RENE

04/06/2007


Vétille : vulnérable, valeur, élégant, épanoui, témoin, triste, incolore, inerte, luxe, larme, liste, louange, esprit, étoile.
Jokers : doux, vert, mais.





Soirée au Cercle.

L’extrémité de la salle faisait fonction de scène et quelques rangées de chaises étaient disposées jusqu’au fond de la pièce.

Les gens arrivaient peu à peu, du voisinage et de plus loin. Dans une atmosphère bon enfant, ils se saluaient, discutaient, allaient et venaient, s’arrêtaient au bar, et s’installaient. Au dehors, la pluie s’abattait dans la nuit. Des éclairs zébraient le ciel. A l’heure du spectacle, les quelques dizaines de courageux et de motivés qui avaient bravé les éléments finirent par occuper et par réchauffer convenablement les lieux. Le spectacle pourrait commencer.

Le groupe qui tenait l’affiche était louangé par les milieux d’initiés, mais il ne bénéficiait pas de ce type de notoriété qui déplace les foules banales. De fait, il se composait de Marilis (c’est son prénom de scène) et de Jean-luc, tous deux auteurs compositeurs interprètes.

Lorsque la lumière s’éteignit, ils apparurent sous l’éclairage des projecteurs. Elle, longiligne, vêtue sans luxe tapageur d’une élégante robe noire, sa longue chevelure de vahiné encadrant les traits fins de son visage de prêtresse inspirée. Lui, tranquille, grand, rassurant, instrument de musique aux bras, comme un barde moderne naturellement imbibé d’une potion magique de musique et de chant.

C’est elle, qui, avec esprit, présentait le spectacle à chaque étape. Elle disait leurs sources d’inspiration, souvent les choses ou des circonstances qui font la valeur de la vie. Dans la liste, il y avait leurs convictions, des histoires de bergers, un message aux personnes en soins palliatifs si vulnérables, un témoignage sur la vie d’une personne chère disparue, et aussi l’histoire d’une vétille qui devient étoile… Ils chantaient ensemble le plus souvent, sinon séparément. Lui assurait en même temps l’accompagnement musical. Il changeait d’instrument selon la chanson.

Il faut essayer de parler de leurs voix. La voix de Marilis, à nulle autre pareille, savait vous envoûter à la fois de son charme et de ses couleurs. Son chant interpellait, parfois, par des ornementations virtuoses quasi-primales. La voix de Jean-luc était chaleureuse et authentique comme sa vallée montagnarde, et, dans les chansons à capella, il la laissait s’épanouir avec mesure vers les sommets.

Dans l’intimité rustique de la salle, accentuée par les poutres apparentes du plafond et par les pierres brutes des murs, chacun captait pleinement la musique, les paroles et les expressions du visage des artistes. C’étaient des moments denses de communion, comme suspendus dans l’espace et le temps. Lorsque l’émotion ou bien la tristesse l’emportait, nul ne fera le compte de larmes discrètes s’avançant à la lisière des paupières. Le moment venu, les spectateurs exprimaient satisfaction, compliments et remerciements par des applaudissements nourris.

Après deux rappels, le spectacle s’acheva par une chanson partagée avec le public. Tout en bavardant encore un moment pour émerger de l’enchantement, il fallut repasser d’un état relatif d’inertie assise à celui de personne debout, puis encore s’arracher de ce Cercle accueillant. Il ne faisait aucun doute que nous avions échappé à une soirée incolore et sans saveur.



René pour le 4 juin 2007.




Pascale Madame Martin-Debève
Rédigé par Pascale Madame Martin-Debève le 04/06/2007 à 21:07