ARELACOR

"Je sens venir l'hiver de qui la froide haleine

D'une tremblante horreur fait hérisser ma peau..."



On se rappelle combien ce sonnet de Joachim du Bellay

tiré des Regrets nous a glacé de tristesse,

à la fin des beaux jours.

Alors pour éviter ce désespoir, un petit appel

à la maison italienne Moschino

qui a présenté dans un décor enneigé

sa collection automne-hiver 2015-2016

haute en couleur.



Doryphore Moschino





Laissons à Jeremy Scott, créateur originaire du Missouri, connu pour son style excentrique et plein d'humour,

cette autre vision du Doryphore...

Doryphore Moschino

Bernard Bouisset Lundi 28 Septembre 2015

Apollodore penche pour la fille de Lycaon, roi d'Arcadie, Callisto,
plutôt que pour la belle Io.
Mais quoi qu'il en soit la terrible Héra
a encore frappé et transforma
Io en vache.
Pour Callisto, elle lui ravit
sa beauté fatale qui plut
trop à son époux et la
métamorphosa
en ourse.






Plus qu'Hyginus, Ovide nous décrit dans Les Fastes, livre ll, 153-192 et les Métamorphoses

les malheurs de cette jeune fille qui, sans le vouloir, charma le dieu des dieux :

" soudain l'amour enflamme ses désirs."




Comment séduire cette nymphe, la plus chère des compagnes d'Artémis pour lui avoir juré rester pure ?

Simple pour Zeus ! Prendre les traits et les habits de la déesse elle-même,

s'allonger près de Callisto, couchée sur le gazon.

Le dieu sourit des propos naïfs de la jeune vierge qui avoue la préférer au dieu des dieux.

Très vite Callisto s'aperçoit que les baisers brûlants de Zeus ne sont pas ceux d'une chaste déesse.

Elle se défend autant qu'une femme peut se défendre, mais quelle nymphe peut résister à Zeus,

qui, une fois le crime accompli, remonte dans les cieux, abandonnant à sa honte la jeune fille.



Passent les jours, passent les semaines, "Phébé renouvelait, dans les cieux, son neuvième croissant"

quand Artémis, "fatiguée de la chaleur du jour, vit un ruisseau roulant ses flots paisibles sur un

sable léger" et décida de se baigner avec ses nymphes dans cette onde qui semble les inviter.

Quand la tunique de Callisto tombe à ses pieds, sa nudité révèle un crime; ses compagnes

découvrent sa honte en découvrant son sein.

"Fuis loin d'ici, sors du chœur des vierges et ne souille pas ces ondes sacrées !"


Héra achève sa vengeance en lui ravissant sa beauté : elle la jette à terre, couvre ses bras

d'un poil noir et hérissé, arme d'ongles aigus ses mains.

Callisto erre dans les champs qui naguère étaient son royaume, poussée dans les montagnes

par les chiens, épouvantée par les chasseurs, tremblante à la vue des bêtes féroces :

ourse dans les montagnes, elle craignait les ours et évitait les loups.




Callisto, Deinoménès d'Argos (400 av J. -C.), musée du Louvre
Callisto, Deinoménès d'Argos (400 av J. -C.), musée du Louvre

Arrive alors la rencontre fatale : 3 lustres avaient passé, quand Arcas, son fils,

le fruit de son crime, parti chasser avec ses compagnons, rencontre sa mère.

Callisto s'arrête, éperdue, croit reconnaître son fils, pousse un long gémissement,

le seul langage qui lui reste.

L'enfant sans le savoir va la percer d'un javelot acéré.


Et alors... et alors....


Voulant éviter un matricide, Zeus arrête le bras du jeune Arcas, le fils et la mère

sont enlevés aux célestes demeures et brillent tous deux, l'un près de l'autre,

parmi les constellations.

Callisto est la Grande Ourse, Arcas, la petite Ourse.

Héra, à la vengeance inassouvie, condamne les ourses à tourner perpétuellement

autour du pôle Nord, sans jamais être autorisées à se reposer sous la mer.


"Ses compagnes découvrent sa honte en découvrant son sein."
"Ses compagnes découvrent sa honte en découvrant son sein."



Pausanias dans sa Périégèse, l, 25, 1, indique que cette figure se trouvait près de l'autel de Zeus Polieus,

à l'est du Parthénon.

"On voit dans la citadelle d'Athènes, la statue de Périclès, et deux ouvrages de Dinomène, Io et Callisto,

fille de Lycaon. Leur histoire est à peu près la même. Zeus en fut amoureux et Héra, irritée, les

changea l'une en vache, l'autre en ourse."






Petite visite dans la légende de ces femmes merveilleusement belles au point d'avoir été remarquées par les hommes politiques et les artistes les plus grands.


Avant de nous parler de Campaspe ou Pancaste, Pline l'Ancien dans le 2nd tome de son Histoire naturelle (Livre 35,

chapitre 34) dresse la liste de la plupart des peintres de l'antiquité. Après le monochrome apparaît Eumare d'Athènes,

le premier, pour Pline, qui osa distinguer les sexes dans la peinture (traduction Ed. Panckoucke, 1838).

Le naturaliste romain situe Eumare "beaucoup plus haut que la 18ème Olympiade, c'est à dire bien avant la mort de

Romulus".

Puis il poursuit : "Tous ces peintres ont été surpassés par Apelle de Cos -(IVème siècle avant J. -C.)- parce que, à la

différence des autres peintres, il avait la "kharis", la "grâce".


Le concernant les anecdotes sont nombreuses et Pline rapporte le mot du peintre qui depuis est un proverbe :

au cordonnier qui un jour avait noté un défaut dans la chaussure et qu'Apelle avait aussitôt corrigé, le peintre

dit à ce même cordonnier qui, fier d'avoir été entendu par l'artiste, s'était permis le lendemain de critiquer

la jambe "ne supra crepidam sutor judicaret", "pas au-dessus de la chaussure".

Et cette autre de Sextus Empiuricus, (Esquisses pyrrhoniennes, 1, 28), qui relate cette fameuse peinture à l'éponge

où Apelle n'arrivant pas à retranscrire sur son tableau l'écume du cheval au galop , de rage jeta l'éponge sur

son œuvre ; miracle du hasard, l'écume du cheval au galop apparut merveilleusement réaliste !

Plus véridique sans doute ce que nous rapporte Cicéron, De officiis, lll, 2, 10, sur le talent inégalé de l'artiste ; aucun

peintre ne voulut terminer la Vénus de Cos laissée inachevée par Apelle : "la beauté du visage enlevait tout espoir

que le reste du corps pût l'égaler".

Arrive alors dans l'atelier de notre artiste Alexandre qui, sans s'y connaître, se mit à parler peinture.

"Apelle l'engagea doucement au silence, disant qu'il prêtait à rire aux garçons qui broyaient les couleurs ;

tant ses talents l'autorisaient auprès d'un prince d'ailleurs irascible". Pline l'Ancien.

Loin d'être irrité par cette remarque, "Alexandre donna une marque très mémorable de la considération qu'il avait

pour ce peintre : il l'avait chargé de peindre nue, par admiration de la beauté, la plus chérie de ses concubines, nommée Pancaste"





Campaspe, la concubine préférée d'Alexandre, musée du Louvre, Auguste Ottin, 1811-1890
Campaspe, la concubine préférée d'Alexandre, musée du Louvre, Auguste Ottin, 1811-1890




Et comme dans les plus beaux contes, qui finissent bien, l'artiste en devint amoureux.... et Alexandre la lui donna.

Pline tire cette belle leçon morale : "roi grand par le courage, plus grand encore par l'empire sur soi-même, et à qui

une telle action ne fait pas moins d'honneur qu'une victoire; en effet, il se vainquit lui-même. Non seulement il sacrifia

en faveur de l'artiste ses plaisirs, mais encore ses affections, sans égard même pour les sentiments que dut éprouver

sa favorite en passant des bras d'un roi dans ceux d'un peintre. Il en est qui pensent qu'elle lui servit de modèle pour

la Vénus Anadyomène.




Bernard Bouisset Mercredi 24 Juin 2015






C'est par ces mots que Phryné, l'héroïne du roman de Christophe Bouquerel, La première femme nue,

(éditions Actes Sud) presse Praxitèle de revenir chez lui.






C'est là, dans le petit sanctuaire d'Artémis Brauronia, devant la statue de la déesse, "l'immémorable maîtresse des ours et

des bêtes sauvages" où Praxitèle l'a conduite, puis au pied du Parthénon où, sur l'une des métopes de la façade, le

sculpteur lui montre une représentation différente d'Artémis en train de décocher une flèche à un ennemi, que

Phryné prend cette décision.

Praxitèle rêve d'une Artémis moins majestueuse, moins rigide que celle de Phidias. Il veut montrer "le moment

où la jeune déesse n'est pas encore une Olympienne, où elle parcourt encore les forêts en sauvageonne, où elle

s'apprête seulement à saisir la flèche du carquois pour se défendre de loin du premier homme qu'elle croise.

Il me parle aussi de la position qu'il recherche depuis des jours en ne faisant que la pressentir, de cet

équilibre entre les forces de tension, de ce double mouvement de la course et de l'arc brandi qu'il voudrait

donner à ce corps féminin... Alors il me confie son rêve le plus audacieux : créer une sculpture qui non

seulement serait capable de représenter le mouvement dans l'immobilité, dans l'instant de suspension rêveuse

... mais qui romprait, de plus, de manière si radicale avec le modèle classique de la frontalité qu'elle pourrait

être vue sur toutes les faces... et inviterait [le spectateur] lui aussi à se mettre en mouvement".



Phryné se reconnaît aussi dans cette déesse "qui décoche des flèches, tue ceux qui veulent l'empêcher d'aller où elle va

seule et qui ne sait ni où elle va ni celui qu'elle s'apprête à tuer, tant elle est prise dans le vertige de sa course.



"Je comprends l'idée, je me prête à ta rêverie parce que je la partage, à toi de la concrétiser maintenant, .... sers toi

de moi".








Dans la même fièvre nous inventons le geste ... de son bras droit levé, elle casse le poignet en arrière vers le

carquois, d'où ses doigts vont extraire une flèche dans le début gracieux du geste de la mort. La tête d'Artémis

Phrynè je la tourne aussi vers le côté droit, complètement ouvert, d'où vient l'homme ou le fauve qui prétend

m'arrêter... Mes yeux se font perçants mais mon visage reste impassible. Ou presque. Je laisse s'esquisser

sur mes lèvres une ombre de sourire cruel.




Mais soudain... "non, non, ça ne va pas !"

La métamorphose
La métamorphose


Mes doigts... relèvent ma tunique très haut au-dessus de mes genoux, ils la serrent sur mes hanches d'une

deuxième ceinture en plus de celle que je porte sous les seins et qu'ils inventent à partir d'un des rubans de

mes cheveux... Mes doigts ne s'arrêtent pas là. Ils défont ma chevelure... rassemblent mes cheveux en un chignon

tiré vers l'arrière de ma tête ! Je me dis encore : "Il faudra un diadème sur le devant de la tête, car cette jeune fille

est une déesse, mais ce sera son seul bijou !"

Phryné Artémis revisitée
Phryné Artémis revisitée


"Voilà, j'ai fini ! Libre ! Légère, comme dans l'enfance, et d'un dépouillement divin ! Pauvre comme une déesse qui n'a

besoin de rien posséder".


Ces quelques lignes sont tirées -avec son autorisation- du splendide ouvrage de Christophe Bouquerel

"La première femme nue" (p. 270 sqq.), ouvrage publié aux Editions Actes Sud. Je l'en remercie.

Bernard Bouisset Lundi 8 Juin 2015


Variations sur l'inspiration de Dolce & Gabbana, collection été 2014 hommes



Bernard Bouisset Lundi 1 Juin 2015
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