FRANCOISE C.*

Mini nouvelle : fondée sur un sujet restreint, récit rapide et resserré, cachet oral avec unton d'humour, de tendresse, de tristesse....



Une galette sans partage

Plateau décoré de coquillages, tasse de porcelaine remplie du meilleur café, fromage blanc renversé dans une coupelle moderne, grand verre d'eau de cristal, elle porte le plateau dehors dans la douceur du matin calme. Le régime commence ; quel régime? Une reprise en main qui concerne son poids et son allure, reprise en corps faudrait-il dire...mais il y aurait tant à dire ; et elle a compris qu'il ne faut pas dire mais faire....faire comme il dit, lui, le médecin qui a eu la bonté de sortir son livre en poche pour venir en aide à l'humanité en surcharge pondérale!
Rentrer préparer la galette. Ne pas se poser de question, se souvenir à peine de la difficulté à trouver son de blé et son d'avoine et de cette première fois où elle entra dans une maison de produits de régime, bio s'entend. Compter les cuillères, tout le monde sait compter jusqu'à 2 ; séparer le blanc du jaune et ne garder que le blanc....pensez donc un aliment protide pur, sans une once de glucide ou de ces lipidesque l'organisme n'aura qu'à puiser dans les cellules de son corps. Là, embarras du choix, le temps qu'il choisisse ou butine d'une cuisse à une fesse, parions que quelques grammes de lipide fileront en déchet dans les reins. Donc, le blanc mélangés au sons d'avoine et de blé. Et le jaune, si rond, si brillant, si...appétissant, oeuf de ferme oblige? Le jeter à la poubelle sans état d'âme ; morbleu, il faut savoir ce que l'on veut : penser aux populations affamées qui sont légion ou appliquer au pied de la lettre les préceptes qui vont l'obliger dans quelques semaines à reprendre tous ses pantalons..jusqu'au jour où elle jettera aux orties le 46 pour un 38 certes mal taillé, confection chinoise oblige....Elle l'enfilera sans être obligée de rentrer le ventre, quel ventre d'ailleurs le jour béni où ce scénario ses réalisera. Blanc d'oeuf et une grosse cuillerée de fromage blanc..... à O%, inutile de le rappeler: poseur de principes et demandeur d'obéissance mais ne la prenez pas pour une idiote avec ce genre de précision qui deviendrait indécence si vous insistiez plus que nécessaire. Mélanger, bof, ça ressemble à du plâtre délayé mais ne nous fions pas aux apparences ni aux préjugés ; une galette façon blinis qui cuit dans la poële spécialement réservée à cet effet. Ce matin, facile, elle est seule ; personne ne viendra la lui subtiliser pour préparer un oeuf au plat au beurre ou mieux à la graisse de foie d'oie. Où la cachera-t-elle quand ils arriveront tous, vacanciers joyeux et affamés, ne respectant rien du cadre immuable qu'elle s'est fixé ou plutôt qu'il lui a intimé l'ordre de s'imposer. Cette galette à vie...à vie? Avide comme elle est! Et l'envie de remettre l'ensemble enfoui au fin fond du placard. Voilà, elle le ressortira sous leurs yeux médusés et cachera la poële à sa plce. La galette est cuite, posée sur la coupelle assortie à la tasse. Mais voilà que le café est froid! Pensez donc on ne cuisine pas si vite une première fois. Il faut le jeter et recommencer. Oui, gaspillage, gaspillage de nourriture, gaspillage calorique, gaspillage d'illusions penseront les mauvais esprits.
Et elle, à l'idée de leur clouer le bec, s'en étire d'aise jusqu'aux bouts des doigts. La bague qui lui boudine l'annilaire tombera un jour dans la pâte de la galette. Quel galant l'y trouvera?


Françoise, jeu du 26 mai 2008.




Pascale Madame Martin-Debève
Rédigé par Pascale Madame Martin-Debève le 30/05/2008 à 08:11