pour ne pas "froisser Ankara". Les premiers morts sont enregistrés au Kurdistan, tandis que d'autres attaques sanglantes ont lieu partout où les forces spéciales turques "soupçonnent" la présence de membres actifs du Parti Des Travailleurs du Kurdistan (PKK). La Turquie, sous ce prétexte fallacieux tente en réalité de briser le peuple kurde, avec l'approbation des nations dites civilisées


Manifestation de kurdes à Paris (PH/DR)
La Turquie aura-t-elle prochainement un prix Nobel des génocides? Le silence que manifeste les membres de l'OTAN, face aux agressions et violences que le peuple kurde subit depuis la semaine dernière et depuis toujours par l'armée et la police d'Erdogan, ne cache pas le soutien indélébile de ces membres de l'Alliance au régime turc.

L'implication direct de la Turquie dans l'embrasement et la perpétuité de la guerre civile en Syrie et au moyen orient est sans équivoque. De l'armement des forces anti Bachard el-Assad, les soi-disant "islamistes modérés", au financement de l'État Islamique (Deach) par l'achat de son pétrole, la Turquie ne cesse de profiter de son statut privilégié en tant que membre de l'organisation du traité de l'Atlantique nord (Otan ) pour s'imposer dans la région en renforçant sa présence militaire.

"L'OTAN est née le 4 avril 1949 à la suite de négociations lancées par les cinq pays européens signataires du traité de Bruxelles (Belgique, France, Luxembourg, Pays-Bas et Royaume-Uni) avec le Canada et les États-Unis, et cinq autres pays d'Europe invités à participer (Danemark, Italie, Islande, Norvège et Portugal). D'autres pays occidentaux l'ont rejoint par la suite, mais cinq nations européennes (l'Autriche, la Finlande, l'Irlande, la Suède et la Suisse) n'en font pas partie parce qu'elles sont militairement neutres. Toutefois, leurs armées sont aux normes établies par les membres de l'OTAN."

"L'Alliance avait pour vocation initiale d'assurer la sécurité du continent européen après la Seconde Guerre mondiale, en prévenant d'éventuels soubresauts d'impérialisme allemand et en s'opposant à toute tentative expansionniste de l'Union soviétique. Entre 1955 et 1991, l'adversaire désigné de l'OTAN prend la forme du pacte de Varsovie, une organisation de sécurité collective sous obédience soviétique créée à la suite de l'intégration militaire de la RFA au bloc de l'Ouest et se présentant comme politiquement et militairement symétrique à l'Alliance atlantique. Selon les ambitions affichées par son secrétaire général britannique Hastings Lionel Ismay, le rôle de l'OTAN consistait au cours des années de guerre froide à « garder les Russes à l'extérieur, les Américains à l'intérieur et les Allemands sous tutelle »

Erdogan et son premier Ahmet Davutoglu ont lancé une guerre contre le PKK qui, à leurs yeux, représente « le » terrorisme. Entre le mois de juin et le 1er novembre, entre les deux élections législatives – manipulation visant à renforcer leur pouvoir –, ils n’ont eu de cesse de relancer une guerre contre les représentants du peuple kurde.

L’Humanité, au mois d’août, avait rendu compte des premiers massacres perpétrés par l’aviation turque qui, en bombardant des villages du Mont Kandil (Irak), sous prétexte de bases PKK, tuait en réalité des dizaines de civils. Depuis la fin de l’été, dans nombre de villes du Sud-Est, la résistance s’est organisée. A Diyarbakir, par exemple, la grande ville kurde, le quartier de Sur s’est organisé pour empêcher la police, la gendarmerie et les forces armées d’entrer. Ailleurs, comme à Cizre, l’autonomie a été décrétée, provoquant la fureur répressive du pouvoir. Déjà ce qui, au départ, s’apparentait à des heurts s’était traduit par des morts, des blessés, des arrestations, des destructions de maisons."

"Depuis quelques jours, les opérations militaires se sont aggravées. Diyarbakir est en état de siège. « Nous ferons tout pour faire de Cizre, de Silopi et de chaque portion de notre patrie une zone de paix, de stabilité et de liberté », a mis en garde mardi le premier ministre Ahmet Davutoglu. « Les terroristes seront éliminés de ces districts. Quartier par quartier, maison par maison, rue par rue », a-t-il ajouté. En 2011, lorsque le président libyen Mouammar Kadhafi avait lancé des menaces similaires, mot pour mot, les pays occidentaux avaient décidé de lancer une offensive militaire contre Tripoli.

Aujourd’hui, de Paris à Berlin, de Londres à Washington, c’est le silence radio. Lui et l’ensemble de ses ministres parlent de « nettoyage », ce qui n’est pas sans rappeler les sommets de la répression coloniale aux quatre coins du monde. Ils ont ainsi fait voler en éclats les pourparlers de paix engagés à la fin de 2012 par le gouvernement islamiste d’Ankara avec le PKK, pour tenter de mettre un terme à un conflit qui a fait plus de 40 000 morts depuis 1984."

"Huit membres du PKK ont été tués. Ces rebelles kurdes ont été « neutralisés » mardi à Cizre, dans la province de Sirnak (Sud-Est), a affirmé l’état-major dans un communiqué publié sur son site Internet. D’importants effectifs de l’armée et des forces spéciales de la police ont investi plusieurs villes soumises au couvre-feu, notamment Cizre, Silopi, Diyarbakir, Nusaybin et Dargeçit. De violents combats les opposent à de jeunes partisans du PKK et ont transformé des quartiers entiers en zones de guerre.

Joints au téléphone, des habitants de Silopi et Cizre ont fait état de la présence de chars de l’armée et signalé des explosions et des colonnes de fumée. Député du Parti démocratique des peuples (HDP, prokurde), Ferhat Encu a posté sur son compte Twitter des photos de soldats enfonçant la porte de l’immeuble dans lequel il se trouvait à Silopi. « Nous ne sommes pas en sécurité », a-t-il écrit. Selon l’agence de presse Firat News, un enfant de 11 ans a été tué lors d’une opération de l’armée à Cizre.

Après plus de deux ans de cessez-le-feu, d’intenses combats ont repris l’été dernier entre policiers et soldats turcs et le PKK, faisant de nombreuses victimes. Trois policiers ont été tués et trois autres blessés mardi à Silvan dans une attaque à l’explosif attribuée au PKK, qui a visé un véhicule blindé. La veille, deux jeunes manifestants sont morts par balle lors d’affrontements avec la police alors qu’ils dénonçaient le couvre-feu en place depuis le 2 décembre dans le district de Sur, à Diyarbakir. Hier, dans ces villes, les images étaient terribles. Des centaines de personnes tentaient de fuir les combats et les centres-villes. Ceux qui ont décidé de rester, par impossibilité de départ mais souvent par volonté politique de ne pas céder à la pression militaire du pouvoir central, commençaient à stocker des provisions en prévision d’un siège qui s’annonce long et rude.

Selon des données recueillies par la Fondation des droits de l’homme de Turquie, 52 couvre-feux ont été mis en place depuis la mi-août, dans sept provinces du sud-est de la Turquie. Ces mesures concernent au total 1,3 million d’habitants."

"La destruction d’un avion russe il y a quelques semaines montre également combien Ankara préfère s’en tenir à une ligne de confrontation. D’autant que certains observateurs se demandent si le positionnement des troupes turques près de Mossoul ne masque pas, en réalité, la tentative de créer un corridor de sortie pour les combattants islamistes."

Boualem Afir.

SIWEL 231647 DEC 15



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