Une arme redoutable : la plainte pour harcèlement moral
Le harcèlement moral est toujours un sujet extrêmement délicat en raison du caractère éminemment subjectif de l’appréciation de cette infraction pénale [1] tant par les intéressés que par le juge. Quelle est en effet la limite entre un salarié qui a véritablement été harcelé au point d’avoir subi une dégradation de ses conditions de travail ou de santé, et celui qui s’est senti harcelé, humilié, placardisé, ou qui a sombré dans la déprime, sans que cela soit le fait d’un acte volontaire et intentionnel de l’employeur ?
Parfois, et ce n’est pas rare, ce sont les salariés qui se placent sur le terrain du harcèlement moral et qui s’en servent comme moyen de pression contre l’employeur. Il existe des cas bien réels où ce délit est utilisé dans les négociations de rupture du contrat de travail pour permettre au salarié d’obtenir la meilleure indemnité. De manière tout à fait regrettable, on constate également que certains n’hésitent pas à se plaindre d’un prétendu harcèlement moral alors qu’en fait, ils ne font que s’opposer, pour des raisons qui leurs sont propres, aux directives de l’employeur.
Cette incrimination apparaît d’autant plus dangereuse pour un employeur ou un cadre d’une entreprise que la chambre sociale de la Cour de cassation pose le principe que « le harcèlement moral est constitué indépendamment de l’intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet (…) de compromettre son avenir professionnel. » (Soc. 10 novembre 2009, n° 08-41.497).
En matière pénale, en l’état du silence du texte, le délit de harcèlement moral ne devrait être admis que sur constatation de la volonté du prévenu d’accomplir les agissements répétés en ayant conscience de leur effet ou en ayant la volonté de leur objet. C’est la position de la chambre criminelle qui, dans un arrêt du 21 juin 2005 (no 04-86.936, Bull. Crim. no 187), a approuvé la condamnation d’un maire pour harcèlement moral sur la considération que la cour d’appel avait « caractérisé le délit retenu en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu’intentionnel ». Néanmoins, ce qui est exigé par les juridictions pénales, c’est la preuve de simples actes intentionnels plutôt que d’une intention de nuire, la cour de Paris précisant ainsi que n’est pas « exigée la preuve d’une intention malveillante » (arrêt du 22 nov. 2011, no 10/071974).
Constitue une illustration des dérives pouvant exister en cette matière, l’arrêt définitif rendu le 6 septembre 2016 par la première chambre du pôle 6 de la cour de Paris conformément aux réquisitions de relaxe générale de l’Avocat général dans une affaire qui en son temps a défrayé la chronique.
Mme Maeva Salmon, alors déléguée de la Délégation pour la Polynésie Française [2], avait été poursuivie pour harcèlement moral sur des plaintes déposées par quatre employés. L’enquête diligentée par un simple brigadier de police avait avalisé toutes les allégations des plaignants, dont la plupart, très graves, n’étaient fondées que sur leurs seules affirmations. L’expert psychiatre auquel avait eu recours le parquet avait, lui aussi, pris pour argent comptant les affirmations des plaignants ou les « constatations » des médecins du travail qui n’avaient fait que reprendre les dires des plaignants.
C’est dans ces conditions que, retenant les actes imaginaires de harcèlement moral invoqués, les premiers juges avaient fait droit à trois de ces parties civiles et prononcé de lourdes condamnations pénale et civiles. Sur appel, après avoir procédé pendant plus de trois heures à une instruction approfondie, interrogé longuement les parties civiles et laissé la prévenue répondre sur chaque point, suivant les réquisitions de l’Avocat général, la cour de Paris a prononcé une relaxe générale.
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