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Lhacène Ziani, Vice-Président du GPK : " Une reconnaissance de la Kabylie par les Nations unies est un gage de stabilité pour l’Afrique du nord"

09/11/2015 - 14:28

MONTREAL (SIWEL) — M. Lhacène Ziani, homme politique, poète et écrivain en langue kabyle est vice-Président du Gouvernement provisoire kabyle et représentant de l’Anavad (GPK) en Amérique du Nord. Siwel est allé à sa rencontre après les derniers évènements qui ont émaillé l’actualité kabyle, notamment le lever du drapeau kabyle devant le siège de l’ONU à New York et l’intervention du Maroc à la 70è session de l’ONU en faveur du droit du peuple kabyle à l’autodétermination


Lahcène Ziani avec Ferhat Mehenni lors de la levée du drapeau kabyle à New York
Lahcène Ziani avec Ferhat Mehenni lors de la levée du drapeau kabyle à New York
Siwel : Le 11 octobre dernier, avec le président de l’Anavad qui s’est déplacé en Amérique du Nord pour l’occasion, vous avez procédé au lever du drapeau kabyle face au siège de l’ONU. La symbolique est très forte et n’a pas manqué de faire réagir l’oligarchie algérienne. Quelle lecture en faites-vous ?

Lhacène Ziani : Pour remettre la cérémonie dans son contexte, j’aimerais rappeler que le lever du drapeau devant le siège des Nations unies n’était pas un acte fortuit mais plutôt une action largement concertée. Il faisait partie d’une stratégie tracée en Conseil des ministres pour couronner l’étape préliminaire qui consistait en l’organisation de notre mission et en la réappropriation de nos symboles et pour enclencher immédiatement sur l’instauration proprement dite de l’État kabyle.

L’événement se voulait donc à la mesure des attentes à savoir, d’abord présenter définitivement notre drapeau au monde entier d’où le choix ‘’face au siège de l’ONU’’; ensuite, il fallait rassembler des Kabyles en provenance des quatre coins du monde, ce qui fut fait puisqu’ils sont venus de Kabylie, d’Afrique du sud, de Suisse, de France, d’Allemagne, du Canada et de plusieurs États des USA; Enfin, le coup d’envoi devait être donné par le Président du GPK en personne. Je réitère, à l’occasion, mes félicitations à tous ainsi que mes remerciements tout particuliers au staff MAK-GPK d’Amérique du Nord qui a organisé minutieusement la cérémonie et la conférence assurée la veille par le président Ferhat Mehenni la veille .

Cela a produit, comme vous avez pu le constater, l’effet d’un séisme quasi planétaire dont l’épicentre se situe à Alger, au voisinage d’El-Mouradia. Dans la panique, le régime algérien a délégué comme à l’accoutumé un Kabyle de service, Ahmed Ouyahia, pour crier au loup. Ma première réaction fut : «ya weyyak a Hmed» pour dire «Ahmed réveille-toi». Se demande-t-il seulement pourquoi des cadres kabyles du FLN ont été assassinés de tous les temps et que des généraux kabyles récemment emprisonnés ou limogés? Faut-il en rire?

Pour en revenir aux effets de notre événement, c’est le désarroi dans les rangs du régime. Nul doute, affronter l’ONU sachant qu’on est dans ses torts n’est pas une sinécure. On comprend donc aisément sa stupéfaction…

Siwel : Dans la foulée, le Maroc en a rajouté une couche en demandant à ce que l’ONU inscrive à son agenda le droit du peuple kabyle à son autodétermination. L’Algérie semble tétanisée et fait mine de rien. Que cache ce silence alors que l’Etat algérien use habituellement de la fameuse «main étrangère» contre la Kabylie ?

Lhacène Ziani : Personnellement, je ne suis pas du tout surpris par la proposition du Maroc. Il est clair que cela arriverait un jour ou l’autre pour le peu qu’on considère l’arrogance des dirigeants algériens et leurs multiples ingérences dans les affaires marocaines.

Ceci dit, les diplomates marocains ont vraiment fait preuve de lucidité. En effet, conscients de la légitimité de la cause et de l’énergie humaine que recèle la Kabylie, il est intelligent et tout à fait réaliste de composer avec cette dernière. Il faut également souligner qu’une reconnaissance de la Kabylie par les Nations unies est un gage de stabilité pour l’Afrique du nord. Ne pas œuvrer dans le sens de cette stabilité pacifique, c’est opter pour son corollaire immédiat qui est la violence!
Par ailleurs, faut-il rappeler que chez nos voisins Marocains, Tamazight est langue officielle avec une académie et d’autres mécanismes pour son développement. Quoi qu’on dise, la volonté politique de se réconcilier avec leur histoire et leur société est affirmée.

Quant aux démagogues algériens, ils sont tout simplement à cours de formules et de raccourcis pour porter l’anathème sur toute contestation. Par exemple, le slogan ‘’main étrangère’’ est non seulement usé mais dénoterait de nos jours leur faiblesse devant les services étrangers. Pour anecdote, le slogan ‘’main étrangère’’ fut une devise du gouvernorat général en Algérie de 1954. Ce dernier en usait habilement à l’époque pour expliquer aux Français de France que sa responsabilité est limitée aux activités internes et que tout ce qui pouvait provenir de la main de l’étranger est l’affaire de la métropole. Et, machinalement à l’indépendance, les gouvernants algériens ont repris maladroitement le slogan à leur compte qui, au lieu de les servir les discrédite car ils avouent par là une grosse faille.

Enfin, la vérité rattrape tout le monde : en premier lieu, le régime algérien qui a signé la fameuse déclaration internationale selon laquelle chaque peuple a doit à son autodétermination; en second lieu, l’ONU, elle-même, qui n’a aucun échappatoire puisqu’elle est interpellée par ses propres membres; et bien entendu toute la classe politique algérienne surprise par l’incontestable légalité qui soutient la souveraineté de la Kabylie.Comme quoi, on ne peut pas subjuguer indéfiniment un peuple!

Quant au silence de façade en Algérie, il s’explique comme suit : les dirigeants sont éberlués par le coup reçu en pleine face et ne savent plus où donner de la tête; ils n’ont d’autre choix que de se recroqueviller sur eux-mêmes pour éviter le K.O technique; ils usent de leurs derniers atouts pour faire taire la presse ainsi que tous leurs satellites.

Mais ce silence ne saura durer car i n’est qu’apparent, le chaudron bouillonne et le couvercle sautera sous peu. Cela prendra seulement le temps que les uns et les autres reviennent de leurs émotions. J’en suis persuadé. J’avais affirmé d’ailleurs lors de la conférence du président Ferhat Mehenni à New York que nous célébrerons le 20 avril prochain d’une façon inédite car l’Algérie ne sera plus celle qu’on connait aujourd’hui.

Siwel : Le président de l’Anavad, Ferhat Mehenni s’est félicité de cet appui marocain en considérant qu’un pas important venait d’être franchi ? Quel est votre avis sur la question ?

Lhacène Ziani : C’est effectivement un pas de géant qui vient d’être franchi. Nous l’accueillons avec honneur et gloire car cet appui ne fait pas seulement avancer notre cause; il le fait surtout par la voie pacifique que le président Mehenni a toujours privilégiée. De plus, ce choix a toutes les chances d’être fédérateur puisque l’écrasante majorité des souverainistes Kabyles se trouve confortable dans une démarche légale et non violente.

Siwel : M. le vice-président, vous êtes également en charge des relations avec les organisations kabyles partisanes. Le FFS et le RCD officiels n’ont pas réagi aux déclarations marocaines. Cependant, l'ancien député du RCD, Nordine Ait-Hamouda, a défendu Ferhat Mehenni après l’offensive d’Ahmed Ouyahia contre le président de l’Anavad. Comment interprétez-vous ce silence et pensez-vous que des rapprochements puissent se faire entre ces formations kabyles et le MAK-GPK ?

Lhacène Ziani : Je me fais, tout d’abord, un immense plaisir de saluer mon ami Nordine Ait Hamouda que je connais depuis 40 ans et que je remercie, encore une fois infiniment, de m’avoir bien introduit dans le milieu artistique kabyle à Alger. Je retiens de Nordine un homme constant dont les positions à notre égard sont bienveillantes et respectables. Il a démontré à certaines occasions, notamment au sein de l’assemblée algérienne, que lorsqu’il s’agit de la Kabylie, il peut mettre de côté les passions partisanes. Rappelons-nous sa réaction lorsqu’un député arabo-islamiste a proposé de déchoir le monument Hocine Ait Ahmed de sa nationalité. Quant à Ferhat qu’il avait également côtoyé de longue date, il l’a défendu à mainte reprises.

Pour revenir à mes relations avec les organisations kabyles, je travaille sur un vaste programme de médiation. J’ai déjà approché plusieurs groupes et personnalités et même lancé un appel à la convergence sur un plateau de BRTV, il y a déjà quelques mois. Je pense qu’une façon utile et réaliste de rassembler les forces agissantes kabyles est de constituer un parlement, soit une instance démocratique qui orientera l’avenir de la Kabylie. La démarche globale consiste à appeler toutes ces composantes kabyles à se constituer en groupes de réflexion pour élaborer des propositions notamment sur la mise en place et la mission du futur parlement. Ces groupes se retrouveront en congrès pour finaliser leurs travaux et entreprendre la phase de réalisation.

À cet effet, le premier groupe de réflexion à Québec et dénommé Ta&rast (ruche) publiera un site Web dédié au dit parlement dans deux semaines avec toutes les explications sur le sujet. Bien entendu, cet outil quoique très puissant vous le verrez bien, aura besoin de la participation de tous pour l’alimenter. Le plus grand défi reste l’adhésion significative des kabyles à ce projet. L’équipe est à pied d’œuvre pour aider les groupes de réflexion à se constituer aux quatre coins du monde. Personnellement, j’ai amorcé les contacts avec objectif de rencontrer le plus grand nombre de cadres politiques kabyles avant le printemps 2016.

Siwel : M. le vice-président, si nous devions prévoir l'aboutissement à un référendum d'autodétermination de la Kabylie, à moyenne ou brève échéance, pensez-vous que la Kabylie sera en mesure de relever le défi avec toute la destruction sociale dont elle est victime depuis près d'un demi siècle ?

Lhacène Ziani : L’entreprise de déstructuration systématique de la Kabylie remonte aussi loin que l’on veuille fouiller dans la mémoire. Elle continue de sévir autant sur le plan culturel et linguistique que sur le plan socio-économique. L’arabo-islamisme en fait son art. Soyons réalistes, n’attendons pas du miel de la guêpe!

Cependant, la solution est à portée de main. Elle ne tient qu’à la lucidité des kabyles eux-mêmes. Si le désir de dignité collective l’emporte sur les considérations partisanes et personnelles, la souveraineté se fera sur un clic de doigts. Le vrai défi est donc à ce niveau : rassembler les Kabyles autour de la question de vie et de mort de la Kabylie. La faisabilité du projet n’a besoin que d’une étincelle; elle sera garantie dès lors qu’un groupe formé d’un élément par courant politique s’assoie pour seulement poser le problème dans toutes ses dimensions. Nous y travaillons sans relâche et je suis très optimiste car je n’ai rencontré que des accueils favorables. Je compte sur beaucoup d’amis dans tous les courants politiques kabyles pour œuvrer à réaliser un consensus le plus rapidement possible.

Parallèlement, la machine tourne à plein régime sur le plan international. En Amérique du nord, par exemple, notre coordination travaille d’arrache-pied pour obtenir des appuis de plus en plus solides.

Si nous partons donc avec toutes ces bonnes intentions, le référendum ne sera qu’une formalité pour entériner le consensus. Pour cela, j’aimerais dire à nos jeunes que les nuances politiques ne doivent jamais l’emporter sur l’essentiel que constitue la Kabylie. Prenons garde : la souveraineté n’est ni à droite, ni à gauche; elle est en avant!


Siwel : M. le vice-président, pour clore cette rencontre, avez-vous d’autres bonnes nouvelles à nous annoncer?

Lhacène Ziani : Les travaux d’édification du futur parlement kabyle vont très bon train. Vous en aurez de bonnes nouvelles à la fin du mois courant. Toujours en Amérique du nord, nous tiendrons un pré congrès du MAK les 28 et 29 novembre. Le président Ferhat Mehenni sera de la partie. Sa présence stimule beaucoup la communauté. Nous saisirons l’opportunité pour tracer un programme d’action et pour lui faire rencontrer des personnalités politiques canadiennes et américaines.

Je vous remercie.


Propos recueillis par SIWEL




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