"Ce que le jour doit à la nuit". ALGERIE 1954 -1956
Un mien ami, Yves CASHA, qui fut en 1954 maître d'internat au collège de Bougie (actuelle BEJAIA) puis fut nommé en 1955 au lycée Franco-Musulman de BEN AKNOUN, me fait parvenir des photos de nos collègues et amis  LACEB Mokhtar et Mohammed BENYAHIA.
Curieusement ( mais cela est-il étonnant ? ) ces photos de jeunesse me renvoient à certains passages du remarquable roman de Yasmina Khadra, "Ce que le jour doit à la nuit", qui en dehors de la séquence sentimentale constituant le corps du roman, évoque la camaraderie entre de  jeunes  Français et de jeunes Algériens à la veille de la rébellion.



"Ce que le jour doit à la nuit". ALGERIE 1954 -1956
D'autres photos de cette époque témoignent de la cordialité qui régnait parmi les maitres d'internat du collège de Bougie malgré le contexte ambiant. La rébellion, avec ses suites tragiques,  était  en effet imminente, mais sa préparation s'effectuait  à l'insu de tous, sauf sans doute de Mohammed Benyahia, qui s'y consacrait à sa manière, notamment en privilégiant les contacts avec les élèves musulmans des grandes classes.

"Ce que le jour doit à la nuit". ALGERIE 1954 -1956

 

Casha,Sarthou, Guedj,Mekerta

Maiboroda, Casha, Laceb, Mekerta, Triki.


1954-1955. DANS L'ALGÉROIS.

La rébellion,  qui avait débuté à la Toussaint 54, prenait de l'ampleur.
Chacun déjà, en fonction de ses origines ethniques ou de son lieu de naissance ressentait,  vivait, et jugeait différemment la guerre de libération et ses conséquences dramatiques.
A la rentrée 54 puis en 55, les anciens collègues de Bougie dispersés au Lycée Bugeaud-Ben Aknoun, au Lycée Franco-Musulman de Ben Aknoun,  au Lycée de Blida, aimaient cependant à se retrouver.

 
"Ce que le jour doit à la nuit". ALGERIE 1954 -1956

Sur cette photo figure l'un de nos collègues algériens, "brillant sujet" comme il se dit ordinairement, et estimé de tous. Il était, nous l'apprîmes par la suite, déjà engagé dans le combat pour l'indépendance de l'Algérie.
"Ce que le jour doit à la nuit". ALGERIE 1954 -1956


Une mention spéciale concernant Mokhtar LACEB, homme de culture, ami auquel j'ai toujours porté une grande affection, doublée d'admiration.  Il devint après l'indépendance un éminent professeur de langue et littérature anglaise à l'Université d'Alger.
On le voit ici, en 1961, tenant affectueusement dans ses bras le fils de son ami Yves CASHA.
"Ce que le jour doit à la nuit". ALGERIE 1954 -1956



Mention doit être également faite d'Ahmed  MEDEGHRI, qui devint par la suite une personnalité politique de premier plan dans l'Algérie indépendante après avoir été l'un des responsables importants du FLN.
En 1956, comme en témoigne un extrait du "descriptif" de la distribution solennelle des prix du Lycée Bugeaud,  annexe de Ben Aknoun, il faisait partie de l'équipe des maîtres d'internat :

MM. ABDALLAH – ACHOUCHE – ATTALİ – BELKACEM – BENDJABALLAH – BENMAHMOUD – BENZİADA – BOUMAZA
BOUSTİLA – ELGUEZ – GALLEGO – MAÏBORODA – MEDEGHERİ – NOUGUÈ SANS – PERLÈS – SEMPÈRÉ – SİLHADİ – TAYEBİ –
VİLLEGAS – ZERROUKİ.


Boumaza et Medeghri étaient très liés et faisaient un peu "bande à part" dans l'équipe de Maîtres d'Internat.
Si je suis certain que MEDEGHRI est bien celui qui devint Ministre de l'intérieur dans l'Algérie indépendante, je suis moins affirmatif pour BOUMAZA, et je ne saurais affirmer qu'il s'agit ici de Bachir BOUMAZA, qui fut également une personnalité éminente de la guerre de libération puis de l'Algérie indépendante.

Figure  enfin sur cette liste BENDJABALLAH  qui était à la fois un collègue et un ami, car il était originaire de SETIF, ville dans laquelle j'avais passé moi-même une partie de ma jeunesse. J'ai perdu sa trace dans les  années qui ont suivi. Des recherches que j'ai effectuées après l'indépendance n'ont pu aboutir.

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Une autre expérience de camaraderie est relatée sur le site   https://saida.pagesperso-orange.fr/nostalgerie03/ecoles.htm
Elle émane d'un Pied Noir nostalgique de ses années de jeunesse.
Livrons en toute équité son point de vue et ses réflexions.
Nous les ferons suivre d'articles de la presse algérienne relatifs à Ahmed MEDEGHRI
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1954… L’année de mes vingt ans !

 
Un demi-siècle s’est déjà écoulé et il me semble que c’était hier …
Il y a foule, en ce début de juillet 1954, dans l’une des quatre grandes cours où se réunissent, à chaque récréation, les élèves du lycée Lamoricière d’Oran. Les candidats au baccalauréat attendent la proclamation solennelle des résultats, comme cela se fait traditionnellement chaque année dans cet établissement centre d’examen. Toute la classe de Math 1 est là. Les plaisanteries fusent. Soudain le silence se fait. Sur le perron qui domine la cour Lavergne, en haut du double escalier que nous avons gravi tant de fois dans nos sarraus noirs de potaches, apparaît le secrétaire général de l’inspection académique appuyé sur sa canne, costume noir, noeud papillon, lunettes d’écaille sur le nez. Il appelle les noms des reçus en indiquant la mention obtenue.

Le premier est Ahmed Ghozali qui obtient la mention Bien. Les suivants : Hached Chaabane, mention Bien également, puis dans l’ordre de mérite Bouamrane Mohamed et Boumaza Mohamed, mention Assez bien. Mes camarades saïdéens Kiés M’Ahmed, Kestemont Jean-Paul et Médéghri Ahmed obtiennent, comme moi, ce diplôme qui doit nous ouvrir l’accès à l’Université d’Alger ou à un emploi. Tout le monde semble heureux. Quelques jours avant, durant les oraux, une quinzaine d’élèves de notre classe avaient tenu à assister, pour le plaisir, à l’oral de mathématiques d’Ahmed Ghozali. M. Rahal essaya, en vain, de le mettre en difficulté. Ahmed Ghozali devait intégrer une école prestigieuse : l’École nationale des Ponts et Chaussées.

Le même jour, Mathieu Saint-Laurent Yves apprenait son succès au baccalauréat série Philosophie. Il devait, par la suite, entamer sa brillante carrière de couturier. On le voyait souvent dans la cour Chevassus, réservée aux récréations des élèves du second cycle, tiré à quatre épingles avec un noeud papillon et des cheveux blonds bien peignés. Alain Gomez, futur PDG de Thomson, élève en classe de Première, reçu à son premier bac avec la mention "Très bien" obtenait le 1er prix d’honneur de l’Association des parents d’élèves du lycée (Ahmed Ghozali, recevait le 3ème prix de cette association).

Une année de travail s’achevait dans ce magnifique lycée. Nous étions internes. Logés dans le même dortoir, nous mangions dans le même réfectoire, pas aux mêmes tables, notre République laïque acceptant depuis des décennies que les élèves musulmans puissent avoir une alimentation conforme à leur religion, mais dans la même vaisselle. Ceci pour rassurer un écrivain qui voulant nous faire comprendre la guerre d’Algérie dénonçait le fait que dans une école normale algéroise, Bouzaréah, en 1920, les élèves-maîtres européens mangeaient dans des assiettes en faïence et les musulmans dans des écuelles de métal ! Autre "infamie coloniale" : les élèves-maîtres musulmans étaient nommés "adjoints-instituteurs" et les européens "instituteurs" à leur sortie de l’école normale ! Cela doit faire sourire l’élève-maître Mouloud Feraoun, s’il nous observe de là-haut, lui qui fut le condisciple d’ Emmanuel Roblès dans ce même établissement et directeur de Cours complémentaire en 1952.

M. Claude Liauzu, professeur à l’Université Paris VII, note dans un article paru le 11 novembre 2002 sur un journal France-Algérie le Trait d’Union, : "Qu’à Bouzaréah ces jeunes ont été mêlés, les mettant exactement sur le même pied, les traitant de la même façon, sous réserve de certaines pratiques religieuses traditionnelles : officiellement il y a bien encore deux écoles normales à Bouzaréah, mais la fusion s’est faite entre les élèves-maîtres français et indigènes qui fraternisent en bonne amitié, pour le plus grand profit de tous". Mouloud Feraoun confirme "La communauté franco-arabe, nous l’avons formée il y a plus d’un demi-siècle à Bouzaréah".

Un historien qui professa au Lycée Lamoricière -ce qui constitue à mes yeux une circonstance aggravante- écrit dans un ouvrage consacré à la colonisation que les Français d’Algérie -les pieds-noirs- tutoyaient les indigènes et que cela était une marque de mépris à leur égard. Je pense qu’il ne s’était pas beaucoup mêlé aux autochtones et qu’il n’avait pas beaucoup visité ce magnifique pays. Il aurait pu constater que les algériens n’utilisaient pas le vouvoiement et qu’ils tutoyaient ceux à qui ils s ‘adressaient, sans que cela n’offusque personne, et la réciproque était vraie. Que de caricatures et de mythes à qui il faudra un jour tordre le cou .

En réalité en 1954 à Oran -comme en 1930 à Bouzaréah- nous étions dans les mêmes classes, musulmans et européens, la même salle d’ étude où nous passions plus de trois heures par jour. La vie en internat ne posait aucun problème et le meilleur état d’esprit régnait entre nous, européens et musulmans, sans haine et avec la complicité qui règne chez les potaches de tous les établissements scolaires. Germaine Tillion disait aussi qu’avant 1954 il n’y avait aucune haine en Algérie.

Le premier octobre 1954 j’étais nommé Maître d’internat dans ce même lycée, avec comme voisin de chambre Ahmed Médéghri. Un mois plus tard, le 1er novembre, jour de la Toussaint, la première victime de ceux qui avaient choisi la violence pour faire aboutir leur cause était un enseignant qui arrivait de France pour occuper un poste dans le bled. La seule victime civile, à ma connaissance, qui eut droit à la compassion des dirigeants du F.L.N. qui avancèrent la thèse de l’accident, la rafale de mitraillette ne lui étant pas destinée !

Nos relations ne devaient pas changer, du moins en apparence. Nous avions vingt ans et nos élèves étaient juste un peu plus jeunes que nous, insouciants comme peuvent l’être des adolescents, mais aussi pouvant être très responsables quand une cause leur paraît juste. Et la cause de l’Algérie française leur paraissait juste. Le climat devait se dégrader. Nos jeunes élèves étaient invités à se joindre aux nombreuses manifestations, notamment lors du massacre de vingt et un jeunes soldats du contingent, atrocement mutilés. Des cadenas étaient posés sur les portails, empêchant l’entrée des élèves ! Notre travail devenait difficile dans une ambiance surchauffée qui devait coûter son poste à notre sympathique, mais excentrique, censeur des études .

Nommé instituteur à la rentrée 1956, je retrouvais à Saïda, notre ville natale, mon collègue Médéghri dans l’école où enseigna M. Germain, autre Saïdéen, père spirituel d’Albert Camus qui lui rend hommage dans son livre "Le Premier homme". Quelques mois plus tard, Ahmed Médéghri disparaissait un matin en abandonnant sa classe. Après la proclamation de l’indépendance de l’Algérie, mes deux condisciples, Ahmed Ghozali et Ahmed Médéghri, furent appelés à de hautes fonctions ministérielles. Le second disparut tragiquement.
Ferhat Abbas, Docteur en pharmacie, diplômé de la Faculté d’Alger en 1925, pouvait alors écrire que l’Algérie sortait de "la nuit coloniale" où l’avait plongé la France en 1830. Après, aurait-il pu ajouter, les trois siècles de lumière prodiguée par quinze mille janissaires turcs, dont l’humanisme était connu de tous les habitants du Royaume d’Alger !

Peut-être que la nouvelle loi "Sur la reconnaissance de la nation due aux rapatriés" pourra aborder ces problèmes et reconnaître que l’oeuvre française en Algérie , "si elle ne fut pas exempte de critiques fut magnifique malgré son passif" comme le soulignait Beuve-Méry, directeur du journal "Le Monde" en 1959, qui ajoutait déjà en 1956 : "C’est faire bon marché en effet de l’objectivité que d’écarter délibérément du jugement les traits bienfaisants d’une oeuvre dont l’importance n’est contestée par aucun musulman algérien de bonne foi". Ceci en réponse à un manifeste de l’Association des oulémas musulmans d’Algérie.


Texte de Robert Jesenberger



 
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"Ce que le jour doit à la nuit". ALGERIE 1954 -1956


https://www.liberte-algerie.com/contribution/ahmed-medeghri-aurait-ete-homme-de-changement-215708

A la une / Contribution

Témoignage

Ahmed Medeghri aurait été homme de changement

Personnalité parmi les plus marquantes du combat pour la construction du jeune Etat Algérien, Ahmed Medeghri comme n’importe lequel d’entre nous était et avant tout un homme du peuple, un homme d’une grande simplicité, foncièrement bon, sensible et généreux, dévoué et disponible pour tous ceux, indigents, démunis et déshérités qui attendaient patiemment que notre pays soit à la hauteur de ses promesses et de leurs espérances. L’intérêt et l’attention presque obsessionnels qu’il a toujours porté à leur situation, et d’une manière générale, au monde rural dont il rappelait souvent le lourd tribut consenti durant la lutte de libération, ont constitué, à coup sûr, le ressort principal de ses convictions et le moteur essentiel de son action.
 

Il était convaincu que c’est l’Algérie profonde, qu’il faut aider à se mettre au travail, en libérant toutes ses énergies et en lui permettant d’exploiter toutes ses potentialités, c’est de cette façon qu’elle retrouvera, en se développant, sa dignité et qu’elle accédera au progrès.
Conscient de cette nécessité, il fait adopter par les hautes instances de l’Etat une résolution importante consacrée à la promotion du secteur traditionnel. Chargé de sa mise en œuvre, il a vite précisé, cependant, qu’il ne s’agissait pas d’aider continuellement et indéfiniment les populations en faisant, pour elles, ce qu’elles pourraient et devaient faire pour elles-mêmes, mais de mettre en place toutes le structures, tous les mécanismes et tous les moyens devant leur permettre de s’assumer et de prendre en charge leur destin. C’était là l’affirmation des premiers fondements de l’option de décentralisation politique, économique et sociale qu’il considérait comme incontournable et autour de laquelle devait s’articuler toutes les autres actions de reconstruction de l’Etat, de développement économique de promotion sociale et culturelle.
En clair, il s’agissait pour lui d’organiser et de mettre en place toutes les conditions nécessaires pour que l’édification de l’Etat et le développement économique, social et culturel du pays soient l’œuvre de toutes les forces et de toutes les composantes de la société. Il était de ce fait persuadé que la participation effective de la société à la gestion de ses affaires publiques n’était possible que dans le cadre d’un partage harmonieux des moyens, des pouvoirs et de ses responsabilités entre les institutions locales, régionales et nationales qu’il importait de mettre en place, en édifiant un état conforme aux aspirations de liberté et de dignité de notre peuple et de fidélité aux idéaux de son combat. Il estimait en outre que ce combat ne serait véritablement libérateur et achevé que si l’Etat qui sera édifié permettra aux Algériens de concrétiser effectivement leurs aspirations de liberté, de justice, de dignité et de progrès. Tel est le fil conducteur de la démarche essentielle qui a toujours inspiré Ahmed Medeghri dans son action et qu’il a toujours cherché à faire partager autour de lui, dans toutes les instances et durant toute la période où il a exercé ses responsabilités. En établissant un ordre de priorité conforme tout à la fois à l’ordre des préoccupations nationales et aux exigences qui s’affirmaient au fur et à mesure que les activités des différents secteurs publics s’organisaient et se libéraient de la confusion et de l’anarchie qui prévalaient. Ahmed Medeghri s’attelait patiemment aux tâches essentielles, en inscrivant sa démarche dans la durée, sans négliger tous les aspects qui concourent à donner plus de force et de cohérence à l’unité de son action. Armé de ses seules et fortes convictions, il ne s’est jamais installé dans le confort des certitudes acquises et éphémères et se remettait en cause sans hésiter pour mieux préciser des objectifs, évaluer des moyens, apprécier des choix. Il s’informait, écoutait, consultait, discutait. Il a toujours cherché à convaincre ou à se convaincre, avant de décider de l’opportunité, de l’utilité ou de la nécessité d’une mesure, d’une démarche ou d’une opération.
C’est ainsi qu’il a lui-même conduit, aidé de ses collaborateurs, tout un ensemble d’actions et d’opérations telles que :
• La constitution de l’état civil dans les régions sahariennes soumises durant la période coloniale au statut des territoires militaires, au profit des populations nomades Touareg et Reguibat et la reconstitution de l’état civil dans les régions dévastée durant la guerre de libération.
• Le premier recensement général de la population
• L’intégration des corps de sapeurs–pompiers des communes qui en disposaient sous forme d’entités autonomes et bénévoles, au sein du service national de la Protection civile sous sa tutelle, la titularisation de leurs membres et la création de l’Ecole nationale de la Protection civile pour leur formation.  
• La mise en place des institutions locales au niveau de la commune et de la wilaya et l’organisation des premières consultations électorales.
• Le redéploiement des finances locales, en rénovant leurs cadres budgétaires et en mettant en place un système de redistribution des ressources fondé sur une solidarité inter-locale.
• L’assainissement et le redressement des services publics locaux et la mise en place de nouvelles conditions de gestion des patrimoines de l’état, des wilayas et des communes.
• Le développement économique rural et la promotion de la petite et moyenne industrie locale ainsi que la mise en place d’un nouveau système d’incitation au profit des investissements privés nationaux.
• La lutte contre les disparités régionales au moyen de programmes spéciaux de développement en faveur des zones déshéritées.
• L’élaboration et l’adoption d’un statut général des agents publics de l’état et des collectivités territoriales.
• La décentralisation des constructions scolaires au profit des communes et des  wilayas et la constitution d’entreprises locales de réalisation.
• La promotion des équipements socio-éducatifs.
• La création de l’Ecole nationale d’administration et des centres de formation administrative pour la formation des cadres de l’état et des collectivités locales ainsi que la mise en place et la création de nouvelles structures de formation des grands corps spécialisés de l’état.
• La promotion de l’autoconstruction dans les zones rurales déshéritées, par la distribution gratuite des matériaux de construction et le soutien de l’encadrement des campagnes annuelles de reboisement.
• L’harmonisation des salaires entre les différents secteurs et entre les échelons centraux et locaux.
• Le réaménagement territorial des wilayas dont le nombre a été porté de 15 à 31.
Parallèlement à toutes ces actions, il a entrepris, dans le cadre des compétences de réforme administrative qui lui étaient dévolues, de réexaminer avec tous les ministères :
• L’organisation de leurs structures centrales et locales.
• L’exercice des pouvoirs centraux en remodelant dans le cadre d’une déconcentration, les services spécialisés implantés dans les wilayas et créer de nouveaux conseils exécutifs de wilayas, animés et dirigés par le wali.
Il serait bien sûr, fastidieux d’aborder dans le détail toutes ces actions qui ont mobilisé durant plus de dix ans, l’énergie et les forces d’Ahmed Medeghri, à la tête du ministère de l’Intérieur.
Tout comme il serait long de passer en revue toutes les autres responsabilités qu’il a assumées, indépendamment de ses attributions et que le chef de l’état lui avait confiées, notamment pour :
• Diriger des comités ministériels spécialisés.
• Arbitrer des conflits de compétence entre les ministères.
• Entreprendre certaines missions délicates auprès des pays voisins, pour régler les questions de frontières.
Dans la conduite et la direction des opérations qu’il menait toujours jusqu’à leur terme final, il a toujours fait preuve d’une grande rigueur, de fortes capacités de discernement, d’une honnêteté intellectuelle et morale incontestable et reconnue par tous, et d’une droiture absolue.
Dans toutes ses décisions, il faisait la distinction toujours entre l’essentiel et l’accessoire, entre le durable et l’éphémère ; dans ses choix, le bon sens et l’intérêt supérieur et permanent de l’état et de la collectivité nationale prévalaient.
Il n’a jamais oublié, dans l’exercice des ses responsabilités, que le mieux-être des Algériens était l’objectif et le but de l’action des gouvernants. Il plaçait, dans ce contexte, la dignité du peuple et des citoyens au-dessus de tout et considérait que le devoir de l’état était d’assumer toutes ses obligations et que son autorité dépendait de la qualité de ses représentants et de celle de ses services publics. Il refusait de considérer les Algériens comme des assistés et rêvait d’une Algérie dont les citoyens seraient tous responsables d’eux-mêmes et qui n’attendent pas que le pays fasse pour eux, ce qu’eux-mêmes devraient faire pour lui. Il était convaincu, pour y parvenir, de la nécessité de faire confiance, de susciter et d’encourager les initiatives populaires, de développer l’esprit d’initiative et l’imagination créatrice. Ses idées simples mais fortes, procédaient d’un attachement profond aux libertés publiques et individuelles. Elles heurtaient bien entendu tous les partisans de l’autoritarisme de la pensée unique, des monopoles en tous genres, qui réduisaient les citoyens à l’état d’assistés, leurs idées et leurs choix. Il s‘est toujours opposé aux monopoles qui portaient atteinte à la dignité des Algériens tels que celui de la distribution des produits de large consommation et des denrées de première nécessité et il a toujours refusé, de son vivant que ce monopole soit régionalisé et déconcentré au niveau des wilayas, pour éviter que les représentants de l’état s’érigent en commerçants.
Il a toujours, et la sauvegarde de la dignité des Algériens était devenue pour lui une véritable obsession, combattu toutes formes de dépossession des citoyens, toutes sortes de spoliation, destinées, sous-couvert d’une conception abusive de l’intérêt de l’état et l’utilité publique, à dresser les Algériens entre eux. Il était convaincu que toute grande opération nationale ne devrait en aucun cas être réalisée au détriment des droits fondamentaux d’une partie ou d’une catégorie d’Algériens, car disait-il, l’Algérie n’a jamais connu de système de classes, elle a toujours fait preuve, dans les grands moments de son histoire, d’unité et de solidarité.
Fort de ses convictions, il a toujours combattu, au sein de toutes les instances où il a été appelé à faire entendre sa voix, tous ceux qui voulaient créer une Algérie féodale à deux vitesses.
Il a combattu toutes les conceptions nées sous d’autres cieux et totalement étrangères à la culture de notre peuple c’est-à-dire une culture ancestrale imprégnée de solidarité nationale, de justice sociale, de tolérance et de respect de la dignité de chacun.   
Il s’opposait farouchement à toutes les décisions inspirées par esprit revanchard, la haine et la volonté de puissance. Il s’est toujours élevé, sans y parvenir, sinon atténuer leurs effets, contre les restrictions à la liberté de circulation des personnes et des biens et à la liberté d’association et n’a jamais désespéré d’y mettre fin en proposant périodiquement leur annulation, pour lutter contre les effets pervers.
Il était persuadé que la sécurité et la protection des citoyens devait constituer la première obligation de l’état et le premier droit dont les Algériens et les résidents étrangers vivant dans notre pays, devraient, avant toute chose, bénéficier.
C’est fort des résultats acquis, dans le domaine de la sécurité des personnes, quant il défend la sécurité et la protection des Algériens vivant en France et que les atteintes à la dignité des travailleurs algériens, ne pouvaient être acceptées. Rien ne pouvait le heurter comme les atteintes à la dignité des Algériens qu’il plaçait au premier rang de ses préoccupations.
La contribution d’Ahmed Medeghri à la construction de l’état, et au développement de notre pays ne peut pas être circonscrite dans le cadre d’une communication ou d’une intervention individuelle. Ses aspects sont nombreux et les réflexions qu’elle peut susciter méritent d’être exprimées et développées pour saisir toutes les implications de son action.
Ahmed Medeghri n’était pas homme à se nourrir de certitudes. C’était un homme de conviction, animé par une foi profonde mais en même temps harcelé par des interrogations permanentes sur tout ce qu’il entreprenait et réalisait. Il était toujours prêt à se remettre en question pour faire mieux avancer dans la bonne direction. Il n’était pas dupe de l’ascendant qu’il exerçait et savait se contester pour contester le phénomène lui-même. Il a toujours été convaincu que c’est en se remettant en question qu’il s’ouvrait au renouveau.
La foi qui l’animait et le souci et la volonté d’être à la hauteur des espoirs placés en lui, donnaient à son sens des responsabilités une dimension si grande qu’il était prêt à accepter toutes les missions difficiles et complexes, toutes les tâches de longue haleine qui nécessitent détermination et persévérance.
Homme de dialogue, de concertation, de rigueur, il aurait été sans aucun doute, par sa clairvoyance,  par son sens aigu de l’éthique de l’état, par son réalisme politique et son manque de dogmatisme, l’homme de l’évolution et du changement, vers une société plus stable, plus juste, plus sécurisée, libérée des carcans de la gestion administrée, ouverte vers la modernité, l’état de droit et la démocratie.
Un état solide qui survive aux évènements et aux hommes.  

S. K.
Ancien secrétaire général du ministère de l’Intérieur
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J'observerai pour ma part qu'Ahmed Medeghri,  alors qu'il était maître d'internat à Ben Aknoun, manifestait une certaine rigidité dans sa relation avec les autres collègues, notamment Européens.
Mais cette rigidité dans le comportement n'était peut-être que la marque d'une "distanciation" idéologique commandée par ses convictions et son engagement dans la lutte de libération.
J'ai appris assez récemment que devenu lors de l'indépendance Ministre de l'Intérieur, il avait fait en sorte que l'un de nos anciens collègues algériens de Ben Aknoun intègre les hauts rouages administratifs de l'
Éducation Nationale. Cela confirme les termes de l'éloge qui lui est consacré plus haut, de même que  la contradiction entre sa rigueur apparente de la période du "pionnicat" et l'absence de dogmatisme dont il a fait preuve ultérieurement.
Dans le contexte de l'époque (1956) je n'avais pas perçu cet aspect de sa personnalité, ce que je ne peux m'empêcher de regretter.
J.M

 

 


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