La diffusion d’informations n’a jamais eu autant d’impact que dans la société actuelle qui vit dans un système de médias omniprésents traitant l’actualité de manière quasi instantanée.
Diffusée à la vitesse de l’éclair, l’information se répand rapidement et produit des effets immédiats à large échelle, puisqu’elle est relayée par les réseaux sociaux et tous les moyens de communication modernes.
Diffusée à la vitesse de l’éclair, l’information se répand rapidement et produit des effets immédiats à large échelle, puisqu’elle est relayée par les réseaux sociaux et tous les moyens de communication modernes.
Dans ces conditions, on peut se demander si les médias ont des responsabilités compte tenu de l’impact de leur activité dans la société d’aujourd’hui.
Le débat juridique concerne avant tout l’application de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme au regard des infractions ou fautes dont la presse peut avoir à répondre, en particulier la diffamation publique, l’atteinte à la présomption d’innocence, la violation de la vie privée, entre autres.
Les principes généraux de la jurisprudence européenne sont généralement très favorables à la liberté d’expression de la presse car La liberté d’expression constitue l’un des fondements essentiels d’une société démocratique, l’une des conditions primordiales de son progrès et de l’épanouissement de chacun. Telle que la consacre l’article 10, la liberté d’expression est cependant assortie d’exceptions qui appellent toutefois une interprétation étroite, et le besoin de la restreindre doit se trouver établi de manière convaincante.
La Cour européenne reconnaît le rôle crucial joué par les médias s’agissant de faciliter l’exercice par le public du droit de recevoir et de communiquer des informations et des idées sur des questions d’intérêt général.
Les médias sont, à ce titre, considérés comme des « chiens de garde » de la démocratie.
Néanmoins, la presse ne doit pas franchir certaines limites, tenant notamment à la protection de la réputation ou des droits d’autrui.
Les médias sont, à ce titre, considérés comme des « chiens de garde » de la démocratie.
Néanmoins, la presse ne doit pas franchir certaines limites, tenant notamment à la protection de la réputation ou des droits d’autrui.
La mission d’information comporte donc nécessairement des devoirs et des responsabilités ainsi que des limites que les organes de presse doivent s’imposer spontanément.
Quelles sont brièvement ces obligations ?
Quelles sont brièvement ces obligations ?
1) La CEDH subordonne la protection que confère l’article 10 offre aux journalistes « à la condition qu’ils agissent de bonne foi de manière à fournir des informations exactes et dignes de crédit dans le respect des principes d’un journalisme responsable ». (CEDH, Ladet Tromsø et Stensaas c. Norvège [GC], § 65,Fressoz et Roire c. France [GC], no 29183/95, § 54, CEDH 1999‑I, Kasabova c. Bulgarie, no 22385/03, §§ 61 et 63-68, 19 avril 2011, et Times Newspapers Ltd c. Royaume-Uni (nos 1 et 2), nos 3002/03 et 23676/03, § 42, CEDH 2009 ; CEDH, Grande Chambre, Pentiken c. Finlande, n°11882/10 du 20 octobre 2015, §.90)
Très pragmatique, la Cour considère « que vu le pouvoir qu’exercent les médias dans la société moderne, car non seulement ils informent, mais ils peuvent en même temps suggérer, par la façon de présenter les informations, comment les destinataires devraient les apprécier, dans un monde dans lequel l’individu est confronté à un immense flux d’informations, circulant sur des supports traditionnels ou électroniques et impliquant un nombre d’auteurs toujours croissant, le contrôle du respect de la déontologie journalistique revêt une importance accrue ». (CEDH, Stoll c. Suisse, requête n°69698/01,10 décembre 2007, §.104.)
Le concept de journalisme responsable, activité professionnelle protégée par l’article 10 de la Convention, est une notion qui couvre d’abord le contenu des informations qui sont recueillies et/ou diffusées par des moyens journalistiques.
Les ingrédients du journalisme responsable quant à la qualité des informations publiées consistent en des « informations fiables et précises au public », sans « aucune intention trompeuse », autrement dit, des informations dépourvues de la moindre «erreur factuelle » et de toute « tromperie » par opposition au contenu d’un article qui est «manifestement réducteur et tronqué » par des « citations de passages isolés tirés du rapport litigieux et sortis du contexte » (CEDH, Stoll c. Suisse, requête n°69698/01,10 décembre 2007, §.147), et par opposition à la publication partielles d’informations alors que l’intégralité d’un document « aurait permis aux lecteurs de se former leur propre opinion » (CEDH, Lopes Gomes da Silva c. Portugal, n°37698/97, § 35, CEDH 2000‑X, Stoll c. Finlande, précité, §.147).
Sont également considérées comme irresponsables des rumeurs d’antisémitisme « lancé(e)s à la lègère », la Cour rappelle qu’il y a lieu de faire preuve de fermeté à l’égard de telles allégations et/ou insinuations (CEDH, Lehideux et Isorni c. France, 23 septembre 1998, §.53, Recueil 1998‑VII, et Garaudy c. France (déc.), no 65831/01, Stoll c. Finlande précité, §.148).
La présentation formelle mettant l’accent sur le sensationnalisme est également appréciée avec circonspection par la Cour européenne qui dénonce « la mise en page des articles (qui) apparaît comme peu digne d’un sujet aussi important et sérieux que celui des fonds en déshérence. En particulier, les titres et sous-titres à sensation sautent aux yeux » (CEDH, Stoll c. Finlande précité, §.149)
La présentation formelle mettant l’accent sur le sensationnalisme est également appréciée avec circonspection par la Cour européenne qui dénonce « la mise en page des articles (qui) apparaît comme peu digne d’un sujet aussi important et sérieux que celui des fonds en déshérence. En particulier, les titres et sous-titres à sensation sautent aux yeux » (CEDH, Stoll c. Finlande précité, §.149)
2) Mais la qualité des informations n’est pas le seul critère du journaliste responsable. Il existe également un volet tenant à la nature des informations publiées dès lors qu’elles touchent à la vie privée de personnes physiques.
Dans un arrêt rendu récemment en grande Chambre dans l’affaire Satakunnan Markkinaporssi Oy et Satamedia Oy contre la Finlande, il a été jugé que n’enfreint pas la liberté d’expression de la presse, l’interdiction faites à certains journaux finlandais de diffuser massivement des informations fiscales personnelles sur des millions de contribuables. (CEDH, Grande Chambre, Satakunnan Markkinaporssi Oy et Satamedia Oy contre la Finlande, Requête n°931/13, 27 juin 2017)
Dans cette affaire des sociétés de média finlandaises collectaient depuis des années auprès des autorités fiscales, des informations sur les revenus imposables et le patrimoine de personnes physiques aux fins de les publier dans le magazineVeropörssi.
Dans un arrêt rendu récemment en grande Chambre dans l’affaire Satakunnan Markkinaporssi Oy et Satamedia Oy contre la Finlande, il a été jugé que n’enfreint pas la liberté d’expression de la presse, l’interdiction faites à certains journaux finlandais de diffuser massivement des informations fiscales personnelles sur des millions de contribuables. (CEDH, Grande Chambre, Satakunnan Markkinaporssi Oy et Satamedia Oy contre la Finlande, Requête n°931/13, 27 juin 2017)
Dans cette affaire des sociétés de média finlandaises collectaient depuis des années auprès des autorités fiscales, des informations sur les revenus imposables et le patrimoine de personnes physiques aux fins de les publier dans le magazineVeropörssi.
Au cours de l’année 2002 parurent dix-sept numéros du magazine Veropörssi, chacun d’eux se concentrant sur une zone géographique du pays. Les données publiées comprenaient les noms et prénoms d’environ 1,2 million de personnes physiques dont les revenus imposables annuels dépassaient certains seuils.
De nombreux finlandais s’étaient plaints auprès du médiateur chargé de la protection des données alléguant que la publication de données fiscales dans le magazine Veropörssi avait porté atteinte à leur droit à la vie privée.
Bien que la législation finlandaise autorisait l’accès de ces informations au public, la Cour européenne a fait prévaloir le droit à la protection des données personnelles sur la liberté d’expression.
En la matière, les critères pertinents retenus par la Cour sont « la contribution à un débat d’intérêt général », « la notoriété de la personne visée », «l’objet du reportage », « le comportement antérieur de la personne concernée », « le contenu, la forme et les répercussions de la publication ».
Elle considère qu’ont « trait à un intérêt général les questions qui touchent le public dans une mesure telle qu’il peut légitimement s’y intéresser, qui éveillent son attention ou le préoccupent sensiblement, notamment parce qu’elles concernent le bien-être des citoyens ou la vie de la collectivité. Tel est le cas également des questions qui sont susceptibles de créer une forte controverse, qui portent sur un thème social important, ou qui ont trait à un problème dont le public aurait intérêt à être informé. L’intérêt public ne saurait être réduit aux attentes d’un public friand de détails quant à la vie privée d’autrui, ni au goût des lecteurs pour le sensationnel voire, parfois, pour le voyeurisme (Couderc et Hachette Filipacchi Associés, précité, §§ 101 et 103, et les références qui s’y trouvent citées) ».
Or, si une activité de traitement des données personnelle exercée aux « seules fins de journalisme » est autorisée par la législation sur la protection des données, la Cour européenne a considéré « que la publication des données fiscales dans le magazine Veropörssi pratiquement in extenso, sous forme de catalogues, même si ceux-ci étaient divisés en différentes parties et organisés selon la commune de résidence, revient à divulguer l’intégralité du fichier de référence établi à des fins de journalisme ; dans ces conditions, l’opération ne peut avoir eu pour seule finalité de transmettre des informations, des opinions ou des idées ».
Le facteur essentiel qui a déterminé la Cour à rejeter l’intérêt de telles informations pour la contribution à un début public est que leur divulgation en masse, sans la moindre analyse, «n’avait pas pour seule finalité, comme l’exigeaient le droit interne et le droit européen, la divulgation au public d’informations, d’opinions et d’idées » mais s’inscrivait plutôt dans une tendance à assouvir « les attentes d’un public friand de détails quant à la vie privée d’autrui, et donc, en tant que tel, comme une forme de sensationnalisme, voire de voyeurisme ». (CEDH, Grande Chambre, Satakunnan Markkinaporssi Oy et Satamedia Oy contre la Finlande, Requête n°931/13, 27 juin 2017, §§.162 à 177)
3) La présomption d’innocence est également un intérêt fondamental qui oblige les journalistes au respect de certaines règles.
Dans l’affaire Bédat contre Suisse jugée le 29 mars 2016, (CEDH, Bédat c. Suisse, requête no 56925/08, 29 mars 2016), le réquérant, journaliste professionnel, avait fait paraître « un article intitulé Drame du Grand‑Pont à Lausanne – la version du chauffard – l’interrogatoire du conducteur fou. L’article en question concernait une procédure pénale dirigée contre M. B., un automobiliste ayant été placé en détention préventive pour avoir foncé sur des piétons avant de se jeter du pont de Lausanne le 8 juillet 2003. Cet incident, qui avait fait trois morts et huit blessés, avait suscité beaucoup d’émotion et d’interrogations en Suisse ». (§.8)
La Cour européenne a apprécié le critère « des questions d’intérêt général » à la lumière du contenu de l’article.
Le facteur essentiel qui a déterminé la Cour à rejeter l’intérêt de telles informations pour la contribution à un début public est que leur divulgation en masse, sans la moindre analyse, «n’avait pas pour seule finalité, comme l’exigeaient le droit interne et le droit européen, la divulgation au public d’informations, d’opinions et d’idées » mais s’inscrivait plutôt dans une tendance à assouvir « les attentes d’un public friand de détails quant à la vie privée d’autrui, et donc, en tant que tel, comme une forme de sensationnalisme, voire de voyeurisme ». (CEDH, Grande Chambre, Satakunnan Markkinaporssi Oy et Satamedia Oy contre la Finlande, Requête n°931/13, 27 juin 2017, §§.162 à 177)
3) La présomption d’innocence est également un intérêt fondamental qui oblige les journalistes au respect de certaines règles.
Dans l’affaire Bédat contre Suisse jugée le 29 mars 2016, (CEDH, Bédat c. Suisse, requête no 56925/08, 29 mars 2016), le réquérant, journaliste professionnel, avait fait paraître « un article intitulé Drame du Grand‑Pont à Lausanne – la version du chauffard – l’interrogatoire du conducteur fou. L’article en question concernait une procédure pénale dirigée contre M. B., un automobiliste ayant été placé en détention préventive pour avoir foncé sur des piétons avant de se jeter du pont de Lausanne le 8 juillet 2003. Cet incident, qui avait fait trois morts et huit blessés, avait suscité beaucoup d’émotion et d’interrogations en Suisse ». (§.8)
La Cour européenne a apprécié le critère « des questions d’intérêt général » à la lumière du contenu de l’article.
Résumant la problématique, elle a indiqué que « la question qui se pose est celle de savoir si le contenu de l’article et, en particulier, les informations qui étaient couvertes par le secret de l’instruction étaient de nature à nourrir le débat public sur le sujet en question (Stoll, précité, § 121 ; voir également Leempoel & S.A. Ed. Ciné Revue, précité, § 72) ou simplement à satisfaire la curiosité d’un certain public sur les détails de la vie strictement privée du prévenu (mutatis mutandis, Von Hannover c. Allemagne, no 59320/00, § 65, CEDH 2004‑VI, Société Prisma Presse c. France (déc.), nos 66910/01 et 71612/01, 1er juillet 2003, Hachette Filipacchi Associés (ICI PARIS), précité, § 40, Mosley, précité, § 114) ».(§.64)
S’appuyant sur les constatations du tribunal fédéral suisse, elle a relevé que « la mise en situation des extraits des procès-verbaux des auditions et la reproduction de lettres du prévenu au juge étaient révélatrices des mobiles qui avaient animé l’auteur des lignes litigieuses, qui s’était borné à faire dans le sensationnel, ne cherchant par son opération qu’à satisfaire la curiosité relativement malsaine que tout un chacun ressent pour ce genre d’affaires. En prenant connaissance de cette publication très partielle, le lecteur se faisait une opinion et préjugeait sans aucune objectivité de la suite qui serait donnée par la justice à cette affaire, sans le moindre respect pour la présomption d’innocence ». (§.59)
S’appuyant sur les constatations du tribunal fédéral suisse, elle a relevé que « la mise en situation des extraits des procès-verbaux des auditions et la reproduction de lettres du prévenu au juge étaient révélatrices des mobiles qui avaient animé l’auteur des lignes litigieuses, qui s’était borné à faire dans le sensationnel, ne cherchant par son opération qu’à satisfaire la curiosité relativement malsaine que tout un chacun ressent pour ce genre d’affaires. En prenant connaissance de cette publication très partielle, le lecteur se faisait une opinion et préjugeait sans aucune objectivité de la suite qui serait donnée par la justice à cette affaire, sans le moindre respect pour la présomption d’innocence ». (§.59)
La juridiction fédérale avait longuement motivé son arrêt après s’être livrée à « un examen approfondi du contenu de l’article, de la nature des informations qui y étaient contenues et des circonstances entourant l’affaire du Grand-Pont de Lausanne ».
Or, sa conclusion était que « ni la divulgation des procès-verbaux d’audition ni celle des lettres adressées par le prévenu au juge d’instruction n’avaient apporté un éclairage pertinent pour le débat public et que l’intérêt du public relevait en l’espèce tout au plus de la satisfaction d’une curiosité malsaine (paragraphe 16 ci-dessus) » (§.65).
Or, sa conclusion était que « ni la divulgation des procès-verbaux d’audition ni celle des lettres adressées par le prévenu au juge d’instruction n’avaient apporté un éclairage pertinent pour le débat public et que l’intérêt du public relevait en l’espèce tout au plus de la satisfaction d’une curiosité malsaine (paragraphe 16 ci-dessus) » (§.65).
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En conclusion, la Cour européenne a développé une série d’obligations limitant les pouvoirs de nuisance de la presse.
Dans le plus grand respect de la liberté d’expression, les médias se voient imposer des limites équilibrées à leur immense pouvoir, au nom de la protection d’intérêts tout aussi légitimes que la libre expression des idées.
Le journalisme n’autorise pas la tromperie du public, l’intrusion injustifiée dans la vie privée ou l’atteinte à la présomption d’innocence et à la réputation des personnes.
Dans le plus grand respect de la liberté d’expression, les médias se voient imposer des limites équilibrées à leur immense pouvoir, au nom de la protection d’intérêts tout aussi légitimes que la libre expression des idées.
Le journalisme n’autorise pas la tromperie du public, l’intrusion injustifiée dans la vie privée ou l’atteinte à la présomption d’innocence et à la réputation des personnes.







