Après les évènements terroristes récents, le débat médiatique s'est orienté vers la protection de la liberté d’expression et l'on a entendu certains répéter que le délit de blasphème n’existait pas en droit français. La liberté d'expression a pu alors apparaître comme une sorte de valeur absolue qui serait la marque de fabrique de la société française.
Or, cela est à la fois inexact et quelque peu tendancieux. Inexact car, même si ce texte est tombé en désuétude, l'Alsace Moselle reste soumise au code pénal de 1871 hérité du droit allemand durant la période d'occupation. En effet, sur ces territoires français où existe encore une distinction entre cultes reconnus et cultes non reconnus, le code pénal de 1871 réprime toujours le blasphème et le Conseil Constitutionnel a récemment décidé que le statut particulier des cultes en Alsace Moselle était conforme à la constitution française.
En 2013, Charlie Hebdo avait d'ailleurs été assigné par la ligue de défense des musulmans sur le fondement du délit de propos blasphématoires alors que cet article du code pénal de 1871 n'avait plus été pratiqué depuis 1918. Le 10 juillet 2013, un numéro de Charlie Hebdo avait en effet titré : "Le Coran c'est de la merde, ça n'arrête pas les balles". L'assignation a été déclarée nulle et personne ne saura jamais quelle décision aurait prise le tribunal saisi dans une affaire aussi inédite.
Néanmoins, ces propos sur le Coran nous permettent de rappeler que si le droit positif français (hors Alsace Moselle) ne réprime pas littéralement le délit de blasphème (1), il protège néanmoins le sentiment religieux, d'une part à travers les dispositions de la loi de 1881 sur la presse et, d'autre part, par l'intermédiaire de la pratique décisionnelle de la Cour européenne des droits de l’Homme (ci-après la Cour) qui s'évertue à concilier l'article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (ci-après la Convention) protégeant la liberté de pensée et de religion et l'article 10 garantissant la liberté d’expression.
Nul besoin de rappeler que les principes dégagés par la Cour s'imposent aux juridictions françaises qui doivent en faire application, même si elles jouissent, pour ce faire, d'une large marge d'appréciation permettant de préserver les traditions françaises de laïcité.
Par ailleurs, aux termes de la Constitution française "La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances" et que l'article 1er de la loi du 9 décembre 1905 proclame que la "République assure la liberté de conscience".
Comme le soulignent certains auteurs, "respecter ce n'est pas seulement tolérer ou reconnaître, c'est manifester une certaine considération. Cette conception correspond alors à celle qu'avaient les constituants de 1946 (comme André Philip ou Maurice Schumann) qui militaient en faveur d'une république respectant toutes les croyances et les libertés fondamentales" (2).
Cette neutralité positive de l'Etat envers le fait religieux s'inscrit clairement dans la tradition de la loi de 1905, que le rapporteur, M. Aristide Briand, commentait en relevant qu'"il fallait une loi qui se montrât respectueuse de toutes les croyances et leur laissât la faculté de s'exprimer librement". (3)
Surtout, la jurisprudence de la Cour européenne oblige les Etats non seulement à respecter les croyances par l'imposition d'un devoir de neutralité et d'impartialité (4), mais également à faire preuve de tolérance (5). Bien mieux, dans certains cas, la Cour a institué une obligation positive de protection de la liberté de religion (6).
Enfin, il y a deux aspects dans la liberté de religion. Celui qui relève d'abord du for intérieur, soit la liberté de conscience, et celui qui concerne le fait de "manifester sa religion", c'est-à-dire la liberté de religion proprement dite.
L'offense au sentiment religieux relève clairement de la liberté de conscience dont la protection est plus forte que celle de la liberté de religion dans la mesure où l'article 9§2 de la Convention européen n'y apporte aucune limite.
Si le délit de blasphème est fort heureusement banni du droit français, tant le droit interne que le droit international protègent le sentiment religieux lorsqu'il est mis en cause par les médias. L'atteinte au sentiment religieux est susceptible de diverses sanctions. Ainsi, le CSA peut retirer ou suspendre une autorisation d'exploitation d'un service de communication de l'audiovisuel, le conseil constitutionnel lui ayant reconnu ce droit (7).
Les tribunaux statuant en référé sur le fondement de l'article 809 du code de procédure civile peuvent être amenés à rechercher si des publications ou affichages sont constitutifs d'un trouble manifestement illicite. A ce titre, elles censurent "l'outrage flagrant au sentiment religieux" (8).
Mais c'est avant tout à travers les dispositions de la loi de 1881, en particulier celles des articles 29 alinéa 2 et 33 alinéa 3 qui définissent et répriment l'injure commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur appartenance ou de leur non appartenance à une religion déterminée, que le débat juridique a fait rage.
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Or, cela est à la fois inexact et quelque peu tendancieux. Inexact car, même si ce texte est tombé en désuétude, l'Alsace Moselle reste soumise au code pénal de 1871 hérité du droit allemand durant la période d'occupation. En effet, sur ces territoires français où existe encore une distinction entre cultes reconnus et cultes non reconnus, le code pénal de 1871 réprime toujours le blasphème et le Conseil Constitutionnel a récemment décidé que le statut particulier des cultes en Alsace Moselle était conforme à la constitution française.
En 2013, Charlie Hebdo avait d'ailleurs été assigné par la ligue de défense des musulmans sur le fondement du délit de propos blasphématoires alors que cet article du code pénal de 1871 n'avait plus été pratiqué depuis 1918. Le 10 juillet 2013, un numéro de Charlie Hebdo avait en effet titré : "Le Coran c'est de la merde, ça n'arrête pas les balles". L'assignation a été déclarée nulle et personne ne saura jamais quelle décision aurait prise le tribunal saisi dans une affaire aussi inédite.
Néanmoins, ces propos sur le Coran nous permettent de rappeler que si le droit positif français (hors Alsace Moselle) ne réprime pas littéralement le délit de blasphème (1), il protège néanmoins le sentiment religieux, d'une part à travers les dispositions de la loi de 1881 sur la presse et, d'autre part, par l'intermédiaire de la pratique décisionnelle de la Cour européenne des droits de l’Homme (ci-après la Cour) qui s'évertue à concilier l'article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (ci-après la Convention) protégeant la liberté de pensée et de religion et l'article 10 garantissant la liberté d’expression.
Nul besoin de rappeler que les principes dégagés par la Cour s'imposent aux juridictions françaises qui doivent en faire application, même si elles jouissent, pour ce faire, d'une large marge d'appréciation permettant de préserver les traditions françaises de laïcité.
Par ailleurs, aux termes de la Constitution française "La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances" et que l'article 1er de la loi du 9 décembre 1905 proclame que la "République assure la liberté de conscience".
Comme le soulignent certains auteurs, "respecter ce n'est pas seulement tolérer ou reconnaître, c'est manifester une certaine considération. Cette conception correspond alors à celle qu'avaient les constituants de 1946 (comme André Philip ou Maurice Schumann) qui militaient en faveur d'une république respectant toutes les croyances et les libertés fondamentales" (2).
Cette neutralité positive de l'Etat envers le fait religieux s'inscrit clairement dans la tradition de la loi de 1905, que le rapporteur, M. Aristide Briand, commentait en relevant qu'"il fallait une loi qui se montrât respectueuse de toutes les croyances et leur laissât la faculté de s'exprimer librement". (3)
Surtout, la jurisprudence de la Cour européenne oblige les Etats non seulement à respecter les croyances par l'imposition d'un devoir de neutralité et d'impartialité (4), mais également à faire preuve de tolérance (5). Bien mieux, dans certains cas, la Cour a institué une obligation positive de protection de la liberté de religion (6).
Enfin, il y a deux aspects dans la liberté de religion. Celui qui relève d'abord du for intérieur, soit la liberté de conscience, et celui qui concerne le fait de "manifester sa religion", c'est-à-dire la liberté de religion proprement dite.
L'offense au sentiment religieux relève clairement de la liberté de conscience dont la protection est plus forte que celle de la liberté de religion dans la mesure où l'article 9§2 de la Convention européen n'y apporte aucune limite.
Si le délit de blasphème est fort heureusement banni du droit français, tant le droit interne que le droit international protègent le sentiment religieux lorsqu'il est mis en cause par les médias. L'atteinte au sentiment religieux est susceptible de diverses sanctions. Ainsi, le CSA peut retirer ou suspendre une autorisation d'exploitation d'un service de communication de l'audiovisuel, le conseil constitutionnel lui ayant reconnu ce droit (7).
Les tribunaux statuant en référé sur le fondement de l'article 809 du code de procédure civile peuvent être amenés à rechercher si des publications ou affichages sont constitutifs d'un trouble manifestement illicite. A ce titre, elles censurent "l'outrage flagrant au sentiment religieux" (8).
Mais c'est avant tout à travers les dispositions de la loi de 1881, en particulier celles des articles 29 alinéa 2 et 33 alinéa 3 qui définissent et répriment l'injure commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur appartenance ou de leur non appartenance à une religion déterminée, que le débat juridique a fait rage.
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