RENE

26/06/2007

Lucane : lupin, liquide, urgent, ubiquité, cœur, clapotis, antenne, artiste, nuage, normal, éclair, espace.
Jokers : pluie, son, bleu.





Sortie en montagne

Nous suivons les indications du topo-guide : « en haut du village, emprunter à gauche la route qui plus loin se transforme en chemin carrossable jusqu’au pont sur le Palu. Poursuivre jusqu’à une intersection. etc. ». La ballade s’engage sous de bons auspices : il fait beau malgré quelques nuages qui témoignent de l’épisode orageux de la veille. Quand, j’y pense, je ne peux résister à une digression car le spectacle titanesque des éclairs jaillissant vers l’espace nocturne au dessus des sommets de trois mille mètres s’est imprimée dans ma mémoire. Aucun artiste, aucun metteur en scène ne saurait le réaliser, surtout lorsque la foudre, comme dotée d’un don d’ubiquité, produit simultanément ses feux.

Mais, revenons à nos chaussures. Elles foulent à présent un sentier ombragé qui monte rudement entre deux murets de pierre en longeant des prés aussi pentus que des toits d’église. Nos pas se raccourcissent et notre cœur s’accélère. Nous transpirons bien que nos vêtements chauds aient regagné le sac à dos. Durant ces efforts, je songe aux générations qui, pendant les siècles qui nous précèdent ont vécu dans cette montagne à la fois rude et belle, et qui ont su l’aménager.

Alors que la pente devient plus progressive, nos esprits ressentent bientôt une nécessité qui évolue vers l’urgence : la pose déjeuner. D’ailleurs, nous avons atteint le plateau qui s’étale aux environs de 1400 mètres d’altitude. Nous prenons place sur un petit éperon duquel la vue est sublime : vallées, gave, torrents, routes, villages, bois, prairies, granges, crêtes et pics… et en premier plan, un rocher colonisé par des pieds de joubarde fleurie, qui n’en ont cure.

Pendant que nous mangeons et buvons quelque liquide régénérateur -je ne vous en dirai pas plus pour ne pas vous mettre l’eau à la bouche- toute une faune s’active sous nos yeux. Il y a notamment des fourmis qui n’en perdent pas une miette, même plus grosse qu’elles. Pourtant, elle semblent avoir renoncé à la tête de lucane avec ses énormes mandibules, relief d’un destin déterministe, qui gît près de la pointe de mon bâton. Une fourmi énorme s’en vient, de son côté, explorer ma jambe. Je lui signifie mon désaccord. Elle se laisse alors tomber au sol pour repartir ailleurs comme si de rien n’était ! Puis je suis captivé par le manège d’un insecte volant bariolé, aux ailes multiples et aux antennes chercheuses qui vaque imperturbablement de plante en fleur en s’accommodant des tourbillons de brise !

Il nous faut repartir maintenant que le corps s’est ragaillardit et le pouls normalisé. Nous suivons un chemin qui dessert plusieurs granges réhabilitées en résidences secondaires. Puis traversant au flanc de grandes prairies de fauche, le sentier conduit vers le torrent. L’herbe est luxuriante et parsemée de fleurs Je ne m’étendrai pas sur l’infinie variété de cette flore, il faudrait être un botaniste averti. Cependant, je reconnais des touffes de lupin (à ne pas confondre avec le vulpin ni avec la luzerne lupuline) au milieu des graminées. Il ne m’étonne pas que la viande de ces petits ruminants laineux qui se nourrissent de ce fourrage soit si succulente. Justement voici un troupeau qui parait bien alangui. Quelques bêtes lézardent au soleil sur des rochers en terrasse et daignent à peine manifester que nous les importunons dans leur sieste ovine.

Nous traversons à gué les eaux torrentueuses et bruyantes. Ensuite nous suivons un canal d’irrigation encore en fonction qui gargouille et qui clapote allègrement. Au dessus, des bouleaux colonisent agréablement la pelouse. Des massifs de rhododendrons étalent généreusement leur floraison luxuriante. C’est à présent le retour. Nous arrivons sur une voie qui descend en lacets.

Nous n’allons pas vous infliger cette heure et demi de marche qui devient de plus en plus machinale et fastidieuse mais qui est nécessaire pour achever la sortie et pour que demeurent en nous la satisfaction et le bonheur de l’avoir accomplie. Et partagée.

René pour le 18 juin 2007.




Pascale Madame Martin-Debève
Rédigé par Pascale Madame Martin-Debève le 26/06/2007 à 19:04