UKRAINE - RUSSIE . Anthologie.

S'agissant de l'Ukraine et(ou) de la Russie, je reproduirai ici des articles parus sous la plume de divers rédacteurs, articles contribuant à lutter contre la désinformation organisée par le pouvoir en place et orchestrée par la presse atlantiste qui domine le paysage français.

L'image choisie me semble illustrer parfaitement le "combat" entre la mère ourse russe et la "hyène démocratique"



Kevin Queral le 11/04/2015.    Article paru dans AGORAVOX.
 
Ukraine : vous en voulez plus ou ça vous suffit ?

Soyons clair d'emblée !

Cet article s'adresse avant tout aux anti-Russes ou anti-Poutine occidentaux. Je ne chercherai à aucun moment, c'est promis, à vous faire changer d'opinion à ce sujet.

Cet article ne vous parlera que de Kiev et du gouvernement ukrainien, ainsi que d'événements très récents.

Et de nous. Au choix : de notre indifférence, de nos doutes, de notre soutien actif ou passif. Voulons-nous continuer à fermer les yeux ou non ?

La seule question que je vous demande de vous poser en lisant ce papier est :

« stop ou encore ? » 

Kiev 2015, ou l'alliance renouvelée de l'oligarchie et du nazisme.

Vous vous dîtes que j'exagère ? Peut-être...voyez vous-même :

  • Le pays est à l'heure actuelle livré aux Oligarques les plus cyniques et amoraux1 : Victor Pinchuk, Piotr Porochenko, Igor Kolomoisky, Rinat Akhmetov, Dmitry Firtash, Rinat Akhmetov, Oleg Bakhmatyuk, etc.

    Tous ces hommes sont multimilliardaires et contrôlent aujourd'hui le pays, qu'ils vendent au plus offrant. Ils se livrent entre eux une guerre de rapine (voir lien 1).

    Belle révolution démocratique que celle de la place Maïdan !

    Ces hommes entretiennent des milices armées nazies, recherchées et connues pour leurs crimes de guerres, comme le bataillon Azov2 ou encore le bataillon Aïdar3.

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Puisqu'on vous dit qu'il n'y a pas de nazis à Kiev ! N'insistez pas !

  • Le gouvernement nomme des nazis à des postes clés :

Artem Bonov au ministère de l'intérieur4,

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Vadim Troyan, du bataillon Azov, à la tête de la police de Kiev5,

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ou encore Dimitry Yaroch6, chef de Pravy Sektor, au ministère de la défense.

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  • Le parlement ukrainien, la Rada, comporte en son sein environ un tiers de nazis7 et vote des lois dictatoriales.

Le parti Svoboda8 y est très bien représenté. Son leader, Oleh Tyahnybok semble un homme convenable,

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et possède des amis très sympathiques comme John Mc Cain ou Laurent Fabius ! Il a même été félicité pour ses idées et son courage par Lech Waleza9 !

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Cette assemblée législative vient de criminaliser le communisme10  : 5 ans de prison si vous tractez, chantez l'internationale ou affichez tout symbole lié de près ou de loin au communisme ?

Le président Poroshenko, par ailleurs, n'hésite pas à dire que la guerre est bonne pour la lutte contre le chômage11. Vous avez bien lu.

Il refuse aussi de condamner le nazisme à l'ONU12 !

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Stop ou encore ?

ENCORE ?

Le gouvernement actuel n'a aucune envie de respecter les accords de Minsk 2, qu'il a pourtant signés lorsque son armée était encerclée dans le chaudron de Debaltsevo.

Poroshenko a ensuite déclaré le Donbass et la Crimée comme des territoires occupés ! Il parle même cette semaine de la remise sur pieds de la marine ukrainienne pour aller reprendre Sébastopol13 ! Il parle bien d'attaquer la Russie, vous avez bien lu !

Il ne cherche d'ailleurs tellement pas à les respecter, qu'ils ne cesse de les violer ! L'offensive a même repris ce 9 avril 14 , jour de la Pâques orthodoxe, à Spartak15, et Donetsk est à nouveau bombardée ! Des blindés s'accumulent au frontières et l'artillerie lourde16 s'est repositionnée dans un périmètre interdit par les accords de Minsk 2, même l'OSCE le dit ! La guerre va reprendre, et dans des proportions plus importante, car les deux camps sont désormais mieux équipés !

Le gouvernement prévoit aussi des camps de concentrations pour y enfermer les Russes17, ou d'autres étrangers durant la guerre à venir. Le gouvernement appelle à la délation de toute personne ayant des sympathie pour la Russie18.

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Voilà ce qu'on peut lire dans les rues d'Odessa : « le séparatiste de la vie de tous les jours(БЫТОВОЙ) : souille la symbolique nationale / attend la venue d'un monde russe. / Sanction : 7 à 12 ans de prison. Appelez le 0800501482.

C'est très démocratique n'est-ce pas ? C'est occidental ? C'est quoi, ça, pour vous ? Comment on appelle ça ?

Voyez d'ailleurs comment le président Ukrainien est accueilli à Odessa, aux cris d'assassin et de nazi !

https://www.youtube.com/watch?v=2yQtVUIOSPQ &https://www.youtube.com/watch?v=e1jS4jkpDcU

Les rumeurs de disparitions et d'arrestations y vont bon train, à tel point que l'Oblast d'Odessa souhaiterait devenir indépendant19, en suivant l'exemple de Lougansk et de Donetsk.

Je vous épargne les vidéos des crimes de guerre perpétrés par les milices au services de Kiev dans le Donvbass, les vidéos de chasse à l'homme, etc. Vidéos que vous trouverez aisément sur youtube.


La guerre va reprendre en Ukraine. C'est une question de jours maintenant.

L'UE et l'OTAN le soutienne moralement, financièrement et militairement Kiev ?

Notre gouvernement aussi,

ET EN NOTRE NOM !

Détester Poutine ne nous contraint pas à défendre Kiev !

 


19http://cacaou3.blogspot.fr/2015/04/ukraine-declaration-dindependance-et-de.html?m=1


UKRAINE - RUSSIE . Anthologie.
 
Autre article (paru dans AGORAVOX )  à propos de l'UKRAINE et la RUSSIE.
 
Discrimination des mémoires : cas de l’Ukraine

par Gadjo  – via AGORAVOX
mardi 21 avril 2015
 
 
Voilà un titre bien surprenant que j'ai choisi volontairement tellement le sujet me paraît grave.
Personne ne se permettrait de remettre en question la Shoah ou s'il l'ose, aussitôt il se fera attaquer par les très nombreuses associations juives qui défendent pieusement la mémoire de leurs victimes contre toute forme de négationnisme. Par contre, qui penserait défendre la mémoire des victimes du stalinisme ? Personne. N'y a-t-il pas là une forme d'injustice ?
La question est d'autant plus d'actualité que dans le bourbier de l'Ukraine se mélangent fascistes, anciens communistes et une communauté juive de 200.000 personnes. N'oublions pas que des millions d'Ukrainiens furent victimes du génocide nazi et qu'ils furent aussi très nombreux à combattre dans les rangs de l’armée rouge et des partisans. Quant aux fascistes Ukrainiens, dont on parle beaucoup actuellement, d'où viennent-ils exactement et qui sont-ils ?

On les trouve essentiellement en Galicie et en Ukraine occidentale. Lors de la dernière guerre mondiale, ils étaient tous pro-Allemands et certains ont constitué les tristement célèbres brigades nazies de Bandera. Aujourd'hui, ils réapparaissent sous la forme de groupuscules nostalgiques de ces années sombres et ils ont réactualisé leurs fameuses brigades de la mort (Prawy Sektor, Svoboda, etc …). Le camp fasciste demeure présent dans cette région, mais aussi au Canada où il y a eu une forte émigration, et il est devenu très influent à Lvov et à Kiev depuis 1991. Grâce à ses moyens financiers, cette diaspora d’extrême droite domine les sites web par une propagande pestilentielle ainsi que les maisons d’édition qui réécrivent l’Histoire conformément à leurs thèses nationalistes.
Mais pour revenir au sujet je pose une question effroyable : Quelle est la différence entre un enfant juif mort de faim au Ghetto de Lvov (1941-43) et un enfant victime de l'Holodomor (famine soviétique en Ukraine 1932-33) ?
Certes, il n'y a pas de différence physique entre la mort d’un enfant et celle d’un autre enfant mais il peut y avoir une grande différence morale. Le génocide juif a été exécuté au nom de théories raciales décrétées officiellement par des gouvernements ; il a été planifié par ces mêmes gouvernements et programmé de façon industrielle. Les famines soviétiques sont une conséquence imprévisible mais terriblement meurtrière de la politique stalinienne dans l’URSS des années trente (collectivisation et confiscation des semences). Les deux régimes étaient exterminateurs mais l'un était prémédité et raciste, l'autre était fortuit et non raciste. Aucun enfant ne fut tué par le régime communiste du seul fait de sa race ou de sa religion.
Là encore, il faudrait tirer des conséquences de toutes ces abominations lorsqu'on voit des enfants tués dans le Donbass par les milices d’extrême droite de Kiev du seul fait qu'ils sont russophones. De même, quand un intégriste musulman assassine un enfant juif uniquement parce qu'il est juif, on est bien dans cette folie extrémiste. Ce n'est pas simplement l'acte d'un psychopathe dangereux mais la conséquence d'un certain discours où se mêlent religion et intolérance.
En Ukraine on se trouve au carrefour des horreurs car non seulement la famine soviétique a tué des millions de personnes dans les année 1930 mais, avant et après, des massacres de juifs se sont succédé (on en parle rarement dans les livres d'histoire) que ce soient les pogroms de Simon Petlioura en 1919 ou les massacres nazis des partisans de Melnik et de Bandera après 1941. Enfin, comme si cela ne suffisait pas, les SS de Galicie et autres milices Ukrainiennes ont également exterminé des tsiganes, des communistes et des prisonniers soviétiques.
Revenons quelques instants sur cette fameuse UPA (armée insurrectionnelle Ukrainienne) de Bandera, puisque les « bandéristes » nous sont présentés comme des gens très fréquentables par nos dirigeants occidentaux. On nous dit que cette extrême droite est sympathique mais on n'oublie de nous préciser que Bandera est responsable de multiples pogroms et qu'il s'est rallié aux nazis, à la fin de la guerre, contre l’armée rouge et les résistants polonais. Aujourd'hui, on nous présente ce monstre comme un héro, on lui dresse des monuments et on les fleurit. On laisse défiler les « bandéristes » avec la croix-de-fer, des décorations hitlériennes et des croix gammées.
Cette hypocrisie est très grave mais il est encore plus grave de faire des amalgames entre nazisme et communisme comme on le lit trop souvent dans les post d'Agoravox et d'ailleurs. Certains n'hésitent pas à confondre les Konzentrationslager avec les Goulags ou bien les exterminations massives des nazis avec l'assassinat des officiers polonais à Katyn. On nous serine avec le génocide juif mais on ne parle même pas de l’extermination des prisonniers de l’armée rouge et de populations slaves. Savez-vous combien de soviétiques les nazis prévoyaient de laisser crever de faim ? 30 millions ! Certes, ce chiffre est controversé par certains historiens mais il est confirmé par de nombreux autres et pas des moindres (Götz Aly, Suzanne Heim, Christian Gerlach, etc.).
Difficile de conclure un tel article, je vous le livre en vrac tel un cri de colère face à toutes les contre vérités que certains s'amusent à écrire avec une légèreté qui, lorsqu'il s'agit d'un sujet aussi grave, est une véritable insulte à l'humanité.
 

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La Guerre Froide, guerre non terminée !

 
par Virgile Thomas  (son site)  
mercredi 22 avril 2015 – AGORAVOX.

Les médias occidentaux posent souvent la question : sommes nous revenus au temps de la Guerre Froide ? Au delà de la facilité de langage qui séduit les paresseux, le concept même de guerre froide s’applique-t-il à la situation actuelle de tension entre les Etats-Unis et la Russie ?
Si l’on considère que la guerre froide n’était qu’une confrontation entre deux idéologies à vocation planétaire, la réponse est non. L’une des deux idéologies a disparu et elle a été remplacée en Russie par un système qui n’est ni le communisme, ni le libéralisme, et qui ne cherche pas à s’étendre. La Russie ne veut pas reconstruire un empire, elle le dit par la voix de son président et de ses politiques et le fait que l’Occident ait fait le choix de ne pas le croire ne transforme pas ces déclarations en mensonges.
 
Cela dit, il s’agit effectivement d’un système différent et au moment où surgissent des doutes sérieux sur l’efficacité et la légitimité du système libéral, les gens peut sûrs d’eux-mêmes ont du mal à accepter les différences. Ils se sentent menacés et donc deviennent agressifs.
La fin de la Guerre Froide a été annoncée à plusieurs reprises, mais elle a eu lieu dans des conditions qui manquent de clarté et c’est ce manque de clarté qui laisse penser qu’il n’y eut pas réellement fin. Essayons d’analyser les évènements pour mieux comprendre la situation actuelle.
 
L’erreur fondamentale, semble-t-il, a été de confondre la fin de la Guerre Froide avec la fin du communisme. Ce sont en fait deux évènements différents bien qu’ils soient tous deux la conséquence d’une seule et même politique lancée par Mikhaïl Gorbachev. Un seul homme, ou presque, a provoqué un changement radical du monde en cette fin de vingtième siècle.
Né le 2 mars 1931 dans la région de Stavropol, dans le sud du pays, entre la Mer Caspienne et la Mer Noir, Mikhaïl Gorbachev ne faisait pas partie de la « couche sociale intermédiaire[[1]]url:https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=7184334934110441383#_ftn1  » comme le mentionne Andrei Grachev[[2]]url:https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=7184334934110441383#_ftn2 .
 
Il fait des études de droit à l’Université de Moscou (МГУ) où il devient chef du bureau du Komsomol[[3]]url:https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=7184334934110441383#_ftn3  de l’Université avant d’être admis au parti communiste en 1952. C’est là qu’il rencontre celle qui va devenir son épouse, Raïssa, une brillante étudiante en philosophie.
De retour à Stavropol, Mikhaïl Gorbachev y gravira les échelons de l’administration locale jusqu’au poste de premier secrétaire du comité régional du Komsomol, en 1961. Puis, deux ans plus tard, il était à la tête du comité chargé des problèmes d’organisation du comité régional du parti communiste. En 1968, à trente sept ans, il devenait deuxième secrétaire du comité régional du parti.
 
Sa progression dans la direction du parti de la région de Stavropol lui permit de nouer des relations haut placées à Moscou, dans des conditions moins formelles qu’il n’aurait pu le faire dans la capitale. En effet, près de Stavropol se trouve la station thermale de Mineralnye Vody ou les dirigeants âgés aimaient venir se soigner. Stavropol était une sorte d’étape sur la route de la station.
 
C’est ainsi que, par exemple, Mikhaïl Gorbachev fit la connaissance de Iouri Andropov en 1969. Le chef du KGB se prit de sympathie pour le jeune dirigeant local et il protègera sa carrière jusqu’à sa mort. C’est en grande partie à lui que Mikhaïl Gorbachev devra sa progression au plus haut niveau de la hiérarchie à Moscou[[4]]url:https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=7184334934110441383#_ftn4 .
 
En avril 1970, il devenait secrétaire général du comité régional du parti communiste de la région de Stavropol, le plus jeune dirigeant de région de l’Union Soviétique.
Huit ans plus tard, il était nommé à Moscou comme secrétaire du comité central du parti. Il était, de nouveau, le plus jeune occupant de ce poste.
 
Mikhaïl Gorbachev est nommé secrétaire général du parti communiste d’Union soviétique à un moment où les dirigeants ont conscience que le système est sur le point de se bloquer complètement. D’autre part, le pays sort d’une série de funérailles nationales qui a sérieusement entamé son moral. Leonid Brejnev a été remplacé par deux secrétaires généraux qui ont tenu leur poste à peine un an chacun, soit trois enterrements en à peu près trois ans.
 
Ces deux éléments ont pesé dans la décision de choisir un « jeune » secrétaire. Mikhaïl Gorbachev a moins de 55 ans. Son arrivée provoque immédiatement un espoir extrêmement fort dans l’ensemble de la population. Le lancement de la « glaznost » encourage cet espoir et les stades se remplissent de jeunes qui scandent « peremen ! » (changement).
 
Mikhaïl Gorbachev lance aussi la « perestroïka », réforme économique qui autorise la propriété privée dans certaines conditions et aboutira en novembre 1986 à la loi sur les activités de travail individuel et à la création de sociétés privées.
 
La personnalité du nouveau secrétaire général et les premières annonces vont être à l’origine d’un immense espoir dans une population fatiguée d’entendre de vieux dirigeants répéter sans fin les mêmes discours auxquels plus personne ne croit, pas même ceux qui les prononcent. Les attentes de la population sont si fortes qu’elles en peuvent qu’être déçues.
 
En revanche, dans le domaine de la politique internationale, la vision avant-gardiste du nouveau maître du Kremlin fera des merveilles. Convaincu que l’énergie employée à entretenir la guerre froide pourrait être réorientée utilement vers les réformes intérieures et que la dissuasion nucléaire faisait courir un grand risque à l’ensemble de l’humanité, Mikhaïl Gorbachev lance alors des initiatives visant à provoquer une réelle détente dans les relations entre les deux blocs. A-t-il conscience à ce moment qu’il est en train de préparer la fin de l’Union Soviétique ? Certainement pas, car ce n’est pas son objectif. Il veut réorganiser et moderniser le système existant, pas le remplacer.
 
Pourtant, il s’agit d’un tournant stratégique de première importance. Il ne peut qu’être motivé par une nouvelle vision du monde en contradiction avec celle des dirigeants soviétiques qui l’ont précédé. Elle est d’ailleurs également en contradiction avec la vision qui domine dans le monde occidental. Certains analystes comme Gérard Grasset ont parlé d’intuition « l’intuition fulgurante des intérêts généraux, la conviction aussitôt acquise et fermement assurée[[5]]url:https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=7184334934110441383#_ftn5  ».
 
Dès le début de son mandat, il renvoie les dirigeants des républiques soviétiques à leurs responsabilités : « Je tiens à ce que vous sachiez que nous respecterons désormais les principes d’égalité entre les Etats et de non-ingérence dans la politique intérieure de nos voisins, principes que nous n’avons jamais réellement appliqués jusqu’ici. Vous êtes donc responsables du bon fonctionnement de vos institutions. Nous avons besoin de la perestroïka et nous allons l’appliquer chez nous. Libre à vous d’en faire de même[[6]]url:https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=7184334934110441383#_ftn6  ».
 
Il s’agit d’une prise de position de première importance. La Russie renonce à imposer sa loi par la force dans les pays du pacte de Varsovie. Ce jour là, vraisemblablement sans en avoir conscience, Mikhaïl Gorbachev vient de décider la fin de l’Union Soviétique. En effet, s’il avait employé la force, aucun de ces pays n’aurait pu résister.
 
La suite sera logique : le 8 décembre 1987, Mikhaïl Gorbachev et Ronald Reagan signent le traité de Washington sur les armes nucléaire à courte et moyenne portée. En mars 1988, les deux hommes se retrouvent à Genève. La Russie annonce son intention de se retirer d’Afghanistan. Le retrait sera effectif un an plus tard.
 
Le grand symbole sera, évidemment la chute du Mur de Berlin, le 9 novembre 1989. Elle a été la conséquence d’une évolution de la situation en Allemagne de l’Est que Moscou n’a pas cherché à bloquer. Fidèle à sa philosophie de non recours à la force, il a laissé la direction du pays libre de ses décisions. Mais cette direction n’était déjà plus maitresse de la situation. Mikhaïl Gorbachev avait la possibilité d’intervenir de façon décisive en Allemagne de l’Est. Il y avait là-bas à ce moment, en 1989, trois cent mille soldats d’élite soviétiques. Il ne l’a pas fait.
Ces évènements ouvrent une question d’importance capitale. Mikhaïl Gorbachev va-t-il accepter la réunification des deux Allemagnes et quelle sera la position de ce nouveau pays par rapport à l’Otan. Admettre une Allemagne réunifiée dans l’Alliance Atlantique, c’est y faire entrer un ancien membre du pacte de Varsovie.
 
La question sera discutée à plusieurs reprises entre la Russie et l’Allemagne et entre la Russie et les Etats-Unis. Finalement, Mikhaïl Gorbachev acceptera la réunification et même l’entrée de l’Allemagne réunifiée dans l’Otan si tel est le désir de sa population, mais en échange, il reçoit à plusieurs reprises la promesse que l’Alliance Atlantique ne cherchera pas à s’étendre à l’Est de ses limites du moment.
 
Le 2 décembre 1989, Mikhaïl Gorbachev et Georges H. Bush se retrouvent à Malte et cette promesse faite initialement par le chancelier allemand Helmut Kohl est confirmée par le président américain. Mikhaïl Gorbachev ne demandera pas de confirmation écrite de cette promesse. Ses concitoyens lui reprochent toujours ce qu’ils qualifient de « naïveté ».
Certains ont vu dans la réunion de Malte de la fin de la guerre froide. En effet, le communiqué final mentionne que « nous ne nous considérons plus comme des ennemis l’un pour l’autre ». L’enthousiasme de l’étranger vis à vis de Mikhaïl Gorbachev et de son action trouva une expression concrète dans l’attribution en 1990 du prix Nobel de la Paix.
 
Mais, parallèlement aux évolutions de la situation internationale, la situation générale à l’intérieur du pays se dégrade de plus en plus. Les choses bougent dans la République Soviétique de Russie sous l’impulsion de Boris Eltsine, l’adversaire intime de Mikhaïl Gorbachev. La République déclare sa souveraineté le 12 juin et Boris Eltsine se fait élire président de la République Soviétique de Russie. Il est élu au premier tour, au suffrage universel, ce qui renforce énormément sa position politique vis à vis de son adversaire.
 
Vers la fin de 1990 les attaques politiques contre Mikhaïl Gorbachev se multiplient, venant presque de tous les côtés du spectre politique. Anatoli Tcherniaiev, un de ses mentors politiques et fidèle entre les fidèles, remarquait dans son journal[[7]]url:https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=7184334934110441383#_ftn7  que « Mikhaïl Sergueievich commençait à présenter les symptômes de l’homme traqué ». Il faut dire que, sur le plan économique, la pérestroika était loin d’avoir donné les résultats espérés. Au printemps 1991, le souci principal de Mikhaïl Gorbachev était de trouver des devises pour acheter des vivres à l’étranger.
 
En politique internationale, Mikhaïl Gorbachev avait aussi de bonne raisons de se sentir abandonné par ses anciens « amis ». Après la dissolution du Pacte de Varsovie en mars 1991, les dirigeants occidentaux n’avaient plus grand-chose à attendre du Kremlin, ayant obtenu les concessions les plus importantes. De plus, ils commençaient à douter sérieusement de sa capacité à sauver la situation, même avec le soutien financier extérieur qu’il cherchait fébrilement. Au sommet du G7 de Londres, en juin 1991 où il venait demander une nouvelle aide économique, il fut traité avec condescendance et rentra les mains vides.
 
Le putsch d’août 1991 a fini de faire descendre Mikhaïl Gorbachev du piédestal sur lequel l’avaient fait monter les attentes et les espoirs de tout un peuple. Les événement de décembre paraissent maintenant, avec un peu de recul comme la suite logique de ce qui s’est passé alors. Le 8 décembre, les présidents des trois républiques slaves d’Union Soviétique[[8]]url:https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=7184334934110441383#_ftn8  se sont réunis dans la campagne biélorusse, à Belovejskaya Pouchia, près de Minsk et ont signé des documents constatant la disparition de l’Union Soviétique en tant que sujet de droit international.
 
Plus tard, le 21 décembre les présidents de onze des quinze républiques soviétiques (sans l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie, et la Géorgie) entérinaient cette décision et s’entendaient pour que le siège de membre permanent du Conseil de Sécurité de l’Urss revienne à la Russie.
 
Suite à cette décision, Mikhaïl Gorbachev démissionnait de son poste le 25 décembre 1991 confirmant, si besoin en était la disparition de l’Union Soviétique.
 
Ainsi donc, en une période de moins de quatre ans, Mikhaïl Gorbachev a été la cheville ouvrière de la fin de la guerre froide et de la disparition de l’Urss. Pour Mikhaïl Gorbachev, l’origine de la fin de la guerre froide est la perestroïka de 1985 qui a tout rendu possible[[9]]url:https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=7184334934110441383#_ftn9 , et sa coopération ultérieure avec Ronald Reagan puis Georges H. Bush.
 
Comme nous le voyons, la fin de la guerre froide ne correspond pas à la disparition de l’URSS. De 1988 à 1990, les principaux leaders du monde occidental ont déclaré que la guerre était terminée. En décembre 1989, Georges H Bush et Mikhaïl Gorbachev l’ont annoncé à Malte, Jack Matlock, l’ambassadeur de Ronald Reagan à Moscou a écrit abondamment à ce sujet. Stephen Cohen[[10]]url:https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=7184334934110441383#_ftn10 , spécialiste américain de l’URSS et de la Russie l’a répété dans une interview en date du 17 avril 2015, confondre la fin de l’Union Soviétique et la fin de la guerre froide est une erreur historique.
 
Mais la date de la fin de la guerre froide n’est pas le seul problème qui reste à régler. Il y a aussi la façon dont cette guerre s’est terminée et qui ne ressemble pas à la fin d’un conflit.
En effet, la fin de la guerre de Cent ans a été marqué par le traité de Picquigny le 29 août 1475, les guerres d’Italie se terminent par La paix de Cateau-Cambrésis, conclue le 3 avril 1559, la première guerre mondiale se termine par l’armistice du 11 novembre 1918 et le traité de Versailles, la seconde guerre mondiale se termine par la signature de la capitulation sans conditions du IIIe Reich le 8 mai 1945, la guerre d’Algérie se termine le 18 mars 1962 par les accords d’Evian, la guerre de Corée le 27 juillet 1953 par la signature d’un pacte de non-agression, etc.
 
Mais la guerre froide qui n’en était pas une à proprement parler s’est terminée d’une façon non habituelle pour les guerres. Pas de vainqueur, pas de vaincu, ça on l’avait vu à la fin des guerres d’Italie, mais pas de conférence internationale qui règle la nouvelle situation, aucun accord formel. Cette absence de reconnaissance est à l’origine de beaucoup des problèmes posés aux relations entre la Russie actuelle et l’Occident.
 
En particulier le fait qu’il y ait ou non un vainqueur et un vaincu. En effet, les présidents Georges H. Bush et Mikhaïl Gorbachev avaient bien précisé à Malte que la guerre froide se terminait sans vainqueur ni vaincu. Du côté russe, Mikhaïl Gorbachev était simplement convaincu que c’est lui qui avait lancé ce processus.
 
Georges H. Bush s’en est tenu à cette position jusqu’à ce que les sondages le donnent second derrière Clinton pendant la campagne présidentielle américaine. A ce moment là, en 1992, il commença à expliquer que c’étaient les Etats-Unis et lui en particulier qui avaient gagné la guerre froide. Personne, alors, ne leur a disputé cette « victoire » car personne en Russie ne semblait vouloir prendre la responsabilité de la chute de l’Urss. Mais d’après le témoignage de Stephen Cohen et de sa femme Katrina vanden Heuvel[[11]]url:https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=7184334934110441383#_ftn11  qui connaissent bien Mikhaïl Gorbachev, ce dernier en fut profondément touché, se sentant trahi.
 
Cela ne suffira pas à Bush pour se faire réélire, mais cela ouvrira la voie à la politique de William Clinton, d’une incroyable arrogance, ligne favorisée par la faiblesse économique de la Russie des années 90 et son absence de direction politique. Les Etats-Unis ont commencé à considérer la Russie comme l’Allemagne ou le Japon de la fin de la seconde guerre mondiale. La Russie pourrait donc décider de sa politique intérieure dans une certaine mesure, elle serait autorisée à jouer un rôle dans les affaires internationales, mais comme un participant mineur soucieux des intérêts américains.
 
On retrouve cela dans les mémoires de Strobe Talbott, le secrétaire d’état adjoint de Clinton, pour qui les grandes déclarations d’amitié éternelle avec Boris Eltsine et de partenariat avec la Russie n’étaient que des bobards. Il y avait un courant fort de pensée dans l’administration Clinton pour qui la Russie était à terre et il fallait la maintenir là. Un des représentants de ce courant était Paul Wolfowitz[[12]]url:https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=7184334934110441383#_ftn12 , sous-secrétaire d’état de Georges H. Bush en 1992. Ce sont eux qui ont mené l’expansion de l’Otan vers les frontières russes.
 
Selon Stephen Cohen, une part de la responsabilité est également du côté russe et, en particulier du côté de Boris Eltsine. « Il était tellement désespérément à la recherche, non pas seulement de la reconnaissance de l’Amérique, mais de l’affection américaine. Il était si peu sûr de lui et, à mesure que sa santé déclinait de plus en plus captif des oligarques, qu’il voulait avoir autant d’importance pour Washington que Mikhaïl Gorbachev en avait eu. Il était près à faire et dire n’importe quoi pour Washington, jusqu’à la guerre de Serbie. C’est alors qu’il a réalisé que les Etats-Unis avaient leur propre programme et que ce programme incluait l’expansion de l’Otan. Mais il était trop tard, il avait usé tout son capital politique[[13]]url:https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=7184334934110441383#_ftn13  ».
 
Après Boris Eltsine est venu Vladimir Poutine. Au début, en 2000, les médias système américain, particulièrement le « New York Times » et le « Washington Post » le présentaient comme un vrai démocrate qui, en plus, contrairement à son prédécesseur était sobre. Mais sous Vladimir Poutine, la Russie a commencé à relever la tête. Discrètement au départ. C’est la période où les problèmes intérieurs occupaient le plus clair du temps du président, celle où il a laissé les Etats-Unis gérer les problèmes du Moyen Orient à leur guise.
 
Comme le disait récemment Alexeï Poushkov, le président de la commission des affaires étrangères de la Douma fédérale, de passage à Paris, dans son style imagé, « A l’époque, nous étions encore des sortes d’écoliers face aux grandes capitales occidentales. » Mais l’écolier a grandi et même un peu trop vite au goût de ses professeurs. Un certain nombre d’habitudes avaient été prises dans les années 90, et quand la Russie a voulu siffler la fin de la récréation, son attitude a été considérée comme une agression, alors qu’elle ne faisait que réclamer la place qui, selon elle, lui revenait. Et le responsable de cette attitude arrogante était Vladimir Poutine. Il fallait absolument lui rendre le sens des réalités et le remettre à la place dont on avait décidé qu’elle serait la sienne.
 
Les maîtres du monde, occupés à gérer le chaos qu’ils avaient eux-mêmes organisés n’avaient pas vu la lente transformation de la Russie. Le premier coup d’arrêt organisé par la « Russie de Poutine », bien que cela se soit fait, d’ailleurs sous la présidence du « bon » Dimitri Medvedev, a été la guerre d’août 2008 avec la Géorgie. Puis sont venus les « affronts » politiques comme par exemple l’intervention de la Russie dans la crise organisée en Syrie, intervention qui a bloqué un processus d’intervention militaire presqu’enclenché.
 
La réponse des Etats-Unis a été une vaste entreprise de diabolisation de Vladimir Poutine. Ce n’était plus le vrai démocrate de 2000, mais un nouvel Hitler (rien que ça !). La diabolisation du président russe était la réaction quasi instinctive de gouvernants américains pris de cours et ne comprenant pas la Russie. A l’époque de la guerre froide, il y avait une école très forte de « soviétologues » qui comprenaient à peu près l’Union Soviétique. Cette école d’où étaient issus des gens comme Condoleezza Rice avait disparu. Comme le disait Henri Kissinger l’année dernière, la diabolisation de Poutine n’est pas une politique, c’est l’alibi d’une absence de politique.
 
Le drame, c’est que cette diabolisation interdit toute réflexion sérieuse sur ce qui se passe en Russie. Suivant la formule de Georges Bush junior, si vous n’êtes pas avec nous, vous êtes contre nous. Si vous refusez la condamnation systématique de la politique russe, vous devenez automatiquement un suppôt, un espion de Poutine. On ne vous met pas en prison pour autant (McCarthy est mort) mais vous êtes rejeté de tous les médias système. Cela se passe ainsi en France aujourd’hui également. On ne discute plus, on condamne, on sanctionne. La situation est confortable pour les simples d’esprit, les paresseux et les peureux, car c’est justement le degré zéro de la réflexion. Comme l’explique Stephen Cohen dans l’interview mentionnée plus haut, « nous sommes comme des drogués en manque, nous ne sommes plus capables de penser à autre chose que notre obsession de Vladimir Poutine ».
 
Et de poursuivre, « notre politique post soviétique après 1991, en fait a été la poursuite de la guerre par d’autres moyens. A mon avis, la guerre froide n’est pas terminée. La tactique a changé, la stratégie aussi, peut-être, mais il n’y a pratiquement pas eu de pause ».
 
Que faire ? Laisser aller les choses jusqu’à la « guerre chaude » en Ukraine ? Attendre que les élections présidentielles donnent un nouveau président à l’Amérique ? Les candidats déclarés ou même potentiels ne donnent que peu d’espoir d’un changement de politique pour le meilleur.
 
L’Europe doit prendre son destin en main, s’éloigner d’un navire qui menace de sombrer avant qu’il ne l’entraine avec lui. Il ne s’agit pas de se retourner contre un ancien allié. Il s’agit de comprendre que cet allié n’a toujours eu qu’un objectif, son propre bien, son pouvoir. Quel homme politique responsable pourrait le lui reprocher ? Mais son programme n’est pas notre programme quoiqu’il cherche à nous faire croire.
 
Il se pourrait aussi que le navire Amérique ne sombre pas, que le dollar survive à la prochaine tempête, mais alors l’Europe resterait un vassal de cet empire diminué. La Russie s’est déjà tournée vers l’Est. Les Etats-Unis peuvent également se tourner vers le Pacifique. Que peut faire l’Europe ? Regardez une carte, elle restera isolée, une puissance de seconde zone, seule mais liée, peut-être, par un traité « commercial » qui aura terminé de couper les ailes de nos politiques.
 
Le monde ne peut rester dominé par les Etats-Unis. Ils n’en ont plus les moyens. Aucun autre pays ne rêve de prendre la place de nouvelle super puissance. Nous nous dirigeons vers un nouveau système multipolaire. Pour beaucoup en occident, le système multipolaire est considéré comme instable car il est associé au système qui a mené aux deux premières guerres mondiales. Il faudra donc faire évoluer les règles du jeu, ce ne sera pas simple, bien sûr, mais cela se fera, avec l’Europe ou sans l’Europe, avec la France ou sans la France. Je préfèrerais que cela se fasse avec la France !
 

[[1]]url:https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=7184334934110441383#_ftnref1  « Dans le jargon du système soviétique, la couche des intellectuels qui n’appartenaient ni à la classe ouvrière, ni à la classe paysanne. Par extension, l’ensemble de l’élite, politique, artistique et culturelle. »
[[2]]url:https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=7184334934110441383#_ftnref2  Andrei Gratchev in “Le Mystère Gorbatchev”, Editions du Rocher 2001.
[[3]]url:https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=7184334934110441383#_ftnref3  Jeunesses communistes. La quasi totalité des étudiants faisaient parti du Komsomol jusqu’à l’âge de 24 ans environ. Ensuite, ils pouvaient devenir membres du parti communiste à condition d’être parrainés et après un stage de deux ans comme « candidat ».
[[4]]url:https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=7184334934110441383#_ftnref4  Certains historiens russes ont écrit qu’une bonne partie des réformes introduites après 1985 avaient été ébauchées par Iouri Andropov.
[[5]]url:https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=7184334934110441383#_ftnref5  Philippe Grasset, “Faits et Commentaires” du 6 décembre 2008, in www.dedefensa.org
[[6]]url:https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=7184334934110441383#_ftnref6  cité par Nathan Gardels, in The WorldPost, 09/11/2014
[[7]]url:https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=7184334934110441383#_ftnref7  Anatoli Tcherniaiev « Sovmestnyi iskhod. Dnevnik dvukh epokh 1972-1991 gody » Rosspen, Moskva, 2008. (en russe)
[[8]]url:https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=7184334934110441383#_ftnref8  Boris Eltsine, pour la Russie, Leonid Kravtchouk, pour l’Ukraine et Stanislaw Chouchkievitch pour la Biélorussie
[[9]]url:https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=7184334934110441383#_ftnref9  Interview de Mikhaïl Gorbatchev par Katrina vanden Heuvel et Stephen F. Cohen, publiée dans l’édition du 16 novembre 2009 du magazine américain “The Nation”
[[10]]url:https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=7184334934110441383#_ftnref10  Professeur émérite de Princeton et de l’Université de New York.
[[11]]url:https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=7184334934110441383#_ftnref11  Rédactrice en chef de l’hebdomadaire américain « The Nation ».
[[12]]url:https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=7184334934110441383#_ftnref12  On se souvient de la « doctrine Wolfowitz », nom donné à un mémo sur la politique extérieure des Etats-Unis rédigé sous sa direction et qui a « fuité » dans le « New York Times » en 1992. Son caractère impérialiste ayant suscité un tollé général, le mémo a été réécrit sans lui.
[[13]]url:https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=7184334934110441383#_ftnref13  Stephen Cohen dans une interview du 17 avril 2015 à Patrick L. Smith




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Le syndrome Tolstoïevsky
​Extrait de : 
http://blog.despot.ch/ 
Le blog de Slobodan Despot (en LIEN sur " u zinu"  :  
DESPOTICA Une plume dans les rouages Le blog de Slobodan Despot


 
Le problème, avec l’approche occidentale de la Russie, n’est pas tant dans le manque de volonté de comprendre que dans l’excès de volonté de ne rien savoir. 
Cette nation qui a donné Pouchkine et Guerre et Paix, Nijinsky et le Lac des Cygnes, qui a l’une des plus riches traditions picturales au monde, qui a classé les éléments de la nature, qui fut la première à envoyer un homme dans l’espace (et la dernière à ce jour), qui a produit des pelletées de génies du cinéma, de la poésie, de l’architecture, de la théologie, des sciences, qui a vaincu Napoléon et Hitler, qui édite les meilleurs manuels — et de loin — de physique, de mathématiques et de chimie, qui a su trouver un modus vivendi séculaire et pacifique, sur fond de respect et de compréhension mutuelle, avec ses Tatars et ses indénombrables musulmans, khazars, bouddhistes, Tchouktches, Bouriates et Toungouzes, qui a bâti la plus longue voie de chemin de fer au monde et l’utilise encore (à la différence des USA où les rails légendaires finissent en rouille), qui a minutieusement exploré et cartographié les terres, usages, ethnies et langues de l’espace eurasien, qui construit des avions de combat redoutables et des sous-marins géants, qui a reconstitué une classe moyenne en moins de quinze ans après la tiers-mondisation gorbatcho-eltsinienne, cette immense nation, donc, qui gouverne le sixième des terres émergées, est soudain traitée, du jour au lendemain, comme un ramassis de brutes qu’il s’agit de débarrasser de leur dictateur caricatural et sanglant avant de les éduquer à servir la « vraie » civilisation ! 
L’Occident ressort la même guignolerie haineuse à chaque crise, depuis Ivan le Terrible à « Putler »-Poutine, en passant par le tsar Paul, la guerre de Crimée, le pauvre et tragique Nicolas II, et même l’URSS où tout succès était dit « soviétique » et tout échec dénigré comme « russe ». 
Des nations serviles qui accordent aux Américains un crédit illimité de forfaiture et de brigandage « parce-qu’ils-nous-ont-libérés-en-45 » n’ont pas un mot, pas une pensée de gratitude pour la nation qui a le plus contribué à vaincre l’hydre national-socialiste… et qui en a payé le prix le plus lourd. Ses élus sont traités en importuns, son président caricaturé avec une haine obsessionnelle, la liberté de mouvement et de commerce de ses citoyens, savants, universitaires et hommes d’affaires est suspendue au bon vouloir d’obscures commissions européennes dont les peuples qu’elles prétendent représenter ne connaissent pas le nom d’un seul membre, ni pourquoi il y siège plutôt qu’un autre larbin des multinationales. 
Mais tout ceci n’est encore rien. C’est dans l’ordre des choses. L’Occident et la Russie ne font que jouer les prolongations, à l’infini, du conflit Rome-Byzance en l’étendant aux continents voisins voire à l’espace interplanétaire. La vraie guerre des civilisations, la seule, est là. Barbare comme le sac de Constantinople, apocalyptique comme sa chute, ancienne et sournoise comme les schismes théologiques masquant de perfides prises de pouvoir. Tapie dans les replis du temps, mais prête à bondir et à mordre comme un piège à loups. C’est le seul piège, du reste, que l’empire occidental n’ait pas posé tout seul et qu’il ne puisse donc désamorcer. (Étant entendu que la menace islamique n’est que le produit des manœuvres coloniales anglo-saxonnes, de la cupidité pétrolière et de l’action de services d’État occupés à cultiver des épouvantails pour effrayer leurs propres sujets, puis à les abattre pour les convaincre de leur propre puissance et de leur nécessité.) 
La menace russe, elle, est d’une autre nature. Voici une civilisation quasi-jumelle, ancrée sur ses terres, consciente d’elle-même et totalement ouverte aux trois océans, à l’Arctique comme à l’Himalaya, aux forêts de Finlande comme aux steppes de Mongolie. Voici des souverains qui — depuis la bataille de Kazan remportée par ce même Ivan qui nous sert de Père Fouettard — portent le titre de Khans tatars en même temps que d’Empereurs chrétiens siégeant dans l’ultime Rome, la troisième, Moscou, qui fleurit au moment où Byzance gémissait sous l’Ottoman et le pape sous la verge de ses mignons. Voici une terre aux horizons infinis, mais dont les contours sont gravés dans l’histoire du monde, inviolables bien que diffus. Voici des gens, enfin, et surtout, aussi divers qu’on peut l’imaginer, mêlant au sein d’un même peuple le poil blond des Vikings aux yeux obliques et aux peaux tannées de l’Asie. Ils n’ont pas attendu le coup de départ du métissage obligé, les Russes, ils l’ont dans leur sang, si bien assimilé qu’ils n’y pensent plus. Les obsédés de la race au crâne rasé qu’on exhibe sur les chaînes anglo-saxonnes ont la même fonction que les coucous suisses : des articles pour touristes. 
Cela ressemble tellement à l’Europe. Et c’en est tellement loin ! Tellement loin que les infatigables arpenteurs des mers — génois, anglais, néerlandais, espagnols —, qui connaissent l’odeur de la fève de tonka et la variété des bois de Sumatra, ne savent rien de la composition d’un borchtch. Ni même de la manière dont on prononce le nom de cette soupe. Ce n’est pas qu’ils ne pourraient pas l’apprendre. C’est qu’ils n’en ont pas envie. Pas plus qu’ils ne veulent connaître, vraiment, l’esprit, les coutumes et la mentalité des immigrants exotiques qu’ils accueillent désormais par millions et qu’ils laissent s’agglutiner en ghettos parce qu’ils ne savent comment leur parler. 
J’ai dû, moi, petit Serbe, apprendre deux langues et deux alphabets pour entamer ma vie d’immigré. J’en ai appris d’autres pour mieux connaître le monde où je vis. Je m’étonne sincèrement de voir que mes compatriotes suisses ne savent pas, pour la plupart, les deux autres grandes langues de leur pays. Comment connaître autrui si vous ne savez rien de la langue qu’il parle ? C’est le minimum de la courtoisie. Et cette courtoisie, désormais, se réduit de plus en plus à des rudiments d’anglais d’aéroport. 
De même font les Russes, dont l’éducation intègre la culture ouest-européenne en sus de la leur propre. Où voit-on la réciproque, à l’ouest du Dniepr ? Depuis Pierre-le-Grand, ils se considéraient européens à part entière. Les artistes de la Renaissance et les penseurs des Lumières sont les leurs. Leontiev, le père Serge Boulgakov, Répine, Bounine, Prokofiev et Chestov sont-ils pour autant les nôtres ? Non, bien entendu. Parler français fut deux siècles durant la règle dans les bonnes maisons — et le reste encore parfois. Ils se sont intensément crus européens, mais l’Europe s’est acharnée à leur dissiper cette illusion. Quand les jeunes Russes vous chantent Brassens par cœur, vous leur répondez en évoquant « Tolstoïevsky ». L’Europe de Lisbonne à Vladivostok n’aura été réelle qu’à l’Est. Á l’Ouest, elle ne fut jamais que la projection livresque de quelques visionnaires. 
L’Europe de Lisbonne à Vladivostok ! Imagine-t-on la puissance, la continuité, le rayonnement, les ressources d’un tel ensemble ? Non. On préfère definitely se mirer dans l’Atlantique. Un monde vieillissant et ses propres outlaws mal dégrossis s’étreignant désespérément par-dessus la mer vide et refusant de voir dans le monde extérieur autre chose qu’un miroir ou un butin. Leurs derniers échanges chaleureux avec la Russie remontent à Gorbatchev. Normal : le cocu zélé avait entrepris de démonter son empire sans autre contrepartie qu’une paire de santiags au ranch de Reagan. Vingt ans plus tard, les soudards de l’OTAN occupaient toutes les terres, de Vienne à Lviv, qu’ils avaient juré de ne jamais toucher ! Au plus fort de la Gorbymania, Alexandre Zinoviev lançait son axiome que tous les Russes devraient apprendre au berceau : « Ils n’aimeront le tsar que tant qu’il détruira la Russie ! » 
« Ah, vous les Slaves ! » — ouïs-je souvent dire — « Quel don pour les langues ! » Je me suis longtemps rengorgé, prenant le compliment pour argent comptant. Puis, ayant voyagé, j’ai fini par comprendre. Ce n’est pas « nous les Slaves » qui avons de l’aisance pour les langues : c’est vous, les « Européens » qui n’en avez pas. Qui n’en avez pas besoin, estimant depuis des siècles que votre package linguistique (anglais, français, allemand, espagnol) gouverne le monde. Pourquoi s’escrimer à parler bantou ? Votre langue, étendard de votre civilisation, vous suffit amplement, puisqu’au-delà de votre civilisation, c’est le limes (comme au temps de César), et qu’au-delà du limes, mon Dieu… Ce sont les terres des Scythes, des Sarmates, des Marcheurs Blancs, bref de la barbarie. Voire, carrément, le bord du monde où les navires dévalent dans l’abîme infini. 
Voilà pourquoi le russe, pour vous, c’est du chinois. Et le chinois de l’arabe, et l’arabe de l’ennemi. Vous n’avez plus même, dans votre nombrilisme, les outils cognitifs pour saisir ce que les autres — qui soudain commencent à compter — pensent et disent, réellement, de vous. Ah ! Frémiriez-vous, si vous pigiez l’arabe des prédicateurs de banlieue ! Ah ! Railleriez-vous si vous entraviez des miettes de ce que les serveurs chinois du XIIIe dégoisent sur vous. Ah ! Ririez-vous s’il vous était donné de saisir la finesse de l’humour noir des Russes, plutôt que de vous persuader à chacun de leurs haussements de sourcil que leurs chenilles sont au bord de votre gazon. 
Mais vous ne riez pas. Vous ne riez plus jamais. Même vos vaudevilles présidentiels sont désormais commentés avec des mines de fesse-mathieu. Vous êtes graves comme des chats qui caquent dans votre quiétude de couvre-feu, alors qu’eux, là-bas, rient, pleurent et festoient dans leurs appartements miniatures, leur métro somptueux, sur leur banquise, dans leurs isbas et jusque sous les pluies d’obus. 
Tout ceci n’est rien, disais-je, parlant du malentendu historique qui nous oppose. La partie grave, elle arrive maintenant. Vous ne leur en voulez pas pour trois bouts d’Ukraine dont vous ignoriez jusqu’à l’existence. Vous leur en voulez d’être ce qu’ils sont, et de ne pas en démordre ! Vous leur en voulez de leur respect de la tradition, de la famille, des icônes et de l’héroïsme — bref, de toutes les valeurs qu’on vous a dressés à vomir. Vous leur en voulez de ne pas organiser pour l’amour de l’Autre la haine du Soi. Vous les enviez d’avoir résolu le dilemme qui vous mine et qui vous transforme en hypocrites congénitaux : Jusqu’à quand défendrons-nous des couleurs qui ne sont pas les nôtres ? 
Vous leur en voulez de tout ce que vous avez manqué d’être ! 
Ce qui impressionne le plus, c’est la quantité d’ignorance et de bêtise qu’il vous faut déployer désormais pour entretenir votre guignolerie du ramassis de brutes qu’il s’agit de débarrasser de leur dictateur caricatural et sanglant avant de les éduquer à servir la « vraie » civilisation. Car tout la dément : et les excellentes relations de la Russie avec les nations qui comptent et se tiennent debout (BRICS), et le dynamisme réel de ce peuple, et l’habileté de ses stratèges, et la culture générale du premier Russe venu, par opposition à l’inculture spécialisée du « chercheur » universitaire parisien qui prétend nous expliquer son obscurantisme et son arriération. C’est que ce ramassis de brutes croit encore à l’instruction et au savoir quand l’école européenne produit de l’ignorance socialisée ; croit encore en ses institutions quand celles de l’UE prêtent à rire ; croit encore en son destin quand les vieilles nations d’Europe confient le leur au cours de la Bourse et aux banquiers de Wall Street. 
Du coup, la propagande a tout envahi, jusqu’à l’air qu’on respire. Le gouvernement d’Obama prend des sanctions contre le régime de Poutine : tout est dit ! D’un côté, Guantanamo, les assassinats par drones aux quatre coins du monde, la suspension des droits élémentaires et le permis de tuer sans procès ses propres citoyens — et, surtout, vingt-cinq ans de guerres coloniales calamiteuses, sales et ratées qui ont fait du Moyen-Orient, de la Bosnie à Kandahar, un enfer sur terre. De l’autre, une puissance qui essaie pas à pas de faire le ménage à ses propres frontières, celles justement dont on s’était engagé à ne jamais s’approcher. Votre gouvernement contre leur régime… 
Savez-vous de quoi vous vous privez en vous coupant ainsi, deux fois par siècle, de la Russie ? Du refuge ultime de vos dissidents, en premier lieu du témoin capital Snowden. Des sources d’une part considérable de votre science, de votre art, de votre musique, et même, ces jours-ci, du dernier transporteur capable d’emmener vos gens dans l’espace. Mais qu’importe, puisque vous avez soumis votre science, votre art, votre musique et votre quête spatiale à la loi suicidaire du rendement et de la spéculation. Et qu’être traqués et épiés à chaque pas, comme Snowden vous l’a prouvé, ne vous dérange au fond pas plus que ça. Á quoi bon implanter une puce GPS à des chiens déjà solidement tenus en laisse ? Quant à la dissidence… Elle n’est bonne que pour saper la Russie. Tout est bon pour saper la Russie. Y compris les nazis enragés de Kiev que vous soutenez sans gêne et n’hésitez pas à houspiller contre leurs propres concitoyens. Quelle que soit l’issue, cela fera toujours quelques milliers de Slaves en moins… 
Que vous a-t-il donc fait, ce pays, pour que vous en arriviez à pousser contre lui les forces les plus sanguinaires enfantées par la malice humaine : les nazis et les djihadistes ? Comment pouvez-vous songer à contourner un peuple étendu sur onze fuseaux horaires ? En l’exterminant ou en le réduisant en esclavage ? (Il est vrai que « toutes les options sont sur la table », comme on dit à l’OTAN.) Destituer de l’extérieur un chef d’État plus populaire que tous vos polichinelles réunis ? Êtes-vous déments ? Ou la Terre est-elle trop petite, à vos yeux, pour que l'« Occident » puisse y cohabiter avec un État russe ? 
C’est peut-être cela, tout compte fait. La Russie est l’avant-poste, aujourd’hui, d’un monde nouveau, de la première décolonisation véritable. Celle des idées, des échanges, des monnaies, des mentalités. Á moins que vous, atlantistes et eurocrates, ne parveniez à entraîner la nappe dans votre chute en provoquant une guerre atomique, le banquet de demain sera multipolaire. Vous n’y aurez que la place qui vous revient. Ce sera une première dans votre histoire : mieux vaut vous y préparer. 
Slobodan Despot 



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ENTRETIEN POUTINE - Paul Craig Roberts


Par Paul Craig Roberts – Le 24 juin 2015 – Source : Counterpunch
Traduit par Gabriel, relu par jj et Diane pour Le Saker Francophone
 
Préambule
Mathieu 7-15 : Gardez-vous des faux prophètes... 7-16 Vous les reconnaîtrez à leurs fruits. Cueille-t-on des raisins sur des épines, ou des figues sur des chardons ? 7-17 Tout bon arbre porte de bons fruits, mais le mauvais arbre porte de mauvais fruits...
Face aux tombereaux d'invectives déversés sans répit sur Poutine, il est bon de prendre un peu de recul. Paul Craig Roberts présente ici, et commente, une entrevue entre Charlie Rose , journaliste animateur de télévision à CBS, néocon notoire, fréquentant assidûment le Club de Bilderberg, donc peu enclin à la mansuétude à l'endroit de Poutine. Ce dernier fait un tour d'horizon exhaustif de tous les conflits chauds en cours, sans langue de bois. L'entrevue est longue mais vaut le détour. Écoutez ce qu'il a à dire.
Le Saker Francophone
Les mensonges à propos du président de la Russie sont devenus si grossiers, menaçant le monde d’une guerre dévastatrice, que des Américains éminents se sont regroupés pour fonder le Comité américain pour l’entente Est-Ouest. Les membres fondateurs sont : l’ancien sénateur américain Bill Bradley, Amb. Jack Matlock qui était ambassadeur américain auprès de l’Union soviétique pendant la présidence de Reagan. À ces noms s’ajoutent les membres suivants de l’administration de George HW Bush : William J. Van den Heuvel, qui était ambassadeur américain à l’ONU pendant l’administration Carter, John Pepper, qui est l’ancien président et chef de la direction de Proctor Gamble, Gilbert Doctorow qui est un homme d’affaires avec un quart de siècle d’expérience en affaires avec la Russie, et les professeurs Ellen Mickiewicz de l’Université Duke et Stephen Cohen de l’Université de Princeton et New York University.
Il est extraordinaire que la coopération entre la Russie et les États-Unis forgée au fil des décennies par les gouvernements successifs, à commencer par John F. Kennedy et aboutissant à la fin de la guerre froide avec les accords Reagan-Gorbatchev, ait été détruite par une poignée de néoconservateurs américains bellicistes durant les dix-huit derniers mois. Le résultat d’un effort de 40 ans anéanti du jour au lendemain par une poignée de fauteurs de guerre insensés qui croient que Washington dispose d’un droit à l’hégémonie mondiale.
Le problème a commencé avec le président Clinton qui a violé la promesse faite aux Russes que l’Otan ne s’étendrait pas en Europe de l’Est. Cette violation de la promesse américaine a été suivie par la décision unilatérale de George W. Bush de se retirer du Traité sur les missiles anti-balistiques, et de changer la doctrine militaire des États-Unis, pour permettre une attaque nucléaire préventive sur d’autres pays, principalement la Russie.
Ces provocations ont été suivies par l’annonce du déploiement de bases de missiles américains aux frontières de la Russie.
Le régime Obama a ajouté un coup d’État en Ukraine, longtemps une partie de l’URSS, et la mise en place d’un gouvernement vassal des États-Unis qui menace la sécurité russe.
Dans le passé, de telles provocations auraient conduit, sinon à la guerre, au moins à des contre-provocations. Cependant, Vladimir Poutine est un personnage calme et réfléchi, heureusement pour l’espèce humaine. Il se plaint poliment des provocations, mais continue de se référer à Washington et aux pseudo-gouvernements des états vassaux de Washington comme à des partenaires, même si il sait qu’ils ont décidé la perte de la Russie.
Poutine répond aux menaces, aux sanctions illégales et à l’incessante propagande par des déclarations rappelant que les gouvernements doivent respecter les intérêts nationaux des uns et des autres et travailler ensemble pour leur bénéfice commun. Aucun homme politique en Occident ne parle plus de cette façon. Les politiciens occidentaux, y compris des non-entités telles que le caniche de Washington, le ministre britannique Cameron, profèrent des menaces et des insultes violentes qui rendent les menaces d’Adolf Hitler douces en comparaison. La Russie pourrait détruire le Royaume-Uni en quelques minutes, et nous avons le spectacle adressé par le crétin Cameron, Premier ministre britannique, à la Russie malgré le fait que le Royaume-Uni ne soit même pas capable d’apporter une force significative où que ce soit, afin d’affronter la Russie. Le caniche Cameron se repose sur Washington, tout comme le gouvernement débile polonais se repose sur la garantie britannique.
Les idiots de Washington pensent qu’ils isolent la Russie, mais ce que font ces imbéciles est de couper Washington et ses vassaux du reste du monde. Les grands pays importants de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique du Sud sont alliés avec la Russie, pas avec Washington. Les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) ont créé leur propre banque de développement et commercent entre eux dans leurs propres devises sans utiliser le dollar américain en faillite, la monnaie de réserve du monde .
Enregistrez bien l’adresse Web de la Commission américaine pour l’entente Est Ouest, suivez et soutenez leur travail. Ne comptez pas sur les médias de la presse prostituée. Robert Parry a récemment décrit, de façon précise, le New York Times comme étant la version washingtonienne du Big Brother de l’émission Deux Minutes de Haine décrite par Georges Orwell dans son livre 1984.
Le visage de Poutine est l’image que le vaisseau amiral de la presse prostituée, le New York Times, fait clignoter sur l’écran pour inculquer la haine de l’ennemi. La haine de l’ennemi entretient la poursuite des guerres de Washington et conditionne les Américains à accepter la perte de leurs libertés élémentaires telles que l’habeas corpus. Les procédure judiciaires légales et le droit inaliénable de vivre s’effritent sous leurs yeux vides, aveuglés par la propagande.
À Saint-Pétersbourg vient de se terminer le Forum économique international auquel j’étais invité, mais n’ai pas pu me rendre, ce que je regrette, j’aurais pu être présenté à Poutine. Ce dernier a donné une assurance crédible, à un large éventail d’entreprises étrangères présentes, que la Russie était concernée par la primauté du droit et que leurs activités en Russie sont en sécurité. Si vous croyez en tant soi peu à la propagande alimentée par les médias prostitués occidentaux, y compris Bloomberg, au sujet de l’effondrement de l’économie russe, vous pouvez vous libérer des mensonges en lisant le compte rendu de Poutine sur l’économie russe.
L’entrevue qu’il a accordée au champion de la presse prostituée américaine, Charlie Rose, est du plus grand intérêt. Pour votre information, voici l’entretien :
Entretien du président de la Russie et d’autres parties au Forum économique international de Saint-Pétersbourg
Charlie Rose : Monsieur le Président, je voudrais commencer par dire que je suis heureux d’être ici dans votre ville de résidence, l’endroit où vous avez commencé votre carrière politique. Ceci est aussi une ville historiquement importante – la Russie est née ici comme un empire. 
Il y a quelques problèmes très graves qui ne peuvent être résolus que si la Russie prend des mesures, si vous y prenez part. Nous parlons de la politique économique, de la politique étrangère, de l’Ukraine, des pays baltes, de l’Europe, de la Syrie, de l’Iran, de la Chine et de la Russie. Il y a beaucoup de questions, il y a des problèmes, et il y a des conflits. La Russie doit jouer son rôle dans la recherche de solutions à de nombreux problèmes. Il y a la question des frontières, la question de la Russie et de l’Ukraine. Pourriez-vous nous aider à comprendre comment vous le voyez ? Où en sommes-nous ? Comment y sommes-nous y arrivés et où allons-nous ?
Vladimir Poutine : D’abord, je tiens à vous remercier d’avoir accepté de travailler avec nous aujourd’hui et modérer cette réunion. Ce forum est appelé Forum économique international de Saint-Pétersbourg. Je voudrais me concentrer sur les questions économiques. Cependant, je suis d’accord avec vous que, sans résoudre un certain nombre de situations critiques aiguës, il est difficile de se faire un chemin dans le domaine économique.
Nous avons discuté des développements en Ukraine à de nombreuses reprises, et je comprends que cela est inévitable. Cependant, vous le savez, nous parlons de l’Ukraine tout le temps, il y a quelques années, nous parlions de la crise en Irak, par exemple et dans d’autres pays. Nous parlons sans cesse de choses qui sont déjà arrivées, mais nous ne discutons jamais des raisons pour lesquelles elles se sont produites. Et si vous voulez parler de ce sujet, et il semble en effet important, je préférerais commencer précisément par cela, les raisons.
Pourquoi avons-nous une crise en Ukraine ? Je suis convaincu que, après la disparition du prétendu système bipolaire, en 1991, lorsque l’Union soviétique a disparu de la carte politique du monde, certains de nos partenaires dans l’Ouest, y compris et surtout les États-Unis bien sûr, étaient dans une sorte d’état euphorique. Au lieu de développer de bonnes relations de voisinage et des partenariats, ils ont commencé à développer le nouvel espace géopolitique dont ils pensaient qu’il était inoccupé. Ceci, par exemple, a causé la poussée vers l’Est du bloc de l’Atlantique Nord, l’Otan, avec de nombreux autres développements.
J’ai beaucoup réfléchi sur les raisons de ce qui se passe et j’en suis finalement venu à la conclusion que certains de nos partenaires ont eu l’illusion que l’ordre du monde créé après la Seconde Guerre mondiale, incluant une puissance mondiale telle que l’Union soviétique, n’existait plus, qu’une espèce de vide s’était créé, qui devait être comblé rapidement. Je pense qu’une telle approche est une erreur. C’est comme ça que nous sommes retrouvés avec le problème irakien, et nous savons que, même aujourd’hui, il y a beaucoup de gens aux États-Unis qui pensent que des erreurs ont été commises en Irak. Et pourtant ils les répètent toutes en Libye. Maintenant, ils sont arrivés en Ukraine.
Nous n’avons pas provoqué la crise en Ukraine. Il n’y avait aucune nécessité de soutenir le coup d’État anti-constitutionnel, comme je l’ai dit à maintes reprises, qui a finalement conduit à une vive résistance sur le territoire de l’Ukraine, à une guerre civile, en fait.
Où allons-nous maintenant ? Je ne voudrais pas entrer trop profondément dans le sujet ici. Aujourd’hui, nous devons d’abord nous conformer à tous les accords conclus à Minsk, la capitale de la Biélorussie. Je voudrais réitérer que nous n’aurions jamais signé ce document s’il avait contenu quelque chose qui ne nous satisfaisait pas. Maintenant que nous avons signé, nous allons travailler pour atteindre sa pleine application.
Dans le même temps, je voudrais attirer votre attention et celle de tous nos partenaires sur le fait que nous ne pouvons pas le faire unilatéralement. Nous ne cessons d’entendre la même chose, répétée comme un mantra – que la Russie devrait influencer le sud-est de l’Ukraine. Nous le faisons. Toutefois, il est impossible de résoudre le problème par le moyen de notre seule influence dans le sud-est. Il doit aussi y avoir une influence sur les autorités officielles actuelles à Kiev, ce que nous ne pouvons pas faire. Ceci est la part de travail de nos partenaires occidentaux – celle de l’Europe et de l’Amérique. Travaillons ensemble.
Charlie Rose : Que voulez-vous du gouvernement de Kiev, que doivent-ils faire ?
Vladimir Poutine : Nous ne voulons rien. Les habitants de l’Ukraine devraient vouloir que le gouvernement ukrainien fasse quelque chose, ou pas.
Nous croyons que, pour régler la situation, nous devons mettre en œuvre les accords de Minsk, comme je le disais. Les éléments d’un règlement politique sont la clé ici. Il y en a plusieurs.
Le premier est la réforme constitutionnelle ; les accords de Minsk disent clairement : donner l’autonomie ou, comme ils disent, décentraliser le pouvoir, alors soit, appelons ça la décentralisation. Ceci est tout à fait clair, nos partenaires européens, la France et l’Allemagne, l’ont dit, et nous sommes tout à fait satisfaits avec cela, tout comme les représentants du Donbass le sont. Ceci est une composante.
La deuxième chose qui doit être faite : la loi adoptée plus tôt sur le statut spécial de ces territoires, Lougansk et de Donetsk, les républiques non reconnues, devrait être promulguée. Elle a été adoptée, mais toujours pas appliquée. Cela nécessite une résolution de la Rada suprême – le Parlement ukrainien – qui est également prévue par les accords de Minsk.
Nos amis à Kiev ont formellement respecté cette décision, mais en même temps que l’adoption de la résolution sur la promulgation de la loi, ils ont modifié la loi elle-même, l’article 10, je crois, ce qui rend pratiquement l’action nulle et non avenue. Ceci est une simple manipulation, et ils doivent arrêter les manipulations et agir sérieusement.
La troisième chose est une loi d’amnistie. Il est impossible d’avoir un dialogue politique avec des gens qui sont menacés de poursuites criminelle. Et enfin, ils ont besoin d’adopter une loi sur les élections municipales dans ces territoires et y organiser des élections. Tout cela est énoncé dans les accords de Minsk, et je voudrais attirer votre attention là-dessus, tout cela doit être fait avec l’accord de Donetsk et Lugansk.
Malheureusement, nous ne voyons toujours pas de dialogue direct, seulement quelques signes, mais trop de temps est passé après la signature des accords de Minsk. Je le répète, il est important aujourd’hui d’avoir un dialogue direct entre Lugansk, Donetsk et Kiev – cela manque. Enfin, ils doivent commencer la reconstruction économique de ces territoires, bien sûr.
Je voudrais répéter quelque chose que j’ai déjà dit à maintes reprises : l’excuse « nous n’avons pas d’argent » ne fonctionne pas ici. Si les autorités actuelles à Kiev estiment que le Donbass est un territoire ukrainien habité par des citoyens ukrainiens, ceux-ci ont le droit de recevoir, par exemple, les prestations d’invalidité ou les pensions qu’ils gagnaient en vertu de la loi ukrainienne existante ; les autorités de Kiev ne peuvent pas refuser de payer, ils n’ont tout simplement pas le droit de le faire. Ils violent leur propre Constitution. Tout cela doit être fait, non pas en paroles, mais dans la pratique.
Charlie Rose : Comme vous le savez, les États-Unis d’Amérique croient que vous armez les séparatistes, que vous les encouragez, que vous engagez les forces armées russes pour alimenter le conflit. Il existe une forte préoccupation que cela pourrait conduire à une nouvelle guerre froide.
Vladimir Poutine : Vous savez, ce ne sont pas les conflits locaux qui provoquent une guerre froide, mais les décisions mondiales – comme le retrait des États-Unis du traité de défense antimissile. C’est une étape qui nous pousse vers une nouvelle spirale de la course aux armements, car il change le système de la sécurité mondiale.
Comme pour les conflits régionaux, les parties en conflit – et je souligne – trouvent toujours des armes. Cela est vrai dans l’est de l’Ukraine aussi.
Je tiens à dire que si cette situation est résolue par des moyens politiques, les armes ne seront pas nécessaires ; mais elle exige de la bonne volonté et un désir d’entrer en dialogue direct, et nous aiderons à cela. Ce que nous ne pouvons pas faire et ne pourrions jamais accepter est que quelqu’un, quelque part, n’importe où, procède à partir d’une position de force : d’abord l’utilisation de la police (ils appellent ça la milice là-bas), puis des services spéciaux, enfin des forces armées.
Avant que les unités de l’armée et les soi-disant bataillons – unités armées nationalistes – ne soient apparus sur ces territoires, il n’y avait pas d’armes là-bas ; et il n’y en aurait toujours pas s’ils avaient essayé de résoudre la situation par des moyens pacifiques dès le début. Les armes ne sont apparues après qu’ils ont commencé à tuer des gens à l’aide de chars, d’artillerie, de systèmes de lance-roquettes multiples et d’aviation. Cela a donné naissance à une résistance. Une fois qu’une tentative sera faite pour résoudre le problème par des moyens politiques, les armes partiront.
Charlie Rose : Quelles sont les frontières acceptables pour l’Ukraine, pour la Russie ? Que frontières trouvez-vous acceptables ?
Vladimir Poutine : Que voulez-vous dire quand vous parlez des frontières : les frontières géographiques, les frontières politiques ?
Charlie Rose : Les frontières politiques.
Vladimir Poutine : En ce qui concerne la coopération, nous avons toujours dit et continuons à dire – il n’y a rien de nouveau ici – qu’avec toutes les difficultés actuelles, j’ai toujours pensé que les Russes et les Ukrainiens sont un peuple, un groupe ethnique, à tout le moins ; chacun avec ses propres particularités et caractéristiques culturelles, mais avec une histoire commune, une culture commune et des racines spirituelles communes. Quoi qu’il arrive, dans le long terme la Russie et l’Ukraine sont vouées à un avenir commun.
Nous avons procédé dès le début de l’idée que l’Ukraine a le droit de faire son choix – civilisationnel, politique, économique ou autre. Ce n’est pas un secret : nous savons tous que la Russie a effectivement été à l’origine de la désintégration de l’Union soviétique et a rendu leur souveraineté à tous ces pays. Rien n’a changé depuis lors. Cependant, en dehors des liens que j’ai mentionnés auparavant, ceux qui ont pris forme au fil des décennies, des choses très spécifiques dans le présent tiennent la Russie et l’Ukraine ensemble : nous avons une infrastructure commune d’ingénierie, d’énergie, de transports en commun, des règles communes, et ainsi de suite… Nous sommes tenus ensemble par la même langue. Maintenant, tout cela concerne la Russie et ses intérêts.
Nous sommes toujours partis de l’idée que nous allons résoudre tout, même les différends, par la voie des négociations – et il est naturel que des voisins aient des différends. Toutefois, si certaines tierces parties s’impliquent dans ces négociations, nous attendons d’elles qu’elles prennent en compte nos intérêts aussi, plutôt que de nous proposer tout simplement leur solution. Si vous demandez ce que nous attendons dans le sens politique, nous nous attendons à un dialogue global, égalitaire et fondé sur la confiance.
Charlie Rose : Je voudrais revenir plus tard à l’Ukraine, parlons des relations de la Russie avec un certain nombre d’autres pays, dont les États-Unis et la Chine. Pouvez-vous caractériser la relation avec les États-Unis : ce qui va, ce qui ne va pas, avec eux. Qu’est-ce-qui manque ?
Vladimir Poutine : En d’autres termes, où nous avons des développements positifs et où nous avons des problèmes.
Je vais commencer par les problèmes. Le problème est que nous sommes obligés d’accepter les normes et les solutions des autres sans tenir compte de notre compréhension de nos propres intérêts. On nous raconte qu’en fait, les États-Unis savent mieux que nous ce qu’il nous faut. Qu’on nous laisse décider nous-mêmes où sont nos intérêts et nos besoins, à partir de notre propre histoire et de notre culture.
Charlie Rose : Comment, exactement, est-ce que les États-Unis décident de ce dont vous avez besoin ?
Vladimir Poutine : En interférant dans nos processus politiques internes, y compris en finançant le secteur non public [les ONG pro-américaines, NdT], et en imposant des décisions de sécurité internationales.
Par exemple, je l’ai déjà mentionné précédemment en l’Irak, et cela avait immédiatement refroidi nos relations. Vous souvenez-vous de la déclaration « Si vous n’êtes pas avec nous, vous êtes contre nous » ? Vous appelez cela un dialogue ? C’est un ultimatum. Vous ne devriez pas utiliser des ultimatums en nous parlant.
Maintenant sur les choses qui nous unissent – et il y en a. Nous sommes unis par la volonté de lutter contre les menaces communes à terme, y compris le terrorisme, l’expansion de la drogue et une tendance très dangereuse à la prolifération des armes de destruction massive. Il y a aussi des problèmes d’interaction humanitaire, comme la lutte contre les infections sévères qui ont frappé des régions entières du monde. Il y a des questions relatives à l’économie mondiale, ce qui a à voir avec le secteur sur lequel nous avons une influence significative directe, l’énergie. Il y a aussi d’autres domaines où nous coopérons avec beaucoup de succès et j’espère que cela servira de base et rendra possible pour nous de rétablir nos relations antérieures et de progresser.
Quant à la République populaire de Chine, le niveau, la nature et la confiance de nos relations ont probablement atteint un niveau sans précédent dans toute leur histoire. Depuis 40 ans – je voudrais que chacun entende cela – pendant 40 ans, nous avons négocié les questions frontalières. Nous avons trouvé des compromis et des solutions ; nous avons rencontré l’autre à mi-chemin et réglé la question. Quarante ans ! Nous avons pas réussi à résoudre ces questions avec tous les pays. Par ailleurs, nous développons des liens économiques, nous coopérons activement au sein des organisations internationales et de l’Organisation des Nations Unies.
Nous créons de nouvelles organisations qui se développent très activement et sont de plus en plus attrayantes pour de nombreux autres pays : il s’agit de l’Organisation de coopération de Shanghai, par exemple. Elle a été initialement créée pour résoudre les problèmes frontaliers après la désintégration de l’Union soviétique, mais elle s’est ensuite développée et maintenant c’est une organisation que d’autres pays souhaitent rejoindre. Très probablement lors du prochain sommet à Oufa (notre prochain sommet est en Bachkirie), nous allons décider d’accepter l’Inde et le Pakistan. Nous développons également d’autres formes de coopération, avec les BRICS, par exemple.
Dans mon discours, je parlais de l’intégration de nos efforts au sein de l’Union économique eurasienne, de la ceinture économique et de la Route de la soie. En d’autres termes, nous développons nos relations dans ce domaine aussi. La Chine est notre partenaire économique et commercial majeur. Nos relations se développent de manière très efficace.
Charlie Rose : Certains disent que c’est une relation naturelle parce que la Chine a de l’argent et que la Russie dispose de ressources naturelles, il y a donc là une affinité naturelle.
Vladimir Poutine : Vous devriez lire ce que les analystes américains écrivent. Je suis sûr que vous le faites tout en prétendant que non. Les analystes américains, politologues et économistes, disent que les États-Unis se tournent également vers la Chine. La Chine est une économie en croissance. Si quelqu’un a des inquiétudes sur une baisse de leurs taux de croissance, le Premier Vice-Président du Conseil d’État de Chine a dit que 7% est la plus forte croissance économique dans le monde cette année, dans tous les cas.
Il n’y a pas que la Russie qui s’intéresse à l’Asie. Pourquoi ? Le monde entier regarde vers l’Asie, et l’Europe est également à la recherche des moyens de développer ses relations, alors que pour nous cela vient naturellement – nous sommes des voisins et c’est une affinité naturelle. En outre, il y a certaines valeurs que nous défendons en commun sur la scène internationale avec un certain succès, comme l’égalité d’accès à la résolution des grands problèmes internationaux.
Charlie Rose : Est-ce une affinité plus naturelle que l’Europe et les États-Unis ? La Chine est-elle à l’avenir une place où la Russie se sent plus à l’aise qu’avec l’Europe ou les États-Unis ? Et cela pourrait-il conduire à une alliance anti-occidentale ?
Vladimir Poutine : Anti-occidentale ?
Charlie Rose : Anti-occidentale, anti-américaine.
Vladimir Poutine  : Il n’y a aucun pays, y compris la Chine, contre lequel nous ou la Chine, pour autant que je comprends la politique de la Chine, allons construire notre politique. Nous ne formons pas d’alliance contre, nous construisons des alliances pour des réalisations – en faveur de la mise en œuvre de nos intérêts nationaux.
Je tiens à souligner : vous étendez le bloc de l’Atlantique Nord, l’Otan. L’Union soviétique a disparu, le bloc avait été mis en place pour contrebalancer l’Union soviétique. L’Union soviétique a disparu, le Traité de Varsovie a disparu, tandis que l’Otan non seulement existe encore, mais est en pleine expansion. Vous le faites, alors que la Chine et nous ne créons pas des blocs, nous ne disposons pas d’une mentalité de bloc, nous essayons, avec succès semble-t-il, de penser globalement, non seulement le partage des responsabilités, mais aussi de trouver des solutions et des compromis mutuellement acceptables. Nous ne procédons pas à partir d’une position de force. Nous recherchons toujours des solutions, des solutions dans le processus de négociations.
Charlie Rose : Nous avons lu beaucoup sur vous et votre pays ; il y a trois choses que je vois constamment. L’une est le sentiment de vouloir être respecté, une autre est d’avoir une conversation sur un pied d’égalité, une troisième est un sentiment, peut-être lié à votre histoire, une grande préoccupation au sujet des frontières nécessitant une zone tampon pour la Russie. Est-ce bien cela ?
Vladimir Poutine  : Vous savez, je l’entends tout le temps : la Russie veut être respectée. N’est-ce pas ? Qui ne le veut pas ? Qui veut être humilié ? C’est une question vraiment étrange. Comme si c’était un droit exclusif – la Russie exige le respect. Est-ce que quelqu’un aime à être négligé ? En fait, il ne s’agit pas d’une question de respect ou d’absence de celui-ci – nous voulons assurer nos intérêts sans pour autant nuire à nos partenaires. Cependant, nous comptons sur un dialogue constructif, direct et important. Quand on constate une absence de dialogue, ou une absence de désir de nous parler, cela provoque naturellement une réponse appropriée.
Je vais vous raconter une histoire intéressante, qui a à voir avec le partenariat dit oriental dont nos collègues en Europe occidentale font la promotion. Cette idée, d’ailleurs, est aussi activement soutenue aux États-Unis. Notre première réaction à l’idée d’un partenariat oriental a été très positive. Pourquoi ? Parce que nous sommes partis de la notion que la Russie et les pays de l’Est sont maintenues ensemble par mille liens, notamment économiques. Ce sont des règlements techniques communs, comme je le disais, des infrastructures communes, et ainsi de suite. Par conséquent, nous avons raisonné à partir de l’idée que si l’Europe a commencé à travailler avec eux, en les développant en quelque sorte, cela conduirait inévitablement à une interaction constructive avec la Russie. Et nous allions travailler ensemble. Nous discuterions, en opposition sur certaines choses, en accord sur d’autres, mais nous serions arrivés à des solutions communes qui nous permettraient de construire un nouvel espace économique et, finalement, humanitaire et politique.
Malheureusement, rien de tout cela n’est jamais arrivé. Comment la crise en Ukraine, que vous avez lancée, s’est-elle produite ? L’Ukraine s’est vu proposer un accord d’association. Magnifique. Cependant, tout le monde sait que l’Ukraine est un membre de la zone de libre-échange au sein de la Communauté des États indépendants, la CEI (que l’Ukraine, en fait, avait promue). Cette zone offre beaucoup de préférences et d’avantages.
Il nous a fallu 17 ans pour négocier les termes de notre adhésion à l’OMC. Maintenant, en un seul mouvement, l’UE a décidé d’entrer sur le territoire douanier de la Fédération de Russie via l’Ukraine. Est-ce la façon dont les choses doivent être faites ? Et quand nous avons suggéré la tenue de consultations, on nous a dit que ce n’était pas notre affaire. Est-ce la façon dont problèmes devraient être résolus, en particulier là où la Russie est concernée ?
Qu’est-ce que la confiance a à voir là-dedans ? Ce n’est pas une question de confiance – il s’agit de prendre nos intérêts en considération.
Charlie Rose : Permettez-moi de parler de quelques endroits où il y a un besoin dramatique de coopération entre les États-Unis et la Russie. L’un est l’Iran et les négociations nucléaires et la P5 + 1. Pensez-vous qu’il y aura un accord ? Et quel type d’accord voulez-vous voir ?
Vladimir Poutine : D’abord, je tiens à souligner ce que je considère comme le point essentiel ici, à savoir que nous avons une compréhension commune, avec tous les participants à ce processus, y compris les États-Unis et les pays européens, et l’Iran lui-même je l’espère, sur le fait que nous nous opposons tous catégoriquement à la prolifération des armes de destruction massive. Telle est notre position de principe et c’est ce qui nous permet de travailler de façon constructive avec les États-Unis dans ce domaine.
Nous sommes très heureux de voir que les Iraniens ont également considérablement changé leur position, ce qui a permis d’atteindre les accords que nous avons aujourd’hui. Nous soutenons très certainement ces accords. La seule chose dont je pense qu’elle serait contre-productive serait de nuire délibérément aux accords en exigeant de l’Iran des conditions qu’il ne peut pas remplir et qui ne sont pas pertinentes par rapport à la question principale – la question de la non-prolifération. J’espère, cependant, que les choses n’arriveront pas à ce point et nous allons signer l’accord bientôt. Je pense que [le ministre des Affaires étrangères] Sergueï Lavrov sait mieux que moi quand il sera signé.
Sergei Lavrov  : Quand il sera prêt.
Vladimir Poutine : Je demande : « Quand pouvons-nous signer ? », Et il répond : « Quand il est sera prêt. » Nos diplomates parlent toujours de cette façon. (Rires)
Je pense que la signature aura lieu bientôt. J’ai rencontré hier le directeur général de l’AIEA, et ce qui est le plus important de tout ici est qu’après la signature, le processus de l’exécution de ces accords doit commencer, et cela va prendre environ six mois.
Tout aussi important cependant pour votre pays, les États-Unis, est d’adopter une attitude positive à l’égard de ces accords et de leur donner votre appui, pour obtenir le soutien du Congrès. Nous connaissons les discussions qui se déroulent actuellement aux États-Unis, et nous savons que le président a le pouvoir de signer ces accords lui-même, ce qui signifie qu’ils n’est pas obligatoire de les ratifier. Cela n’est pas notre affaire et nous ne pouvons le décider. Il y a des questions que nous ne pouvons pas décider pour les autorités de Kiev, et il y a des questions que nous ne pouvons pas décider pour les autorités de Washington. La balle est donc dans votre camp. Mais nous espérons que le président américain va atteindre un résultat qui sera très certainement dans les annales comme l’une des plus grandes réalisations de politique étrangère de sa présidence.
Charlie Rose : Mais croyez-vous que cet accord va aller de l’avant, étant donné ce que M. Lavrov vient de dire ? 
Vladimir Poutine  : Je le crois, et nous travaillons dans ce sens. Nous pensons qu’il est absolument essentiel pour désamorcer la situation. Il est tout aussi important cependant, pour toutes les puissances régionales, d’avoir l’assurance qu’elles ne se trouveront pas face à une aggravation de la situation et à des menaces dans la région. Telle est la situation que nous devons absolument éviter. Je tiens à souligner que la Russie cherche à développer des relations de bon voisinage et d’amitié avec l’Iran et avec tous les pays de cette région.
Charlie Rose : Une autre question de politique étrangère avant de passer à l’économie et aux questions soulevées par un certain nombre de conférenciers.
La Syrie est un autre sujet qui occupe nos esprits aujourd’hui. Voyez-vous une solution à la situation actuelle ? La Russie soutient le gouvernement de Bachar al-Assad et l’a fait pendant de nombreuses années. L’Iran soutient également le gouvernement de Assad. Il semble que le balancier va ici et là. Quelle solution voyez-vous ? Comment pouvons-nous mettre fin à cette terrible guerre civile qui a créé des millions de réfugiés ? Quand pourrons-nous trouver une solution ?
Vladimir Poutine : Le plus tôt sera le mieux. Permettez-moi de répéter que notre position sur cette question est basée sur la crainte que la Syrie pourrait se retrouver dans le même genre de situation que ce que nous voyons en Libye ou en Irak.
Vous savez, après tout, qu’avant la destruction des autorités de l’État et de Saddam Hussein lui-même, il n’y avait pas de terroristes en Irak. Il ne faut pas oublier cela. Les gens préfèrent ne pas en parler aujourd’hui, mais est-ce vraiment si difficile de voir qui a créé les conditions pour que le terrorisme flambe dans ces lieux ? Après l’invasion de l’Irak, les anciennes autorités ont fui ou ont été détruites, et Saddam a été pendu. Et puis nous nous sommes retrouvés avec État islamique.
Regardez ce qui se passe en Libye. Elle a cessé d’exister en tant qu’État et se trouve dans un processus de désintégration totale. Même les diplomates américains y ont subi des pertes. Nous connaissons les événements tragiques qui ont eu lieu là-bas. Le principal problème, comme nous le voyons, est que nous ne voulons pas voir la Syrie prendre cette même route. Ceci est notre principale motivation pour soutenir le président Assad et son gouvernement. Nous pensons que c’est la bonne position. Il serait difficile de s’attendre à nous voir prendre toute autre ligne. En outre, je pense que beaucoup seront d’accord avec notre position sur cette question.
J’ai mentionné l’Irak à plusieurs reprises. Nous savons ce qui se passe là-bas. Les États-Unis soutiennent l’Irak, livrent des armes et forment l’armée irakienne. Dans deux ou trois attaques, État islamique a capturé beaucoup d’armes, probablement plus que l’armée irakienne en possède. Cela comprend des véhicules blindés et des missiles, bien que le grand public soit mal informé de tout cela. C’est récent. État islamique est maintenant mieux armé que l’armée irakienne. Et tout cela s’est produit avec le soutien des États-Unis.
Les États-Unis se sont prétendument retirés d’Irak, mais nos services spéciaux et les informations que nous recevons de l’Irak même indiquent que des milliers de militaires américains sont encore en Irak. Les résultats sont déplorables et tragiques.
Nous ne voulons pas que tout cela se répète en Syrie. Nous demandons à nos partenaires aux États-Unis et en Europe, mais surtout aux États-Unis bien sûr, de faire davantage d’efforts pour combattre ce mal absolu que sont l’intégrisme, État islamique et les groupes similaires qui essentiellement ont tous leurs racines dans des organisations mondiales terroristes bien connues qui ont déjà lancé des attaques répétées contre les États-Unis eux-mêmes. Notre appel est pour un règlement politique, qui devrait, bien sûr, garantir la transformation du régime, et nous sommes prêts à discuter de cette question avec le président Assad.
L’ONU a déclaré récemment l’importance de travailler avec le président Assad pour combattre État islamique et d’autres groupes terroristes. Nous sommes prêts à travailler avec le président syrien et à assurer que le processus de transformation politique puisse aller de l’avant de sorte que toutes les personnes en Syrie participent au pouvoir, afin de mettre un terme à cet affrontement armé. Mais nous ne pouvons pas atteindre cet objectif de l’extérieur et par l’utilisation de la force. Ceci est la vraie question.
Charlie Rose : Très bien, mais êtes-vous prêt à appeler le président Assad à démissionner si cela rendait une solution politique alternative possible ou aidait à combattre État islamique ?
Vladimir Poutine : Notre modérateur est un véritable Américain. J’ai dit « sans intervention extérieure », et il me demande si nous sommes prêts à « appeler le président Assad à démissionner » ? Seul le peuple syrien peut faire cela. Comment pouvons-nous ignorer des choses de base aussi élémentaires ? Comme je viens de le dire, nous sommes prêts à engager un dialogue avec le président Assad à propos de la mise en œuvre des réformes politiques avec les forces de l’opposition en bonne santé.
 
Paul Craig Roberts a été secrétaire adjoint au Trésor pour la politique économique et rédacteur en chef adjoint du Wall Street Journal. Il a été chroniqueur à Business Week, Scripps Howard News Service, et Creators Syndicate. Il a occupé de nombreux postes universitaires. Ses articles sur internet ont attiré l’attention mondiale. Les derniers livres de Roberts sont : L’échec du capitalisme du laissez faire et la dissolution économique de l’Occident et Comment l’Amérique fut perdue



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Ukraine ​

Quand les nazis mènent le bal 
 
 

8 décembre 2013 - Geoffroy Géraud Legros




« Négros, youpins, ruskofs » ! Ils sont dans le collimateur de la 4ème force politique ukrainienne depuis 2012, le parti nazi et pro-européen ukrainien « Svoboda », locomotive des manifestations qui se déroulent en Ukraine depuis deux semaines. Un premier rôle qui couronne dix années de dédiabolisation — toute formelle... — et obtient un label « révolutionnaire » et « démocratique » grâce aux médias occidentaux.

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Un emblème omniprésent : trois doigts de la main couleur or sur bannière azur comme une promesse de victoire renouvelée. Des mots d’ordre et des drapeaux qui claquent au vent. Des porte-parole qui manient avec ardeur et habileté le langage « révolutionnaire ». Le parti « Svoboda » est la locomotive des manifestations qui, depuis deux semaines, secouent plusieurs villes d’Ukraine. Ainsi, ce sont ses militants qui ont fait franchir un cap décisif à la contestation ukrainienne, en occupant la mairie de la capitale, Kiev, transformée par leurs soins en « quartier général révolutionnaire ».
Pas une photographie, pas un reportage télévision qui ne donne à voir les insignes de cette organisation montante. Forte de 37 députés à la Verkhovna Rada (Assemblée nationale), « Svoboda » est devenu en 2012 la 4ème force politique de l’ancienne république socialiste. Une percée électorale et un activisme qui ont imposé Oleg Tiagnibok — au nombre des leaders de l’opposition — au président Viktor Ianoukovitch.
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L’ancien et le neuf : malgré l’adoption d’un symbole « neutre », les militants de « Svoboda » restent attachés à la rune « Wolfsangel », signe de l’« idée de nation » et insigne de la division SS « Das reich ».
Du nazisme au dialogue
Sobrement identifié comme « nationaliste » par la presse occidentale, le dirigeant de « Svoboda » parade dans les médias, aux côtés d’Arseniy Yatsenyuk, représentant de l’oligarque emprisonnée Ioulia Timoshenko, et de l’ancien boxeur, Vitali Klitchko, revenu d’Allemagne après avoir annoncé sa candidature à l’élection présidentielle. C’est avec ce triumvirat que le ministre allemand, Guido Westerwelle, a souhaité entamer un « dialogue », après une visite sur la « Place de l’Indépendance » de Kiev (EuroMaïdan) en soutien aux « centaines de milliers de personnes dont le cœur bat en Europe ».
Stratégie de dédiabolisation
Pour « Svoboda », l’accès au leadership de « l’opposition démocratique » encouragée par les chancelleries occidentales couronne une stratégie de dédiabolisation engagée il y a 10 ans. En 2004, le « Parti national-socialiste d’Ukraine » néo-nazi, fondé en 1995, optait pour la dénomination plus consensuelle de « Svoboda » — « Liberté » en langue ukrainienne. Simultanément, la rune « Wolfstangel », symbole de « l’idée nationale » et insigne de la division SS « Das Reich », faisait place aux trois doigts couleur or, évocation « conviviale » du traditionnel trident ukrainien.
Mal acceptée par certains militants attachés à l’emblématique nazie, cette mue symbolique n’a en revanche guère affecté le discours du parti ultra-nationaliste. Ainsi, note la chercheuse, Halyna Bocheva, auteure d’une étude consacrée à l’extrême-droite ukrainienne, « Svoboda articule un discours ouvertement raciste à l’encontre des minorités visibles ».
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Née à kiev de père congolais et de mère ukrainienne, la chanteuse pop « Gaitana » a été prise pour cible par « Svoboda ».
« Négros » et « youpins »
Outre les étudiants africains, qui, comme en Russie, constituent des cibles permanentes pour l’extrême-droite, « Svoboda » vise les quelques Noirs et métis du pays, dont la chanteuse « Gaitana », native de Kiev, de père congolais et de mère ukrainienne. Une « négresse », aux yeux de l’extrême-droite, qui « représente un coin quelque part en Afrique », estimait Yuri Syrotiuk, porte-parole du parti. Juifs et Russes, sont quant à eux, selon « Svoboda » les « ennemis naturels de la Nation ».
Un Poutine « pédé » et « enjuivé »
« La « mafia judéo-russe » contrôle le Kremlin », expliquait en 2004 Oleg Tiagnibok. Des Juifs qui seraient, depuis la Révolution bolchévique, les agents de la « russification », mettraient aujourd’hui le pays en coupe réglée via le gouvernement Ianoukovitch aux ordres du « Juif Poutine » et prépareraient un « génocide » contre la population chrétienne du pays. Des thématiques racistes qui expliquent le soutien, a priori paradoxal, que reçoit « Svoboda » d’une partie de l’extrême-droite russe, elle-même en pointe des manifestations anti-Poutine de l’an dernier, laquelle pourfend sans répit un Poutine « pédé » et « enjuivé ».
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Oleg Tiagnibok, leader de Svoboda. À droite, le portrait de Stepan Bandera, chef collaborationniste ukrainien durant la Seconde Guerre mondiale.
Elle regrette la « fin de l’Apartheid en Afrique du Sud »
Au nombre de ses soutiens russes, « Svoboda » compte aussi l’ancienne dissidente, Valeria Novodvorskaya, qui, par ailleurs, dit « regretter » la « fin de l’Apartheid en Afrique du Sud ». En 2010, « Svoboda » appelait au boycott d’une exposition consacrée aux massacres de Polonais et de Russes par les Nazis au cours de la Seconde Guerre mondiale : une « provocation judéo-polonaise », selon le bureau du parti, dont le dirigeant dissertait plus tôt, en séance parlementaire, sur la distinction entre « youpins » et « Juifs », « Russkofs » et Russes. Nostalgique de la collaboration ukrainienne, « Svoboda » soutient la réhabilitation de la division SS « Galicie », partiellement composée de volontaires ukrainiens sous l’occupation nazie.
« Voler l’or des Ukrainiens »
Le parti s’inscrit ainsi dans un courant mémoriel et culturel initié par la « Révolution orange » qui, en 2004, a consacré la victoire du tandem pro-européen composé de Viktor Iouchtchenko et de Ioulia Timochenko. Cette dernière avait d’ailleurs en 2004 pris la défense du journal raciste « Isti Visti », auteur — entre autre — d’un article selon lequel « 400.000 Juifs ukrainiens avaient rejoint les troupes nazies pendant la Seconde Guerre mondiale, afin de voler l’or des Ukrainiens ».
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Militants de « Svoboda » lors d’une manifestation pro-européenne. photographie : Oxana Sozanova.
Un nazisme relooké
Outre la réhabilitation de plusieurs nazis notoires et la consécration du collaborationniste, Stepan Bandera, au rang de « héros national », la Révolution orange fut la matrice d’une culture d’extrême-droite underground, qui irrigue la confuse constellation de groupuscules qui, à la faveur de la crise, ont le vent en poupe en Europe : un nazisme relooké, qui mêle antisémitisme, suprématisme blanc, rejet des musulmans, hédonisme, post-modernisme et combine, en fonction des enjeux, discours social, féminisme, ultralibéralisme et appels à la tradition.
Aux portes du pouvoir ?
À la faveur de la crise de la corruption bien réelle du gouvernement en place, et de son recrutement caricaturalement favorable aux russophones, « Svoboda » met en avant des solutions économiques anti-libérales telles que la nationalisation des grandes industries, le protectionnisme économique, la sécurité de l’emploi, la protection de la paysannerie et l’extension du service public. Un agenda qui contredit en tous points le Traité d’intégration à l’Union européenne défendu par le parti, puisque celui-ci, rapporte la revue « Ekspert », exige de l’Ukraine la privatisation de son industrie gazière et le relèvement des tarifs individuels du gaz…
« Svoboda est devenu un acteur décisif du jeu politique ukrainien », observait en septembre dernier l’universitaire, Dustin Christensen, qui, déjà, voyait dans l’éventuel rejet de l’accord d’intégration avec l’Union européenne un facteur de crise politique susceptible de mener le parti de M. Tiagnibok aux portes du pouvoir. Nul doute que le bombardement de son parti au nombre des « forces démocratiques » par les médias occidentaux — et la diplomatie allemande, qui retrouve assez logiquement le fil de la Mitteleuropa — nourrira encore cette dynamique.
Geoffroy Géraud Legros 
L’auteur de cet article a vécu plusieurs années dans l’aire qu’il est convenu de nommer « Europe centrale et orientale ». Outre ses travaux de recherche, il s’est investi dans la vie civile et politique des pays où il a séjourné — notamment dans l’espace (ex-) yougoslave. C’est l’observation, appliquée à l’Ukraine, de constantes dans la démarche des médias occidentaux, et notamment français, qui a suscité l’écriture de ces quelques lignes.
Non, « Svoboda » n’est pas un « parti nationaliste », comme on peut le lire un peu partout. Non, Oleg Tiagnibok n’est pas le « chef du parti de la Liberté », avec toute l’équivoque que peut comporter, dans le texte, la traduction bien placée d’un label partisan adopté sur le tard.
M. Tiagnibok est un dirigeant nazi, « Svoboda » est un parti nazi, et ce sont des emblèmes nazis et des mots d’ordre nazis que répercutent journaux et télés qui font leurs choux gras de la crise ukrainienne.
De même, les groupes issus du mouvement « Panthères » (Panteri), qui ont assailli le Parlement slovène en 2010, n’étaient pas, comme on a pu le lire, des « jeunes révoltés  » : ce sont des néo-nazis, qui tabassent, voire tuent les « nègres » (Zamorc) et confondent dans leur détestation Juifs, Serbes, Bosniaques, Croates, rassemblés sous le terme de « čefur », lui-même issu du vieux turcisme « čifut » : « youpin ».
Les manifestants-type de Moscou et de Kiev ne sont pas des geek à barbiche et à la coule, des activistes LGBT et des bloggers férus de droits de l’homme : ces gens-làn’existent pas en terme de rapport de force politique — ou existent juste assez pour servir d’idiots utiles à la large masse des néo-nazis, ultranationalistes et nostalgiques de l’ère Brejnev qui occupent les rues et écrivent, par exemple, qu’un tunnel caché relie le Kremlin à des synagogues secrètes où se déroulent des meurtres rituels.
Pire : tout se passe comme si, sans le savoir, nos confrères avaient pleinement intégré les lieux communs de la littérature consacrée aux « transitions » post-communistes — dont la mesure du caractère démocratique d’une société, à sa seule aptitude à garantir le « marché libre et non faussé ».
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Ukraine : publicité pour la réhabilitation de la division SS « Galicie ».
Ainsi, l’extrême-droite hongroise au pouvoir, active de longue date, raciste, pan-ottomane, qui veut dresser des « listes de Juifs nuisibles à l’État » et affirme que « l’islamisme est la seule chance de l’Europe » n’a commencé à inquiéter les faiseurs d’opinion qu’au moment où il s’est avéré qu’elle pourrait — peut-être — nationaliser certaines entreprises.
À l’inverse, on tend la perche (de micro) à des dirigeants croates qui emprisonnent leurs opposants, font l’apologie du régime nazi des Oustachi, et exigeaient après 1992 de la part de fonctionnaires yougoslaves présents sur le sol du nouvel État la production d’une domovnica — certificat de nationalité impossible à décrocher pour qui n’était pas « purement » Croate.
On préfère zoomer les tresses de Mme Timochenko que les réhabilitations d’anciens nazis qui ont lieu en Ukraine, mais aussi en Estonie, en Lettonie et en Moldavie ; on ne veut pas voir l’édification d’Etats autoritaires en Géorgie, en Serbie, ni, dans un autre registre, les progrès du salafisme dans la Bosnie soi-disant multiculturelle. Tout cela parce que les dirigeants de ces Etats, souvent plus autoritaires encore que leurs prédécesseurs, procèdent à des privatisations favorables aux intérêts des pays occidentaux — ou plus exactement, aux multinationales.
Cette cécité a de graves conséquences : non seulement par le pouvoir de légitimation qui accompagne la parole des médias de l’Ouest dans une Europe orientale qui continue de se vivre, selon la formule de Conrad, « sous l’œil de l’Occident ». Mais aussi, parce que l’extrême-droite « moderne », qui, après la Hollande, trouve à l’Est ses fabriques idéologiques et symboliques, profite dans son ensemble de cette mondialisation des symboles, thématiques et postures que lui offre une presse pourtant affairée, chez elle, à traquer antisémitisme, racisme et nazisme jusque dans le coeur ténébreux de l’inconscient et de l’implicite…
GGL

Geoffroy Géraud Legros

Rédacteur en chef, Éditorialiste
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MH-17 : Les dessous d’une enquête tronquée

par oscar fortin 
dimanche 16 août 2015 -  AGORAVOX.
 
 
En juin dernier, l’ébauche des résultats de l’enquête sur les causes de l’écrasement du vol MH-17 malaisien a été remise, selon leurs auteurs, à l’OACI et aux pays concernés par cette enquête. Chacun est invité à en prendre connaissance et à formuler, le cas échéant, ses commentaires. L’objectif étant de rendre public ce Rapport en octobre prochain, après avoir pris connaissance des commentaires et d’en avoir intégré les éléments jugés les plus pertinents.
Il importe de noter que les pays qui intègrent le groupe chargé d'enquêter sur l’écrasement du Boeing sont la Malaisie, les États-Unis, la Russie, la Grande-Bretagne, l'Australie et les Pays-Bas. Ce dernier est celui qui dirige cette enquête. Il est curieux que ces pays qui intègrent, par leurs spécialistes et techniciens ce groupe d’enquêtes, n’aient pas encore en main toutes les données de cette enquête ayant servi à la rédaction de ce Rapport.
La Résolution 2166 du Conseil de sécurité des Nations Unies
Pour bien comprendre le déroulement de cette enquête, il faut replacer à sa base cette Résolution 2166 du Conseil de sécurité des Nations Unies, votée à l’unanimité le 21 juillet 2014. Elle constitue la référence principale qui détermine l’encadrement et les objectifs d’une enquête internationale qui soit exhaustive, minutieuse et indépendante, conformément aux directives de l’aviation civile internationale (OACI).
Au point 4 de cette résolution, les membres du Conseil de sécurité apprécient le fait que l’Ukraine travaille déjà en concertation avec l’OACI (…) et engage tous les États à fournir, sur demande, une assistance pour les enquêtes civiles et judiciaires relatives à cet incident.
Au point 13, les membres se réjouissent que le Secrétaire général ait offert la coopération pleine et entière de l’Organisation des Nations Unies dans le cadre de l’enquête susmentionnée, et les prie de déterminer les options possibles pour l’appui de l’Organisation à cette enquête et de lui faire rapport sur les faits nouveaux pertinents.
Voilà donc le mandat et le cadre dans lequel le Conseil de sécurité des Nations Unies souhaite que se réalise cette enquête importante sur les causes de l’écrasement et les responsables qui en sont à l’origine.
 
Le jour même de l’adoption de la Résolution 2166, Kiev se préparait déjà à confier le mandat de l’enquête, non pas à l’OACI, comme le suggère la Résolution 2166 et la Convention de Chicago, mais aux Pays-Bas.
Faut-il voir dans la déclaration du Président de l’OACI, en date du 23 juillet, un rappel à Kiev du rôle de coordination que son organisme se doit d’assumer dans cette enquête ?
À la lumière de la Résolution 2166 : les dérives que nous pouvons noter.
À peine votée cette résolution 2166 du C.S. , Kiev s’est délestée de l’OACI pour confier la coordination de l’enquête au gouvernement des Pays-Bas. Cette décision se comprend mal à partir de cette volonté des membres du C.S. pour que cette enquête se réalise sous la coordination et en concertation avec l’OACI.
POURQUOI cette mise à l’ombre de l’OACI, renvoyée à un rôle secondaire et sporadique ?
Début aoûtquatre pays du groupe d’enquêtes signent un pacte de confidentialité. Il s’agit de l’Ukraine, des Pays-Bas, de l’Australie et de la Belgique. Faudrait-il y voir une certaine présence de l'OTAN dont le siège est justement à Bruxelles ? On se souviendra de témoignages sur la présence d'avions militaires dans les parages du vol MH-17 pouvait répondre à certains ordres de l'OTAN
POURQUOI ce pacte de confidentialité dont l’élément essentiel est qu’aucune information ne saurait être transmise sans l’accord des quatre et que vient faire la Belgique qui ne fait même pas partie du groupe de pays qui intègrent le groupe chargé de l’enquête ?
Certains pays dont les États-Unis et l’Ukraine se refusent de transmettre au groupe de pays impliqués dans l’enquête tous les documents sollicités par l’un ou l’autre de ces pays. Par exemple, l’intégralité des boîtes noires tout comme celle des bandes contenant les échanges entre la Tour de Contrôle et les pilotes n’ont pas été remises à la Russie. Il en va de même pour les photos satellites dont disposent les États-Unis lesquelles ne sont pas remises aux enquêteurs et aux pays membres. Les Pays-Bas refusent de déclassifier des documents.
POURQUOI cette mise à l’écart de la Russie, membre de plein droit du groupe d’enquêtes et pourquoi ces restrictions à l’information alors que le C.S. souhaite une enquête exhaustive, minutieuse et indépendante ?
Certains chercheurs indépendants qui poursuivent leur enquête sur le terrain trouvent certains objets de nature à avoir une incidence sur l’enquête. C’est, entre autres, le cas d’un chercheur qui a trouvé une pièce très importante pouvant permettre de découvrir des informations déterminantes sur les causes de l’écrasement. Il raconte son histoire ici.
On relève également le fait que les responsables de l’enquête n’ont fait à ce jour aucune démarche auprès des fabricants des missiles et lances missiles dont on soupçonne être l’arme utilisée pour attaquer l’avion civil. Je vous invite à lire cet article d’un avocat canadien portant sur cette enquête.
POURQUOI ce refus de preuves potentielles et pourquoi cette omission de consultation auprès du principal fabricant de ces armes ?
Cette liste d’irrégularités pourrait sans doute s’allonger encore plus, de nombreux autres faits y sont relevés ici et là, mais déjà, ceux signalés plus haut suffisent pour nous convaincre que cette enquête est loin de ce qu’en dit la Résolution 2166 à l’effet d’être exhaustive, minutieuse et indépendante. Quant à la transparence, inutile d’en parler, elle n’y est tout simplement pas.
Dans le cas de cette enquête , on ne peut qu’être d’accord avec la position de la Russie qui veut une enquête exhaustive et transparente, ne laissant rien au hasard et agissant en toute indépendance d’influences politiques.
À ce sujet, nous avons tous intérêt à prendre connaissance des propos du ministre des relations extérieures de Russie, portant spécifiquement, dans sa première partie, sur cette enquête.
La saga de cette enquête n’a pas fini de nous surprendre et risque de se perdre dans la nuit des temps. Trop d’éléments demeurent en suspens et tout laisse croire que ceux qui en ont le contrôle s’assureront à ce la seule vérité qui en résulte soit celle qu’ils auront initialement programmée. 
 
Oscar Fortin
Le 15 août 2015
 
http://humanisme.blogspot.com


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Bien comprendre les crises russo-ukrainienne : le détonateur Sébastopol

par Courtois Laurent (son site) -  AGORAVOX
lundi 16 janvier 2017  
  




Pour bien comprendre les tensions entre la Russie et l'Ukraine durant les quinze dernières années, il est essentiel de ne pas négliger le rôle primordial du Port de Sébastopol dans la géostratégie russe.

A la fin du 17éme siècle, la Russie est considérée par le reste de l'Europe comme un pays arriéré, comme le « cul de sac » de l'Europe. Le Tsar Pierre le Grand, désireux de moderniser son pays décide de rompre son isolement géographique et économique en développant le commerce maritime. Son projet repose sur l'ouverture de deux portes sur le monde, l'une donnant accès aux mers froides et l'autre aux mers chaudes. Cette politique entraîne la fondation en 1703 du Port de Saint-Pétersbourg.

Le seul accès possible aux mers chaudes pour la Russie est alors la mer noire, à l'époque sous contrôle de l'empire Ottoman. Grâce à la prise du Fort d'Azov en 1696, une porte est temporairement ouverte, mais il faudra attendre 1783 pour que la ville de Sébastopol soit fondée, concrétisant ainsi le plan de Pierre le Grand.

A partir de cette date le monde russe possède deux pôles géostratégiques majeurs Saint-Pétersbourg et Sébastopol. Deux siècles plus tard, ces pôles sont encore fondamentaux pour la Russie. Ainsi en Décembre 2014 Vladimir Poutine déclara à la Douma : 

« Sébastopol, est l’équivalent pour la Russie du Mont du Temple dans le judaïsme ou l’Islam ».

L'écroulement du monde soviétique.

Six mois avant l'indépendance de l'Ukraine, la Crimée devint par un référendum « la République Socialiste Soviétique Autonome de Crimée ». L'année suivante la « République de Crimée » indépendante fut proclamée. 
Avant même l'indépendance de l'Ukraine, la CIA avaient déjà fortement infiltré le principal partie du pays (Rukh). C'est donc sans surprise que le gouvernement Kratchouk, tenta de prendre le contrôle de la flotte de la Mer Noire. La crise atteint son paroxysme le 5 avril 1992, lorsque l'Ukraine envoya deux unités de forces spéciales prendrent le contrôle du port. Le 3 août, un compronis est trouvé lors des accords de Yalta, concluant à un contrôle conjoint de la flotte. Néanmoins, il fallut attendre 1997 pour régler définitivement le probléme.
En 1995, en violation du droit international (accords de Budapest) l'Ukraine par un vote et l'envoie de forces spéciales repris le contrôle de la péninsule.

Cette annexion de fait de la Crimée par l'Ukraine créa une tension politique avec la Russie, retardant de nouveau l'application des accords de Yalta. Ce n'est que deux ans plus tard qu'un accord est conclu le 28 avril 1997. Pour plus de détail sur cette crise (1991 à 1997), je vous conseille, la lecture de l'excellent article d'Igor Delanoë.

Le traité de 1997, stipule que le Port de Sébastopol est loué à la Russie pour 20 ans contre un loyer de 96 millions de dollars payés en grande partie en gaz. Il était stipulé qu'en l'absence de discussion avant le 28 mai 2016, le bail serait reconduit tacitement pour 5 ans.

La location russe : un bail houleux et menacé.

En 2004, l'Ukraine est le cadre de la Révolution Orange téléguidée par les USA. Le président Iouchtchentko est ouvertement pour l'adhésion de son pays à l'EU et à l'OTAN.
Il laisse régulièrement entendre qu'il ne souhaite pas le renouvellement de l'accord de 1997. 
La renégociation d'un contrat portant sur le gaz l'année suivante (premier conflit gazier russo-ukrainien) est prétexte à la première mise sous tension des russes au sujet du port de Sébastopol. Cette micro-crise se soldera par la prise le 3 août 2005 par les forces spéciales russes du phare criméen du Cap Sarytch.

La Guerre de Géorgie (2008) est de nouveau le cadre de nouvelles tensions entre la Russie et l'Ukraine. Pour empêcher la livraison d'armes de l'Ukraine à la Géorgie, la marine russe met en place un blocus le long des côtes Géorgiennes. En réaction, Kiev menace de mettre à son tour un blocus du Port de Sébastopol. Le 13 août, la Rada vote un décret pour restreindre les libertés de mouvement de la Flotte de la Mer Noire. Les russes doivent annoncer 72 heures à l'avance les mouvements de leurs bateaux.  
La politique ouvertement pro-américaine et la volonté de Iouchtchentko de lancer l'Ukraine dans la guerre aux côtés de la Géorgie, entraîna l'explosion de la coalition née de la Révolution Orange. Ioula Tymochenko bien que pro-européenne, mais chargée des négociations gazières, misait sur des relations équilibrées avec l'Europe et la Russie.
Cette rupture se concrétisa le 10 septembre 2008, par le rapprochement du parti de Ioula Tymochenko et celui de Viktor Ianoukowitch.

Iouchtchentko, le Président marionnette est éliminé au premier tour des élections de 2010 avec seulement 5,45 % de votes (score calamiteux jamais atteint par aucun président sortant à l'échelle mondiale). Les élections portent au pouvoir l'ancien Premier Ministre originaire du Donbass et pro-russe Viktor Ianoukowitch.

L'incendie provoqué par la Révolution Orange étant circonscris, il était urgent pour la Russie de pérenniser la présence de sa flotte en Mer Noire.

En Avril, soit moins de deux mois après son élection, Viktor Ianoukowitch signe avec son homologue russe, Dimitri Medvedev les accords de Kharkov. Leur ratification provoque des troubles à la Rada.

 


Capture d'image d'un reportage de la chaine ukrainienne Kanal 5 (appartenant à P. Porochenko et ayant été trè active lors de la Révolution Orange et l'Euro-Maïdan).

 

Le bail est prolongé de 25 ans (jusqu'en 2042). En plus du loyer de 96 millions de dollars, la Russie accorde à l'Ukraine une réduction de 30 % sur le prix du gaz. Cette réduction représente 7 milliards de dollars pour 2011 et 2012. Cette somme providentielle permit au pays de rentrer dans « les clous » du FMI et ainsi recevoir un prêt lui évitant la banqueroute.

Néanmoins, l'accord de Kharkov présente des lacunes. Ianoukowitch est accusé par l'opposition d'avoir contourné la Constitution et violé la loi du pays sur les traités internationaux.

 De plus, ce traité n'annule pas l'accord de 1997, il ne fait que le prolonger. Donc rien n'interdit dans ce traité au Président ukrainien qui sera alors en exercice de prévenir par écrit son homologue russe le 27 mai 2016 de son intention de dénoncer le traité

Ce qui revient à dire que le sort de la flotte de la Mer Noire ne reposait que sur la volonté du Président élu aux élections de 2015.
Il était donc primordial pour ceux qui voulaient mettre fin à la présence russe en Crimée de gagner ses futures élections.

En 2011, éclate la crise Syrienne. Sébastopol n'est qu'a 4 jours des ports Syriens contre 20 jours pour Mourmansk et 34 jours pour Vladivostok. Il joue alors un rôle primordial dans l'aide russe à Bachar El-Assad. Pour les pays occidentaux œuvrant au renversement du Président Syrien, la présence dans les « mers chaudes » devint encore plus encombrante qu'elle ne l'était dans le passé.

Aux élections législatives de 2012, le Parti des Régions (parti du Président Ianoukowitch) garde par le biais d'une alliance avec les communistes la majorité à la Rada. Ce qui n'avait pas été le cas de son prédécesseur pro-OTAN Iouchtchenko qui avait été désavoué par les urnes en 2006. Les résultats des législatives montrent que le Président pro-russe est encore bien placé pour être réélu en 2015. De surcroît, il était évident aux observateurs étrangers que la Russie lui apporterait toute l'aide financière possible pour présenter le bilan le plus favorable au moment des élections. Au milieu de l'année 2013, le sort de la base russe de Sébastopol s'annonçait sous les meilleurs augures.

Maïdan ou le feu aux poudres.

A l'automne 2013, Viktor Ianoukowitch, est toujours sur les rails pour sa réélection en 2015. Pour ceux qui souhaitent affaiblir la Russie, en lui fermant l'accès aux mers chaude, il est temps d'agir.

La négociation de l'accord d'association à l'EU sera l'occasion de provoquer le déraillement du pays. Au moment des négociations, la situation économique de l'Ukraine est comme souvent catastrophique, le défaut de paiement point à l'horizon. Il sera donc facile de mettre Ianoukowitch dos au mur.

Contrairement à ce qui était avancé par les manifestants de l'euro-maidan, le Président ukrainien était prêt à tous les compromis pour signer l'accord avec l'EU. En réponse à cette attitude pro-européenne, la Russie déclara qu'elle réduirait de manière drastique ses aides à l'Ukraine, l'invitant à les obtenir auprès de ses nouveaux partenaires.

Le Gouvernement ukrainien s'adressa alors à Bruxelles pour obtenir un prêt de 20 milliards de dollars et aussi pour lui demander de faire infléchir le FMI sur les conditions pour l'obtention d'un nouveau prêt. Or, ni Bruxelles, ni le FMI ne voulurent prêter de l'argent à l'Ukraine. Ianoukowitch n'avait que la solution de reporter la signature de l'accord d'association, pour renégocier avec la Russie.

Sous le prétexte fallacieux d'avoir mis fin à la procédure d'association de l'Ukraine à l'EU, le Président Ianoukowitch est renversé par un coup d'état qui comme la Révolution Orange fut piloté d'outre-Atlantique.

Manipulés, bernés par le mirage européen (promis actuellement vers 2027) le peuple ukrainien renverse le gouvernement lors de la révolution de l'euro-maïdan.
Il devient alors évident que le Président en place le 28 mai 2016 serait ouvertement pro-OTAN et remettrait en cause les accords de Kharkov donc le renouvellement du bail de Sébastopol en 2017.

 


Manifestant pro-russe lors du Maïdan inversé criméen (Sebastopol 23 février 2014).

Quelle solution restait-il à la Russie ? Perdre Sébastopol ? Ou allez ans le sens de la population russe de Crimée (80 % deshabitants) qui affolée par l'abrogation du décret sur les languesrégionales se déclare en sécession ?

La suite est connue : une occupation « pacifique » de la péninsule par les forces russes sans réelle confrontation avec l'armée ukrainienne (les bilans les plus pessimistes et non vérifiés évoquent 3 morts ukrainiens entre le 22 février et le 19 mars 2014).

 

Le 16 mars, la population de la Crimée vote son rattachement à la Russie mettant ainsi fin à 25 ans de tension autour du port de Sébastopol.

 

Les réactions des occidentaux bien qu'opposés à la réunification de la Crimée restaient symbolique. La Russie paiera la péninsule du seul et unique prix des sanctions économiques*. 
Cet état de fait provoque un profond mécontentement des ukrainiens qui se retrouvent « gros Jean comme d'avant. » En effet, ils perdent leur carte maîtresse dans les relations avec la Russie et les négociations gazières. La perte du tarif préférentiel du gaz représente annuellement 2,5 milliards de dollars. A ceci, se rajoutent l'annulation des 12 milliards de prêts russe sans contrepartie.

En échange l'Ukraine se voit accorder un prêt de 18 milliards de dollars du FMI contre une très lourde restructuration économique qui se réalisera au dépend du peuple ukrainien.
Pour se consoler de ces déconvenues le pays doit se contenter de sanctions économiques bien faibles jusqu'au drame du MH17...

La réintégration de la Crimée aurait pu être considérée comme un chef d’œuvre de géopolitique pour la Russie si il n'y avait pas eu le soulèvement spontané du Donbass. Voulant rattacher l'est de l’Ukraine aux wagons de la Crimée, des habitants de Donetsk prennent d’assaut les bâtiments publics. Le 7 avril 2014, l'ATO est lancé. A partir de cette date, Kiev fit payer aux populations russophones de son pays la perte de la Crimée et la mollesse de la réaction occidentale vécue comme une trahison. Peu à peu le pays sombra dans une folie augmentant progressivement jusqu'à atteindre son paroxysme durant l'été et l'automne 2014.

Maintenant que nous avons évoqué la raison qui a poussé les russes à intervenir en Ukraine, (plus précisément en Crimée et seulement elle). Il serait intéressant de nous poser la question suivante : Qui a actuellement le plus d’intérêts à faire perdurer l'état de guerre dans l'est de l'Ukraine ?

J’essaierai de répondre dans nom prochain article, où je montrerai que la guerre est la condition sine qua none pour la survie pour la junte de Kiev. Mais la crise du Donbass ne profite pas seulement à Porochenko et ses sbires, mais aussi aux USA et à l'Otan qui ont ainsi un formidable moyen de nuire aux intérêts de la Russie. Il est donc primordial de l'entretenir, quitte à déployer des idiots utiles de part et d'autre de la ligne de front.

Nous évoquerons aussi le rôle prépondérant, de la contrebande sur la ligne de front qui rapporte des millions de dollars aux bataillons punitifs ukrainiens. Malheureusement, la contrebande n'est possible que s'il existe des réseaux de distributions au Donbass. Dans une interview à RFI Sébastien Gobert évoque l'implication de Kiev, Donetsk et Moscou dans ces trafics. Montrant encore une fois l'obligation des journalistes français d'impliquer systématiquement la Russie dans tous les maux ukrainiens. 

 
 


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