LUCIENNE


Cher piano
Cher compagnon de mon enfance et de mon adolescence ! Comme j’ai aimé caresser tes touches noires et blanches, d’ébène et d’ivoire ! Combien de mélodies simples ou complexes ai-je jouées, grâce à toi, par devoir ou par plaisir ! Que de joies tu mas données quand, mélancolique ou gaie, j’essayais de m’adonner à des improvisations harmonieuses ou discordantes ! Tu dois être ulcéré du sort que je t’ai réservé…Car depuis de nombreuses années, arthrose du poignet oblige, tu restes silencieux. Ton unique rôle consiste, maintenant, à encombrer un coin du salon et à servir de support à de nombreuses photos de famille. J’ai été souvent tentée de me débarrasser de toi en te vendant à quelque brocanteur, mais je n’ai jamais pu franchir le pas. Aussi es-tu toujours là comme un objet sans âme dont mes héritiers se déferont-ou peut-être pas- lorsque j’aurai rejoint le royaume des ombres.
Au nom de nos années de bonheur commun, pardonne-moi, je t’en prie. Je cultive tout de même l’espoir qu’un jour, sous des doigts malhabiles, tu résonneras de nouveau…Adieu, cher piano, adieu !
Ton ingrate amie
Renée



Mon amie
Effectivement je trouve que tu m’as vraiment délaissé depuis longtemps, trop longtemps, et je n’en comprenais pas la raison : avais-je une mauvaise sonorité, est-ce que je ne répondais plus à tes attentes ? D’une certaine façon, me voilà rassuré de ce silence. Mais dis-toi bien que si toi tu ne peux plus caresser mes touches, elles aussi vont finir ankylosées alors nous vieillirons ensemble.
Merci de me garder dans mon coin habituel. Je peux ainsi continuer à partager la vie de la maison ; tu me dis que j’encombre un coin du salon mais je ne peux pas avoir grossi et je ne connais que celui-là ; à qui la faute ? Le jour où tu me prêteras à tes petits enfants, pense à me faire quelques petits soins avant car mes sons ont dû se modifier quelque peu et préviens les que je suis comme toi, à manier et solliciter en douceur. Nous avons passé de très bons moments ensemble et je suis heureux de savoir que tu ne te débarrasseras de moi, enfin le moins rapidement possible.
Continue de me présenter à toute ta famille ; je les supporte en silence mais avec grâce ; ils ne sont pas trop lourds et ils sont très sages.
Ton piano favori


Lucienne et Renée B. en italique, jeu du 19 mars 2007.




Pascale Madame Martin-Debève
Rédigé par Pascale Madame Martin-Debève le 23/04/2007 à 23:14