Mhamed Issiakhem, un génie kabyle forgé dans la douleur...

13/02/2016 12:54

CULTURE (SIWEL) — Né en 1928 dans le village d'At Jennad en Kabylie, Mhamed Issiakhem avait fait ses classes à la société des Beaux-arts d'Alger en 1947, avant de rejoindre l'École des Beaux-arts d'Alger, puis celle de Paris où il est admis après une exposition dans une galerie parisienne.


A 16 ans, il perd trois membres de sa famille et se voit amputé du bras gauche suite à la manipulation d'une grenade ramassée près d'un camp militaire français. Après le drame, Issiakhem vivra toute sa vie meurtri dans sa chaire et dans son âme et son œuvre sera définitivement marquée du sceau de la douleur.

Il avait donné à la peinture kabyle moderne ses lettres de noblesse avant même l'indépendance de l'Algérie. Mhamed Issiakhem, disparu voilà trente ans, a imprimé un style propre à l'art plastique nord-africain et son legs éternel est encore visible dans les musées, bien sûr, mais aussi dans des lieux publics où son trait est reconnaissable entre tous.

Artiste kabyle accompli, touchant à tout les domaines des arts plastiques, Mhamed Issiakhem avait apporté sa touche, si particulière et qui en a inspiré tant d'autres, à des œuvres cinématographiques et littéraires.

Mhamed Issiakhem était aussi dessinateur de presse et créateur de décors pour des films comme "La voie" de Slim Riad ou "Poussières de juillet", réalisés avec son compagnon de toujours, l'écrivain, poète et dramaturge Kateb Yacine, qui lui avait donné le surnom d' "oeil de lynx".

Sa relation avec Kateb Yacine, rencontré à Paris au début des années 1950, se traduisait souvent dans les œuvres de chacun d'eux par des poèmes et des textes illustrés ou des toiles agrémentées de poèmes manuscrits à l'exemple de la plaquette "Issiakhem, oeil de lynx et les américains, trente cinq années de l'enfer d'un peintre".

Femmes Chaouies de M. Issakhem (PH/DR)
De l'enfer vécu par le peintre, Kateb Yacine dira avoir vu souvent Issiakhem travailler sur une toile pour la "détruire subitement (...) dans un suprême effort de tension créatrice", comme si toute son œuvre était "cette grenade qui n'a jamais fini d'exploser dans ses mains ...".

Très influencé par la forte personnalité de sa mère, mais aussi par la relation cruelle entretenue avec elle après l'accident, l'œuvre de Mhamed Issiakhem s'était naturellement focalisée sur un portrait, souvent sombre et meurtrie...



Portrait de la mère de l'artiste kabyle M. Issiakhem (PH/DR)
Pour sa part, le biographe de Kateb Yacine et de Mhamed Issiakhem, Benamar Mediene, historien de l'art et compagnon de route de ces deux "génies créatifs forgés dans le drame", compare le peintre à Vincent Van Gogh, deux créateurs "instinctifs" rongés par la douleur qui trouvera son exutoire, dira-t-il, dans le grand nombre d'autoportraits "sombres et dénués d'artifices esthétiques"que les deux artistes ont réalisés.

En 1980, Mhamed Issiakhem reçoit à Rome le premier Simba d'Or, une distinction de l'Unesco dédiée à l'art africain, avant de s'éteindre le 1er décembre 1985, laissant derrière lui un très important patrimoine aujourd'hui conservé au musée des Beaux arts d'Alger et auquel s'ajoute les tableaux détenus par des particuliers et des proches du peintre.



Autoportrait (PH/DR)
L'exposition que lui consacre, en 2010, le Musée des arts modernes d'Alger (MaMa) pour commémorer les 25 ans de sa disparition attire en deux mois plus de 30 000 visiteurs.

Aujourd'hui le style Issiakhem qui avait inspiré le mouvement "Aoucham" à ses débuts par l'utilisation des tatouages berbères dans les portraits de femmes, reste facilement reconnaissable sur les fresques et décorations d'édifices.

Source Huffingtonpost

SIWEL 131254 FEV 16



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