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Mékong : fleuve mythique et voie commerciale


Photographe et reporter indépendant toujours en transit, Lilian Vezin a traversé à pied et en vélo le sous- continent Indien et descendu les rives du Mékong de la région des sources au delta du fleuve. Infatigable voyageur, il est l’auteur des livres "La marche du Prince" et "Retour aux sources" aux Edition Vent du large : www.ventdularge.fr.st


Mékong : fleuve mythique et voie commerciale
Longtemps le Mékong a été un fleuve sans retour. Les voyageurs en rêvent mais pour atteindre ses rives, il faut s’enfoncer dans les profondeurs du continent, dans la jungle au cœur d’un vaste territoire hostile. Morts tragiques et échecs des explorateurs retardent sans fin la possibilité de coucher sur les cartes de géographie les méandres du cours mystérieux. L’idée d’aménager le Mékong n’est pas récente. Une mission française d’exploration dirigée par Doudart de Lagrée espérait ouvrir une voie de communication commerciale avec la Chine et contrer l’impérialisme Britannique. Quittant Saigon le 5 juin 1866, ils abandonnent au Nord du Laos devant des rapides et des chutes infranchissables. Les hommes continuent à pied, s’éloignent du lit du Mékong et arriveront au Yunnan épuisés en décembre 1867. Le capitaine Doudart de Lagrée meurt d’épuisement quelques mois plus tard, victime des fièvres sans avoir réalisé son rêve, découvrir les sources du fleuve. De nos jours encore, dans la seule partie nord laotienne du fleuve, dix naufrages en moyenne se produisent chaque année. Durant la saison sèche (de novembre à mai), les sections au-dessus de Luang Prabang demeurent quasi impraticables, le niveau d’eau tombant à un demi mètre à peine, rendant la navigation impossible. La navigation et le commerce par voie fluviale sur le Mékong s’avéraient donc impossible. C’était sans compter sur la grande puissance Chinoise. La Chine a une longue histoire de grands projets - de la Muraille de Chine au barrage des Trois Gorges - le plus grand barrage du monde. D’une certaine façon, parmi tous les plans chinois visant à "améliorer" le Mékong, la régulation du canal pourrait figurer parmi les moins destructeurs, mais à quel prix…
Depuis quelques années, le commerce entre les provinces du sud de la Chine et le sud-est asiatique a connu une croissance rapide qui n’a fait que s’amplifier avec l’entrée de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce en 2000. En 2001, un service limité, pour les passagers et les marchandises, a été établi entre la province du Yunnan et la ville frontalière Thaïlandaise de Chiang Saen, transformant ce port autrefois endormi en une zone commerciale bouillonnante d’activités, au sein de laquelle des bateaux transportant 150 tonnes de marchandises entrent en concurrence pour l’occupation des quais avec de plus petites péniches transportant traditionnellement du riz et les bateaux des pêcheurs.
A la même époque, le Laos, la Birmanie et la Thaïlande se sont formellement mis d’accord sur des "améliorations" (principalement des dynamitages de hauts fonds) du fleuve. Les trois pays et la Chine signèrent un accord de navigation qui permet aux bateaux battant pavillon d’un des pays signataires de commercer librement le long du Mékong sur 886 kilomètres, du port chinois de Simao au sud du pays jusqu’à Luang Prabang au Laos. Chaque pays s’est engagé également à développer des ports le long du fleuve et à faciliter à la fois le passage des bateaux et les procédures douanières.
Comme ses voisins, le Laos place ses plus grands espoirs dans les perspectives économiques du Mékong. Montagneux et isolé, c’est le pays le plus pauvre de l’Asie du sud-est : la plupart des indicateurs économiques et sociaux le situent en retard d’au moins trente ans sur son voisin thaïlandais. Depuis un siècle, il a souffert du poids de l’impérialisme français, d’un régime communiste très oppressif et de la guerre du Vietnam. Il tente aujourd’hui désespérément de rattraper ce retard. En ouvrant le Mékong à un commerce élargi, il espère bénéficier indirectement du boom économique chinois et émanciper sa population de 5.5 millions d’habitants d’une économie paysanne essentiellement de subsistance. En plus d’être un lien pour le commerce, le Mékong a un extraordinaire potentiel hydroélectrique qui, s’il est pleinement exploité, pourrait faire du Laos "la pile" du sud-est asiatique.

Les investissements chinois au Laos ont atteint 87 millions de dollars en 1999. Le Laos bénéficie également de projets développés et menés par le gouvernement de Pékin à hauteur de 500 millions de dollars, parmi lesquels des stations de télévision par satellite et le projet de construction d’un hôpital à Luang Prabang. Le dynamitage des rapides du fleuve commença quelques années plus tard. Malgré les promesses commerciales, le dragage du Mékong n’offre aujourd’hui que "peu de bénéfices évidents" pour la majorité des résidents laotiens sur le Mékong. La plupart des grands bateaux destinés à emprunter le nouveau canal de navigation appartiennent à la Chine, qui possède des quais et des équipements plus modernes que ses voisins en aval du fleuve. Les villageois au Laos et en Thaïlande craignent que cette marée de bateaux chinois inonde le marché local avec des produits bon marché, des textiles, et d’autres produits d’exportation, qui sont jusqu’à cinq fois moins chers que les produits du cru, sapant ainsi le travail des commerçants et des fermiers locaux. Les résidents et certains représentants officiels du gouvernement se montrent également inquiets pour l’agriculture locale, qui pourrait être encore davantage fragilisée par la modification des courants de la rivière, qui accélérerait l’érosion déjà importante des berges. Sans les récifs et les hauts-fonds, le courant du Mékong risque d’être beaucoup plus fort, et d’autre part les grandes vagues produites par des bateaux énormes risquent de détruire les berges du fleuve. Seules 4% des terres laotiennes peuvent servir à l’agriculture (pour l’essentiel sur les rives du Mékong), et de nombreux fermiers dépendent des rives fertiles et riches en sédiments pour leur récolte annuelle de laitues, de choux et d’autres produits de la terre.
Les observateurs critiques sont aussi inquiets des implications environnementales potentielles des dynamitages et du dragage du Mékong. Une rapide évaluation environnementale, financée par la Chine nia rapidement le moindre dégât sur le fleuve. Des groupes de surveillances étrangères mettent en doute la valeur de cette étude qui fut de nature purement technique. D’autres évaluateurs firent rapidement entendre leurs inquiétudes sur les effets que pourrait avoir le projet sur les pêcheries dans le Mékong, pêcheries qui connaissent déjà un déclin le long de nombreuses sections de la rivière. Les traîtres rapides du Mékong empêchent bien le transport de marchandises sur le fleuve, mais ils offrent surtout un habitat sûr dont dépendent des centaines de poissons qui, lorsqu’ils remontent la rivière pour aller se nourrir et se reproduire en amont, se déplacent en passant rapidement d’un abri à l’autre sous les pierres. Le dynamitage effectué aurait détruit de grandes réserves de frayères. Les rochers et les rapides près de Chiang Khong en Thaïlande sont les seuls lieux de frai du poisson-chat géant, un animal menacé d’extinction qui peut peser plus de 300 kilos et atteindre trois mètres de long. Ils abritent aussi la kai, une algue riche en protéines qui pousse sur les rives du fleuve, et est une source d’alimentation importante pour le poisson et les hommes. En autre, les eaux tumultueuses brisent les branches, les troncs d’arbres et d’autres matières organiques sur la rivière, qui nourrissent ainsi le tissu alimentaire aquatique.

Les pêcheurs locaux et les villageois s’inquiètent surtout des conséquences à long terme de l’altération du fleuve. Le Mékong alimente 80% des protéines consommées dans le bassin du Mékong qui compte une population totale de plus de 65 millions d’habitants. Au Laos, où le poisson demeure la principale source de nourriture, la rivière est une véritable bouée de sauvetage.
Heureusement la Chine ne fait pas toujours la sourde oreille aux cris des écologistes. Dernièrement, la Chine a annoncé qu’elle mettait un frein aux dynamitages, abandonnant le projet de navigation dans son premier état et renonçant à l’élargissement du canal visant à y faire passer les navires de 500 tonnes. Mais de nombreux opposants au projet craignent que ce recul ne signifie pas nécessairement la mort du projet chinois. "Si les autorités chinoises veulent véritablement aboutir ce projet, elles le feront en dépit des toutes les oppositions," affirme Aviva Imhof. Pour elle, le refus de longue date de la Chine d’adhérer à la Commission pour le fleuve Mékong ne peut être que de mauvais augure pour la gouvernance régionale sur la rivière. "C’est l’expansion de l’influence économique de la Chine dans toute la région qui est en jeu," souligne-t-elle. Elle admet néanmoins que la bienveillance dont a fait preuve la Chine à l’égard des demandes de la Commission, qui exige une nouvelle évaluation des impacts, est un bon signe.
Bien que le projet de navigation soit pour l’instant repoussé, la Chine a de nombreux autres projets de modification du fleuve en réserve pour ses voisins en aval. Comme pour le projet de barrage des Trois Gorges, une controverse se trame au sujet des projets de construction d’au moins huit barrages le long du fleuve Mékong dans le sud de la Chine - des projets qui pourraient avoir des conséquences encore plus importantes pour la vie, la pêche et le niveau des eaux en aval du fleuve. Durant la saison sèche, le fleuve dépend presque entièrement de la fonte des glaciers situés en Chine. Construire des barrages sur le Mékong perturberait son cycle naturel de crues, bloquerait la migration des sédiments vers les plaines fertiles en aval, et rendrait encore plus difficile la synchronisation par les fermiers riverains des activités agricoles. Avec deux barrages déjà construits et un troisième prévu pour 2012, les villageois constatent déjà des fluctuations importantes du niveau des eaux. Durant la saison sèche, en décembre dernier, des villages thaïlandais ont vu leurs parcelles de légumes détruites par des inondations inattendues - qui se produisirent peu après que la Chine eut ouvert les vannes d’un de ses barrages en amont afin de faire monter le niveau des eaux pour la navigation des bateaux de marchandise. Les critiques reprochent à la Chine de ne pas toujours informer les pays en aval de l’arrivée de ces crues artificielles. Mais sa non-appartenance à la Commission du fleuve lui permet d’en décider comme elle l’entend. L’année dernière, la Chine a signé un accord avec les membres de l’Association des pays du sud-est asiatique dans l’optique de la création de la plus grande zone de libre-échange du monde. L’intérêt de la Chine, qui est de soutenir son fort taux de croissance économique, pourrait hélas s’avérer incompatible avec les intérêts des habitants des rives du Mékong.
L’avenir du Mékong dépendra de la capacité des Etats à gérer ensemble ses ressources. Les évolutions de ce fleuve, hier encore tropical et mythique et promis demain à une domestication utilitaire, ne doivent pas se faire à marche forcée. Le temps de la réflexion est compté, les pays engagés dans la modernisation de leurs économies n’ont qu’une idée en tête : rattraper leur retard au plus vite… une prise de conscience est nécessaire. Elle commence à se faire, lentement, mais le Mékong n’est pas près de reprendre son long cours tranquille.


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Rédigé par unventdularge@yahoo.fr, le Mardi 9 Septembre 2008 et lu 9877 fois.

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