2010 : la beauté plastique, est-elle toujours aussi fantastique ?
Marjorie Rafécas
Le dossier « Qu’est-ce qu’être beau » de Philosophie Magazine ne pouvait passer inaperçu aux prémices de l’été. C’est une vraie question, tant nous sommes canardés d’injonctions de minceur, de jeunesse, de seins pulpeux… Nous nageons en plein conformisme esthétique, alors que notre société regorge d’individualisme, n’est-ce pas en définitive complètement paradoxal ?
Autre question que soulève l’article de Gwenaëlle Aubry (p. 49 du même numéro), la laideur active peut être plus belle que la beauté figée… L’auteur donne l’exemple de Socrate et Gainsbourg, qui séduisent par leur vitalité et leur mouvement. Comme disait Plotin, « Un homme laid, s’il est vivant, sera toujours plus beau que la plus belle des statues ». Certes, la vie sera toujours plus belle que la mort… Car poussée à l’extrême, la beauté parfaite n’est ni plus ni moins que la négation de la vie. Refuser de vieillir, c’est tout simplement refuser le temps et ses effets. Or la vie sans le temps, est-ce toujours la vie ? Vouloir figer ses traits, n’est-ce pas une façon de nier une partie de soi ?
Bref, vous me direz que tout cela est bien beau comme discours, mais pas très pragmatique et surtout peu réaliste, car les « beaux » réussissent mieux que les « laids » dans la vie. Et qu’il faut être plus talentueux quand on est laid… Alors faut-il rejeter vraiment la beauté plastique ? Ainsi que la chirurgie esthétique pour corriger les inégalités naturelles ? Ok, ok… Mais les canons de beauté n’ont pas toujours été les mêmes selon les époques. Ainsi, il serait temps d’accepter une part de polythéisme dans nos critères esthétiques ! D’ailleurs même les magazines de mode font le même constat. Pardonnez-moi par exemple d’avoir lu Grazia :-) et d’avoir déniché un article intéressant sur la mode : « l’éthique au secours du chic » d’Adrienne Ribes-Tiphaine, qui s’indigne contre le porno chic et la mode facile « Overdose de seins dévoilés et de fesses affichées », « trop de platform shoes d’épaules agressives, de lolitas lascives ». « Tant de ressources, de résonances, d’idées cachées sous les poncifs imposés par le fric et le conformisme. Adieu les idéologues, voici le temps des archéologues du présent, connaisseurs du passé, passionnés d’avenir. Il y a de l’être au-delà du paraître, cela aurait pu faire un sujet au bac » ! Comme quoi, la mode et la philosophie peuvent parfois se rejoindre.
Retenons donc le message : Vivent les archéologues du passé et du futur ! Vivent le temps et le rythme !
Il y a donc de l’être au-delà du paraître, une phrase à méditer sur le sable chaud où s’étirent des corps dénudés désireux de rejoindre le conformisme du ton hâlé…
Pour en savoir plus :
- Philosophie Magazine n°40, juin 2010
- Grazia du 16-22 juillet 2010 (p. 62)