Lorsque j’étais…




Lorsque j’étais…


Lorsque j’étais un nénuphar sur ce bel étang, je ne m’ennuyais jamais. Les grenouilles venaient converser avec moi sur mes larges feuilles. Des libellules voletaient au-dessus de moi et venaient parfois se poser sur mes fleurs. De jolis poissons rouges jouaient à la ronde autour de moi et je m’amusais de voir leurs folles poursuites. Quand des promeneurs s’arrêtaient pour admirer ma splendeur épanouie, je me rengorgeais fièrement. Cela mécontentait d’ailleurs les roseaux qui croissaient sur les berges et qui laissaient tout le monde indifférent.
Hélas, un jour, quelqu’un décida de nettoyer l’étang.
On le vida de son eau,on ratissa le fond boueux où, avec mes congénères, nous essayions vainement de survivre. Et c’est ainsi que je m’apprêtais à terminer, dans la honte et la souffrance, ma glorieuse vie.

Mais qui dit que les nénuphars n’avaient qu’une vie ? Celui qui a décidé de nettoyer l’étang a eu une riche idée. La vase qui s’était accumulée au fond m’empêchait de me développer librement et de me nourrir correctement. De plus, cette eau devenait nauséabonde. Alors, le fond bien nettoyé, on remit l’eau du ruisseau qui amena des goujons et des ablettes ? Et, du fond de la terre, je revins à la surface m’épanouir plus largement encore. Les grenouilles sont revenues me rejoindre. Mes feuilles s’étaient tellement développées qu’elles pouvaient rester tranquillement dessus comme sur un radeau. De temps en temps, les libellules venaient les taquiner et les déranger. La vie de l’étang a repris son cours plus belle qu’avant…


Bien, tout est bien, mais je ne serai pas éternel. Je ne survivrai peut-être pas à un nouveau nettoyage de l’étang…Je peux à la rigueur me consoler en pensant que mes restes deviendront de la matière organique, qu’ils seront peut-être mangés et digérés par des lombrics, qu’ils fertiliseront finalement le sol d’un champ, d’un parc ou d’un jardin et qu’ainsi absorbés et assimilés, ils renaîtront peu à peu sous forme de céréales, d’arbres ou de légumes. Maigre consolation que tout cela et je ne vois pas ce que je pourrais léguer par testament. Le mieux à faire est d’essayer de réussir pleinement le reste de ma vie. D’ailleurs j’ai remarqué depuis quelque temps un nénuphar à l’allure gracile qui ne semble pas insensible à ma personne. J’en suis convaincu maintenant, mon choix est fait ; nous allons faire un bout de chemin ensemble en tenant une intéressante conversation.


Renée B., écriture normale
Christiane L., en italique
René, en gras


Pascale Madame Martin-Debève
Rédigé par Pascale Madame Martin-Debève le 16/05/2007 à 13:23