CHANTAL

21/02/2007


HASARD
Mots à insérer : Hibou, humeur, amitié, asperge, souris, soupir, anse, argent, rasade, rumeur, domaine, docile.
Jokers : cinq, bleu, vert, long.




BERTHE ET LOULOU

Ce n’est pas le hasard qui avait amené Loulou le hibou, hirsute et taciturne, à nicher dans cette grande maison landaise à colombages. Après avoir longtemps prospecté, son choix s’était enfin arrêté là, à l’encoignure de la grande poutre maîtresse de l’estantade. De là, stratégiquement et selon son humeur, il allait pouvoir observer tout à loisir, tout ce qui bougeait dans l’airial et traquer, sans même se déplacer le petit monde des mulots et autres rongeurs qui faisaient son régal.
C’est ainsi que depuis quelques jours il observait avec appétit, mais aussi avec quelque amusement, une portée de souriceaux qui prospérait à vue d’œil au fond d’un vieux panier où la famille avait élu domicile. – Ah, se disait-il, voyant la mère s’agiter dans un va et vient incessant le long de l’anse, si la pauvrette savait, elle ne se donnerait pas tant de mal pour me les offrir bien grassouillets….
Mais Dame Nature, après tout, en a voulu ainsi et c’est tant pis pour les petites souris…
Loulou observait donc sa pitance à venir avec tant d’attention qu’il fut bientôt fort intrigué par une anomalie dans le groupe : une petite souricette, d’un beau gris argent, se tenait régulièrement à l’écart et dès qu’elle tentait de se rapprocher, ses consoeurs la repoussaient, voire même la bousculaient.
Loulou crût même à certains moments entendre leurs petits ricanements aigus… Il faut dire qu’à y regarder de plus près, elle avait vraiment une drôle d’allure cette petite, avec ses pattes démesurément longues et comme chaussées de grandes bottes blanc nacré. Certes elle n’était pas conforme au standard communément admis chez les souris, mais de là à être en permanence la risée de toute la portée…
Loulou en eut même la larme à l’œil, lorsque bousculée, maltraitée par ses sœurs, il entendit que celles-ci l’insultaient, la traitant au passage de « grande asperge » de « Berthe aux grands pieds » et tutti quanti. Et plus les jours passaient pire c’était. La petite soupirait, sanglotant mais d’un tempérament docile, jamais ne se rebiffait.
Loulou subitement se sentit très proche de pauvre souricette et de ce que lui-même avait vécu. Il fallait absolument qu’il lui vienne en aide, il savait trop ce que c’était que de se faire ridiculiser, lui qui n’avait qu’un œil et était si mal emplumé que la rumeur disait que sa mère avait dû croiser un oiseau mal fagoté… !
Profitant donc d’une sortie aux champs de toute la famille souris, exception faite bien sûr de la petite Berthe, Loulou s’approcha timidement sans bruit du panier pour ne pas l’effaroucher. Et pour l’occasion il avait même délicatement lissé, autant qu’il le pouvait, son plumage joliment moucheté.
Quand Berthe aperçut notre Loulou, elle crût sa dernière heure arrivée, mais quelle ne fut pas sa surprise de voir que ce drôle de spécimen emplumé la regardait de son œil rond à pupille dorée, comme jamais on ne l’avait regardée : un mélange d’amitié, de tendresse voire même de complicité qui fit que notre souricette se sentit toute transportée…
Sous le charme pendant de longues minutes elle le regarda de ses beaux yeux gris vert, pressentant que quelque chose d’indéfinissable les unirait à tout jamais…
C’est alors que Loulou lui proposa de quitter définitivement ce maudit panier pour prendre de la hauteur et s’élever avec lui vers ce qui serait désormais leur nouveau domaine : un joli grenier d’une grange proche de l’airial. Cinq minutes plus tard nos deux éclopés de la vie étaient devenus les amis les plus heureux de la terre.

CHANTAL pour le 12 février 2007.





Pascale Madame Martin-Debève
Rédigé par Pascale Madame Martin-Debève le 21/02/2007 à 12:10