Soyez ravis par vos enfants!

Balayer devant sa porte...

Je viens vous faire part d'une expérience qui m'a un peu stupéfaite.


Erwan a 3 ans, et cela fait à peu près 1 an et demi que nous vivons au
rythme de ses violentes colères. A certaines périodes, il y a une crise par
jour qui peut durer 1 heure, avec une impossibilité totale de le consoler,
de le prendre dans les bras. Il se roule par terre, casse tout ce qui se
trouve autour de lui, hurle "s'en va maman", je m'en vais, puis hurle à
nouveau "maman, viens" je reviens, etc, sans fin. Par moments je finis par
me demander s'il ne présente pas des troubles psycho, style bi-polarité.
Je passe par tous les états : vouloir l'aider, le comprendre, écouter ses
peurs, ses colères (après la lecture de Solter) mais sans succès. Puis
impuissance, raz le bol, rejet, puis ma propre colère, pétages de plombs
énormes et démesurés, fessées violentes jusqu'à défoulement complet,
hurlements agressifs, menaces, haine. Au début dans la culpabilité. Puis
voyant que je n'arrive à rien je finis par m'avouer vaincue, je me sens
alors malheureuse, nulle d'avoir prôné de belles idées pour la non-violence,
d'avoir imaginé pouvoir réussir là ou ma mère a échoué, je vais finalement
bien plus loin qu'elle dans la violence ! Beurk, je me dégoûte, je ne m'aime
pas, mais pas du tout, quelle honte !!

Deuxième phase, plus aucune culpabilité, je frappe quand ça m'énerve, je
suis résignée, je me dis " de toute façon, je le savais, y'a pas d'autre
issue que celle-là, foutaise que la non violence, gna-gna-gna, que des
conneries, principes d'intellectuels de gauche, utopies..." je me suis
blindée, murée, et pendant une période tout devient plus léger, je ne
cherche plus à comprendre mon sale gosse, ça ne me rapporte rien, donc hop,
je fais simple : "tu gueules, je tape". Bien sûr les crises ne s'arrêtent
pas, mais moi je prends de la distance affective, par moments j'en arrive
même à ne plus rien éprouver pour ce petit bonhomme.
Je suis en thérapie depuis presque 1 an, et j'évoque souvent ce genre de
difficultés avec le thérapeute, il y a des hauts, des bas, des moments
d'espoir où je reprends confiance en ma capacité à être mère, et des
moments, le plus souvent où je continue de hurler, vociférer, taper, être
méchante.

Il y a un mois, lors d'une séance de thérapie, j'en ai tellement marre de tout ça , je veux tellement avancer, changer ma vie, je me trouve tellement
loin de moi parfois, bref, je trouve un peu de courage et de volonté, ce qui
me coûte énormément, et j'accepte enfin, accompagnée par le thérapeute, de
regarder tout ça d'un peu plus près. J'arrive un peu à lâcher mon contrôle
sur moi, ma colère se transforme en tristesse et je pleure. La séance
suivante est de la même teneur, je décide de m'abandonner, quand même avec
beaucoup de mal car la fierté, l'orgueil sont des entraves, mais je me sens
trop fatiguée pour continuer de résister et vouloir à tout prix calfeutrer
mes failles, masquer mes faiblesses. Je continue d'accepter, doucement, de
me sentir faible, blessée, ma colère tombe, mes résistances vacillent, je
rentre dans le chagrin et je pleure à nouveau profondément.

Et voilà ce qui me stupéfait... quasiment instantanément, c'est à dire après
la première séance, Erwan change, fondamentalement, sans que je n'y fasse
rien, tout s'opère sans ma volonté ! Je note ce parallèle incroyable, il
fait le même chemin que moi, comme si le fait de libérer mes véritables
émotions lui permet de libérer les siennes, comme un miroir. A son tour il
parvient à transformer ses colères en chagrins profonds, avec des larmes
réparatrices. Il accepte désormais d'être aidé, consolé, pris dans les bras
(ce qu'en thérapie j'expérimente moi aussi au prix de coûteux efforts), il
exprime beaucoup plus clairement ses besoins affectifs, accepte de
reconnaître son chagrin, sa tristesse (ce que j'apprends à faire moi aussi),
il devient incroyablement... heureux je crois, épanoui, et cette
transformation s'accompagne de multiples autres petits changements : il joue
davantage, utilise son imaginaire, sa créativité, s'oppose beaucoup moins.
Il y a bien sûr toujours des conflits, des désaccords, mais il se montre
incroyablement coopératif et compréhensif, il propose des solutions de
résolution de conflits, il réclame des câlins, beaucoup de câlins, et même
des massages, dit qu'il m'aime, qu'il aime papa, son petit frère... lui qui
refusait tout contact physique, ne supportait pas qu'on le touche, qu'on le
caresse depuis tout petit. Je suis abasourdie, son père encore plus !

Après cette expérience, j'en suis venue à cette conclusion que la meilleure
voie pour aider son enfant est de commencer par nettoyer devant chez soi, et
d'une façon surpenante, les choses semblent se décanter d'elles-mêmes.




Tout reste cependant fragile, car depuis une semaine, ses colères reviennent
en force, et je retrouve un peu des symptômes de l'époque. Mais je n'ai pas
à chercher loin cette fois, je suis moi-même de nouveau dure avec moi,
irritable, à la fois triste et en colère, sans savoir vraiment pourquoi,
après une séance de thérapie particulièrement douloureuse la semaine
dernière, où là j'ai vraiment tout lâché avec un souvenir flash de moi bébé,
seule à l'hôpital loin de ma mère, personne pour me consoler, alors je me
blinde, je me console toute seule, je me dis que je ne peux compter sur ma
mère, je hurle, je pleure, mais elle ne vient pas, et pour cause, elle est
hospitalisée pour anémie après ma naissance, et le bébé que j'étais finit
par refuser de s'alimenter.


Cette séance ayant été particulièrement bouleversante et remuante, je me
limite à constater simplement ce qui se passe de nouveau avec Erwan,
j'essaie de ne pas m'auto-flageller lorsque je me remets, parfois, à hurler
ou à taper, je sais que je suis en chemin, et j'espère, encore, avancer
pour l'aider.

J'ai l'idée aussi que chaque enfant nous apporte de quoi bosser !! Erwan m'a
aidé en quelque sorte à recontacter mes émotions profondes, mon chagrin. Et
il me semble après cette dernière séance de thérapie que c'est mon deuxième
bonhomme (Robin, 16 mois) qui m'apporte de quoi bosser sur le sentiment
d'abandon, lui qui depuis la naissance est scotché à moi comme un koala, a
une peur de l'abandon viscérale, m'exaspère et m'étouffe bien sûr avec ses
demandes continuelles auxquelles je réponds de plus en plus souvent par de
l'agacement, de la colère... peut-être me faut-il, comme pour Erwan, aller
voir un peu plus loin là aussi ma propre douleur de bébé liée à l'abandon ?
Une piste à suivre...

Voilà, je voulais vous faire partager mon expérience, comme je sais que ce
sujet sur les colères est souvent traité ici. J'espère que cela pourra
profiter à d'autres.

Rédigé par B R le Lundi 29 Novembre 2004 à 00:00 | Lu 5568 fois