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| PRISUNIC ET LE DESIGN

Par Barbara Poirette


Auteur Anne Bony, aux éditions Alternatives



| PRISUNIC ET LE DESIGN
Après une première collection d'ouvrages dressant le portrait des décennies du siècle dernier à travers la mode, le mobilier, la littérature ou encore le design industriel, Anne Bony reprend actuellement sa plume à remonter le temps pour se consacrer à l'architecture d'intérieur et au mobilier, toujours aux éditions du Regards et toujours au rythme des décennies. C'est donc naturellement que le VIA c'est tourné vers Anne, pour mettre en mot l'aventure Prisunic. Sa connaissance des périodes, des mouvements… faisait d'Anne Bony l'exploratrice idéale pour relater cette épopée remarquable pour le design et la modernité. "De mon coté j'avais vraiment envie de pousser la découverte, de partir à la rencontre de cette fabuleuse expérience et de ses protagonistes". Anne Bony remonte le temps avec nous.

| PRISUNIC ET LE DESIGN
Si Prisunic à disparu du paysage citadin, cet épisode mis en livre et en exposition réanimera le souvenir de ceux qui ont connu et fréquenté l'enseigne et stupéfiera tout ceux qui, trop jeunes pour l'avoir connu, découvrirons son incroyable modernité. Précurseur à l'instar de Ikea en Suède et de Habitat en Angleterre - enseignes alors inconnues du public français - Prisunic va éveiller la France aux lignes contemporaines. En 1967, l'enseigne décide de proposer une ligne de mobiliers contemporains, sur un marché où tout restait à faire. "Il y avait alors des spécialistes de mobiliers tels que RocheBobois qui disposaient d'un petit secteur contemporain avec par exemple des réalisations d'Olivier Mourgue ou Steiner, mais la part du contemporain restait marginale". En l'occurrence, Prisunic prend le pari du contemporain et, chose plus extraordinaire encore, fait appel à des designers réputés pour concevoir ce mobilier exclusif. "Le pari était d'autant plus osé, qu'il était animé et guidé par la philosophie de Prisunic : style, qualité et prix. L'offre devait être accessible, un impératif de prix déterminant dans le mode de fabrication et dans le choix des matériaux… Prisunic visait la démocratisation du meuble contemporain" souligne Anne Bony.

| PRISUNIC ET LE DESIGN
Ressurgit du passé, Prisunic apparait résolument précurseur. Son mobilier comme son sens de l'image se révèlent d'une troublante modernité, dans les lignes certes mais aussi dans des notions de modularité et de mobilité déjà présentes. "L'idée géniale a été de s'appuyer sur un catalogue. Magasin de centre ville, les enseignes manquaient d'espace pour présenter les meubles, d'où l'intérêt des catalogues que Francis Bruguière qualifiait d'ailleurs de surface additionnelle de vente". En l'occurrence, l'enseigne met un soin tout particulier à leur réalisation dans les choix typographique, les photos, la composition. "Une fois encore la démarche détonne dans une époque où les catalogues semblent figés dans le XVIIIe siècle". Denise Fayolle est celle par qui le style s'impose. "Elle a donné l'impulsion moderne et plus contemporaine à Prisunic et quand les meubles sont apparus la stratégie c'est poursuivie avec des designers ultra contemporains et innovants. Denise Fayolle était l'une des premières stylistes et en 1957, c'est elle qui reprend en main tout d'abord la mode, la confection, puis les objets, les packagings, les produits… avec la volonté d'offrir aux consommateurs du beau au prix du laid. Avant même le lancement des catalogues, Prisunic disposait d'une notoriété, d'une reconnaissance d'image très forte".

| PRISUNIC ET LE DESIGN
Le premier catalogue sort en avril 1968… et c'est Terence Conran qui inaugure la liste prestigieuse des designers qui participeront à l'aventure. Au fil des pages, une gamme d'éléments combinables, de systèmes constructifs, se dessine en lignes minimales, avec de la couleur, du rouge, du bleu, mais aussi du bois. L'innovation est de toutes les pages. Au bout de quelques mois et malgré les mouvements estudiantins, l'accueil est relativement positif et l'aventure se poursuit avec un second catalogue et une seconde rencontre : Oliver Mourgue qui imagine un "tapis-siège" pour Prisunic. "A l'époque, proposer au plus grand nombre une typologie de mobiliers telle que celle-ci était très osé. Les bords de ce tapis surélevé se relevaient pour former l'assise, comme une pose de conversation. Si cette typologie de meuble correspondait tout à fait à l'époque, elle restait à installer auprès du public français" poursuit Anne Bony.

Pour son troisième catalogue, Prisunic invite Gae Aulenti, italienne déjà très reconnue dans l'univers du meuble et de l'aménagement intérieur. Elle dessine pour l'enseigne un mobilier de salle à manger. "Précédé par sa réputation, son esprit avant-gardiste et sa recherche d'esthétisme, l'enseigne attire de belles signatures qui apprécient de travailler pour elle". Quatrième designer invité, Marc Held s'illustre avec un extraordinaire système de lit en coque de polyester moulé prolongé d'un chevet intégrant la lumière. Une pièce de mobilier qui séduira notamment Karl Lagerfeld. "A son tour, Jean-Pierre Garrault va imaginer un système de modules en mousse, avec lesquels chacun pouvait aménager son intérieur selon son souhait, avec un revêtement vinyle tout à fait d'époque de même que les couleurs d'ailleurs".
D'autres créateurs de talent suivront, auxquels il faut ajouter les designers du bureau de conception intégré de Prisunic et parmi eux Michel Amont et son système de mobilier en tube et toile ou encore Jeannine Roszé et ses fauteuils et ses banquettes en mousse. "La qualité était remarquable et le travail toujours inscrit dans les contingences de prix et de fonctionnalité".

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Autre forme d'innovation, Prisunic imagine avec Shell un concours de design international centré sur un nouveau matériau : le Carapor. Le jury est constitué de nom prestigieux dont Gae Aulenti, Joe Colombo, Pierre Paulin, Terence Conran ou encore Verner Panton. Plus de mille dossiers sont reçus parmi lesquels le jury retient neuf lauréats. "Deux projets seront mis en production par Prisunic : la chauffeuse relax transformable de Marc Vaidis dont l'ambition était de pallier l'exiguïté des logements par un siège évolutif et léger ainsi que les sièges empilables accompagnés d'une table basse imaginés par Danielle Quarante, dont la réalisation sera finalisée en ABS".

"Le directeur de Prisunic, Jacques Gueden était une personnalité exceptionnelle. Ce haut diplômé en étude commerciale avait le sens de l'art. Une dimension artistique qu'il a su apporter et encourager au sein de Prisunic". Et d'art, il en est justement question dans la collection maison. La démocratisation de l'expression contemporaine allait jusqu'à proposer une suite de gravures. "L'art à prix Prisunic ! Douze lithographies et pointes sèches de grands artistes contemporains : Alechinsky, Matta, Messagier, Lam, Reinhoud ou encore Bram van Velde, signées, numérotées et tirées à trois cent exemplaires étaient vendues au prix unique de 100 francs. Et chaque gravure était accompagnée d'une notice biographique rédigée par François Mathey, alors conservateur du musée des Arts décoratifs".

Prisunic visait la diffusion massive d'un mobilier contemporain de grande qualité, "dans les faits, je pense que les mentalités n'étaient pas totalement prêtes à franchir ce cap en nombre". Francis Bruguière a mené cette bataille pour le meuble contemporain avec Michel Cultru et Yves Cambier. "Pour que cette aventure se réalise pleinement, il aurait fallu appuyer le développement d'une logistique appropriée. Or la direction n'était pas disposée à faire de l'enseigne un Habitat ou un Ikea français. Et c'est dommage. Avec le recul des années, nous réalisons combien l'enseigne était novatrice. Prisunic était précurseur sur l'hexagone et les meubles ont connu un succès populaire" poursuit Anne Bony.

L'équipe finit par quitter Prisunic en 1973 pour développer Habitat en France. L'enseigne anglaise ouvrira sa première boutique à Paris dans le quartier Montparnasse en 76. Puis Ikea s'installera en périphérie des agglomérations. "Prisunic a certainement préparé le terrain, attirant l'attention du public sur des formes et des matériaux différents, et son rôle dans la démocratisation du meuble contemporain est certain". Le développement des supers marchés crée un climat concurrentiel agressif qui ira croissant. Le recul des magasins de centre ville précipitera le recentrage de l'enseigne sur son cœur d'activité et l'abandon du catalogue de meuble. L'aventure touche à sa fin en 1977.

A nouveau réunit pour l'exposition Prisunic et le Design, une aventure unique, qui se tient jusqu'au mois de novembre à la Galerie VIA, Francis Bruguière, Michel Cultru et Yves Cambier n'ont rien perdu de leur enthousiasme. La passion, l'envie et l'énergie sont restées intactes. Quant à Anne Bony, elle retrace cette épopée fantastique et dresse le portrait des multiples facettes du design selon Prisunic dans un ouvrage transgénérationnel fait de rencontres et de styles audacieux ; un ouvrage qui saura toucher tous ceux qui ont connu cette période riche en créativité, d'audace et d'inventivité, mais aussi les plus jeunes qui voyageront d'étonnements en stupéfactions, avant peut être de courir les brocantes design.

Auteur : Anne Bony

Disponible en librairie ou sur le site du VIA - Cliquez ici pour commander sur le site VIA

128 pages
Prix public : 25 €

Éditeur : Alternatives
Parution : septembre 2008
ISBN : 978-2862275796

28 Septembre 2008



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