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Rencontres

| L'ATELIER DE MOULAGE DE LA RMN, MET L'ART A L'ŒUVRE

Par Barbara Poirette

Créée en 1794, deux ans après le musée du Louvre, l'Atelier de moulage poursuit sa vocation de diffusion culturelle. S'il continue de fournir aux musées et aux écoles des Beaux-Arts des copies fidèles des chefs-d'œuvre de la statuaire, sa mission c'est élargie au grand public à travers les boutiques de la Réunion des musées nationaux (Rmn) à laquelle il est rattaché depuis 1895. Visite guidée dans un temple où l'œuvre à le sens de l'art et le don d'ubiquité…



La tradition du moulage sur l'original n'a pratiquement pas évolué depuis la prise d'emprunte par la terre glaise. Même l'arrivée du silicone, il y a moins d'une centaine d'année, n'a pas modifié ce savoir-faire ancestral. "Le métier de mouleur statuaire compte parmi les plus vieux métiers du monde. Les tanagras grecs étaient reproduits pour être vendus sur les lieux de culte. De tous temps, les techniques de moulage ont permis de transmettre la connaissance du passé artistique. La Rome antique a propagé les chefs-d'œuvre de la sculpture grecque par des copies en bronze, la Renaissance a multiplié les sculptures antiques…" souligne Françoise Pfiffer, responsable des activités culturelle à la Rmn.
| Ci-dessus. Comparable à un puzzle en volume, le moule à pièces est fabriqué autour de l'original dont il prend l'emprunte en creux. Le moule est assemblé, le coulage opéré puis, pièce par pièce, le mouleur libère l'œuvre. Un soin de chaque instant, ici le temps règne en maître.

Aujourd'hui encore, l'Atelier de moulage perpétue sa tradition d'excellence. Le respect de l'œuvre et le soin apporté à sa reproduction fidèle priment sur toute autre considération. Ici, l'art consiste à reproduire la sculpture en effectuant des empreintes sur les œuvres originales. Point d'interprétation, la créativité des mouleurs statuaires se trouve dans la conception du moule et dans leur capacité à trouver les meilleures lignes de partage.

HISTOIRE DE L'ART


| L'ATELIER DE MOULAGE DE LA RMN, MET L'ART A L'ŒUVRE
Héritier d'une tradition séculaire, l'Atelier de moulage donne matière à l'étude. Le conservateur de musée fera réaliser une copie dont l'exactitude permettra l'étude scientifique. Mais les moulages se prêtent également à l'étude esthétique des écoles des Beaux Arts. "Certaines demandent à ce que les plâtres soient laissés bruts, avec les coutures apparentes" précise Françoise Pfiffer. Ces légers reliefs qui apparaissent entre les différentes pièces du moule, fournissent des repères pour l'étude artistique. Plus connue du grand public, la troisième vocation est commerciale, avec la diffusion de copies en réduction via les boutiques de musées. Chacun peut alors s'offrir la tête de Toutankhamon, le buste de Molière ou de Marie Antoinette, la tête du Bouddha Jayavarman VII, le Grand Cerf de François Pompon, la Négresse Captive de Carpeaux, un bas-relief Baoulé ou les Trois Grâces… "Les boutiques des musées prolongent la mission de diffusion culturelle, mais elles viennent aussi abonder les fonds qui servent à financer l'achat d'œuvres d'art". Vénus de Milo, Victoire de Samothrace, Discobole, Vénus Callipyge… les grandes œuvres sont réalisées à la demande à leur taille d'origine, le plus souvent pour des musées ou des collectivités et parfois pour des particuliers.
| Ci-contre. La Danaïde de Rodin. La réduction en résine patinée effet bronze proposée dans les boutiques de musées est une copie de l'original exposé au Musée du Dr Jean Faure (Aix les Bains). Mais sur demande, elle peut revêtir l'aspect du marbre d'un autre original exécuté par le sculpteur qui en a multiplié les exemplaires, en bronze ou en marbre.

Une diffusion culturelle renforcée par l'heureuse initiative de quelques musées et la commande de copies pour que les aveugles et les mal voyants puissent toucher et découvrir les œuvres. Avec le temps, la protection des œuvres complète le nombre des missions de l'Atelier qui réalise des copies de préservation. Comme cette sculpture de Marie rongée par l'air marin, récupérée par le Louvre et remplacée par une copie en résine chargée de marbre.

DEUX SIECLES DE SAVOIR-FAIRE


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Plusieurs versions d'une même œuvre peuvent co-exister au sein de la collection. Les moules et à fortiori les plus anciens, offrent une copie de l'œuvre à un instant T. L'original peut changer, usure, dégradation, restauration, découverte d'un abatis, les motifs sont nombreux. Le temps lui aussi continue son œuvre ! A ce titre, la collection prend toute sa valeur patrimoniale. Pour chaque œuvre, le moule a arrêté le temps à une ou plusieurs époques. "Une partie des moules avait été entreposée au château de Pierrefonds où ils ont été très abîmés par l'humidité des caves. Parmi ceux que nous avons pu récupérer, beaucoup étaient incomplets. Pour l'un d'eux, nous avons comblé les derniers manques par une prise d'emprunte sur l'original. Une pièce manquante au niveau de la cheville a révélé un décalage de quatre centimètres entre l'emprunte du moule et celle que nous venions de réaliser. Usure due aux intempéries, à la pollution… Ces évènements nous font mesurer toute l'importance des moulages" développe Françoise Pfiffer.
| Ci contre, César. La collection de moules conservée par l'Atelier retrace toute l'histoire de la sculpture, de l'Antiquité à nos jours. Elle illustre l'art de la préhistoire, les Antiquités orientales, égyptiennes, grecques et romaines, étrusques et gallo-romaine. Pour l'époque moderne du Moyen Age au XXe siècle, elle abrite les chefs-d'œuvre des écoles française, italiennes, anglo-saxonnes et d'Europe du Nord.

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Il arrive que l'état de l'œuvre originale ne permette pas la prise d'emprunte. Dans ce cas, elle est numérisée puis reproduite par stéréolithographie. Une solution employée à la copie de Jayavarman VII, roi du Cambodge, dont le grès était devenu trop friable. "Notre rôle est celui de la préservation. Ce compromis permet de ne pas porter atteinte à l'œuvre, mais il n'offre pas une restitution aussi fidèle que la prise d'emprunte. C'est pourquoi nous en limitons l'usage aux œuvres fragilisées par le temps" explique Françoise Pfiffer. Il arrive que l'œuvre ait disparu ou soit irrémédiablement mutilées. C'est une Vierge volée, dont par chance le moulage avait été réalisé l'année précédente et qui n'a été retrouvée que vingt ans plus tard. "Nous avons ici les moulages d'œuvres disparues, volées ou détruites". Premières victimes, les bronzes, coulés au moment des guerres. "Il arrive que nous retrouvions l'étude en plâtre du sculpteur, dans ce cas nous pouvons refaire une fonte" poursuit-elle.
| Ci contre. Un buste original en plâtre confié à l'Atelier par un musée pour la réalisation de plusieurs copies. Le mouleur statuaire se charge de former le moule sur le buste. Il arrive également que l'Atelier soit sollicité pour des restaurations (plâtre, résine ou bronze) ou consulté à titre d'expert.

L'ART EN CREUX


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Dépositaire d'un savoir faire reconnu dans le monde entier, l'Atelier de moulage travaille sur les moules à pièces, moules anciens en plâtre, mais également sur des moules en silicone. "Nous retrouvons des plâtres égyptiens, des moules anciens grecs, qui ont plus de deux mille ans. Malgré l'impression de fragilité, les plâtres se conservent des milliers d'années. En revanche, nous ne savons pas encore quelle sera la longévité des moules en silicone. Cette inconnue nous conforte dans la conservation des moules à pièce, d'autant qu'ils sont parfois le dernier témoin d'une œuvre disparue". Les moules en silicone sont employés aux reproductions en résine qu'il s'agisse des moulages proposés dans les boutiques des musées ou d'œuvres dans leur taille originale, comme ces statuaires reproduites en résine chargée de poudre de marbre pour les jardins de Marly. "La résine résiste à l'extérieur mais ne peut pas être coulée dans un moule ancien" souligne Françoise Pfiffer.
| Ci-contre. Pour Françoise Pfiffer le plâtre touche à la perfection, "il restitue l'état de surface de l'œuvre originale, le grain du grès, le lisse du marbre, aucun détail ne lui échappe". En témoigne indirectement un code des lois, où l'exceptionnelle précision du plâtre permet à l'œil averti de déceler différentes écritures dans la formation des cunéiformes.

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Dans l'atelier, chacun travaille sous le regard des moulages premiers. Molière, Voltaire, Louis XIV, Statue de la Liberté… Galerie de premiers tirages, modèles témoins, précieusement conservés sur les rayonnages. Les grandes figures se croisent au gré des couloirs. Hannibal et César dont les originaux se trouvent au Louvre, mais aussi au jardin des Tuileries sous la forme de copies en ciment pierre. L'Atelier de moulage collabore parfois avec de grands groupes pour explorer de nouveaux matériaux et développer de nouvelles techniques. "Dans ce cas, il nous a fallu travailler sur un moule apte à contenir la pression du béton" précise-t-elle. De César à Moïse, il n'y a qu'un pas. Une copie chargée d'histoire… Ce Moïse colossal nous ramène à la genèse de l'Atelier, à la première mission confiée à quarante mouleurs partis pour refaire des creux (moules). A l'époque, le moule à pièces fut réalisé sur l'original, in situ, en Italie, par l'école du Louvre.
| Ci-contre. Expression de matières, extraits de couleurs, souffle de patine, le nuancier dévoile une partie des patines et finitions dont seront parés les moulages.

Le second atelier s'occupe de la couleur. "Cette étapes révèle les dernières petites imperfections, les irrégularités, c'est à la fois une étape de contrôle et de finition de la pièce". Dernière touche, la finition redonne à chaque pièce son aspect original marbre, plâtre patiné, bois polychrome, grès, bronze, terre vernissée… Dans cet atelier même l'odeur a de la matière. Les finitions simples et unies à l'œil, relèvent d'une savante addition de couleurs, de pigments, pour atteindre la profondeur voulue des teintes et l'expression parfaite de la matière qui sera renforcée par la patine.

QUELQUE PART DANS LE MONDE


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D'espace occupé en gène occasionnée, l'Atelier de moulage a régulièrement été déplacé. En 1927, toutes les collections de moulage de la région parisienne ont été rassemblées au palais de Chaillot, sous l'actuel Centre des monuments français. Et c'est en quittant le Trocadéro, il y a une dizaine d'année, qu'il révèle son exceptionnelle richesse. Cinq mille références, une arche de la statuaire mondiale d'hier à nos jours… "Aux moulages des œuvres conservées au musée du Louvre s'ajoute celles d'autres musées nationaux ou étrangers, mais aussi des pièces dont les originaux se trouvent au Vatican, en Asie, en Egypte… Nous avons découvert six mille moules, là ou nous pensions en trouver deux mille, les premières plaques réalisées à la naissance des écoles françaises d'Athènes et d'Extrême Orient, les plaques d'Angkor Wat… Régulièrement, des moulages estampillés par l'Atelier sont retrouvés dans le monde, à Buenos Aires ou encore un ancien moulage de la Vénus de Milo devant la Cité Interdite" poursuit Françoise Pfiffer. Aujourd'hui encore l'inventaire de la collection continue, aidé par les demandes des particuliers ou des institutions qui, si elles ne trouvent pas de réponse dans le répertoire, fournissent l'occasion d'une recherche dans ce fabuleux trésor qui n'a pas encore livré toutes ses richesses.
|Ci-contre. Si l'atelier entretient des savoirs faire ancestraux, il continue de mener des essais de plâtre, des recherches techniques… Comme ce dos de la Diane de Gaby conservé en décoration, comme une cariatide moderne qui ornerait de sa silhouette incomplète la colonne de l'atelier.

20 Novembre 2007



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