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"Huna El Djazair", une émission de "Echourouq.TV", nous apprend que « Matoub Lounès était croyant …! »

02/02/2016 - 16:26

ALGÉRIE (SIWEL) — Il est des situations qui ne se prêtent pas à commentaires tant elles sont par elles-mêmes plus éloquentes que n’importe quel discours. Néanmoins, ce n’est pas une raison pour passer certaines choses « sous silence » au risque que cela vous reste sur le cœur…

Au cours de l’émission « Huna El Djazair » réalisé par la chaine arabo-islamiste Echourouk.TV avec la sœur de Matoub Lounès, on apprend stupéfaits que Matoub Lounès était un « croyant » ... on apprend également de la bouche de sa sœur que « La religion, à la maison c’était quelque chose qui faisait partie du quotidien »…

Voilà des « révélations » qui méritent bien que l’on y revienne, sauf si les contemporains de Lounès, ceux qui l'ont côtoyés, ceux qui ont vécus avec lui, ceux qui l'ont connus, acceptent tous de se faire parjures….

La vidéo est... à voir !


"Huna El Djadair", une émission de "Echourouq.TV", où l'on apprend stupéfaits que « Matoub Lounès était croyant …! »
"Huna El Djadair", une émission de "Echourouq.TV", où l'on apprend stupéfaits que « Matoub Lounès était croyant …! »
Commençons d’abord par placer le décor qui n'est pas des plus anodins. En effet, la «chose» se passe au cours d’une émission de télévision en arabe sur une TV que l’on ne présente plus aux kabyles : « Echourouq.TV »… Déjà, le choix de l’inénarrable chaine arabo-islamiste antikabyle noitoire comme canal d’expression pour parler de Matoub Lounès donne, comme qui dirait, un avant-gout général… de la suite !

Dans un arabe digne du «temps béni» des Foutouhates (conquêtes islamiques), l’animateur présente son émission intitulée «Huna El DJazaiar» et dont le thème est consacrée cette fois-ci à Matoub Lounès… un symbole du « peuple algérien » (sic), un homme enlevé par «des groupes armés», libéré puis finalement assassiné par des "groupes armés"… ce qui a entraîné une émotion «nationale», pas seulement «fi mintaqatahu» ( dans sa région, ndlr) précise l'animateur avec insistance, mais on dit bien à l'échelle nationale, «3ala mintaqa wataniyya»...

L’animateur tourne ainsi en rond un bon moment et insiste lourdement sur la dimension "nationale" du symbole "algérien" qu’à été Matoub Lounès et pas celui de seulement «mintaqatathu»… !

Voilà le décor bien planté. Il est "national" et "algérien" et que l’on ne s’y trompe pas...

Puis l’animateur arabo-islamiste de la chaine arabo-islamiste présente la sœur du Rebelle kabyle qui aurait eu 60 ans, si l’arabo-islamisme ne l’avait assassiné... (sic !)

Il parle encore un peu de Matoub Lounès, symbole de "toute l’Algérie" et pas que de «sa région», et il passe la parole à la sœur Malika.

Malika Boukhtouche, présidente de la fondation Matoub Lounès prend alors la parole et s’exprime vaillamment en arabe, cherchant parfois ses mots mais l’honneur est sauf, la sœur du Rebelle kabyle a parlé dans la langue de son pays : la langue Arabe...

Malika raconte donc son frère en arabe, elle parle de l’engagement de Lounès, de sa personnalité. Elle dit qu’il ne craignait rien ni personne, qu’il ne craignait que lui-même… qu’il n’avait pas de limites (En tout cas, les limites de Taqvaylit, le code d'honneur kabyle, Matoub Lounès les connaissait bien et ne les transgressait jamais).

Sur cette question d'être "sans limite", "sans ligne rouge" (ndlr, dans l'émission: el khatt el ahmar), l'animateur reviendra à la charge pour dire que «c'est peut-être pour ça que "les algériens" n'avaient pas compris "certains propos" de Lounès Matoub sur lesquels on reviendra plus tard» ... on laisse à nos lecteurs le soin de deviner de quels propos parle l'animateur ...

A un moment la sœur du Rebelle Kabyle dit que la famille, ses parents savaient que Lounès ne leur appartenait pas et lui-même le disait : j’appartiens à mon combat, à mon peuple...

Mais l’animateur revient à la charge, il insiste sur l’absence de limites de Lounès… et rappelle que Lounès était contre le pouvoir et les islamistes. Malika répond que même dans la mouvance amazighe, Lounès n’épargnait personne… ce qui est vrai et d'ailleurs on ose à peine imaginer ce qu’il aurait dit dans ce cas précis et dans quelques autres tels que les festivals arabo-africains à Tizi-Ouzou de Ould Ali Lhadi, les capitales de la culture arabe de Khalida Messaoudi, les "amis de Bouteflika" ou les tendres embrassades avec les islamistes de l'AIS et du GIA etc.,

Voilà que l’animateur arabo-islamiste d'Echourouk.TV en arrive enfin à l'enlèvement du Rebelle en 1994 par des groupes terroristes et là il pose enfin la question qui lui démange la langue depuis le début de l'émission : quel rapport avait Matoub Lounès à la religion? à l'islam ?...

Et la sœur du Rebelle qui répond : « Parlant de la religion, que disait Lounès : la religion que j’ai apprise je l’ai apprise au village. J’ai pas besoin que quelqu’un me montre le droit chemin… ça je l’ai appris dans mon village »

Puis Malika Boukhtouche dit textuellement : …« avant son enlèvement que disait Lounès à propos de la religion : il disait moi la religion que j’ai apprise, je ne l’ai pas apprise dans les livres mais dans mon village  » (elle emploie le terme de Ddechra), … « c’est une pratique au quotidien, j’ai pas besoin que quelqu’un vienne me dire les essentiels : faire le bien, la charité, dire la vérité,… il disait, « moi de mon point de vue, Rebbi Subhanu, chacun va vers lui par son propre chemin, entre chez lui par une porte...»

Puis elle rajoute encore « Il a dit la religion musulmane est la seule religion qui n’a pas d’intermédiaire… il disait, chez les chrétiens, il y avait le pape et le clergé mais dans l’islam le message est direct, tu faxes directement à dieu, il n’y a pas d’intermédiaires… donc Matoub disait je n’ai pas besoin d’intermédiaire entre moi et mon créateur ».....

Non satisfait des réponses, l’animateur fait durer le supplice et revient à la charge pour dit-il « bien expliquer aux téléspectateurs la relation de Matoub Lounès avec Dieu, avec l’Islam » dit-il « parce que c’est une question importante… »

Voyant que la sœur tente d'éviter le sujet par des tours de passe-passe sur le bien et le mal, la dechra etc, l'animateur d'Echourouk.TV prend le taureau par les cornes et va droit au but : « Alors puisque vous êtes là, on va éclaircir toute cette histoire de son rapport avec Dieu, puisque bien sûr, il n’est pas question de le juger ici puisqu’il est mor»et du coup, on se demande sa réaction s’il avait été effectivement vivant et qu'il voyait ça de ses propres yeux ...

Il interpelle la sœur sur ce qu’avait dit Lounès dans des vidéos et sur des chaines de TV française , sur le fait qu’il ait dit «je ne suis pas arabe, je ne suis pas obligé d’être musulman » sur le fait qu'il ait parodié la religion avec des textes comme « Allah Ouakbar… ».

Malika tente d'expliquer que dans la chanson Allah Ouakbar, ce n'est pas la religion qui est visée mais la langue arabe qui est divinisée. Ensuite, elle justifie la chanson en disant : « Mais nous en Algérie, la question amazighe a toujours été bloquée et la réponse a toujours été l’arabe est la langue de l’islam…. », ensuite elle explique que « 99% des kabyles sont musulmans », puis elle ressort toutes les expression populaires utilisées par le Rebelle du genre « ttfegh di Rebbi », a«  Rebbi ahnin », etc.. tout ça pour expliquer que Matoub Lounès était contre « l’instrumentalisation de l’islam qui appartient à la société collective, comme il était aussi contre l’instrumentalisation de Tamazight »... passons sur la mise en parallèle de Tamazigh et de l'islamisme (on se souvient encore de l'islamiste terroriste Hachani évoqué en parallèle avec Lounès Matoub)

L’animateur revient encore à la charge : « Mais au niveau familial. Est-ce que vous discutiez de religion ?  » et là Malika Boukhtouche répond encore : « eh bien, le jour de l’aïd, il achetait le mouton par exemple mais on ne voyait la viande que ce jour-là, c’était tout pour le village… »,

Puis de guerre lasse, la sœur Malika lache : « La religion, à la maison c’était quelque chose qui faisait partie du quotidien »… La Soeur du Rebelle kabyle dit même que « dans les maquis, quand les terroristes lui ont dit, fais avec nous la prière. Il a fait la prière avec eux »

….Puis pour éviter de répondre franchement à la question, Malika revient encore une fois sur les généralités du rapport de l’individu avec Dieu dans l'islam et se lance dans un débat sur « qui a donné l’autorisation à un individu de se positionner en intermédiaire avec Dieu? »« C’est cela le fond du problème ? !!!  »...explique-t-elle encore

Elle parle ensuite de la guerre que se font les musulmans, entre chiites et sunnites. Pourquoi dit-elle, ils sont tous musulmans non ? puis elle bifurque sur les droits de l’homme...

Mais le journaliste qui connait parfaitement la partition Islam, islamisme, Sunnites, Chiites etc, et qui considère à juste titre que cela ne relève pas des histoires kabyles, il revient à la charge sur Matoub Lounès « qui était perçu comme hostile à la religion !  »ce à quoi la soeur Malika répond que « si quelqu’un peut expliquer ses chansons, il comprendra que Lounès Matoub n’était pas contre la religion »


Toujours est-il qu'au terme d'une laborieuse gymnastique, la sœur Malika répond mais sans convaincre son interlocuteur qui reste finalement sur sa faim... et du coup, nous aussi !

Parce que finalement, et au vu des nouvelles de cette émission, tous les kabyles aimeraient savoir Quel rapport avait Matoub Lounès avec l'Islam, la religion ? ...

... car si comme le précise la sœur Malika «La religion, à la maison c’était quelque chose qui faisait partie du quotidien»

...dans ce cas:
Matoub Lounès faisait-il le ramadan ?
Matoub Lounès faisait-il la prière ?
Matoub Lounès mangeait-il du porc ?
Matoub Lounès mangeait-il hallal ?
Matoub Lounès buvait-il du vin, de la bière, du whisky ?
Matoub Lounès a-t-il un jour déclaré être "musulman" ?

Le reste de l'émission est consacré à l’assassinat proprement dit du Rebelle, à ses commanditaires, à ses exécutants, à l'enquête etc,. Et c’est de nouveau l’histoire du "RCD", de "Nordine Ait-Hamouda", du "GIA", de "qui tue qui" ou de "qui a fait tuer qui" ? etc,.. le tout sachant que le verdict populaire est connu de tous les kabyles depuis longtemps : S'il y a bien une certitude, c'est que c'est bien l'Etat algérien qui a fait assassiner Matoub Lounès. Et s'il reste à déterminer les acteurs et les rôles précis des uns et des autres, ce n'est certainement pas dans le cadre d'une émission de "Huna el Djazair", diffusée par une TV arabo-islamique, que le nuage va s'éclaircir, ni encore moins dans le cadre de l'Algérie qui enquêterait sur son propre crime...

zp/wbw
SIWEL 021626 FEV 16



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