Fondements
Le principe du droit d’être jugé dans un délai raisonnable est une composante du procès équitable garanti par l’article 6§.1 de la Convention européenne des droits de l’Homme.[1]
En France, il est également consacré par l’article préliminaire du Code de procédure pénale qui a été placé en tête de celui-ci pour y rappeler les règles du procès équitable en tant que principes directeurs du procès pénal.[2]
C’est l’objectif de bonne administration de la justice[3] qui commande que celle-ci soit rendue rapidement. Toutefois, l’impératif de célérité doit se concilier avec d’autres qualités que doit revêtir le procès, en particulier l’égalité entre les parties (« égalité des armes »), le principe du contradictoire et le respect des droits de la défense.
Ainsi, la locution « délai raisonnable » a été employée pour ne pas confondre rapidité et caractère expéditif de la justice.
Etre rapidement jugé est considéré comme un « droit fondamental conféré à l’inculpé ou au prévenu ».[4]
Il a été jugé par la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’Homme, c’est-à dire la formation la plus importante de cette cour, « que la lenteur excessive de la justice représente un danger important, notamment pour l’Etat de droit« .[5]
En France, la jurisprudence a rattaché la violation de ce droit à la notion de « déni de justice » qui, par ailleurs et dans certaines conditions, peut également constituer un délit pénal, ce qui souligne son importance.
Souvent perçu comme attaché à la justice pénale, ce droit s’impose en réalité dans tout type de procédure judiciaire, qu’elle soit pénale, civile, administrative, commerciale etc.
Cependant, il est peut être plus choquant qu’une procédure pénale s’éternise au préjudice de la personne demandant réparation du dommage causé par une infraction pénale, ou de celui qui se trouve « accusé » et voudrait être rapidement fixé sur son sort.
Liens avec la prescription de l’action en justice
Le droit d’être rapidement jugé entretient des liens étroits avec la notion de prescription de l’action en justice, mais les deux notions ne se confondent pas.
Elles se basent toutes deux sur l’idée d’assurer une certaine sécurité juridique aux parties au procès qui ne doivent pas être trop longtemps laissées dans l’incertitude de leur sort judiciaire.
Sur le plan pénal, le risque de poursuites ne peut demeurer illimité dans le temps parce que le trouble causé par l’infraction a tendance à s’atténuer après une certaine durée (droit à l’oubli) et que la peine infligée de nombreuses années après les faits perd son sens, son utilité et son efficacité.
De plus, il est difficile de défendre une personne trop longtemps après les agissements délictueux, le temps pouvant effacer les preuves (les témoins oublient ou décèdent, les indices disparaissent etc.).
Pour autant, de profondes différences existent entre les deux institutions juridiques.
La prescription implique qu’au delà d’une certaine durée, l’action en justice n’est plus possible[6]. Au contraire, le droit d’être jugé dans un délai raisonnable suppose, par définition, que le procès soit déjà enclenché.
Bien qu’existant dans la plupart des Etats de droit, la prescription obéit à des règles propres à chaque Etat alors que le droit d’être jugé rapidement repose souvent sur des conventions internationales communes à de nombreux pays.
En matière pénale, par exemple, un délit ne pourra être poursuivi en France au delà de trois ans après sa commission, tandis qu’en Belgique ce délai est de cinq années.
La prescription de l’action est encadrée par la loi, le juge ne pouvant modifier la durée légale qui s’impose à lui. Il ne peut que vérifier si cette durée a été dépassée. Ainsi, en France, la plupart des actions sur le plan civil se prescrivent par cinq années et un tribunal ne pourrait décider de le porter à six ans au lieu de cinq.
Ceci marque une différence sensible avec le respect de la célérité de la procédure qui ne se fonde pas sur une durée prédéterminée mais sur un ensemble de critères définis par la Cour européenne des droits de l’Homme pour tous les pays membres du Conseil de l’Europe signataires de la Convention européenne des droits de l’Homme.
Il n’existe donc pas de durée prédéterminée au delà de laquelle la procédure serait trop longue. C’est aux juges qu’il incombe d’appliquer les critères fixés par la Cour européenne des droits de l’Homme en se livrant à une appréciation particulière dans chaque affaire. Ainsi, dans deux affaires distinctes, la même durée ne sera pas nécessairement considérée comme déraisonnable, tandis que la durée de la prescription de l’action sera toujours identique.
Les mécanismes des deux institutions sont également différents. En cours de procès, la prescription sanctionne l’inaction des parties en mettant fin à l’existence même de la procédure. Mais, dès lors que ces dernières accomplissent des actes dits « interruptifs de prescription », le délai se renouvelle de sorte que la prescription n’est pas acquise.
Cela peut générer des situations parfaitement abusives dans lesquelles tous les trois ans (délai de prescription du délit pénal en France), un acte d’enquête totalement insignifiant est accompli pour interrompre la prescription et permettre à la procédure de se poursuivre. On a ainsi vu des procédures d’enquête pénale dépasser les vingt années sans que la prescription ne soit acquise. De ce fait, les mécanismes de l’interruption de la prescription peuvent maintenir une procédure en cours de manière artificielle.
C’est dans ce cas que le droit d’être jugé dans un délai raisonnable trouve toute son utilité car, contrairement à la prescription de l’action publique, plus la procédure dure, plus le droit d’être jugé rapidement est susceptible d’être violé. On ne peut pas faire machine arrière avec le temps qui s’écoule inexorablement.
Obligations de l’Etat
Les Etats ont pour obligation d’organiser leur système judiciaire en lui donnant les moyens de respecter le droit d’être jugé dans un délai raisonnable.[7]
De ce fait, aucun Etat ne peut invoquer des problèmes structurels pour échapper à son obligation de veiller à la célérité des procédures judiciaires.
Dans ce cas, il s’exposerait à une condamnation certaine pour manquement à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme.[8]
Personnes jouissant de la protection de l’article 6 de la Convention européenne
Pour pouvoir jouir du droit d’être jugé dans un délai raisonnable, il faut être partie au procès. En matière pénale, le point de départ du délai est fonction de la situation particulière de la personne mise en cause, laquelle doit être « accusée en matière pénale » au sens que donne à cette notion la Cour européenne des droits de l’Homme.
Le critère dépend de la date où l’affaire a commencé à avoir des répercussions importantes sur la situation de la personne[9], soit parce qu’une accusation a été formellement portée contre elle, soit parce qu’elle subit une perquisition ou une mesure privative de liberté telle qu’une garde à vue etc.
Critères d’appréciation de l’atteinte au droit d’être jugé dans un délai raisonnable
Les critères d’appréciation du droit d’être jugé dans un délai raisonnable sont bien connus car maintes fois énoncés par la Cour européenne des droits de l’Homme : [10] « la Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes, ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII) ».
Ainsi que cela est indiqué, l’appréciation de ces quatre critères est une question d’espèce, ce qui signifie qu’elle a lieu en fonction des circonstances propres à chaque affaire et non in abstracto.
Le premier critère est celui de la complexité de l’affaire. L’Etat tente souvent d’invoquer ce critère, surtout en matière financière, pour échapper à une condamnation. Il s’agit d’un facteur relativement subjectif puisqu’il dépend totalement de l’appréciation des circonstances de l’espèce, la procédure devant présenter une complexité particulière au plan du droit ou au regard de la nature et du nombre des actes à accomplir (expertises complexes, caractère international des investigations, difficultés dans le recueil des preuves, nombre de personnes impliquées etc.).
En général cependant, il s’agit d’un alibi que l’Etat invoque pour masquer son inertie fautive, ce que la Cour européenne vérifie de manière très scrupuleuse, de même que les juges nationaux.
C’est donc souvent le second critère, c’est-à-dire l’attitude des autorités judiciaires, qui est le facteur déterminant pour savoir si la violation du droit d’être jugé dans un délai raisonnable est caractérisée.
En effet, il incombe aux juridictions de faire diligence, ce qui les oblige à accomplir des actes sans discontinuité[11]. Toute période d’inactivité ou de latence dans une procédure judiciaire qui n’aurait pas de justification objective, serait considérée comme la source d’une violation du droit d’être jugé dans un délai raisonnable.
A cet égard, le comportement des autorités judiciaires est examiné de manière très concrète. Comme l’a jugé récemment la Cour de cassation française, il faut « qu’à aucun moment la procédure pénale (ne soit) restée en souffrance sans qu’aucune diligence ne soit accomplie« .[12]
Le cas typique de comportement sanctionné est celui où la procédure a totalement stagné et, ce, même si elle est complexe.[13]Mais, il n’est pas nécessaire que le cas soit aussi flagrant. Il suffit de périodes d’inactivités avérées.[14]
Comme troisième critère, les juridictions examinent également si le comportement du requérant explique la lenteur de la procédure. Sur cet autre critère d’évaluation, on rappellera que « seules les lenteurs imputables aux autorités peuvent amener à constater un dépassement du délai raisonnable« . Autrement dit, « le comportement d’un requérant constitue un élément objectif non imputable à l’Etat défendeur et qui entre en ligne de compte pour déterminer s’il y a eu ou non dépassement du délai raisonnable prévu à l’article 6 de la Convention« .[15]
Cependant, le requérant n’a pas le devoir de coopérer activement avec l’enquête.[16]
De plus, il ne saurait lui être reproché d’avoir employé les voies de droit ou les recours que la loi lui confie. Il a été formellement jugé par la Cour de cassation française que les délais écoulés en raison de voies de recours exercées, même multiples, n’ont pas à être pris en considération à l’encontre des justiciables.[17]
Aucun reproche ne saurait donc être fait à une partie d’avoir exercé, sans abus, des recours, en particulier si ces derniers ont partiellement ou totalement abouti, ce qui en justifie la légitimité.
Il en va, par exemple, ainsi de la multiplication des demandes d’actes complémentaires dont certaines ont été accueillies et d’autres rejetées.[18][19]
Pour caractériser une violation du délai raisonnable, il faut que le requérant ait indûment fait emploi des voies de droit, la Cour européenne ne sanctionnant qu’un comportement d’obstruction volontaire à la justice.[20]
Elle est très tolérante à ce sujet et n’admet que rarement que l’attitude du requérant soit la cause des délais excessifs.[21]
Il en va de même si les recours non abusifs ont objectivement retardé l’affaire. Mais, cela ne se conçoit que si la durée de l’affaire s’est prolongée du seul fait des recours exercés par les personnes mises en cause, et sans qu’il y ait lieu de reprocher aux autorités judiciaires leur propre lenteur pour trancher ces recours.
Enfin, on ne saurait opposer à un requérant le comportement fautif d’une autre partie figurant dans la même affaire.[22]
L’importance de l’enjeu de l’affaire pour le requérant est le quatrième critère pris en compte par la Cour européenne des droits de l’Homme. Plus l’affaire est importante pour la protection de ses intérêts, plus il faudra faire preuve de rapidité dans son traitement.
Appréciation globale du délai raisonnable
Si l’appréciation de ces quatre critères est la règle habituelle, la Cour européenne considère qu’au delà d’une certaine limite, la durée est ipso facto excessive.
Dans ce cas, la Cour juge qu'« une telle durée est a priori déraisonnable et appelle une appréciation globale ».[23]
La faute de l’Etat est en quelque sorte présumée.[24]
Bien que les juges du fond français soient réticents à sanctionner une durée globalement excessive, la Cour de cassation belge a néanmoins consacré cette règle dans une série d’arrêts récents.
Ainsi, elle a cassé une décision d’appel qui avait jugé que « l‘existence d’une faute lourde ne saurait se déduire de la seule durée de la procédure pénale initiale ou de la procédure civile en résolution des ventes« .[25]
A l’occasion de deux autres arrêts, elle a jugé que les durées de treize ans et de dix-huit ans constituent un déni de justice au sens de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme : « le délai écoulé était manifestement excessif« .[26]
Ainsi, s’agissant d’une procédure pénale ayant débuté par une enquête et s’étant soldée par une condamnation définitive, une durée globale de sept ans est considérée comme excessive dès lors que l’affaire ne soulevait pas de complexité particulière au plan des faits et du droit.[27]
Pour la seule période de l’instruction préparatoire, dans une affaire où il ne résultait ni des faits de l’espèce ni des allégations du requérant qu’il avait eu de la part de l’autorité judiciaire des périodes d’inactivité ou de lenteur injustifiées dans la conduite de l’affaire, la Cour européenne a malgré tout jugé que la durée de quinze années de procédure était globalement excessif, et ce en dépit du fait qu’elle avait constaté que « l’attitude du requérant a incontestablement contribué à ralentir considérablement la marche de la procédure« . [28]
De même, un délai de dix années entre l’ouverture de la procédure d’instruction et le jugement de première instance est globalement excessif, « même en présence d’une affaire complexe » [29].
La durée d’une procédure s’étant prolongée durant dix ans et onze mois pour la seule phase de l’instruction préparatoire est d’autant plus excessive qu’elle comporte des périodes d’inactivité.[30]
Les sanctions de la violation du droit d’être jugé dans un délai raisonnable
Longtemps, la violation du droit d’être jugé dans un délai raisonnable est demeurée sans sanction en droit français. Il est en effet de jurisprudence constante que la violation de ce droit n’entraîne aucune conséquence sur la régularité de la procédure pénale, laquelle ne peut être annulée sur ce fondement.[31]
Les juges français rejettent également toute possibilité de fonder une extinction de l’action publique ou une réduction de peine sur la violation du délai raisonnable.[32]
Néanmoins, l’article L.781-1 (article L.141-1 actuel) introduit dans le Code de l’organisation judiciaire par la loi du 5 juillet 1972 a consacré la responsabilité de l’Etat pour le fonctionnement défectueux du service public de la justice.[33]
La notion de faute lourde s’y distingue de celle de déni de justice.
C’est sous la pression des condamnations à répétition de l’Etat français par la Cour européenne des droits de l’Homme pour violation de l’article 6§.1 de la Convention que la jurisprudence française a décidé, de manière purement prétorienne, d’intégrer l’atteinte au délai raisonnable dans la notion de « déni de justice » figurant dans l’article L.781-1 du Code de l’organisation judiciaire.
Encore fallait-il que cette jurisprudence acquiert la valeur d’un « recours effectif » au sens de l’article 35§.1 de la Convention européenne des doits de l’Homme. En effet, en vertu du principe de subsidiarité de la Convention européenne, la Cour européenne ne peut être saisie qu’après l’épuisement des voies de recours nationales, dès lors que celles-ci sont propres à constater et à réparer la violation de cette convention.
Or, le 20 septembre 1999, les juges strasbourgeois ont pour la première fois considéré que le recours français fondé sur le déni de justice du Code de l’organisation judiciaire constituait une voie de droit interne à épuiser.[34]
Depuis lors, la jurisprudence française en la matière est très abondante.
La Belgique a suivi la même évolution mais les modalités en sont différentes.
Dans un premier temps, les condamnations de l’Etat belge se sont multipliées, la Cour européenne rappelant à chaque fois à la Belgique ses obligations d’organiser son système judiciaire de manière à respecter le délai raisonnable.[35]
En réaction, les juges du fond belges ont commencé à développer une jurisprudence fondée sur l’article 1382 du Code civil où la faute repose sur l’atteinte au délai raisonnable.[36]
Puis, par un arrêt de principe du 28 septembre 2006, la Cour de cassation a consacré la tendance jurisprudentielle relative à la responsabilité de l’Etat belge pour atteinte au délai raisonnable en confirmant la décision de la Cour d’appel de Bruxelles du 4 juillet 2002[37].[38]
Cet arrêt a très clairement adopté la responsabilité civile de l’Etat belge en la plaçant sous l’égide de l’article 1382 du Code civil.
La Cour européenne en a tiré les conséquences qui s’imposaient en jugeant qu’à compter du 28 mars 2007 « il doit être exigé des requérants qu’ils usent de ce recours aux fins de l’article 35 § 1 de la Convention ».[39]
En règle générale, un recours interne est considéré comme conforme au droit européen s’il permet d’ « empêcher la survenance ou la continuation de la violation alléguée, ou [de] fournir à l’intéressé un redressement approprié pour toute violation s’étant déjà produite ».
Dans l’arrêt ci-dessus évoqué, la Cour européenne a précisé qu’un recours indemnitaire devrait nécessairement conduire à la réparation non seulement du dommage matériel mais également du dommage moral lié au dépassement du délai raisonnable.
La « réparation » de l’atteinte au stade de l’instruction préparatoire
Pendant très longtemps en Belgique, les juges de cassation se sont refusés à faire une pleine application des dispositions de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme au stade de l’instruction préparatoire.
Ainsi, par une jurisprudence constante, la Cour de cassation affirmait qu’il « incombe aux juridictions de jugement d’apprécier, à la lumière des données de chaque affaire, si la cause est entendue dans un « délai raisonnable » et, dans la négative, de déterminer les conséquences qui pourraient en résulter ».[40]
Cette jurisprudence a longtemps perduré puisqu’elle a encore été confirmée par un arrêt du 8 novembre 2005[41], la Cour de cassation belge jugeant que les juridictions d’instruction ne statuent pas sur le bienfondé de l’accusation pénale et ne sont donc pas compétentes pour réparer la faute résultant du caractère excessif de la durée de la procédure.
On peut comprendre les réticences de la jurisprudence en matière de suites à donner à la violation du droit d’être jugé dans un délai raisonnable dès lors que celle-ci est intervenue au stade préliminaire de la procédure pénale, et avant tout jugement au fond.
Plusieurs problèmes juridiques complexes se posent en effet lorsqu’on évoque l’application de la Convention européenne avant que l’affaire ne se soit définitivement conclue.
En premier lieu, ni la Convention européenne des droits de l’Homme, ni la jurisprudence de la Cour européenne ne prévoient explicitement quelle sanction devrait être appliquée en cas de dépassement du délai raisonnable, chaque Etat devant élaborer son propre système de réparation.
En second lieu, il est de jurisprudence constante que le caractère équitable d’une procédure pénale doit s’apprécier au regard de l’affaire prise dans son ensemble, ce qui implique qu’elle soit terminée.
Néanmoins, il a également été jugé que la phase préliminaire du procès pénal revêt une telle importance que l’article 6 de la Convention européenne ne peut y être étranger. [42]
Par ailleurs, le délai raisonnable de la procédure présente la particularité de pouvoir être violé à tout moment, la faute s’aggravant avec l’allongement de la procédure.
Il est donc tout à fait normal de s’interroger sur les conséquences à tirer d’une telle violation dès le moment où elle est déjà acquise au stade préliminaire de la procédure pénale.
On a déjà dit qu’en France, la seule réparation existante repose sur l’allocation de dommages et intérêts pour déni de justice, la jurisprudence accordant très fréquemment de telles réparations aux stades préliminaires du procès pénal.
La situation est beaucoup plus complexe en Belgique.
Outre le recours indemnitaire, il existe dans ce pays, à la différence du droit français, un article 21ter introduit dans le Code d’instruction criminelle par la loi du 30 juin 2000 qui a prévu que les juges du fond peuvent soit atténuer la peine, soit dispenser le prévenu de peine après avoir prononcé sa culpabilité, en raison de la durée de la procédure pénale.[43]
La Cour européenne considère ce type de réparation comme appropriée au regard des critères conventionnels.[44]
Néanmoins, et pour des raisons évidentes, une mesure concernant la peine ne répare pas une violation du délai raisonnable déjà acquise durant l’instruction préparatoire.
Un débat s’est donc engagé en doctrine et en jurisprudence belge pour savoir quelle serait la réparation la plus adéquate à ce stade de la procédure.
Dans un premier temps, la Cour de cassation belge s’est montrée très réticente à permettre aux juridictions d’instruction de statuer sur la violation du droit d’être jugé dans un délai raisonnable. Encore relativement récemment, elle jugeait que « les juridictions d’instruction statuant sur le règlement de la procédure ne sont pas, en règle générale, assujetties aux prescriptions de l’article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales« .[45]
Mais, de son côté, la Cour européenne a conclu que l’application de l’article 21ter du Code de l’instruction criminelle ne constitue pas une réparation adéquate si la violation du délai est déjà acquise au stade de l’instruction préparatoire, notamment lorsque la procédure se trouve devant la Chambre du Conseil.
Dans un arrêt du 27 septembre 2005, elle a donc renvoyé le requérant se faire indemniser par les juridictions belges.[46]
Cela n’a pas réglé totalement la question et certaines juridictions d’instruction ont estimé que non seulement une sanction devait être prononcée, mais qu’elle pouvait, dans certains cas, consister dans l’irrecevabilité des poursuites pénales, c’est-à-dire l’arrêt du procès pénal.
Saisie de recours en cassation, la haute juridiction belge a dû faire évoluer sa jurisprudence sur la question du type de sanction adéquate.
Elle avait déjà admis que l’irrecevabilité des poursuites puisse être prononcée par les juges du fond en cas où l’administration de la preuve se serait révélée impossible ou que les droits de la défense ne pourraient plus être exercés librement.[47]
En matière d’instruction préparatoire, on considère généralement que la Cour de cassation a modifié sa jurisprudence par un arrêt du 8 avril 2008.[48]
Mais, si la Cour de cassation a admis l’intervention des juridictions de l’instruction, elle a très sévèrement encadré leurs pouvoirs de « réparation ».
En effet, en confirmant la décision d’une Chambre d’accusation refusant de déclarer les poursuites irrecevables, elle a jugé que cette sanction n’était envisageable que dans les cas les plus extrêmes, c’est-à-dire « dans la mesure seulement où l’inobservation de ses exigences risque de compromettre gravement et irrémédiablement le caractère équitable du procès ».
Or, le caractère équitable du procès ne saurait être compromis que dans l’hypothèse où les droits de la défense seraient atteints ou que l’administration de la preuve serait entravée.[49]
En vérité, si on constate dans la jurisprudence rendue à compter de 2008 que la Cour de cassation admet systématiquement le principe qu’une réparation doit être accordée au stade de l’instruction préparatoire, celle-ci ne consiste jamais en l’irrecevabilité des poursuites. Bien au contraire, la haute juridiction a jugé qu’une simple constatation de la violation de la Convention européenne suffisait à ce stade de la procédure, si les conditions d’irrecevabilité des poursuites n’étaient pas réunies. [50]
Cette jurisprudence a régulièrement été confirmée par la suite sans que nous n’ayons trouvé un seul exemple où l’irrecevabilité des poursuites a été acceptée au stade de l’instruction préparatoire.
Ainsi, cassant l’arrêt rendu le 24 février 2010 par la Cour d’appel de Bruxelles qui avait considéré que les juridictions d’instruction n’avaient pour seul remède efficace que la constatation de l’irrecevabilité des poursuites, la juridiction suprême a pris le contrepied de cette décision d’appel en jugeant que « l’affirmation d’après laquelle le Code d’instruction criminelle ne contiendrait aucun mécanisme permettant de prévenir ou de sanctionner, au stade de l’instruction, la durée anormalement longue de celle-ci, ne trouve pas d’appui dans la loi ».[51]
Cet arrêt du 15 septembre 2010 est longuement motivé, preuve que la Cour de cassation a voulu rendre une décision de principe en tentant de justifier le caractère effectif des remèdes existant au stade de l’instruction préparatoire.
En effet, l’article 13 de la Convention européenne « implique que toute personne qui se plaint d’une violation de l’article 6.1 en raison du dépassement du délai raisonnable dans lequel une cause doit être entendue, doit pouvoir exercer un recours effectif devant une instance nationale afin de faire constater cette violation et obtenir une réparation adéquate ».
Or, après avoir rappelé cette règle, la Cour de cassation s’est évertué à démontrer le caractère effectif des remèdes offerts par le droit belge au stade de l’instruction préparatoire.
On déduit des motifs de cet arrêt que la Chambre d’accusation pourrait être saisie par une demande des parties après une année d’instruction afin de prendre les mesures qui s’imposent (mais lesquelles ?).[52]
De même, la Cour de cassation a indiqué que « l’appréciation du dépassement éventuel de ce délai dès avant le règlement de la procédure ressort[it] au contrôle de la régularité de celle-ci au sens de l’article 235bis du Code d’instruction criminelle ».
Et, elle a explicité sa jurisprudence en indiquant que « de plus, lorsqu’elle est régulièrement invitée par une partie à exercer les pouvoirs que l’article 235bis du Code d’instruction criminelle lui confère, la chambre des mises en accusation est tenue de procéder au contrôle sollicité. Il ne lui appartient pas de s’y dérober au motif que celui-ci pourra avoir lieu lors du règlement de la procédure.
Les vérifications qu’au titre de la disposition légale précitée, la chambre des mises en accusation doit effectuer lorsqu’elle est invitée à contrôler une instruction de longue durée, portent notamment sur l’existence de la cause de nullité, d’irrecevabilité ou d’extinction de l’action publique alléguée par la partie qui la saisit ».
On en déduit que, théoriquement, la Chambre des mises en accusation pourrait prononcer l’irrecevabilité des poursuites si elle était saisie d’une demande en ce sens.
Toutefois, l’arrêt rappelle également que la simple constatation de la violation du délai raisonnable peut constituer à ce stade « une réparation adéquate », dès lors que les juges du fond pourront ensuite en tirer les conséquences.[53]
Ainsi, la Cour de cassation en a conclu que « les juges d’appel n’ont dès lors pas légalement justifié la fin de non recevoir opposée aux poursuites, en tant qu’ils l’ont déduite de l’affirmation que le droit interne ne permet ni de prévenir ni de redresser de manière effective un dépassement du délai raisonnable au stade de l’instruction. Partant, l’arrêt ne décide pas légalement non plus qu’en pareil cas, seule l’irrecevabilité de l’action publique peut réparer adéquatement la violation dénoncée ».
Cette jurisprudence n’a jamais été démentie par la suite.[54]
La Cour de cassation a simplement apporté quelques précisions utiles. En particulier, elle a jugé qu’ « il ne peut être déduit uniquement de la durée de la procédure que l’administration de la preuve et les droits de défense de l’accusé sont sérieusement et irrémédiablement lésés », l’appréciation de l’atteinte aux droits de la défense ou de l’empêchement à l’administration de la preuve étant une question de fait jugée souverainement par les juridictions d’instruction.[55]
Cet arrêt donne également une idée des motifs permettant d’écarter l’irrecevabilité des poursuites, ce qui permet de se rendre compte qu’en pratique, ce moyen de défense est particulièrement illusoire.[56]
Dans cet arrêt, la Cour de cassation a même affirmé, contre toute logique, que « contrairement à la prémisse dont est déduit le moyen, une réparation en droit adéquate n’est pas inexistante du fait que, bien qu’elle trouve son fondement avant la saisine du juge du fond, cette réparation en droit n’a de conséquences qu’à un stade ultérieur de la procédure, plus précisément lors de l’appréciation de la procédure dans son ensemble ».
Pourtant, un tel système serait impraticable dans le cas où une personne bénéficierait finalement d’un non-lieu bien qu’ayant été victime d’une violation du délai raisonnable puisque, dans ce cas, il n’y aurait aucune juridiction de fond pour accorder une réparation à l’inculpé.
Et puis, quoi qu’en dise la Cour de cassation, la constatation de la violation et réparation de cette violation sont deux choses distinctes. Aussi, sa jurisprudence est-elle difficilement conciliable avec l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme qui exige que les juridictions internes constatent et réparent immédiatement le dépassement du délai raisonnable.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la Belgique a dû mettre en place un système d’indemnisation fondé sur l’article 1382 du Code civil pour éviter d’être systématiquement condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme, précisément en raison de l’absence de réparation prévue par les juridictions d’instruction (Cf. Supra, note n°45, arrêt de Clerck c. Belgique, 27 septembre 2005).
Au stade de l’instruction préparatoire, le recours indemnitaire pourrait donc combler l’absence de pouvoir de réparation des juridictions d’instruction en octroyant une véritable réparation de la violation du droit d’être jugé dans un délai raisonnable.
En effet, pour ce qui concerne les juges du fond, la réduction de peine est considérée comme un mode de réparation suffisant pour rendre le requérant irrecevable à agir devant la Cour européenne, le préjudice ayant suffisamment été réparé[57]. Il s’agit d’une application du nouvel article 35 § 3 b) de la Convention selon lequel la Cour peut déclarer une requête irrecevable lorsque « le requérant n’a subi aucun préjudice important, sauf si le respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles exige un examen de la requête au fond et à condition de ne rejeter pour ce motif aucune affaire qui n’a pas été dûment examinée par un tribunal interne ».
Ainsi, une réduction de peine pourrait priver une personne de tout recours indemnitaire.
En revanche, rien n’indique que l’aboutissement d’un recours indemnitaire aurait pour effet de priver le requérant du bénéfice de l’article 21 ter du Code d’instruction criminelle. Il en serait d’autant moins ainsi que le recours indemnitaire ne viserait que les délais excessifs de la période d’instruction et que la période de jugement consécutive se serait indûment prolongée.
L’indemnisation de la durée globale de la procédure
Deux systèmes existent pour apprécier la réparation du préjudice découlant de l’atteinte au droit d’être jugé dans un délai raisonnable.
Le premier, et aussi le plus fréquent, suppose d’indemniser le requérant uniquement pour ce qui concerne les périodes d’inactivité considérées comme imputables au dysfonctionnement du système judiciaire.
Ainsi, par exemple, la Cour d’appel de Paris a jugé excessif un délai de dix-sept mois entre la dernière diligence du juge d’instruction – 25 mai 1993 – et l’ordonnance de renvoi – 27 octobre 1994 -, ainsi que le fait que la Cour d’appel ait mis sept ans avant de confirmer une relaxe prononcée par le Tribunal correctionnel. Elle a octroyé la somme de 30.000 euros de dommages et intérêts pour ces deux périodes de latence. [58]
Cette indemnisation se trouve dans une fourchette très haute, sachant que l’appréciation est très variable d’une affaire à l’autre, et d’une juridiction à l’autre. Ainsi, pour une affaire dont le délibéré avait pris quatorze mois, la Cour d’appel de Paris a estimé la juste indemnisation à la somme de 4.000 euros.[59]
Le second système est celui de l’appréciation globale du délai raisonnable qui présuppose qu’à compter d’une certaine durée, ni la complexité de l’affaire, ni l’attitude du requérant, ou l’absence de périodes d’inerties de la procédure, ne sont susceptibles d’exonérer l’Etat d’une faute, la durée étant en-soi excessive.
Dans ce cas, les critères de l’évaluation du préjudice en matière de délai raisonnable ont été très clairement fixés la Cour européenne des droits de l’Homme dans son arrêt de principe du 10 novembre 2004.[60]
La Cour indemnise en effet chaque année de procédure et non chaque période d’inertie fautive.
Dans l’affaire ayant donné lieu à son arrêt de principe, elle a ainsi estimé que pour douze ans de procédure, 14.000 euros était une réparation équitable.
Lorsque le remède appliqué consiste en une indemnisation, cette cour veille à ce que les montants des dommages et intérêts accordés par les juridictions nationales soient compatibles avec les compensations qu’elle accorderait elle-même si elle était saisie.[61]
Etant donné qu’une trop grande discordance entre l’indemnisation nationale et l’indemnisation européenne serait fautive, les juridictions nationales ont intérêt à se plier aux critères fixés par la Cour européenne.
Conclusion
Force est de constater qu’en France, il n’existe aucun remède efficace contre la violation du droit d’être jugé dans un délai raisonnable, puisque la seule réparation réside dans l’octroi de dommages et intérêts, ce qui n’est pas de nature à prévenir une telle violation ni à la faire cesser.
En Belgique, la situation est de très loin plus favorable aux justiciables, puisque, d’une part, l’irrecevabilité des poursuites pénales peut, en théorie, être prononcée sur le fondement de l’atteinte au délai raisonnable, soit par les juridictions d’instruction, soit par les juridictions du fond.
De plus, les juridictions civiles peuvent être saisies sur le fondement de l’article 1382 du Code civil pour allouer des dommages et intérêts, en particulier au stade préliminaire du procès, ce qui ne semble pas pouvoir empêcher les juridictions du fond, statuant en matière pénale, de prononcer une réduction de peine, voire une simple déclaration de culpabilité sur la base de l’article 21ter du Code d’instruction criminelle.
Néanmoins, ce système a également ses limites puisqu’il conditionne l’irrecevabilité des poursuites à une atteinte irrémédiable aux droits de la défense ou à la possibilité d’administrer la preuve.
Or, dans les cas les plus graves, on ne saurait se contenter d’un système qui n’applique pas une sanction radicale telle que l’irrecevabilité des poursuites pénales, notamment lorsque la durée est si longue qu’elle est ipso facto excessive.
Dans de pareils cas, en particulier en matière pénale, l’Etat devrait être sanctionné de manière efficace pour n’avoir pas su mener une procédure à son terme, une personne inculpée n’ayant pas à subir plus que ce qui est nécessaire pour être fixée sur son sort, en particulier en raison du fait qu’elle est présumée innocente.
Comme en matière de prescription de l’action publique, il serait fortement souhaitable que l’inertie des parties poursuivantes soit sanctionnée par l’extinction des poursuites pénales.
Il suffirait alors de prévoir que l’action civile puisse toujours être engagée devant les juridictions civiles afin de ne pas priver les éventuelles victimes d’une réparation qui pourrait leur être due.
On concilierait ainsi le droit de l’inculpé à la présomption d’innocence, les droits de la défense et ceux des victimes, ainsi que l’efficacité et l’utilité de la répression, celle-ci n’ayant plus aucun sens après une durée trop longue.
Cela aurait également le mérite d’inciter les Etats et les parties à faire diligence.
François JACQUOT, Avocat à Paris
[1] Article 6§1 CEDH : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (…) dans un délai raisonnable, par un tribunal (…) qui décidera (…) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (…)« .
[2] Article préliminaire du Code de procédure pénale français : « I.-La procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l’équilibre des droits des parties.
Elle doit garantir la séparation des autorités chargées de l’action publique et des autorités de jugement.
Les personnes se trouvant dans des conditions semblables et poursuivies pour les mêmes infractions doivent être jugées selon les mêmes règles.
IL- L’autorité judiciaire veille à l’information et à la garantie des droits des victimes au cours de toute procédure pénale.
III.-Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été établie. Les atteintes à sa présomption d’innocence sont prévenues, réparées et réprimées dans les conditions prévues par la loi.
Elle a le droit d’être informée des charges retenues contre elle et d’être assistée d’un défenseur.
Si la personne suspectée ou poursuivie ne comprend pas la langue française, elle a droit, dans une langue qu’elle comprend et jusqu’au terme de la procédure, à l’assistance d’un interprète, y compris pour les entretiens avec son avocat ayant un lien direct avec tout interrogatoire ou toute audience, et, sauf renonciation expresse et éclairée de sa part, à la traduction des pièces essentielles à l’exercice de sa défense et à la garantie du caractère équitable du procès qui doivent, à ce titre, lui être remises ou notifiées en application du présent code.
Les mesures de contraintes dont la personne suspectée ou poursuivie peut faire l’objet sont prises sur décision ou sous le contrôle effectif de l’autorité judiciaire. Elles doivent être strictement limitées aux nécessités de la procédure, proportionnées à la gravité de l’infraction reprochée et ne pas porter atteinte à la dignité de la personne.
Il doit être définitivement statué sur l’accusation dont cette personne fait l’objet dans un délai raisonnable.
Toute personne condamnée a le droit de faire examiner sa condamnation par une autre juridiction.
En matière criminelle et correctionnelle, aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne
sur le seul fondement de déclarations qu’elle a faites sans avoir pu s’entretenir avec un avocat et être assistée par lui« .
[3]Reconnue comme constituant un objectif de valeur constitutionnelle par le Conseil constitutionnel dans une décision en date du 3 décembre 2009 (n° 2009-595 DC), ce qui résulte des article 12, 15 et 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789.
[4]Cour de cassation belge, 6 février 2001, Pas. , 2001, p.223.
[5]CEDH, Di Mauro c. Italie, 28 juillet 1999, §.23.
[6] Cour de cassation belge, 2 février 2000, Pas., 2000, p. 279: « la prescription de l’action publique (est) l’extinction par l’écoulement d’un certain temps du pouvoir de poursuivre, dicté par l’intérêt de la société« .
[7] CEDH, 3 février 2009, Poelmans c. Belgique, n°4807/06, §.35 : « …il incombe aux Etats d’organiser leur système judiciaire de telle sorte que leurs juridictions puissent garantir à chacun le droit d’obtenir une décision définitive sur les contestations relatives à ses droits civils dans un délai raisonnable« .
[8] CEDH,13 mai 2008, Wauters et Shollaert c. Belgique, §.38 : « Avec les requérants, la Cour constate que certains retards sont dus à des problèmes propres – et semble-t-il structurels – au tribunal de première instance de Nivelles : le fait que l’équipe d’enquêteurs soit passée, assez rapidement, de vingt personnes au début de l’instruction à trois personnes ; l’aveu du juge d’instruction, du 15 juillet 2005, selon lequel il lui était impossible, sur le plan de la logistique, d’entendre les requérants comme ceux-ci l’invitaient à le faire ; la mise à disposition de la copie du dossier le 21 février 2006, alors que la demande des requérants à cette fin datait du 10 février 2005.
[9]CEDH, 22 juin 2000, Coeme c. Belgique, §.133: »Elle rappelle qu’en matière pénale le « délai raisonnable » de l’article 6 § 1 commence dès l’instant où une personne se trouve « accusée » ; il peut s’agir d’une date antérieure à la saisine de la juridiction de jugement, celle notamment de l’arrestation, de l’inculpation ou de l’ouverture de l’enquête préliminaire. L’« accusation », au sens de l’article 6 § 1, peut se définir « comme la notification officielle, émanant de l’autorité compétente, du reproche d’avoir accompli une infraction pénale », ce qui renvoie aussi à l’idée de « répercussions importantes sur la situation » du suspect (arrêt Hozee c. Pays-Bas du 22 mai 1998, Recueil 1998-III, p. 1100, § 43 ; arrêt Eckle c. Allemagne du 15 juillet 1982, série A no 51, p. 33, § 73)« .
[10]CEDH, 15 juillet 2005, Leroy C. Belgique, §.25.
[11] CEDH, 27 septembre 2005, De Clerck c. Belgique, §.56 : « Il ressort des éléments fournis par le Gouvernement que les actes d’instruction se sont succédés sans discontinuer« .
[12] Cass, civ. 23/02/2001, n°09-71164.
[13] CEDH, 15 juillet 2005, Leroy C. Belgique, §§.13 et 27: « … dès lors que l’instruction a stagné pendant de long mois parce que quatre juges d’instruction s’y sont succédé et qu’il a fallu près de deux ans pour rédiger le réquisitoire« .
CEDH,4 décembre 2007, Denee c. Belgique,, §.58 : « Dans le premier dossier, l’instruction a commencé le 21 avril 1992, puis elle s’est interrompue durant trois ans sans apparente explication et a repris en janvier 1995 (paragraphes 8-9 ci-dessus)« .
[14] CEDH, Wauters et Shollaert c. Belgique, 13 mai 2008, §.40: » Enfin, la Cour note les périodes d’inactivité suivantes : 25 janvier 2000 au 2 décembre 2002, 2 décembre 2002 au 24 juin 2003, 1er octobre 2003 au 24 juin 2004 et 23 juillet 2004 au 23 septembre 2005« .
[15] CEDH, 28 avril 2005, Staerke c. Belgique, §§.48 et 51.
[16]Cour de cassation belge, 29 juin 1999, n°P990754 : « un inculpé ou un prévenu n’est en aucun cas tenu de coopérer activement avec les autorités judiciaires afin d’accélérer l’examen de sa cause« .
[17] Cass, civ.1ère, 20 février 2008, n°06-20384 : « Qu’en statuant ainsi, alors qu’il ne pouvait être reproché à M. X d’avoir exercé les voies de recours dont il disposait… ».
[18]CEDH, 4 décembre 2007, Denee c. Belgique, §.57 : » S’agissant du comportement des requérants, la Cour rappelle que l’article 6 n’exige pas des intéressés une coopération active avec les autorités judiciaires. On ne saurait non plus leur reprocher d’avoir tiré pleinement parti des possibilités que leur ouvrait le droit interne. Or, s’il est vrai qu’en l’espèce les requérants, notamment au stade de l’instruction, ont multiplié les recours et les demandes auprès du juge d’instruction (comme les demandes de remise de l’affaire devant la chambre du conseil des 27 mai et 24 juin 1998, la remise de l’audition par le juge d’instruction sollicitée le 13 décembre 2000 ou des demandes d’accomplissement de devoirs complémentaires, dont certaines furent rejetées du reste), la Cour estime que ceux-ci n’ont pas indûment contribué à la durée globale de la procédure les concernant, encore qu’il ait pu en résulter certains retards (C.P. et autres c. France, no 36009/97, § 31, 1er août 2000)« .
[19]CEDH,13 mai 2008, Wauters et Shollaert c. Belgique, §.39 : « La Cour relève également que si les remises de l’affaire devant la chambre du conseil étaient dues aux demandes de devoirs complémentaires soumises par les requérants, le juge d’instruction les a accueillies« .
[20]CEDH, 23 septembre 1998, I.A c. France, §.121: « le requérant a lui aussi substantiellement contribué à la lenteur de l’information : d’une part, le cambriolage du 4 mai 1993 (paragraphe 40 ci-dessus) entraîna des investigations supplémentaires ; d’autre part, une volonté de M. I.A. de retarder l’instruction transparaît du dossier – le fait qu’il attendit d’être avisé de l’imminence de la communication du dossier au procureur de la République pour, le 19 juillet 1995, requérir plusieurs mesures d’instruction supplémentaires en fournit une illustration (paragraphe 65 ci-dessus)« .
[21] CEDH, 9 octobre 2012, Heyrman c. Belgique, §.40: « Néanmoins, même si le requérant a produit de nombreuses pièces, a formé de nombreux recours incidents, s’est opposé à la fixation de la cause et s’est montré peu diligent à poursuivre la procédure, la Cour estime que son seul comportement ne suffit pas à expliquer la longueur des procédures en cause mais en constitue un élément« .
[22] CEDH, 15 juillet 2005, Leroy C. Belgique, §.27: « S’agissant du comportement des autorités compétentes, la Cour relève notamment que la cour d’appel a elle-même reconnu qu’il y a bien eu « un certain dépassement du délai raisonnable, qui n’est pas dû au fait des prévenus« .
[23]CEDH, 28 avril 2005, Staerke c. Belgique, §. 51; CEDH, 13 mai 2008, Garsoux et Massenet c. Belgique, §.43; CEDH,3 février 2009, Poelamans c. Belgique, §.36; CEDH , 9 octobre 2012, Heyrman c. Belgique, §.43.
[24] CEDH, 21 mars 2000, Boudier c. France, no 41858/98, §. 34 : « Toutefois, force est de constater qu’une durée de plus de douze ans commande en l’occurrence une évaluation globale. Il apparaît en conséquence à la Cour que la lenteur de la procédure résulte très essentiellement du comportement des autorités et juridictions saisies« .
[25]Cass, civ. 1ère, 1er juillet 2009, n°07-18824 : »Qu’en se déterminant ainsi, alors résultait de ses propres constatations que la procédure pénale avait duré plus de 6 ans et la procédure civile près de 18 ans, sans rechercher si de tels délais pour obtenir une décision définitive étaient justifiés par la complexité de l’affaire ou le comportement des requérants, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé« .
[26] Cass, civ.1ère, 25 mars 2009; n°07-17575 et n°07-17576.
[27]CEDH, 3 avril 2012, Michelioukadis c. Grèce, §.45.
[28]CEDH, 28 avril 2005, Staerke c. Belgique, §. 51 :« Cette circonstance ne saurait cependant à elle seule justifier le maintien de poursuites pénales contre une personne pendant plus de quinze ans. Une telle durée est a priori déraisonnable et appelle une appréciation globale (Boudier c. France, no 41858/98, 21 mars 2000 ; Achleitner c. Autriche, no 543911/00, 23 octobre 2003). Elle ne saurait être qu’exceptionnellement justifiée« .
[29] CEDH, 15 juillet 2005, Leroy C. Belgique, §.26 : « La Cour estime qu’il n’est pas contestable que le dossier soumis aux juridictions belges était particulièrement complexe et a nécessité une longue instruction, eu égard aux nombreux documents qui durent être étudiés et à l’examen du montage financier à degrés multiples élaborés sur une période de plusieurs années« .
[30]CEDH, 13 mai 2008, Wauters et Schollaert c. Belgique, §.36 et 39.
[31] Crim, 16 octobre 2002, n°01-88.381: « … la durée excessive d’une procédure pénale n’entraîne pas la nullité« ; crim, 20/03/2002, n°01-83.543.
[32] Crim, 14 novembre 2002, n°02-88.703: « Attendu que la prétendue méconnaissance du délai raisonnable pour être jugé sur une accusation en matière pénale ne saurait constituer une cause d’extinction de l’action publique ni empêcher les juges de déterminer la peine en fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur« .
[33]Article L141-1 COJ : « L’Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice. Sauf dispositions particulières, cette responsabilité n’est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice« .
34. CEDH, 11 septembre 2002, Misfud c.France, §.16:" Au vu de l’évolution jurisprudentielle dont fait état le Gouvernement, la Cour a jugé que le recours fondé sur l’article L. 781-1 du code de l’organisation judiciaire permet de remédier à une violation alléguée du droit de voir sa cause entendue dans un « délai raisonnable » au sens de l’article 6 § 1 de la Convention lorsque la procédure litigieuse est achevée au plan interne (voir, notamment, Van derKar et Lissaur van West c. France (déc.), nos 44952/98 et 44953/98, 7 novembre 2000 et Giummarra et autres c. France (déc.), n° 61166/00, 12 juin 2001). Elle a précisé que ce recours avait acquis, à la date du 20 septembre 1999, le degré de certitude juridique requis pour pouvoir et devoir être utilisé aux fins de l’article 35 § 1 de la Convention (voir, en particulier, la décision Giummarra et autres précitée). Il est donc établi que, lorsqu’une procédure judiciaire est achevée au plan interne au jour de la saisine de la Cour et que cette saisine est postérieure au 20 septembre 1999, un grief tiré de la durée de cette procédure est irrecevable si le requérant ne l’a pas préalablement vainement soumis aux juridictions internes dans le cadre d’un recours fondé sur l’article L. 781-1 du code de l’organisation judiciaire".
35. CEDH, 15 juillet 2005, LEROY c. Belgique,§.28 : "Il est de jurisprudence constante que l'encombrement chronique du rôle d'une juridiction ne constitue pas une explication valable (voir l'arrêt Probstmeier c. Allemagne du 1er juillet 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-IV, p. 1138, § 64). En effet, l'article 6 § 1 oblige les Etats contractants à organiser leur système judiciaire de telle sorte que les tribunaux puissent remplir chacune de ses exigences, notamment celle du délai raisonnable (arrêt Portington c. Grèce du 23 septembre 1998, Recueil 1998-VI, p. 2633, § 33; Vocaturo c. Italie, arrêt du 24 mai 1991, série A no 206-C, p.32, § 17)".
36. Pour un résumé de cette évolution jurisprudentielle : CEDH, DEPAUW c. Belgique, 15 mai 2007.
37. CA Bruxelles, 4 juillet 2002: "Attendu que c'est à bon droit que F. met en cause la responsabilité du législateur belge en raison du retard anormal considérable qu'a pris le traitement de son affaire par les juridictions bruxelloises, lui reprochant de ne pas avoir pris les mesures adéquates,(augmentation des cadres et des budgets, modification éventuelle de la loi du 15 juin 1935) qui eussent permis au tribunal de 1re instance et à la cour d'appel de Bruxelles de remplir adéquatement leur mission de service public et, en particulier, de pouvoir traiter la cause de l'intimée de manière efficace et dans le délai normal prescrit à l'article 6 § 1 de la Convention (...)".
38. Crim, 28 septembre 2006, P.06.0416.N/1 : "Saisi d'une demande tendant à la réparation d'un dommage causé par une atteinte fautive à un droit consacré par une norme supérieure imposant une obligation à l'Etat, un tribunal de l'ordre judiciaire a le pouvoir de contrôler si le pouvoir législatif a légiféré de manière adéquate ou suffisante pour permettre à l'Etat de respecter cette obligation, lors même que la norme qui la prescrit laisse au législateur un pouvoir d'appréciation quant aux moyens à mettre en œuvre pour en assurer le respect.
En déclarant le demandeur responsable envers la défenderesse en raison de la faute consistant à avoir " omis de légiférer afin de donner au pouvoir judiciaire les moyens nécessaires pour lui permettre d'assurer efficacement le service public de la justice, dans le respect notamment de l'article 6.1 de la Convention (...) de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ", l'arrêt ne méconnaît pas le principe général du droit et ne viole aucune des dispositions que vise le moyen, en cette branche".
39. CEDH, 15 mai 2007, DEPAUW c. Belgique, §.15; voir aussi : CEDH, 27 novembre 2007, RAWAY ET WERA c. Belgique.
40. Crim, 18 février 1998 n°JC982I2_1; crim, 17 mai 2000, n° JC005H3_2; crim, 14 février 2001, P.00.1350.F/27
41. Crim, 8 novembre 2005, P.05.1191.N : "Attendu que l’article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dispose que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ;
Que c’est en règle le juge qui statue sur le bien-fondé des poursuites pénales, qui apprécie si la cause a été examinée dans un délai raisonnable et, en cas de dépassement de ce délai, détermine quelle est la réparation appropriée ;
Que le moyen qui allègue que la réparation de la violation de l’article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales doit également pouvoir être demandée devant les juridictions d’instruction qui ne statuent pas sur le bien-fondé de l’action publique, manque en droit".
42. CEDH, 6 janvier 2010, Vera Fernandez c. Espagne, n°74181/01,§ 109 : " La Cour rappelle qu'à maintes reprises, elle a considéré que les garanties de l'article 6 s'appliquaient à l'ensemble de la procédure, y compris aux phases de l'information préliminaire et de l'instruction judiciaire (voir, notamment, les arrêts Imbrioscia c. Suisse, 24 novembre 1993, § 36, et Pandy c. Belgique, no 13583/02, § 50, 21 septembre 2006) dans la mesure où leur inobservation initiale risque de compromettre gravement le caractère équitable du procès. Il ne faut pas oublier que la Convention a pour but de « protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs » (Airey c. Irlande, 9 octobre 1979, § 24, série A no 32) et que la jurisprudence de la Cour ne se désintéresse pas des phases qui se déroulent avant la procédure de jugement. Ainsi, l'article 6 – spécialement son paragraphe 3 – peut jouer un rôle avant la saisine du juge du fond si, et dans la mesure où, son inobservation initiale risque de compromettre gravement l'équité du procès (Imbrioscia, précité, § 36)".
43. Art. 21ter Code d'instruction criminelle belge: "Si la durée des poursuites pénales dépasse le délai raisonnable, le juge peut prononcer la condamnation par simple déclaration de culpabilité ou prononcer une peine inferieure à la peine minimale
prévue par la loi.
Si le juge prononce la condamnation par simple déclaration de culpabilité, l'inculpé est condamné aux frais et, s'il y a lieu, aux restitutions. La confiscation spéciale est prononcée".
44. CEDH, 9 octobre 2007, Beheyt c. Belgique, no 41881/02: "s’agissant en particulier d’une violation de l’article 6 § 1 du fait de la durée d’une procédure pénale, une atténuation de la peine constitue à cet égard une réparation appropriée dès lors qu’elle est mesurable et substantielle"; pour une application de ce principe où l'Etat belge a échappé à toute condamnation : CEDH, 20 septembre 2011, Ullens de Schooten et Rezabek c. Belgique, §.74.
45. Crim, 16 février 2005, P.04.1428.F/1.
46. CEDH, 27 septembre 2005, De Clerck c. Belgique, §§.85 et 103 : "A titre subsidiaire, la Cour rappelle que dans son arrêt du 8 novembre 2005, la Cour de cassation a confirmé que c'est le juge du fond, et non le juge d'instruction, qui juge si la cause est traitée dans un délai raisonnable et, en cas de dépassement de ce délai, détermine la réparation adéquate (paragraphe 46ci-dessus)".
"Elle note qu'une indemnisation satisfaisante de la part des tribunaux nationaux donnera satisfaction à ceux-ci et supprimera tout motif éventuel de nature à exiger un arrêt de la Cour sur la satisfaction équitable" (§.103)
47. Crim, 4 février 2004, n°P031370F : "Que, lorsque, comme en l'espèce, cette circonstance n'a pas eu d'influence sur l'administration de la preuve ou sur l'exercice des droits de la défense, il peut soit prononcer la condamnation par simple déclaration de culpabilité ou prononcer une peine inférieure à la peine minimale prévue par la loi, conformément à l'article 21ter du titre préliminaire du Code de procédure pénale, soit prononcer une peine prévue par la loi mais réduite de manière réelle et mesurable par rapport à celle qu'il aurait infligée s'il n'avait pas constaté la durée excessive de la procédure
48. CA Bruxelles, 24 février 2010, n° PP.24.02.2010 : dans l'affaire dite "service d'accueil de jour de village n°1 Reine Fabiola", la Cour d'appel de Bruxelles s'était d'ailleurs appuyé sur cet arrêt de cassation : "Réformant sa jurisprudence antérieure, la Cour de cassation a, par son arrêt du 8 avril 2008 (confirmé par l'arrêt du 28 mai 2008 précité, intervenu en la présente cause) décide que l'examen de la violation du délai raisonnable pour juger peut intervenir à chaque stade de la procédure pénale, en ce compris celui de l'instruction".
49. Crim, 28 mai 2008, n°P.08.0216.F/1: "Si cette disposition reconnaît notamment à la personne poursuivie le droit de voir, dons un délai raisonnable, décider du bien-fondé de l'accusation dirigée contre elle, la juridiction ne peut prendre en compte le dépassement éventuel d'un tel délai et ses conséquences que sous l'angle de l'administration de la preuve et du respect des droits de la défense, dès lors qu'elle ne saurait le faire au niveau de l'appréciation de la peine".
50. Crim, 27 octobre 2009, n° P.09.0901: "Ce recours juridique implique que lorsque l'instance nationale visée à cette disposition constate le dépassement du délai raisonnable endéans lequel toute personne a droit au jugement de sa cause, elle est tenue de proposer une réparation en droit adéquate.
3. Aucune disposition conventionnelle ou légale ne prévoit que le dépassement du délai raisonnable visé à l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales entraîne 'irrecevabilité ou l'extinction de l'action publique. Le juge détermine la réparation en droit adéquate au stade de la procédure où il se prononce. Cette réparation en droit peut consister, à ce stade de la procédure, en la simple constatation du dépassement du délai raisonnable, ce dont le juge de renvoi appelé à se prononcer sur le fond devra tenir compte lors de l'appréciation globale de la cause".
51. Crim, 15 septembre 2010, n°P.10.0572.F/1.
52. Crim, 15 septembre 2010, n°P.10.0572.F/1: "En effet, si l’instruction n’est pas clôturée après une année, l’inculpé ou la partie civile peuvent saisir la chambre des mises en accusation pour qu’elle entende le magistrat instructeur ou les parties, demande des rapports sur l’état de l’affaire, délègue un de ses membres, se fasse apporter les pièces, informe ou fasse informer et statue ensuite ce qu’il appartiendra".
53. Crim, 15 septembre 2010, n°P.10.0572.F/1 : "Enfin, la constatation, par la juridiction d’instruction, que le délai raisonnable est dépassé peut constituer une réparation adéquate au bénéfice de l’inculpé néanmoins renvoyé devant la juridiction de jugement. Il appartiendra en effet à celle-ci d’en tirer les conséquences prévues par la loi. La procédure étant appréciée dans son ensemble, le recours ne perd pas son effectivité du seul fait qu’ayant été accueilli avant la saisine du juge du fond, il ne produit ses effets qu’après celle-ci".
54. Crim, 27 octobre 2009, P.09.0901.N/1; crim, 18 janvier 2011, n°P.10.1298.N/1; crim, 6 mars 2013, n°P.12.1980.F.
55. Crim, 19 février 2013, n°P.12.0867.N/1.
56. Crim, 19 février 2013, n°P.12.0867.N/1:
"- les inculpés auront la possibilité d’assurer leur défense à décharge quant à leurs allégations qu’ils ne pourraient plus actuellement étayer leurs positions parce que certaines pièces ne seraient plus disponibles en raison du temps écoulé, que certains témoignages ne seraient plus possibles, qu’ils ne seraient pas entendus à tous égards et qu’ils ne pourraient plus actuellement se souvenir de tout ce qui concerne les faits,
- une instruction minutieuse a été menée par une enquête financière très approfondie et diverses auditions de personnes concernées et de témoins, cette instruction pouvant être contestée devant le juge compétent,
- l’instruction se poursuivra devant le juge du fond et, à l’évidence, les inculpés ont déjà au préalable pu réunir ou rassembler certaines pièces, eu égard à leurs auditions en cours de procédure".
57. CEDH, 6 mars 2012, Giorgio c. Italie, §.57. "En l’espèce, la Cour constate que, en raison de la durée de la procédure litigieuse, le 11 juin 1998, la cour d’appel a déclaré l’extinction du chef d’accusation de corruption pour prescription. Cela a de toute évidence entraîné une diminution de la peine retenue à l’encontre du requérant, d’autant plus que le délit prescrit était assorti de la peine la plus lourde des deux reprochés à l’intéressé, quoique les éléments du dossier ne permettent pas d’apprécier l’importance exacte de cette réduction ni d’éclaircir ultérieurement le lien existant entre la violation du délai raisonnable et celle-ci. La Cour observe également que le requérant a décidé de ne pas renoncer à la prescription, possibilité qui lui était offerte en droit italien (voir Droit interne pertinent, § 42 ci-dessus). Dans ces circonstances, la Cour est de l’opinion que la réduction de la peine en question à tout de moins compensé ou particulièrement réduit les préjudices découlant normalement de la durée excessive de la procédure".
58. Cour d’appel de Paris, 14 oct. 2008, RG n° 07/05042.
59. Cour d'appel de Paris, 19 décembre 2012, RG n°11/12086.
60. CEDH, 10 novembre 2004, Apicella c. Italie, §.26, confirmé en Grande Chambre, le 29/03/2006 :" "En ce qui concerne l’évaluation en équité du dommage moral subi en raison de la durée d’une procédure, la Cour estime qu’une somme variant de 1.000 à 1.500 EUR par année de durée de la procédure (et non pas par année de retard) est une base de départ pour le calcul à effectuer. Le résultat de la procédure nationale (que la partie requérante perde, gagne ou finisse par conclure un règlement amiable) n’a pas d’importance en tant que tel sur le dommage moral subi du fait de la durée de la procédure. (...) Le montant de base sera réduit eu égard au nombre de juridictions qui eurent à statuer pendant la durée de la procédure, au comportement de la partie requérante - notamment du nombre de mois ou d’années liés à des renvois non justifiés imputables à la partie requérante – à l’enjeu du litige – par exemple lorsque l’enjeu patrimonial est peu important pour la partie requérante - et en fonction du niveau de vie du pays".
61. CEDH, 15 mai 2007, De Pauw c. Belgique : "il convient toutefois qu'un rapport raisonnable soit appliqué entre les montants accordés et la somme que la Cour aurait accordée dans des affaires similaires (Scordino c. Italie (déc.), no 36813/97, CEDH 2003 IV ; voir également Riccardi Pizzati c. Italie [GC], no 62361/00, §§ 135 à 138, 29 mars 2006)".
Le principe du droit d’être jugé dans un délai raisonnable est une composante du procès équitable garanti par l’article 6§.1 de la Convention européenne des droits de l’Homme.[1]
En France, il est également consacré par l’article préliminaire du Code de procédure pénale qui a été placé en tête de celui-ci pour y rappeler les règles du procès équitable en tant que principes directeurs du procès pénal.[2]
C’est l’objectif de bonne administration de la justice[3] qui commande que celle-ci soit rendue rapidement. Toutefois, l’impératif de célérité doit se concilier avec d’autres qualités que doit revêtir le procès, en particulier l’égalité entre les parties (« égalité des armes »), le principe du contradictoire et le respect des droits de la défense.
Ainsi, la locution « délai raisonnable » a été employée pour ne pas confondre rapidité et caractère expéditif de la justice.
Etre rapidement jugé est considéré comme un « droit fondamental conféré à l’inculpé ou au prévenu ».[4]
Il a été jugé par la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’Homme, c’est-à dire la formation la plus importante de cette cour, « que la lenteur excessive de la justice représente un danger important, notamment pour l’Etat de droit« .[5]
En France, la jurisprudence a rattaché la violation de ce droit à la notion de « déni de justice » qui, par ailleurs et dans certaines conditions, peut également constituer un délit pénal, ce qui souligne son importance.
Souvent perçu comme attaché à la justice pénale, ce droit s’impose en réalité dans tout type de procédure judiciaire, qu’elle soit pénale, civile, administrative, commerciale etc.
Cependant, il est peut être plus choquant qu’une procédure pénale s’éternise au préjudice de la personne demandant réparation du dommage causé par une infraction pénale, ou de celui qui se trouve « accusé » et voudrait être rapidement fixé sur son sort.
Liens avec la prescription de l’action en justice
Le droit d’être rapidement jugé entretient des liens étroits avec la notion de prescription de l’action en justice, mais les deux notions ne se confondent pas.
Elles se basent toutes deux sur l’idée d’assurer une certaine sécurité juridique aux parties au procès qui ne doivent pas être trop longtemps laissées dans l’incertitude de leur sort judiciaire.
Sur le plan pénal, le risque de poursuites ne peut demeurer illimité dans le temps parce que le trouble causé par l’infraction a tendance à s’atténuer après une certaine durée (droit à l’oubli) et que la peine infligée de nombreuses années après les faits perd son sens, son utilité et son efficacité.
De plus, il est difficile de défendre une personne trop longtemps après les agissements délictueux, le temps pouvant effacer les preuves (les témoins oublient ou décèdent, les indices disparaissent etc.).
Pour autant, de profondes différences existent entre les deux institutions juridiques.
La prescription implique qu’au delà d’une certaine durée, l’action en justice n’est plus possible[6]. Au contraire, le droit d’être jugé dans un délai raisonnable suppose, par définition, que le procès soit déjà enclenché.
Bien qu’existant dans la plupart des Etats de droit, la prescription obéit à des règles propres à chaque Etat alors que le droit d’être jugé rapidement repose souvent sur des conventions internationales communes à de nombreux pays.
En matière pénale, par exemple, un délit ne pourra être poursuivi en France au delà de trois ans après sa commission, tandis qu’en Belgique ce délai est de cinq années.
La prescription de l’action est encadrée par la loi, le juge ne pouvant modifier la durée légale qui s’impose à lui. Il ne peut que vérifier si cette durée a été dépassée. Ainsi, en France, la plupart des actions sur le plan civil se prescrivent par cinq années et un tribunal ne pourrait décider de le porter à six ans au lieu de cinq.
Ceci marque une différence sensible avec le respect de la célérité de la procédure qui ne se fonde pas sur une durée prédéterminée mais sur un ensemble de critères définis par la Cour européenne des droits de l’Homme pour tous les pays membres du Conseil de l’Europe signataires de la Convention européenne des droits de l’Homme.
Il n’existe donc pas de durée prédéterminée au delà de laquelle la procédure serait trop longue. C’est aux juges qu’il incombe d’appliquer les critères fixés par la Cour européenne des droits de l’Homme en se livrant à une appréciation particulière dans chaque affaire. Ainsi, dans deux affaires distinctes, la même durée ne sera pas nécessairement considérée comme déraisonnable, tandis que la durée de la prescription de l’action sera toujours identique.
Les mécanismes des deux institutions sont également différents. En cours de procès, la prescription sanctionne l’inaction des parties en mettant fin à l’existence même de la procédure. Mais, dès lors que ces dernières accomplissent des actes dits « interruptifs de prescription », le délai se renouvelle de sorte que la prescription n’est pas acquise.
Cela peut générer des situations parfaitement abusives dans lesquelles tous les trois ans (délai de prescription du délit pénal en France), un acte d’enquête totalement insignifiant est accompli pour interrompre la prescription et permettre à la procédure de se poursuivre. On a ainsi vu des procédures d’enquête pénale dépasser les vingt années sans que la prescription ne soit acquise. De ce fait, les mécanismes de l’interruption de la prescription peuvent maintenir une procédure en cours de manière artificielle.
C’est dans ce cas que le droit d’être jugé dans un délai raisonnable trouve toute son utilité car, contrairement à la prescription de l’action publique, plus la procédure dure, plus le droit d’être jugé rapidement est susceptible d’être violé. On ne peut pas faire machine arrière avec le temps qui s’écoule inexorablement.
Obligations de l’Etat
Les Etats ont pour obligation d’organiser leur système judiciaire en lui donnant les moyens de respecter le droit d’être jugé dans un délai raisonnable.[7]
De ce fait, aucun Etat ne peut invoquer des problèmes structurels pour échapper à son obligation de veiller à la célérité des procédures judiciaires.
Dans ce cas, il s’exposerait à une condamnation certaine pour manquement à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme.[8]
Personnes jouissant de la protection de l’article 6 de la Convention européenne
Pour pouvoir jouir du droit d’être jugé dans un délai raisonnable, il faut être partie au procès. En matière pénale, le point de départ du délai est fonction de la situation particulière de la personne mise en cause, laquelle doit être « accusée en matière pénale » au sens que donne à cette notion la Cour européenne des droits de l’Homme.
Le critère dépend de la date où l’affaire a commencé à avoir des répercussions importantes sur la situation de la personne[9], soit parce qu’une accusation a été formellement portée contre elle, soit parce qu’elle subit une perquisition ou une mesure privative de liberté telle qu’une garde à vue etc.
Critères d’appréciation de l’atteinte au droit d’être jugé dans un délai raisonnable
Les critères d’appréciation du droit d’être jugé dans un délai raisonnable sont bien connus car maintes fois énoncés par la Cour européenne des droits de l’Homme : [10] « la Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes, ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII) ».
Ainsi que cela est indiqué, l’appréciation de ces quatre critères est une question d’espèce, ce qui signifie qu’elle a lieu en fonction des circonstances propres à chaque affaire et non in abstracto.
Le premier critère est celui de la complexité de l’affaire. L’Etat tente souvent d’invoquer ce critère, surtout en matière financière, pour échapper à une condamnation. Il s’agit d’un facteur relativement subjectif puisqu’il dépend totalement de l’appréciation des circonstances de l’espèce, la procédure devant présenter une complexité particulière au plan du droit ou au regard de la nature et du nombre des actes à accomplir (expertises complexes, caractère international des investigations, difficultés dans le recueil des preuves, nombre de personnes impliquées etc.).
En général cependant, il s’agit d’un alibi que l’Etat invoque pour masquer son inertie fautive, ce que la Cour européenne vérifie de manière très scrupuleuse, de même que les juges nationaux.
C’est donc souvent le second critère, c’est-à-dire l’attitude des autorités judiciaires, qui est le facteur déterminant pour savoir si la violation du droit d’être jugé dans un délai raisonnable est caractérisée.
En effet, il incombe aux juridictions de faire diligence, ce qui les oblige à accomplir des actes sans discontinuité[11]. Toute période d’inactivité ou de latence dans une procédure judiciaire qui n’aurait pas de justification objective, serait considérée comme la source d’une violation du droit d’être jugé dans un délai raisonnable.
A cet égard, le comportement des autorités judiciaires est examiné de manière très concrète. Comme l’a jugé récemment la Cour de cassation française, il faut « qu’à aucun moment la procédure pénale (ne soit) restée en souffrance sans qu’aucune diligence ne soit accomplie« .[12]
Le cas typique de comportement sanctionné est celui où la procédure a totalement stagné et, ce, même si elle est complexe.[13]Mais, il n’est pas nécessaire que le cas soit aussi flagrant. Il suffit de périodes d’inactivités avérées.[14]
Comme troisième critère, les juridictions examinent également si le comportement du requérant explique la lenteur de la procédure. Sur cet autre critère d’évaluation, on rappellera que « seules les lenteurs imputables aux autorités peuvent amener à constater un dépassement du délai raisonnable« . Autrement dit, « le comportement d’un requérant constitue un élément objectif non imputable à l’Etat défendeur et qui entre en ligne de compte pour déterminer s’il y a eu ou non dépassement du délai raisonnable prévu à l’article 6 de la Convention« .[15]
Cependant, le requérant n’a pas le devoir de coopérer activement avec l’enquête.[16]
De plus, il ne saurait lui être reproché d’avoir employé les voies de droit ou les recours que la loi lui confie. Il a été formellement jugé par la Cour de cassation française que les délais écoulés en raison de voies de recours exercées, même multiples, n’ont pas à être pris en considération à l’encontre des justiciables.[17]
Aucun reproche ne saurait donc être fait à une partie d’avoir exercé, sans abus, des recours, en particulier si ces derniers ont partiellement ou totalement abouti, ce qui en justifie la légitimité.
Il en va, par exemple, ainsi de la multiplication des demandes d’actes complémentaires dont certaines ont été accueillies et d’autres rejetées.[18][19]
Pour caractériser une violation du délai raisonnable, il faut que le requérant ait indûment fait emploi des voies de droit, la Cour européenne ne sanctionnant qu’un comportement d’obstruction volontaire à la justice.[20]
Elle est très tolérante à ce sujet et n’admet que rarement que l’attitude du requérant soit la cause des délais excessifs.[21]
Il en va de même si les recours non abusifs ont objectivement retardé l’affaire. Mais, cela ne se conçoit que si la durée de l’affaire s’est prolongée du seul fait des recours exercés par les personnes mises en cause, et sans qu’il y ait lieu de reprocher aux autorités judiciaires leur propre lenteur pour trancher ces recours.
Enfin, on ne saurait opposer à un requérant le comportement fautif d’une autre partie figurant dans la même affaire.[22]
L’importance de l’enjeu de l’affaire pour le requérant est le quatrième critère pris en compte par la Cour européenne des droits de l’Homme. Plus l’affaire est importante pour la protection de ses intérêts, plus il faudra faire preuve de rapidité dans son traitement.
Appréciation globale du délai raisonnable
Si l’appréciation de ces quatre critères est la règle habituelle, la Cour européenne considère qu’au delà d’une certaine limite, la durée est ipso facto excessive.
Dans ce cas, la Cour juge qu'« une telle durée est a priori déraisonnable et appelle une appréciation globale ».[23]
La faute de l’Etat est en quelque sorte présumée.[24]
Bien que les juges du fond français soient réticents à sanctionner une durée globalement excessive, la Cour de cassation belge a néanmoins consacré cette règle dans une série d’arrêts récents.
Ainsi, elle a cassé une décision d’appel qui avait jugé que « l‘existence d’une faute lourde ne saurait se déduire de la seule durée de la procédure pénale initiale ou de la procédure civile en résolution des ventes« .[25]
A l’occasion de deux autres arrêts, elle a jugé que les durées de treize ans et de dix-huit ans constituent un déni de justice au sens de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme : « le délai écoulé était manifestement excessif« .[26]
Ainsi, s’agissant d’une procédure pénale ayant débuté par une enquête et s’étant soldée par une condamnation définitive, une durée globale de sept ans est considérée comme excessive dès lors que l’affaire ne soulevait pas de complexité particulière au plan des faits et du droit.[27]
Pour la seule période de l’instruction préparatoire, dans une affaire où il ne résultait ni des faits de l’espèce ni des allégations du requérant qu’il avait eu de la part de l’autorité judiciaire des périodes d’inactivité ou de lenteur injustifiées dans la conduite de l’affaire, la Cour européenne a malgré tout jugé que la durée de quinze années de procédure était globalement excessif, et ce en dépit du fait qu’elle avait constaté que « l’attitude du requérant a incontestablement contribué à ralentir considérablement la marche de la procédure« . [28]
De même, un délai de dix années entre l’ouverture de la procédure d’instruction et le jugement de première instance est globalement excessif, « même en présence d’une affaire complexe » [29].
La durée d’une procédure s’étant prolongée durant dix ans et onze mois pour la seule phase de l’instruction préparatoire est d’autant plus excessive qu’elle comporte des périodes d’inactivité.[30]
Les sanctions de la violation du droit d’être jugé dans un délai raisonnable
Longtemps, la violation du droit d’être jugé dans un délai raisonnable est demeurée sans sanction en droit français. Il est en effet de jurisprudence constante que la violation de ce droit n’entraîne aucune conséquence sur la régularité de la procédure pénale, laquelle ne peut être annulée sur ce fondement.[31]
Les juges français rejettent également toute possibilité de fonder une extinction de l’action publique ou une réduction de peine sur la violation du délai raisonnable.[32]
Néanmoins, l’article L.781-1 (article L.141-1 actuel) introduit dans le Code de l’organisation judiciaire par la loi du 5 juillet 1972 a consacré la responsabilité de l’Etat pour le fonctionnement défectueux du service public de la justice.[33]
La notion de faute lourde s’y distingue de celle de déni de justice.
C’est sous la pression des condamnations à répétition de l’Etat français par la Cour européenne des droits de l’Homme pour violation de l’article 6§.1 de la Convention que la jurisprudence française a décidé, de manière purement prétorienne, d’intégrer l’atteinte au délai raisonnable dans la notion de « déni de justice » figurant dans l’article L.781-1 du Code de l’organisation judiciaire.
Encore fallait-il que cette jurisprudence acquiert la valeur d’un « recours effectif » au sens de l’article 35§.1 de la Convention européenne des doits de l’Homme. En effet, en vertu du principe de subsidiarité de la Convention européenne, la Cour européenne ne peut être saisie qu’après l’épuisement des voies de recours nationales, dès lors que celles-ci sont propres à constater et à réparer la violation de cette convention.
Or, le 20 septembre 1999, les juges strasbourgeois ont pour la première fois considéré que le recours français fondé sur le déni de justice du Code de l’organisation judiciaire constituait une voie de droit interne à épuiser.[34]
Depuis lors, la jurisprudence française en la matière est très abondante.
La Belgique a suivi la même évolution mais les modalités en sont différentes.
Dans un premier temps, les condamnations de l’Etat belge se sont multipliées, la Cour européenne rappelant à chaque fois à la Belgique ses obligations d’organiser son système judiciaire de manière à respecter le délai raisonnable.[35]
En réaction, les juges du fond belges ont commencé à développer une jurisprudence fondée sur l’article 1382 du Code civil où la faute repose sur l’atteinte au délai raisonnable.[36]
Puis, par un arrêt de principe du 28 septembre 2006, la Cour de cassation a consacré la tendance jurisprudentielle relative à la responsabilité de l’Etat belge pour atteinte au délai raisonnable en confirmant la décision de la Cour d’appel de Bruxelles du 4 juillet 2002[37].[38]
Cet arrêt a très clairement adopté la responsabilité civile de l’Etat belge en la plaçant sous l’égide de l’article 1382 du Code civil.
La Cour européenne en a tiré les conséquences qui s’imposaient en jugeant qu’à compter du 28 mars 2007 « il doit être exigé des requérants qu’ils usent de ce recours aux fins de l’article 35 § 1 de la Convention ».[39]
En règle générale, un recours interne est considéré comme conforme au droit européen s’il permet d’ « empêcher la survenance ou la continuation de la violation alléguée, ou [de] fournir à l’intéressé un redressement approprié pour toute violation s’étant déjà produite ».
Dans l’arrêt ci-dessus évoqué, la Cour européenne a précisé qu’un recours indemnitaire devrait nécessairement conduire à la réparation non seulement du dommage matériel mais également du dommage moral lié au dépassement du délai raisonnable.
La « réparation » de l’atteinte au stade de l’instruction préparatoire
Pendant très longtemps en Belgique, les juges de cassation se sont refusés à faire une pleine application des dispositions de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme au stade de l’instruction préparatoire.
Ainsi, par une jurisprudence constante, la Cour de cassation affirmait qu’il « incombe aux juridictions de jugement d’apprécier, à la lumière des données de chaque affaire, si la cause est entendue dans un « délai raisonnable » et, dans la négative, de déterminer les conséquences qui pourraient en résulter ».[40]
Cette jurisprudence a longtemps perduré puisqu’elle a encore été confirmée par un arrêt du 8 novembre 2005[41], la Cour de cassation belge jugeant que les juridictions d’instruction ne statuent pas sur le bienfondé de l’accusation pénale et ne sont donc pas compétentes pour réparer la faute résultant du caractère excessif de la durée de la procédure.
On peut comprendre les réticences de la jurisprudence en matière de suites à donner à la violation du droit d’être jugé dans un délai raisonnable dès lors que celle-ci est intervenue au stade préliminaire de la procédure pénale, et avant tout jugement au fond.
Plusieurs problèmes juridiques complexes se posent en effet lorsqu’on évoque l’application de la Convention européenne avant que l’affaire ne se soit définitivement conclue.
En premier lieu, ni la Convention européenne des droits de l’Homme, ni la jurisprudence de la Cour européenne ne prévoient explicitement quelle sanction devrait être appliquée en cas de dépassement du délai raisonnable, chaque Etat devant élaborer son propre système de réparation.
En second lieu, il est de jurisprudence constante que le caractère équitable d’une procédure pénale doit s’apprécier au regard de l’affaire prise dans son ensemble, ce qui implique qu’elle soit terminée.
Néanmoins, il a également été jugé que la phase préliminaire du procès pénal revêt une telle importance que l’article 6 de la Convention européenne ne peut y être étranger. [42]
Par ailleurs, le délai raisonnable de la procédure présente la particularité de pouvoir être violé à tout moment, la faute s’aggravant avec l’allongement de la procédure.
Il est donc tout à fait normal de s’interroger sur les conséquences à tirer d’une telle violation dès le moment où elle est déjà acquise au stade préliminaire de la procédure pénale.
On a déjà dit qu’en France, la seule réparation existante repose sur l’allocation de dommages et intérêts pour déni de justice, la jurisprudence accordant très fréquemment de telles réparations aux stades préliminaires du procès pénal.
La situation est beaucoup plus complexe en Belgique.
Outre le recours indemnitaire, il existe dans ce pays, à la différence du droit français, un article 21ter introduit dans le Code d’instruction criminelle par la loi du 30 juin 2000 qui a prévu que les juges du fond peuvent soit atténuer la peine, soit dispenser le prévenu de peine après avoir prononcé sa culpabilité, en raison de la durée de la procédure pénale.[43]
La Cour européenne considère ce type de réparation comme appropriée au regard des critères conventionnels.[44]
Néanmoins, et pour des raisons évidentes, une mesure concernant la peine ne répare pas une violation du délai raisonnable déjà acquise durant l’instruction préparatoire.
Un débat s’est donc engagé en doctrine et en jurisprudence belge pour savoir quelle serait la réparation la plus adéquate à ce stade de la procédure.
Dans un premier temps, la Cour de cassation belge s’est montrée très réticente à permettre aux juridictions d’instruction de statuer sur la violation du droit d’être jugé dans un délai raisonnable. Encore relativement récemment, elle jugeait que « les juridictions d’instruction statuant sur le règlement de la procédure ne sont pas, en règle générale, assujetties aux prescriptions de l’article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales« .[45]
Mais, de son côté, la Cour européenne a conclu que l’application de l’article 21ter du Code de l’instruction criminelle ne constitue pas une réparation adéquate si la violation du délai est déjà acquise au stade de l’instruction préparatoire, notamment lorsque la procédure se trouve devant la Chambre du Conseil.
Dans un arrêt du 27 septembre 2005, elle a donc renvoyé le requérant se faire indemniser par les juridictions belges.[46]
Cela n’a pas réglé totalement la question et certaines juridictions d’instruction ont estimé que non seulement une sanction devait être prononcée, mais qu’elle pouvait, dans certains cas, consister dans l’irrecevabilité des poursuites pénales, c’est-à-dire l’arrêt du procès pénal.
Saisie de recours en cassation, la haute juridiction belge a dû faire évoluer sa jurisprudence sur la question du type de sanction adéquate.
Elle avait déjà admis que l’irrecevabilité des poursuites puisse être prononcée par les juges du fond en cas où l’administration de la preuve se serait révélée impossible ou que les droits de la défense ne pourraient plus être exercés librement.[47]
En matière d’instruction préparatoire, on considère généralement que la Cour de cassation a modifié sa jurisprudence par un arrêt du 8 avril 2008.[48]
Mais, si la Cour de cassation a admis l’intervention des juridictions de l’instruction, elle a très sévèrement encadré leurs pouvoirs de « réparation ».
En effet, en confirmant la décision d’une Chambre d’accusation refusant de déclarer les poursuites irrecevables, elle a jugé que cette sanction n’était envisageable que dans les cas les plus extrêmes, c’est-à-dire « dans la mesure seulement où l’inobservation de ses exigences risque de compromettre gravement et irrémédiablement le caractère équitable du procès ».
Or, le caractère équitable du procès ne saurait être compromis que dans l’hypothèse où les droits de la défense seraient atteints ou que l’administration de la preuve serait entravée.[49]
En vérité, si on constate dans la jurisprudence rendue à compter de 2008 que la Cour de cassation admet systématiquement le principe qu’une réparation doit être accordée au stade de l’instruction préparatoire, celle-ci ne consiste jamais en l’irrecevabilité des poursuites. Bien au contraire, la haute juridiction a jugé qu’une simple constatation de la violation de la Convention européenne suffisait à ce stade de la procédure, si les conditions d’irrecevabilité des poursuites n’étaient pas réunies. [50]
Cette jurisprudence a régulièrement été confirmée par la suite sans que nous n’ayons trouvé un seul exemple où l’irrecevabilité des poursuites a été acceptée au stade de l’instruction préparatoire.
Ainsi, cassant l’arrêt rendu le 24 février 2010 par la Cour d’appel de Bruxelles qui avait considéré que les juridictions d’instruction n’avaient pour seul remède efficace que la constatation de l’irrecevabilité des poursuites, la juridiction suprême a pris le contrepied de cette décision d’appel en jugeant que « l’affirmation d’après laquelle le Code d’instruction criminelle ne contiendrait aucun mécanisme permettant de prévenir ou de sanctionner, au stade de l’instruction, la durée anormalement longue de celle-ci, ne trouve pas d’appui dans la loi ».[51]
Cet arrêt du 15 septembre 2010 est longuement motivé, preuve que la Cour de cassation a voulu rendre une décision de principe en tentant de justifier le caractère effectif des remèdes existant au stade de l’instruction préparatoire.
En effet, l’article 13 de la Convention européenne « implique que toute personne qui se plaint d’une violation de l’article 6.1 en raison du dépassement du délai raisonnable dans lequel une cause doit être entendue, doit pouvoir exercer un recours effectif devant une instance nationale afin de faire constater cette violation et obtenir une réparation adéquate ».
Or, après avoir rappelé cette règle, la Cour de cassation s’est évertué à démontrer le caractère effectif des remèdes offerts par le droit belge au stade de l’instruction préparatoire.
On déduit des motifs de cet arrêt que la Chambre d’accusation pourrait être saisie par une demande des parties après une année d’instruction afin de prendre les mesures qui s’imposent (mais lesquelles ?).[52]
De même, la Cour de cassation a indiqué que « l’appréciation du dépassement éventuel de ce délai dès avant le règlement de la procédure ressort[it] au contrôle de la régularité de celle-ci au sens de l’article 235bis du Code d’instruction criminelle ».
Et, elle a explicité sa jurisprudence en indiquant que « de plus, lorsqu’elle est régulièrement invitée par une partie à exercer les pouvoirs que l’article 235bis du Code d’instruction criminelle lui confère, la chambre des mises en accusation est tenue de procéder au contrôle sollicité. Il ne lui appartient pas de s’y dérober au motif que celui-ci pourra avoir lieu lors du règlement de la procédure.
Les vérifications qu’au titre de la disposition légale précitée, la chambre des mises en accusation doit effectuer lorsqu’elle est invitée à contrôler une instruction de longue durée, portent notamment sur l’existence de la cause de nullité, d’irrecevabilité ou d’extinction de l’action publique alléguée par la partie qui la saisit ».
On en déduit que, théoriquement, la Chambre des mises en accusation pourrait prononcer l’irrecevabilité des poursuites si elle était saisie d’une demande en ce sens.
Toutefois, l’arrêt rappelle également que la simple constatation de la violation du délai raisonnable peut constituer à ce stade « une réparation adéquate », dès lors que les juges du fond pourront ensuite en tirer les conséquences.[53]
Ainsi, la Cour de cassation en a conclu que « les juges d’appel n’ont dès lors pas légalement justifié la fin de non recevoir opposée aux poursuites, en tant qu’ils l’ont déduite de l’affirmation que le droit interne ne permet ni de prévenir ni de redresser de manière effective un dépassement du délai raisonnable au stade de l’instruction. Partant, l’arrêt ne décide pas légalement non plus qu’en pareil cas, seule l’irrecevabilité de l’action publique peut réparer adéquatement la violation dénoncée ».
Cette jurisprudence n’a jamais été démentie par la suite.[54]
La Cour de cassation a simplement apporté quelques précisions utiles. En particulier, elle a jugé qu’ « il ne peut être déduit uniquement de la durée de la procédure que l’administration de la preuve et les droits de défense de l’accusé sont sérieusement et irrémédiablement lésés », l’appréciation de l’atteinte aux droits de la défense ou de l’empêchement à l’administration de la preuve étant une question de fait jugée souverainement par les juridictions d’instruction.[55]
Cet arrêt donne également une idée des motifs permettant d’écarter l’irrecevabilité des poursuites, ce qui permet de se rendre compte qu’en pratique, ce moyen de défense est particulièrement illusoire.[56]
Dans cet arrêt, la Cour de cassation a même affirmé, contre toute logique, que « contrairement à la prémisse dont est déduit le moyen, une réparation en droit adéquate n’est pas inexistante du fait que, bien qu’elle trouve son fondement avant la saisine du juge du fond, cette réparation en droit n’a de conséquences qu’à un stade ultérieur de la procédure, plus précisément lors de l’appréciation de la procédure dans son ensemble ».
Pourtant, un tel système serait impraticable dans le cas où une personne bénéficierait finalement d’un non-lieu bien qu’ayant été victime d’une violation du délai raisonnable puisque, dans ce cas, il n’y aurait aucune juridiction de fond pour accorder une réparation à l’inculpé.
Et puis, quoi qu’en dise la Cour de cassation, la constatation de la violation et réparation de cette violation sont deux choses distinctes. Aussi, sa jurisprudence est-elle difficilement conciliable avec l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme qui exige que les juridictions internes constatent et réparent immédiatement le dépassement du délai raisonnable.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la Belgique a dû mettre en place un système d’indemnisation fondé sur l’article 1382 du Code civil pour éviter d’être systématiquement condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme, précisément en raison de l’absence de réparation prévue par les juridictions d’instruction (Cf. Supra, note n°45, arrêt de Clerck c. Belgique, 27 septembre 2005).
Au stade de l’instruction préparatoire, le recours indemnitaire pourrait donc combler l’absence de pouvoir de réparation des juridictions d’instruction en octroyant une véritable réparation de la violation du droit d’être jugé dans un délai raisonnable.
En effet, pour ce qui concerne les juges du fond, la réduction de peine est considérée comme un mode de réparation suffisant pour rendre le requérant irrecevable à agir devant la Cour européenne, le préjudice ayant suffisamment été réparé[57]. Il s’agit d’une application du nouvel article 35 § 3 b) de la Convention selon lequel la Cour peut déclarer une requête irrecevable lorsque « le requérant n’a subi aucun préjudice important, sauf si le respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles exige un examen de la requête au fond et à condition de ne rejeter pour ce motif aucune affaire qui n’a pas été dûment examinée par un tribunal interne ».
Ainsi, une réduction de peine pourrait priver une personne de tout recours indemnitaire.
En revanche, rien n’indique que l’aboutissement d’un recours indemnitaire aurait pour effet de priver le requérant du bénéfice de l’article 21 ter du Code d’instruction criminelle. Il en serait d’autant moins ainsi que le recours indemnitaire ne viserait que les délais excessifs de la période d’instruction et que la période de jugement consécutive se serait indûment prolongée.
L’indemnisation de la durée globale de la procédure
Deux systèmes existent pour apprécier la réparation du préjudice découlant de l’atteinte au droit d’être jugé dans un délai raisonnable.
Le premier, et aussi le plus fréquent, suppose d’indemniser le requérant uniquement pour ce qui concerne les périodes d’inactivité considérées comme imputables au dysfonctionnement du système judiciaire.
Ainsi, par exemple, la Cour d’appel de Paris a jugé excessif un délai de dix-sept mois entre la dernière diligence du juge d’instruction – 25 mai 1993 – et l’ordonnance de renvoi – 27 octobre 1994 -, ainsi que le fait que la Cour d’appel ait mis sept ans avant de confirmer une relaxe prononcée par le Tribunal correctionnel. Elle a octroyé la somme de 30.000 euros de dommages et intérêts pour ces deux périodes de latence. [58]
Cette indemnisation se trouve dans une fourchette très haute, sachant que l’appréciation est très variable d’une affaire à l’autre, et d’une juridiction à l’autre. Ainsi, pour une affaire dont le délibéré avait pris quatorze mois, la Cour d’appel de Paris a estimé la juste indemnisation à la somme de 4.000 euros.[59]
Le second système est celui de l’appréciation globale du délai raisonnable qui présuppose qu’à compter d’une certaine durée, ni la complexité de l’affaire, ni l’attitude du requérant, ou l’absence de périodes d’inerties de la procédure, ne sont susceptibles d’exonérer l’Etat d’une faute, la durée étant en-soi excessive.
Dans ce cas, les critères de l’évaluation du préjudice en matière de délai raisonnable ont été très clairement fixés la Cour européenne des droits de l’Homme dans son arrêt de principe du 10 novembre 2004.[60]
La Cour indemnise en effet chaque année de procédure et non chaque période d’inertie fautive.
Dans l’affaire ayant donné lieu à son arrêt de principe, elle a ainsi estimé que pour douze ans de procédure, 14.000 euros était une réparation équitable.
Lorsque le remède appliqué consiste en une indemnisation, cette cour veille à ce que les montants des dommages et intérêts accordés par les juridictions nationales soient compatibles avec les compensations qu’elle accorderait elle-même si elle était saisie.[61]
Etant donné qu’une trop grande discordance entre l’indemnisation nationale et l’indemnisation européenne serait fautive, les juridictions nationales ont intérêt à se plier aux critères fixés par la Cour européenne.
Conclusion
Force est de constater qu’en France, il n’existe aucun remède efficace contre la violation du droit d’être jugé dans un délai raisonnable, puisque la seule réparation réside dans l’octroi de dommages et intérêts, ce qui n’est pas de nature à prévenir une telle violation ni à la faire cesser.
En Belgique, la situation est de très loin plus favorable aux justiciables, puisque, d’une part, l’irrecevabilité des poursuites pénales peut, en théorie, être prononcée sur le fondement de l’atteinte au délai raisonnable, soit par les juridictions d’instruction, soit par les juridictions du fond.
De plus, les juridictions civiles peuvent être saisies sur le fondement de l’article 1382 du Code civil pour allouer des dommages et intérêts, en particulier au stade préliminaire du procès, ce qui ne semble pas pouvoir empêcher les juridictions du fond, statuant en matière pénale, de prononcer une réduction de peine, voire une simple déclaration de culpabilité sur la base de l’article 21ter du Code d’instruction criminelle.
Néanmoins, ce système a également ses limites puisqu’il conditionne l’irrecevabilité des poursuites à une atteinte irrémédiable aux droits de la défense ou à la possibilité d’administrer la preuve.
Or, dans les cas les plus graves, on ne saurait se contenter d’un système qui n’applique pas une sanction radicale telle que l’irrecevabilité des poursuites pénales, notamment lorsque la durée est si longue qu’elle est ipso facto excessive.
Dans de pareils cas, en particulier en matière pénale, l’Etat devrait être sanctionné de manière efficace pour n’avoir pas su mener une procédure à son terme, une personne inculpée n’ayant pas à subir plus que ce qui est nécessaire pour être fixée sur son sort, en particulier en raison du fait qu’elle est présumée innocente.
Comme en matière de prescription de l’action publique, il serait fortement souhaitable que l’inertie des parties poursuivantes soit sanctionnée par l’extinction des poursuites pénales.
Il suffirait alors de prévoir que l’action civile puisse toujours être engagée devant les juridictions civiles afin de ne pas priver les éventuelles victimes d’une réparation qui pourrait leur être due.
On concilierait ainsi le droit de l’inculpé à la présomption d’innocence, les droits de la défense et ceux des victimes, ainsi que l’efficacité et l’utilité de la répression, celle-ci n’ayant plus aucun sens après une durée trop longue.
Cela aurait également le mérite d’inciter les Etats et les parties à faire diligence.
François JACQUOT, Avocat à Paris
[1] Article 6§1 CEDH : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (…) dans un délai raisonnable, par un tribunal (…) qui décidera (…) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (…)« .
[2] Article préliminaire du Code de procédure pénale français : « I.-La procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l’équilibre des droits des parties.
Elle doit garantir la séparation des autorités chargées de l’action publique et des autorités de jugement.
Les personnes se trouvant dans des conditions semblables et poursuivies pour les mêmes infractions doivent être jugées selon les mêmes règles.
IL- L’autorité judiciaire veille à l’information et à la garantie des droits des victimes au cours de toute procédure pénale.
III.-Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été établie. Les atteintes à sa présomption d’innocence sont prévenues, réparées et réprimées dans les conditions prévues par la loi.
Elle a le droit d’être informée des charges retenues contre elle et d’être assistée d’un défenseur.
Si la personne suspectée ou poursuivie ne comprend pas la langue française, elle a droit, dans une langue qu’elle comprend et jusqu’au terme de la procédure, à l’assistance d’un interprète, y compris pour les entretiens avec son avocat ayant un lien direct avec tout interrogatoire ou toute audience, et, sauf renonciation expresse et éclairée de sa part, à la traduction des pièces essentielles à l’exercice de sa défense et à la garantie du caractère équitable du procès qui doivent, à ce titre, lui être remises ou notifiées en application du présent code.
Les mesures de contraintes dont la personne suspectée ou poursuivie peut faire l’objet sont prises sur décision ou sous le contrôle effectif de l’autorité judiciaire. Elles doivent être strictement limitées aux nécessités de la procédure, proportionnées à la gravité de l’infraction reprochée et ne pas porter atteinte à la dignité de la personne.
Il doit être définitivement statué sur l’accusation dont cette personne fait l’objet dans un délai raisonnable.
Toute personne condamnée a le droit de faire examiner sa condamnation par une autre juridiction.
En matière criminelle et correctionnelle, aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne
sur le seul fondement de déclarations qu’elle a faites sans avoir pu s’entretenir avec un avocat et être assistée par lui« .
[3]Reconnue comme constituant un objectif de valeur constitutionnelle par le Conseil constitutionnel dans une décision en date du 3 décembre 2009 (n° 2009-595 DC), ce qui résulte des article 12, 15 et 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789.
[4]Cour de cassation belge, 6 février 2001, Pas. , 2001, p.223.
[5]CEDH, Di Mauro c. Italie, 28 juillet 1999, §.23.
[6] Cour de cassation belge, 2 février 2000, Pas., 2000, p. 279: « la prescription de l’action publique (est) l’extinction par l’écoulement d’un certain temps du pouvoir de poursuivre, dicté par l’intérêt de la société« .
[7] CEDH, 3 février 2009, Poelmans c. Belgique, n°4807/06, §.35 : « …il incombe aux Etats d’organiser leur système judiciaire de telle sorte que leurs juridictions puissent garantir à chacun le droit d’obtenir une décision définitive sur les contestations relatives à ses droits civils dans un délai raisonnable« .
[8] CEDH,13 mai 2008, Wauters et Shollaert c. Belgique, §.38 : « Avec les requérants, la Cour constate que certains retards sont dus à des problèmes propres – et semble-t-il structurels – au tribunal de première instance de Nivelles : le fait que l’équipe d’enquêteurs soit passée, assez rapidement, de vingt personnes au début de l’instruction à trois personnes ; l’aveu du juge d’instruction, du 15 juillet 2005, selon lequel il lui était impossible, sur le plan de la logistique, d’entendre les requérants comme ceux-ci l’invitaient à le faire ; la mise à disposition de la copie du dossier le 21 février 2006, alors que la demande des requérants à cette fin datait du 10 février 2005.
[9]CEDH, 22 juin 2000, Coeme c. Belgique, §.133: »Elle rappelle qu’en matière pénale le « délai raisonnable » de l’article 6 § 1 commence dès l’instant où une personne se trouve « accusée » ; il peut s’agir d’une date antérieure à la saisine de la juridiction de jugement, celle notamment de l’arrestation, de l’inculpation ou de l’ouverture de l’enquête préliminaire. L’« accusation », au sens de l’article 6 § 1, peut se définir « comme la notification officielle, émanant de l’autorité compétente, du reproche d’avoir accompli une infraction pénale », ce qui renvoie aussi à l’idée de « répercussions importantes sur la situation » du suspect (arrêt Hozee c. Pays-Bas du 22 mai 1998, Recueil 1998-III, p. 1100, § 43 ; arrêt Eckle c. Allemagne du 15 juillet 1982, série A no 51, p. 33, § 73)« .
[10]CEDH, 15 juillet 2005, Leroy C. Belgique, §.25.
[11] CEDH, 27 septembre 2005, De Clerck c. Belgique, §.56 : « Il ressort des éléments fournis par le Gouvernement que les actes d’instruction se sont succédés sans discontinuer« .
[12] Cass, civ. 23/02/2001, n°09-71164.
[13] CEDH, 15 juillet 2005, Leroy C. Belgique, §§.13 et 27: « … dès lors que l’instruction a stagné pendant de long mois parce que quatre juges d’instruction s’y sont succédé et qu’il a fallu près de deux ans pour rédiger le réquisitoire« .
CEDH,4 décembre 2007, Denee c. Belgique,, §.58 : « Dans le premier dossier, l’instruction a commencé le 21 avril 1992, puis elle s’est interrompue durant trois ans sans apparente explication et a repris en janvier 1995 (paragraphes 8-9 ci-dessus)« .
[14] CEDH, Wauters et Shollaert c. Belgique, 13 mai 2008, §.40: » Enfin, la Cour note les périodes d’inactivité suivantes : 25 janvier 2000 au 2 décembre 2002, 2 décembre 2002 au 24 juin 2003, 1er octobre 2003 au 24 juin 2004 et 23 juillet 2004 au 23 septembre 2005« .
[15] CEDH, 28 avril 2005, Staerke c. Belgique, §§.48 et 51.
[16]Cour de cassation belge, 29 juin 1999, n°P990754 : « un inculpé ou un prévenu n’est en aucun cas tenu de coopérer activement avec les autorités judiciaires afin d’accélérer l’examen de sa cause« .
[17] Cass, civ.1ère, 20 février 2008, n°06-20384 : « Qu’en statuant ainsi, alors qu’il ne pouvait être reproché à M. X d’avoir exercé les voies de recours dont il disposait… ».
[18]CEDH, 4 décembre 2007, Denee c. Belgique, §.57 : » S’agissant du comportement des requérants, la Cour rappelle que l’article 6 n’exige pas des intéressés une coopération active avec les autorités judiciaires. On ne saurait non plus leur reprocher d’avoir tiré pleinement parti des possibilités que leur ouvrait le droit interne. Or, s’il est vrai qu’en l’espèce les requérants, notamment au stade de l’instruction, ont multiplié les recours et les demandes auprès du juge d’instruction (comme les demandes de remise de l’affaire devant la chambre du conseil des 27 mai et 24 juin 1998, la remise de l’audition par le juge d’instruction sollicitée le 13 décembre 2000 ou des demandes d’accomplissement de devoirs complémentaires, dont certaines furent rejetées du reste), la Cour estime que ceux-ci n’ont pas indûment contribué à la durée globale de la procédure les concernant, encore qu’il ait pu en résulter certains retards (C.P. et autres c. France, no 36009/97, § 31, 1er août 2000)« .
[19]CEDH,13 mai 2008, Wauters et Shollaert c. Belgique, §.39 : « La Cour relève également que si les remises de l’affaire devant la chambre du conseil étaient dues aux demandes de devoirs complémentaires soumises par les requérants, le juge d’instruction les a accueillies« .
[20]CEDH, 23 septembre 1998, I.A c. France, §.121: « le requérant a lui aussi substantiellement contribué à la lenteur de l’information : d’une part, le cambriolage du 4 mai 1993 (paragraphe 40 ci-dessus) entraîna des investigations supplémentaires ; d’autre part, une volonté de M. I.A. de retarder l’instruction transparaît du dossier – le fait qu’il attendit d’être avisé de l’imminence de la communication du dossier au procureur de la République pour, le 19 juillet 1995, requérir plusieurs mesures d’instruction supplémentaires en fournit une illustration (paragraphe 65 ci-dessus)« .
[21] CEDH, 9 octobre 2012, Heyrman c. Belgique, §.40: « Néanmoins, même si le requérant a produit de nombreuses pièces, a formé de nombreux recours incidents, s’est opposé à la fixation de la cause et s’est montré peu diligent à poursuivre la procédure, la Cour estime que son seul comportement ne suffit pas à expliquer la longueur des procédures en cause mais en constitue un élément« .
[22] CEDH, 15 juillet 2005, Leroy C. Belgique, §.27: « S’agissant du comportement des autorités compétentes, la Cour relève notamment que la cour d’appel a elle-même reconnu qu’il y a bien eu « un certain dépassement du délai raisonnable, qui n’est pas dû au fait des prévenus« .
[23]CEDH, 28 avril 2005, Staerke c. Belgique, §. 51; CEDH, 13 mai 2008, Garsoux et Massenet c. Belgique, §.43; CEDH,3 février 2009, Poelamans c. Belgique, §.36; CEDH , 9 octobre 2012, Heyrman c. Belgique, §.43.
[24] CEDH, 21 mars 2000, Boudier c. France, no 41858/98, §. 34 : « Toutefois, force est de constater qu’une durée de plus de douze ans commande en l’occurrence une évaluation globale. Il apparaît en conséquence à la Cour que la lenteur de la procédure résulte très essentiellement du comportement des autorités et juridictions saisies« .
[25]Cass, civ. 1ère, 1er juillet 2009, n°07-18824 : »Qu’en se déterminant ainsi, alors résultait de ses propres constatations que la procédure pénale avait duré plus de 6 ans et la procédure civile près de 18 ans, sans rechercher si de tels délais pour obtenir une décision définitive étaient justifiés par la complexité de l’affaire ou le comportement des requérants, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé« .
[26] Cass, civ.1ère, 25 mars 2009; n°07-17575 et n°07-17576.
[27]CEDH, 3 avril 2012, Michelioukadis c. Grèce, §.45.
[28]CEDH, 28 avril 2005, Staerke c. Belgique, §. 51 :« Cette circonstance ne saurait cependant à elle seule justifier le maintien de poursuites pénales contre une personne pendant plus de quinze ans. Une telle durée est a priori déraisonnable et appelle une appréciation globale (Boudier c. France, no 41858/98, 21 mars 2000 ; Achleitner c. Autriche, no 543911/00, 23 octobre 2003). Elle ne saurait être qu’exceptionnellement justifiée« .
[29] CEDH, 15 juillet 2005, Leroy C. Belgique, §.26 : « La Cour estime qu’il n’est pas contestable que le dossier soumis aux juridictions belges était particulièrement complexe et a nécessité une longue instruction, eu égard aux nombreux documents qui durent être étudiés et à l’examen du montage financier à degrés multiples élaborés sur une période de plusieurs années« .
[30]CEDH, 13 mai 2008, Wauters et Schollaert c. Belgique, §.36 et 39.
[31] Crim, 16 octobre 2002, n°01-88.381: « … la durée excessive d’une procédure pénale n’entraîne pas la nullité« ; crim, 20/03/2002, n°01-83.543.
[32] Crim, 14 novembre 2002, n°02-88.703: « Attendu que la prétendue méconnaissance du délai raisonnable pour être jugé sur une accusation en matière pénale ne saurait constituer une cause d’extinction de l’action publique ni empêcher les juges de déterminer la peine en fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur« .
[33]Article L141-1 COJ : « L’Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice. Sauf dispositions particulières, cette responsabilité n’est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice« .
34. CEDH, 11 septembre 2002, Misfud c.France, §.16:" Au vu de l’évolution jurisprudentielle dont fait état le Gouvernement, la Cour a jugé que le recours fondé sur l’article L. 781-1 du code de l’organisation judiciaire permet de remédier à une violation alléguée du droit de voir sa cause entendue dans un « délai raisonnable » au sens de l’article 6 § 1 de la Convention lorsque la procédure litigieuse est achevée au plan interne (voir, notamment, Van derKar et Lissaur van West c. France (déc.), nos 44952/98 et 44953/98, 7 novembre 2000 et Giummarra et autres c. France (déc.), n° 61166/00, 12 juin 2001). Elle a précisé que ce recours avait acquis, à la date du 20 septembre 1999, le degré de certitude juridique requis pour pouvoir et devoir être utilisé aux fins de l’article 35 § 1 de la Convention (voir, en particulier, la décision Giummarra et autres précitée). Il est donc établi que, lorsqu’une procédure judiciaire est achevée au plan interne au jour de la saisine de la Cour et que cette saisine est postérieure au 20 septembre 1999, un grief tiré de la durée de cette procédure est irrecevable si le requérant ne l’a pas préalablement vainement soumis aux juridictions internes dans le cadre d’un recours fondé sur l’article L. 781-1 du code de l’organisation judiciaire".
35. CEDH, 15 juillet 2005, LEROY c. Belgique,§.28 : "Il est de jurisprudence constante que l'encombrement chronique du rôle d'une juridiction ne constitue pas une explication valable (voir l'arrêt Probstmeier c. Allemagne du 1er juillet 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-IV, p. 1138, § 64). En effet, l'article 6 § 1 oblige les Etats contractants à organiser leur système judiciaire de telle sorte que les tribunaux puissent remplir chacune de ses exigences, notamment celle du délai raisonnable (arrêt Portington c. Grèce du 23 septembre 1998, Recueil 1998-VI, p. 2633, § 33; Vocaturo c. Italie, arrêt du 24 mai 1991, série A no 206-C, p.32, § 17)".
36. Pour un résumé de cette évolution jurisprudentielle : CEDH, DEPAUW c. Belgique, 15 mai 2007.
37. CA Bruxelles, 4 juillet 2002: "Attendu que c'est à bon droit que F. met en cause la responsabilité du législateur belge en raison du retard anormal considérable qu'a pris le traitement de son affaire par les juridictions bruxelloises, lui reprochant de ne pas avoir pris les mesures adéquates,(augmentation des cadres et des budgets, modification éventuelle de la loi du 15 juin 1935) qui eussent permis au tribunal de 1re instance et à la cour d'appel de Bruxelles de remplir adéquatement leur mission de service public et, en particulier, de pouvoir traiter la cause de l'intimée de manière efficace et dans le délai normal prescrit à l'article 6 § 1 de la Convention (...)".
38. Crim, 28 septembre 2006, P.06.0416.N/1 : "Saisi d'une demande tendant à la réparation d'un dommage causé par une atteinte fautive à un droit consacré par une norme supérieure imposant une obligation à l'Etat, un tribunal de l'ordre judiciaire a le pouvoir de contrôler si le pouvoir législatif a légiféré de manière adéquate ou suffisante pour permettre à l'Etat de respecter cette obligation, lors même que la norme qui la prescrit laisse au législateur un pouvoir d'appréciation quant aux moyens à mettre en œuvre pour en assurer le respect.
En déclarant le demandeur responsable envers la défenderesse en raison de la faute consistant à avoir " omis de légiférer afin de donner au pouvoir judiciaire les moyens nécessaires pour lui permettre d'assurer efficacement le service public de la justice, dans le respect notamment de l'article 6.1 de la Convention (...) de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ", l'arrêt ne méconnaît pas le principe général du droit et ne viole aucune des dispositions que vise le moyen, en cette branche".
39. CEDH, 15 mai 2007, DEPAUW c. Belgique, §.15; voir aussi : CEDH, 27 novembre 2007, RAWAY ET WERA c. Belgique.
40. Crim, 18 février 1998 n°JC982I2_1; crim, 17 mai 2000, n° JC005H3_2; crim, 14 février 2001, P.00.1350.F/27
41. Crim, 8 novembre 2005, P.05.1191.N : "Attendu que l’article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dispose que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ;
Que c’est en règle le juge qui statue sur le bien-fondé des poursuites pénales, qui apprécie si la cause a été examinée dans un délai raisonnable et, en cas de dépassement de ce délai, détermine quelle est la réparation appropriée ;
Que le moyen qui allègue que la réparation de la violation de l’article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales doit également pouvoir être demandée devant les juridictions d’instruction qui ne statuent pas sur le bien-fondé de l’action publique, manque en droit".
42. CEDH, 6 janvier 2010, Vera Fernandez c. Espagne, n°74181/01,§ 109 : " La Cour rappelle qu'à maintes reprises, elle a considéré que les garanties de l'article 6 s'appliquaient à l'ensemble de la procédure, y compris aux phases de l'information préliminaire et de l'instruction judiciaire (voir, notamment, les arrêts Imbrioscia c. Suisse, 24 novembre 1993, § 36, et Pandy c. Belgique, no 13583/02, § 50, 21 septembre 2006) dans la mesure où leur inobservation initiale risque de compromettre gravement le caractère équitable du procès. Il ne faut pas oublier que la Convention a pour but de « protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs » (Airey c. Irlande, 9 octobre 1979, § 24, série A no 32) et que la jurisprudence de la Cour ne se désintéresse pas des phases qui se déroulent avant la procédure de jugement. Ainsi, l'article 6 – spécialement son paragraphe 3 – peut jouer un rôle avant la saisine du juge du fond si, et dans la mesure où, son inobservation initiale risque de compromettre gravement l'équité du procès (Imbrioscia, précité, § 36)".
43. Art. 21ter Code d'instruction criminelle belge: "Si la durée des poursuites pénales dépasse le délai raisonnable, le juge peut prononcer la condamnation par simple déclaration de culpabilité ou prononcer une peine inferieure à la peine minimale
prévue par la loi.
Si le juge prononce la condamnation par simple déclaration de culpabilité, l'inculpé est condamné aux frais et, s'il y a lieu, aux restitutions. La confiscation spéciale est prononcée".
44. CEDH, 9 octobre 2007, Beheyt c. Belgique, no 41881/02: "s’agissant en particulier d’une violation de l’article 6 § 1 du fait de la durée d’une procédure pénale, une atténuation de la peine constitue à cet égard une réparation appropriée dès lors qu’elle est mesurable et substantielle"; pour une application de ce principe où l'Etat belge a échappé à toute condamnation : CEDH, 20 septembre 2011, Ullens de Schooten et Rezabek c. Belgique, §.74.
45. Crim, 16 février 2005, P.04.1428.F/1.
46. CEDH, 27 septembre 2005, De Clerck c. Belgique, §§.85 et 103 : "A titre subsidiaire, la Cour rappelle que dans son arrêt du 8 novembre 2005, la Cour de cassation a confirmé que c'est le juge du fond, et non le juge d'instruction, qui juge si la cause est traitée dans un délai raisonnable et, en cas de dépassement de ce délai, détermine la réparation adéquate (paragraphe 46ci-dessus)".
"Elle note qu'une indemnisation satisfaisante de la part des tribunaux nationaux donnera satisfaction à ceux-ci et supprimera tout motif éventuel de nature à exiger un arrêt de la Cour sur la satisfaction équitable" (§.103)
47. Crim, 4 février 2004, n°P031370F : "Que, lorsque, comme en l'espèce, cette circonstance n'a pas eu d'influence sur l'administration de la preuve ou sur l'exercice des droits de la défense, il peut soit prononcer la condamnation par simple déclaration de culpabilité ou prononcer une peine inférieure à la peine minimale prévue par la loi, conformément à l'article 21ter du titre préliminaire du Code de procédure pénale, soit prononcer une peine prévue par la loi mais réduite de manière réelle et mesurable par rapport à celle qu'il aurait infligée s'il n'avait pas constaté la durée excessive de la procédure
48. CA Bruxelles, 24 février 2010, n° PP.24.02.2010 : dans l'affaire dite "service d'accueil de jour de village n°1 Reine Fabiola", la Cour d'appel de Bruxelles s'était d'ailleurs appuyé sur cet arrêt de cassation : "Réformant sa jurisprudence antérieure, la Cour de cassation a, par son arrêt du 8 avril 2008 (confirmé par l'arrêt du 28 mai 2008 précité, intervenu en la présente cause) décide que l'examen de la violation du délai raisonnable pour juger peut intervenir à chaque stade de la procédure pénale, en ce compris celui de l'instruction".
49. Crim, 28 mai 2008, n°P.08.0216.F/1: "Si cette disposition reconnaît notamment à la personne poursuivie le droit de voir, dons un délai raisonnable, décider du bien-fondé de l'accusation dirigée contre elle, la juridiction ne peut prendre en compte le dépassement éventuel d'un tel délai et ses conséquences que sous l'angle de l'administration de la preuve et du respect des droits de la défense, dès lors qu'elle ne saurait le faire au niveau de l'appréciation de la peine".
50. Crim, 27 octobre 2009, n° P.09.0901: "Ce recours juridique implique que lorsque l'instance nationale visée à cette disposition constate le dépassement du délai raisonnable endéans lequel toute personne a droit au jugement de sa cause, elle est tenue de proposer une réparation en droit adéquate.
3. Aucune disposition conventionnelle ou légale ne prévoit que le dépassement du délai raisonnable visé à l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales entraîne 'irrecevabilité ou l'extinction de l'action publique. Le juge détermine la réparation en droit adéquate au stade de la procédure où il se prononce. Cette réparation en droit peut consister, à ce stade de la procédure, en la simple constatation du dépassement du délai raisonnable, ce dont le juge de renvoi appelé à se prononcer sur le fond devra tenir compte lors de l'appréciation globale de la cause".
51. Crim, 15 septembre 2010, n°P.10.0572.F/1.
52. Crim, 15 septembre 2010, n°P.10.0572.F/1: "En effet, si l’instruction n’est pas clôturée après une année, l’inculpé ou la partie civile peuvent saisir la chambre des mises en accusation pour qu’elle entende le magistrat instructeur ou les parties, demande des rapports sur l’état de l’affaire, délègue un de ses membres, se fasse apporter les pièces, informe ou fasse informer et statue ensuite ce qu’il appartiendra".
53. Crim, 15 septembre 2010, n°P.10.0572.F/1 : "Enfin, la constatation, par la juridiction d’instruction, que le délai raisonnable est dépassé peut constituer une réparation adéquate au bénéfice de l’inculpé néanmoins renvoyé devant la juridiction de jugement. Il appartiendra en effet à celle-ci d’en tirer les conséquences prévues par la loi. La procédure étant appréciée dans son ensemble, le recours ne perd pas son effectivité du seul fait qu’ayant été accueilli avant la saisine du juge du fond, il ne produit ses effets qu’après celle-ci".
54. Crim, 27 octobre 2009, P.09.0901.N/1; crim, 18 janvier 2011, n°P.10.1298.N/1; crim, 6 mars 2013, n°P.12.1980.F.
55. Crim, 19 février 2013, n°P.12.0867.N/1.
56. Crim, 19 février 2013, n°P.12.0867.N/1:
"- les inculpés auront la possibilité d’assurer leur défense à décharge quant à leurs allégations qu’ils ne pourraient plus actuellement étayer leurs positions parce que certaines pièces ne seraient plus disponibles en raison du temps écoulé, que certains témoignages ne seraient plus possibles, qu’ils ne seraient pas entendus à tous égards et qu’ils ne pourraient plus actuellement se souvenir de tout ce qui concerne les faits,
- une instruction minutieuse a été menée par une enquête financière très approfondie et diverses auditions de personnes concernées et de témoins, cette instruction pouvant être contestée devant le juge compétent,
- l’instruction se poursuivra devant le juge du fond et, à l’évidence, les inculpés ont déjà au préalable pu réunir ou rassembler certaines pièces, eu égard à leurs auditions en cours de procédure".
57. CEDH, 6 mars 2012, Giorgio c. Italie, §.57. "En l’espèce, la Cour constate que, en raison de la durée de la procédure litigieuse, le 11 juin 1998, la cour d’appel a déclaré l’extinction du chef d’accusation de corruption pour prescription. Cela a de toute évidence entraîné une diminution de la peine retenue à l’encontre du requérant, d’autant plus que le délit prescrit était assorti de la peine la plus lourde des deux reprochés à l’intéressé, quoique les éléments du dossier ne permettent pas d’apprécier l’importance exacte de cette réduction ni d’éclaircir ultérieurement le lien existant entre la violation du délai raisonnable et celle-ci. La Cour observe également que le requérant a décidé de ne pas renoncer à la prescription, possibilité qui lui était offerte en droit italien (voir Droit interne pertinent, § 42 ci-dessus). Dans ces circonstances, la Cour est de l’opinion que la réduction de la peine en question à tout de moins compensé ou particulièrement réduit les préjudices découlant normalement de la durée excessive de la procédure".
58. Cour d’appel de Paris, 14 oct. 2008, RG n° 07/05042.
59. Cour d'appel de Paris, 19 décembre 2012, RG n°11/12086.
60. CEDH, 10 novembre 2004, Apicella c. Italie, §.26, confirmé en Grande Chambre, le 29/03/2006 :" "En ce qui concerne l’évaluation en équité du dommage moral subi en raison de la durée d’une procédure, la Cour estime qu’une somme variant de 1.000 à 1.500 EUR par année de durée de la procédure (et non pas par année de retard) est une base de départ pour le calcul à effectuer. Le résultat de la procédure nationale (que la partie requérante perde, gagne ou finisse par conclure un règlement amiable) n’a pas d’importance en tant que tel sur le dommage moral subi du fait de la durée de la procédure. (...) Le montant de base sera réduit eu égard au nombre de juridictions qui eurent à statuer pendant la durée de la procédure, au comportement de la partie requérante - notamment du nombre de mois ou d’années liés à des renvois non justifiés imputables à la partie requérante – à l’enjeu du litige – par exemple lorsque l’enjeu patrimonial est peu important pour la partie requérante - et en fonction du niveau de vie du pays".
61. CEDH, 15 mai 2007, De Pauw c. Belgique : "il convient toutefois qu'un rapport raisonnable soit appliqué entre les montants accordés et la somme que la Cour aurait accordée dans des affaires similaires (Scordino c. Italie (déc.), no 36813/97, CEDH 2003 IV ; voir également Riccardi Pizzati c. Italie [GC], no 62361/00, §§ 135 à 138, 29 mars 2006)".